Prêt entre particuliers : 8 juin 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/02687

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Prêt entre particuliers : 8 juin 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/02687
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8 juin 2023
Cour d’appel de Rennes
RG n°
20/02687

7ème Ch Prud’homale

ARRÊT N°242/2023

N° RG 20/02687 – N° Portalis DBVL-V-B7E-QV2Z

M. [U] [V]

C/

Association IGAM

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 08 JUIN 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère, Faisant fonction de Président

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Hervé KORSEC, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,

GREFFIER :

Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 13 Mars 2023 devant Madame Liliane LE MERLUS, et Madame Isabelle CHARPENTIER, magistrats tenant seuls l’audience en la formation double rapporteur, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

En présence de Madame [O] [F], médiatrice judiciaire

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 08 Juin 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [U] [V]

né le 22 Mars 1963 à [Localité 9]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Comparant en personne, assisté de Me Anne BOIVIN-GOSSELIN,Postulant, avocat au barreau de RENNES

Comparant, assisté de Me TURPIN, Plaidant, avocat au barreau de SAINT MALP

INTIMÉE :

Association IGAM

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Florence LE GAGNE de la SELARL KOVALEX, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC

EXPOSÉ DU LITIGE

L’Association Institut de Gestion et d’Audit des Métiers (IGAM) exerce une activité de gestion et de comptabilité, et emploie plus de 200 (280) salariés répartis entre le siège social à [Localité 8] et les antennes réparties dans plusieurs villes.

M. [U] [V] a été embauché à partir du 1er janvier 1989 par l’association IGAM dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de Conseiller de gestion. Il était affecté à l’antenne de [Localité 7].

Le 1er juillet 1999, M. [V] a été promu au poste de Directeur adjoint de l’antenne de [Localité 7].

Le 1er juillet 2007, l’IGAM a consenti au profit du salarié, en raison de sa profession d’Expert-Comptable, une garantie d’emploi jusqu’à ce qu’il atteigne l’âge où il pourra bénéficier d’une retraite à taux plein.

Le 1er janvier 2014, M. [V] a été nommé Directeur de l’antenne de [Localité 7], la plus importante de l’association IGAM, regroupant quatre bureaux à [Localité 7], [Localité 6], [Localité 5] et [Localité 11].

Le 21 janvier 2016, l’employeur a notifié un avertissement à M.[V] pour non-respect des instructions sur la clôture des comptes 2015 et pour mauvais résultats.

Au début du mois d’octobre 2016, quatre collaborateurs sur les 8 salariés du bureau de [Localité 6] ont présenté leur démission.

Alerté par ces démissions en cascade, le Directeur général de l’association, M. [E], s’est rendu le 11 octobre 2016 sur le site pour échanger sur la motivation des décisions des salariés.

Le lendemain, l’employeur a notifié à M. [V] sa mise à pied à titre conservatoire et l’a convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 21 octobre suivant.

Le 13 octobre 2016, M.[V] a été placé en arrêt de travail pour cause de maladie jusqu’au 27 octobre.

Le 17 octobre 2016, le conseil de M. [V] a sollicité auprès de l’employeur de régulariser une déclaration d’accident du travail, considérant que l’état de santé du salarié résultait du choc psychologique éprouvé lors de l’entretien du 12 octobre avec M.[E].

Le 26 octobre 2016, l’Association IGAM a adressé une déclaration d’accident du travail avec des réserves.

Le salarié, placé en arrêt de travail, a sollicité le report de l’entretien préalable du 21 octobre en raison de son état de santé auquel l’employeur a fait droit.

Compte tenu du refus du salarié de participer à un entretien en présence du Directeur général, l’employeur a adressé le 9 décembre 2016, une quatrième convocation à un entretien préalable à licenciement fixé au 19 décembre 2016.

Le 10 janvier 2017, l’association IGAM a notifié à M. [V] son licenciement pour faute grave aux motifs suivants :

‘ (..) Durant le mois d’octobre 2016(…) le directeur général s’est déplacé au bureau de [Localité 6] à l’effet d’échanger avec les salariés sur la motivation de la démission- concomitante de quatre d’entre eux sur un effectif de 8 -. C’est à cette occasion qu’il a été porté à notre connaissance votre comportement et agissements à l’égard de certains salariés qui sont sous votre autorité managériale directe à savoir :

– des propos déplacés portant notamment sur la tenue vestimentaire des salariés de sexe féminin

– des violences verbales,

– des critiques régulières envers les salariés et de l’association,

– la divulgation d’informations personnelles au mépris du respect de la vie privée des salariés,

– des appels téléphoniques incessants à des collaborateurs sous votre autorité décrits comme assimilables à du harcèlement.

Il ressort des témoignages des autres salariés que votre comportement et vos agissements sont générateurs d’un stress très important et d’une dégradation importante des conditions de travail et particulièrement sur le site de [Localité 6].

Cela a conduit plusieurs de vos collaborateurs à démissionner ou à s’interroger sur leur volonté de rester au sein de l’association IGAM.

C’est en raison de ces faits que nous vous avons notifié une mise à pied à titre conservatoire dès le 12 octobre pour préserver la santé des autres salariés et éviter la réitération de tels agissements dans l’attente de l’entretien préalable.

Lors de l’entretien du 19 décembre, vous nous avez indiqué :

– que les démissions concernent 4 salariés sur les 37, sur lesquels vous exercez votre pouvoir hiérarchique de directeur,

– que votre manière de gérer les salariés serait appréciée par d’autres salariés,

– que vous n’aviez reçu aucune formation sur la manière de diriger des salariés.

Les témoignages recueillis concernent plus que 4 salariés.

(..) D’autre part, en raison de votre absence depuis le 13 octobre 2016, la direction générale a dû assurer la gestion de votre antenne avec ses quatre bureaux de [Localité 7], [Localité 5], [Localité 6] et [Localité 11].

Nous vous rappelons que les directeurs d’antenne disposent au sein de l’association d’une grande autonomie de gestion. (..)

A double titre en tant que directeur d’antenne et salarié autorisé à exercer la profession d’expert-comptable, vous devez assurer la supervision des missions comptables des salariés dont vous assurez l’encadrement (..) Nous avons pu constater que vous n’avez effectué aucune supervision des dossiers dons vous avez la charge.( ..)

D’autre part nous avons constaté des irrégularités dans la tenue des éléments comptables de votre antenne pour l’exercice 2014/2015 qui devaient être régulièrement imputés sur l’exercice 2015/2016, exercice qui a été contrôlé durant le mois de novembre 2016.(..)

Vous avez également comptabilisé 27 000 euros de factures à établir au 30 septembre 2015 qui n’ont pas trouvé de justification dans le dernier exercice.

Ainsi les résultats négatifs de votre antenne ont ainsi été minimisés de plus de 80 000 euros pour l’exercice 2014/2015.

De plus lors du contrôle du budget de votre antenne pour l’exercice 2015/2016 effectué en septembre 2016, nous avons constaté que vous avez volontairement réduit les charges (principalement le poste masse salariale) de l’ordre de 80 000 euros à l’effet de présenter un résultat prévisionnel équilibré étant rappelé que cette antenne présentait un déficit de plus de 90 000 euros pour l’exercice 2014/2015.

En outre, lors du contrôle de vos notes de frais, nous avons constaté que vous avez fait prendre en charge par l’association IGAM la facture d’un camping Le vieux verger situé à [Localité 10] alors que vous étiez en congés.

Nous avons noté un ensemble de frais très importants qui ne nous semble pas en relation directe avec la fonction de directeur d’antenne ( frais de mission, de réception, de déplacement et de téléphone).

Il s’agit de fautes processionnelles inadmissibles au regard de vos fonctions de directeur d’antenne et de salarié autorisé à exercer la profession d’expert comptable inscrit à la suite du tableau de l’Ordre.

Enfin, depuis le début du mois de décembre 2016, nous avons reçu les lettres de démission d’adhérents. A ce jour, cela représente une perte de chiffre d’affaires de l’ordre de 70 000 euros. ( ..) Il nous a été indiqué ( par les adhérents) que vous les aviez contactés pour les informer de la procédure disciplinaire dont vous faites l’objet, et incités à quitter l’association IGAM alors qu’aucune décision n’a été prise à votre égard. Cela traduit à tout le moins un manquement grave à votre obligation de réserve, de loyauté et de respect de la clientèle envers l’association IGAM.(….) La gravité des fautes commises et leurs conséquences nuisent de manière importante à la bonne marche de l’association et rendent impossible votre maintien en tant que salarié.(..)

1 – un comportement anormal envers ses collaborateurs, générateur de stress et de dégradation de leurs conditions de travail,

2 – une absence de supervision des dossiers dont il avait la charge en méconnaissance de ses obligations professionnelles et ordinales,

3 – des irrégularités comptables commises volontairement,

4 – des frais personnels injustifiés,

5 – une incitation auprès des clients de quitter l’IGAM.

M. [V] a saisi le conseil de prud’hommes de Guingamp par requête du 16 juin 2017 afin de voir juger son licenciement irrégulier, sans cause réelle et sérieuse, lui allouer des indemnités conventionnelles de rupture de son contrat de travail, pour irrégularité de la procédure de licenciement, des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en réparation de son préjudice moral, de son préjudice de carrière et pour licenciement vexatoire, obtenir le paiement d’un rappel de salaires pour des heures supplémentaires non réglées (octobre 2007- octobre 2016) ainsi que l’indemnité pour travail dissimulé.

L’Association IGAM a conclu au rejet des demandes du salarié, dont le licenciement pour faute grave est régulier et justifié.

Par jugement en date du 23 mars 2020, le conseil de prud’hommes de Guingamp a :

– Dit et jugé que la procédure de licenciement a été accomplie en conformité des dispositions légales et débouté M.[V] de sa demande d’un mois de salaire à titre de dommages et intérêts pour irrégularité de procédure

– Dit et jugé que les faits ne sont pas prescrits ;

– Dit et jugé que le licenciement est pour cause réelle et sérieuse, que c’est une faute grave, et débouté M.[V] de sa demande de 18 mois de dommages et intérêts ;

– Débouté M.[V] de sa demande au titre du paiement du préavis et des congés payés afférents ;

– Débouté M.[V] de sa demande au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement ;

– Débouté M.[V] de sa demande au titre de la clause contractuelle de 2 ans de salaire en dommages et intérêts supplémentaires ;

– Débouté M.[V] de sa demande au titre de dommages et intérêts pour préjudice moral préjudice de carrière et licenciement vexatoire ;

– Débouté M.[V] de ses demandes au titre de rappels d’heures supplémentaires;

– Débouté M.[V] de sa demande au titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé ;

– Débouté M.[V] de sa demande de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 de code de procédure civile ;

– Condamné M. [V] à payer à l’IGAM la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Débouté M.[V] de ses autres demandes ;

– Condamné M.[V] aux entiers dépens.

M. [V] a interjeté appel de la décision par déclaration au greffe en date du 17 juin 2020.

En l’état de ses dernières conclusions transmises par RPVA le 27 février 2023, M. [V] demande à la cour de :

– Réformer le jugement en ce qu’il a :

‘ Débouté M. [V] de sa demande de dommages et intérêts au titre de l’irrégularité de la procédure de licenciement

‘ Dit les faits reprochés non prescrits

‘ Déclaré le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse

‘ Débouté M.[V] de sa demande de dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse

‘ Débouté Monsieur [V] de sa demande présentée au titre de l’indemnité de préavis et congés payés afférents

‘ Débouté M.[V] de sa demande présentée au titre de l’indemnité de licenciement

‘ Débouté M.[V] de sa demande de dommages et intérêts au titre de la clause de garantie d’emploi

‘ Débouté M.[V] de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral distinct

‘ Débouté M.[V] de ses demandes de rappel d’heures supplémentaires et congés payés afférents

‘ Débouté M.[V] de sa demande de dommages et intérêts au titre du travail dissimulé

‘ Débouté M.[V] de sa demande de dommages et intérêts au titre de l’article 700 du code de procédure civile

‘ Condamné M.[V] au versement d’une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à la prise en charge des entiers dépens.

Statuant à nouveau :

– Condamner l’IGAM à lui payer les sommes suivantes :

– 6 806,40 euros à titre de dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement,

– 122 515 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 20 419,20 euros au titre du préavis et les congés payés de

2 041,92euros,

– 58 943,42 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement;

– 163 353 euros au titre de la clause contractuelle de 2 ans de salaire à titre de dommages et intérêts supplémentaires

– 40 838,40 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral et licenciement vexatoire

– 232 000 euros, à titre de rappel pour les heures supplémentaires effectuées sur la période (octobre 2007- octobre 2012) outre 23 200 euros au titre des congés payés afférents ;

-122 247 euros à titre de rappel pour les heures supplémentaires effectuées d’octobre 2013 à octobre 2016, outre 12 224,70 euros au titre des congés payés afférents

– 40 838,40 euros à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé ;

– 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamner l’IGAM en tous les dépens dont distraction au profit de la SELARL Juris Laboris, représentée par Me Turpin, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

En l’état de ses dernières conclusions transmises par RPVA le 03 mars 2023, l’Association IGAM demande à la cour de :

– Confirmer le jugement en toutes ses dispositions.

– Débouter M. [V] de l’ensemble de ses conclusions,.

Y additant,

– Condamner M.[V] au paiement d’une indemnité de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure ainsi qu’aux entiers dépens.

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 6 mars 2023 avec fixation de l’affaire à l’audience du 13 mars 2023.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l’exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions qu’elles ont déposées et soutenues à l’audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le licenciement pour faute grave

Sur la prescription des faits

M. [V] fait valoir au visa de l’article L 1332-4 du code du travail la prescription des faits qui lui sont reprochés à l’appui de son licenciement du 10 janvier 2017 dans la mesure où l’engagement des poursuites disciplinaires se manifestant par la convocation à entretien préalable du 12 octobre 2016 et sa mise à pied à titre conservatoire a fait courir le délai de prescription de deux mois, que ni la maladie ni l’accident de travail ou le report conventionnel ne pouvaient suspendre; qu’il s’ensuit que la prescription était acquise lors de l’entretien préalable reporté au 19 décembre 2016, soit plus de deux mois après sa mise à pied ; que la jurisprudence invoquée par l’employeur n’est pas adaptée, s’agissant d’un arrêt d’espèce visant la situation d’un salarié ne répondant pas aux convocations.

L’association demande la confirmation du jugement ayant écarté le moyen de la prescription en soutenant avoir reporté l’entretien préalable sur la demande du salarié en raison de son état de santé, que la convocation initiale du 12 octobre 2016 a interrompu le délai de prescription de l’article L 1332-4 et a fait courir un nouveau délai, que la dernière convocation du 9 décembre est intervenue dans le délai de prescription de la convocation initiale.

En vertu de l’article L1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.

La convocation du salarié à l’entretien préalable qui correspond à l’engagement des poursuites disciplinaires, interrompt le délai de prescription et fait repartir un nouveau délai de deux mois de prescription. Le fait que l’employeur reporte, dans ce délai, un nouvel entretien préalable sur la demande expresse du salarié placé en arrêt maladie fait courir un nouveau délai de prescription de deux mois.

En l’espèce, l’employeur a adressé au salarié le 12 octobre 2016 une première convocation à entretien préalable, laquelle a interrompu le délai de prescription prévu par l’article L 1332-4 du code du travail et a fait courir un nouveau délai de deux mois à compter de cette date. Lorsque M.[V], par la voix de son conseil et par courrier recommandé du 18 octobre 2016, a demandé le report de l’entretien en raison de la dégradation de l’état de santé et de son hospitalisation, la nouvelle convocation du 23 novembre 2016 a fait repartir un nouveau délai de prescription des faits fautifs.

C’est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu que les faits reprochés à M.[V] n’étaient pas prescrits au sens de l’article L 1332-4 du code du travail, l’employeur n’ayant eu la connaissance exacte de leur nature et de leur ampleur qu’à partir des révélations faites par des salariés démissionnaires auprès de la Direction générale et confirmées par les attestations délivrées au cours du mois de novembre 2016.

Sur le bien-fondé du licenciement

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Il incombe à l’employeur d’en rapporter la preuve.

Aux termes de la lettre de licenciement pour faute grave du 10 janvier 2017 qui fixe les limites du litige, l’employeur reproche à M. [V] les manquements suivants :

1- un comportement anormal envers ses collaborateurs, générateur de stress et de dégradation de leurs conditions de travail,

2 – une absence de supervision des dossiers en méconnaissance de ses obligations professionnelles et ordinales,

3 – des irrégularités comptables commises volontairement,

4 – des frais personnels injustifiés,

5 – une incitation auprès des clients à quitter l’IGAM.

Les premiers juges ont considéré que, les trois premiers griefs étant avérés, le licenciement du salarié pour faute grave était justifié.

Sur le comportement anormal envers ses collaborateurs, générateur de stress et de dégradation de leurs conditions de travail

L’employeur fait valoir que les salariés se sont plaints lors de la visite de M.[E] dans l’agence de [Localité 6] le 11 octobre 2016 du comportement anormal de leur supérieur hiérarchique, ayant pour effet de dégrader leurs conditions de travail et leur état de santé et se traduisant par :

– une violence verbale à leur égard,

– des critiques régulières envers les salariés et les responsables de l’association,

– la divulgation d’informations personnelles au mépris du respect de la vie privée des salariés,

– des appels téléphoniques incessants et non justifiés par des raisons professionnelles,

– des propos déplacés portant notamment sur la tenue vestimentaire des salariés de sexe féminin.

M.[V] conteste la matérialité des griefs au motif que les attestations ne suffisent pas à établir les actes de harcèlement moral dont la preuve incombe à l’employeur, que l’association dépourvue de CHSCT alors qu’elle devait en avoir un n’a pas diligenté d’enquête contradictoire pour vérifier les allégations des salariés, qu’à aucun moment, les salariés ne se sont plaints du mode de management ou du comportement malveillant de leur Directeur d’antenne lors de leur entretien d’évaluation en 2016 ; que les attestations produites par des salariés l’ont été sous la dictée de l’employeur, sa pression voire la promesse d’une prime, que les faits dénoncés par certains salariés sont imprécis , non datés et déformés; que d’autres salariés témoignent à l’inverse de la courtoisie, de l’humanité de M.[V]; que certains l’ont d’ailleurs rejoint lorsqu’il a crée une nouvelle entreprise Strategis Expertise.

L’association IGAM produit diverses attestations émanant de salariés ayant travaillé au sein des bureaux de [Localité 6] et de [Localité 7] rapportant des incidents en lien avec les agissements répétés du Directeur d’antenne, de nature à générer une ambiance de travail stressante et délétère dans un contexte de surcharge de travail et à provoquer des départs volontaires de plusieurs d’entre eux notamment au cours du mois d’octobre 2016 :

– Mme [M], à propos d’un entretien le 28 septembre 2016 avec M.[V] en lien avec l’absence de la salariée pour la garde de son fils :

‘ l’entretien a rapidement dégénéré, M.[V] me répondant avec véhémence notamment d’être une menteuse, d’être une personne qui ne donne plus envie, de faire mal mon travail. Il m’a par ailleurs dit que je n’avais qu’à l’attaquer pour harcèlement. Il allait demander à M.[E] de choisir entre lui et moi, et que de toute façon, il n’attendait que cela pour être licencié et de rester tranquille chez lui. Très affectée par ces propos et les cris, j’ai demandé à M.[V] d’interrompre l’entretien ce qu’il a refusé. L’entretien a continué pendant près d’une heure(..)’

– Mme [D] comptable à [Localité 6], confirmant l’esclandre du 28 septembre avec Mme [M]’j’ai été témoin de la violence verbale dont peut faire preuve M.[V](..) Nous entendions en bas les éclats de voix de notre directeur. La situation était plus que gênante par rapport à nos clients présents ‘ puisque nous devions couvrir tant bien que mal les hurlements qui venaient de l’étage (..) Cela m’a profondément choquée.(..)’

– Mme [P] comptable à [Localité 6] expliquant qu’il était difficile ‘d’expliquer ce que nous avons vécu car nous l’avons jamais dit à personne (..) ‘ lors d’une réunion de service le 3 décembre 2014 au cours de laquelle M.[V] a humilié une collègue [B] ( [A])- qui avait annoncé sa démission- ‘nous n’avons même pas osé intervenir de peur des conséquences, car quand nous n’allions pas dans son sens, il ne communiquait plus avec la personne qui osait le contredire’, des épisodes au cours desquels il s’est emporté envers elle, au point d’éclater en sanglot devant ses collègues ‘ il m’a appelé en furie, j’en ai pris plein les oreilles’ à propos d’un planning le 14 novembre 2014, à propos d’un changement de bureau en 2015 sur lequel il avait donné un accord verbal de principe sur lequel il est revenu’ il m’a fait un scandale en m’expliquant que je n’avais pas respecté son organisation(..) ; lors d’une réunion le 19 juin 2015 dont il est sorti’en rage folle du bureau’ après nous avoir dit qu’il n’y avait pas de budget pour recruter une intérimaire malgré l’absence de deux collaborateurs; le 7 octobre 2016 ‘ nous avons encore 3 autres démissions dont deux collègues présentes depuis plus de 10 ans et celle de [R] notre expert-comptable. M.[V] n’a pas supporté l’appel téléphonique d'[H] qu’il a menacé. Cela nous a tous refroidis. Le lundi, j’avais une crainte réelle à revenir au bureau de peur de voir M. [V].’ Cette ambiance, à laquelle s’ajoutait une surcharge de travail intense à effectif réduit, est à l’origine le 22 juin 2015, d’un arrêt de travail ‘ je n’en pouvais plus psychologiquement et pleurait sans raison apparente’.

‘Je suis celle qui a le plus travaillé à récupérer les retards occasionnés par les appels incessants de M. [V] à [O] [W] ‘ sa maîtresse’. M.[V] m’a même remerciée lors d’un déjeuner d’avoir compensé par mon travail plusieurs années de communication personnelle.’ Elle mentionne par ailleurs une alcoolisation anormale de M.[V] lors des repas d’affaire.

– la seconde attestation de Mme [P] ( pièce 64) précisant que quand ‘M.[V] venait à [Localité 6], il s’installait dans les bureaux des collaboratrices pour parler de tout sauf des dossiers. Nous devions annuler des rendez-vous clients à la dernière minute sans qu’ils soient annulés sur le planning informatisé’.

– Mme [L], collaboratrice en droit social à [Localité 6] depuis 10 ans ayant démissionné en 2016, confirme que M.[V] émettait en sa présence et ‘dans un long monologue’ des critiques sur ses collaborateurs des autres bureaux et sur les responsables de l’association, citant sans pour les dater des comportements de M.[V] qui l’ont marqués : l” engueulade virulente et audible par l’ensemble des personnes présentes d’une collègue parce qu’elle n’avait pas suivi la procédure pour changer de bureau’, des ‘ collègues en pleurs suite à son appel téléphonique’.

– M.[H] [K] comptable à [Localité 6] qui, dans une attestation datée du 3 novembre 2016, rapporte les propos injurieux et menaçants tenus à son égard le 7 octobre 2016 par M.[V], après lui avoir annoncé sa démission. Il décrit le mode de management de M.[V], qui déléguait de nombreuses tâches à ses collaborateurs sous prétexte de limiter ses déplacements et de son état de santé, ne tenait pas ses engagements envers les salariés et les clients, tentait de monter les collaborateurs les uns contre les autres pour trouver un responsable aux problématiques du moment, diffusait auprès des collaborateurs des informations sur la vie privée des collègues, lançait des remarques déplacées sur les tenues vestimentaires de certaines collègues féminines. Il évoque le harcèlement téléphonique de M.[V] envers des collègues féminines( Mme [P], Mme [C] et Mme [W]) se traduisant par des appels en cascade et chronophages sur la même journée sans problématiques professionnelles, et à l’origine du mal-être des collaboratrices (en larmes).

– Mme [T], assistante comptable ‘ l’état psychologique de certaines collègues m’amène à prendre du temps pour les aider à reprendre le dessus(..)’

L’ambiance quotidienne était ponctuée d’inquiétude et de larmes ‘ en raison du comportement de [U] [V] , ses propos déplacés, les changements de positionnement sur les dossiers et d’humeur.’Elle a recueilli les confidences d’une collègue qui s’était vue demander par M.[V] de ‘s’habiller avec décolletés plus plongeants pour les clients’, et à une autre collègue ‘effondrée’ de porter un certain haut qui lui plaisait pour un rendez-vous clientèle’

– Mme [C], chef de mission à [Localité 6], dans une attestation datée du 20 novembre 2016, explique que ses collègues ont subi une pression morale et des dénigrements de la part de M.[V] surtout lors de l’annonce de leur démission, qualifiés de ‘traitres’ ou ‘de nuls dont l’IGAM allait se passer avec plaisir’. Elle rapporte une ambiance de travail délétère, les discours de M.[V] critiquant les compétences d’un collaborateur en son absence devant ses collègues, des appels téléphoniques incessants sur le téléphone professionnel et sur le portable personnel uniquement de ses collaboratrices avec des propos ‘sympathiques au début d’une conversation et devenir effrayant dans la minute qui suit’, de sorte que chaque appel de sa part générait pour les collaboratrices une source d’angoisse et de stress, des larmes. Les commentaires de M.[V] sur ‘ le physique et les tenues vestimentaires de ses collaboratrices créaient une gêne surtout lorsqu’étaient évoqués les effets positifs que ces derniers pouvaient avoir sur la clientèle masculine’. Il diffusait des informations précises d’ordre privé, notamment sur la santé, de salariés auprès de ses collègues et de clients. Elle confirme qu’en octobre 2016, M.[K] est sorti blême lorsqu’il a annoncé sa démission à M.[V] par téléphone ce qui a provoqué les dénigrements et les menaces de son Directeur. Elle n’a jamais fait part de la situation à la Direction générale par peur des représailles de M.[V].

– la seconde attestation de Mme [C] ( pièce 63) évoquant les journées ‘très allégées’ de M.[V] lors de sa présence au bureau secondaire de [Localité 6], préférant ‘ les bars aux dossiers à traiter’, laissant le soin à ses collaborateurs d’annuler la plupart des rendez-vous inscrits sur son agenda. Il faisait lui-même l’aveu que son temps dans le Finistère était plus de la détente que du travail puisqu’il avait mis en place l’organisation idéale de sorte qu’il n’at rien à faire.

– le témoignage de M.[R] [I], expert comptable depuis 2012, adjoint de M.[V], décrivant la dégradation des relations professionnelles avec le Directeur d’antenne depuis la fin de l’année 2014.

Confronté à des départs de collaborateurs, il refusait de les remplacer ou de prêter main forte à ses équipes, ce qui était source de retard dans l’exécution des missions des collaborateurs et de mécontentement des clients . ‘ Le climat était tendu, les collaborateurs avaient peur. La gestionnaire paie de [Localité 6] était souvent au bord des larmes’. Après des désaccords et des altercations avec M.[V], il a adressé sa démission en octobre 2016.

– le témoignage de Mme [S], ancienne secrétaire comptable licenciée plus de 10 ans auparavant, dénonçant des actes de harcèlement sexuel dont elle aurait été la victime de la part de M.[V], alors son responsable hiérarchique lors d’une soirée organisée avec des prestataires, mais dont elle n’a jamais osé parler par crainte de représailles.

La réalité des agissements imputés à M.[V] résulte des témoignages précis et concordants de plusieurs de ses collaborateurs, témoins directs des accès de colère de M.[V] et des prises à partie de ses salariés en public, des propos critiques tenus devant des salariés concernant leurs collègues en leur absence de nature à semer la zizanie entre eux, des pressions exercées à l’égard de collaboratrices au travers d’appels téléphoniques répétés, longs et injustifiés, un désinvestissement dans ses tâches en refusant de prendre des décisions difficiles ‘ faîtes ce que vous voulez’, de tenir ses promesses en cas de succès, de recruter des intérimaires en période de surcharge de travail et d’absences prolongées (maternité, démission). Certains mentionnent aussi des remarques déplacées à connotation sexuelle sur la tenue vestimentaire de collaboratrices ( M.[K], Mme [C]) et Mme [T] a recueilli les confidences d’une collègue ‘effondrée’ visés par de tels propos. La plupart des salariés évoquent le fait qu’ils n’avaient pas osé jusqu’au 11 octobre 2016, se plaindre auprès de la Direction de la situation par crainte des représailles de leur Responsable d’antenne et qu’ils avaient opté pour la démission.

Contrairement à ce qui est soutenu par le salarié, l’employeur disposait de toute latitude pour mener à bien son enquête interne sur la base des doléances des collaborateurs, prendre les mesures provisoires nécessaires pour préserver les salariés de toute pression durant l’enquête, recueillir les premiers témoignages avant de procéder à l’audition du salarié mis en cause sur les griefs au cours de l’entretien préalable. Le fait que l’enquête n’ait pas été confiée au CHSCT, qui n’existait pas à l’époque, n’a aucune incidence sur la portée des témoignages que l’employeur a pris soin de solliciter par voie d’attestations durant la procédure de licenciement.

Les témoignages produits par M.[V] qui se bornent dans des termes généraux et laconiques à louer les qualités humaines et professionnelles de l’intéressé ne remettent pas en cause la réalité des incidents et des prises à parties violents décrits de manière concordante dans les attestations des salariés, décrivant un climat de stress et de peur des représailles imputé à leur Directeur. Comme le fait observer l’association IGAM, la plupart des attestants en faveur de M.[V] sont des amis proches ou des relations professionnelles extérieures, lesquels n’ont pas cotoyé l’appelant sur le lieu de travail ou travaillé sous ses ordres. Mme [O] [C]-[W], qui admet avoir entretenu une relation personnelle, qualifiée de ‘proche collaboration’ avec M.[V], établit une attestation favorable sur les qualités de son responsable tout en se gardant de contredire les faits décrits par ses collègues de [Localité 6]. Le moyen selon lequel l’association aurait ‘ manoeuvré’ et exercé des pressions pour obtenir des témoignages à l’encontre de son ancien Directeur d’antenne, ne repose que sur l’attestation de Mme [N], comptable affectée à [Localité 7] ayant démissionné en 2017, évoque ‘une incitation pécuniaire’de l’association mais ses allégations contestées par l’employeur ne sont corroborées par aucun élément objectif.

Les témoignages décrivant un mode de management adapté et chaleureux de M.[V] sont incohérents avec les attestations délivrées par les salariés au moment de la mise à pied de M.[V], et réitérées par la suite. Ils sont également en complet décalage avec les démissions en cascade données début octobre 2016 par plusieurs des salariés de l’agence de [Localité 6] que ces derniers ont relié à leur souffrance morale en lien direct avec les agissements répétés et intolérables de leur Directeur d’antenne.

Comme l’ont retenu les premiers juges selon une analyse pertinente, la preuve du premier grief est rapportée par l’employeur.

Sans qu’il soit utile d’examiner le bien fondé des autres griefs, les agissements répétés et le mode de management imputés à M.[V] ayant eu pour effet de dégrader les conditions de travail et l’état de santé de ses collaborateurs, constituent une faute d’une gravité telle qu’elle rendait impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Le licenciement du salarié pour faute grave étant justifié, M.[V] sera débouté de ses demandes financières subséquentes à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’indemnité conventionnelle de licenciement et d’indemnité compensatrice de préavis, le jugement étant confirmé de ces chefs.

Sur les dommages-intérêts pour préjudice moral et licenciement vexatoire

M.[V] présente une demande de dommages-intérêts de 40 838,40 euros en réparation de son préjudice moral et du choc psychologique consécutif à la mise en oeuvre d’une mise à pied brutale et vexatoire, ayant entraîné une dégradation de son état de santé nécessitant une hospitalisation en service psychiatrie pendant 4 semaines, et le suivi d’un traitement antidépresseur.

L’association IGAM conteste toute faute de sa part dans les circonstances entourant la mise à pied à titre conservatoire suivie du licenciement du salarié.

M. [V] évoque, sans plus de précision sur leur teneur, des menaces et des sous-entendus de la part du Directeur général de l’association lors de leur entretien du 12 octobre 2016, et se plaint essentiellement de la mise en oeuvre de la mise à pied à titre conservatoire, très mal ressentie alors qu’il travaillait pour le compte de son employeur depuis près de 30 ans, qu’il lui a été interdit de saluer ses collaborateurs, le directeur général le conduisant lui-même à la porte des locaux et lui ayant demandé la remise des clés des bureaux. Il verse aux débats un arrêt de travail initial prescrit par son médecin traitant entre le 13 octobre et le 27 octobre 2016 pour ‘ souffrances psychologiques’ , des documents médicaux attestant d’une hospitalisation en service spécialisé dès le 17 octobre et un arrêt de travail du 14 novembre 2017 évoquant un épisode dépressif.

La mise à pied à titre conservatoire ne présentant pas en soi un caractère vexatoire dans le cadre d’une procédure disciplinaire, les allégations de M.[V] ne suffisent pas à établir les conditions abusives ou particulièrement stigmatisantes de la mise en oeuvre de sa mise à pied. Il sera en conséquence débouté de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral, par voie de confirmation du jugement.

Sur la demande d’indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement

L’article L 1235-2 du code du travail dans sa rédaction alors applicable met à la charge de l’employeur une indemnité qui ne peut pas être supérieure à un mois de salaire lorsque le licenciement du salarié est intervenu pour une cause réelle et sérieuse sans que la procédure prévue ait été respectée.

M.[V] maintient sa demande d’indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement au motif que M.[G], président de l’association IAM, était assisté de Mme [Z], directrice adjointe dont la présence était destinée à intimider le salarié, entraînant un déséquilibre de l’entretien.

L’employeur justifie la présence de Mme [Z], salariée de l’association, par le fait qu’elle était la plus à même d’apporter des éléments de fait aux côtés de M.[G], très peu présent dans les locaux de l’association et dont la présence se limitait aux conseils d’administration.

C’est à juste titre et pour des motifs que la cour adopte que les premiers juges ont considéré que la procédure de licenciement était régulière et ont rejeté la demande d’indemnité présentée par le salarié en retenant que:

– M.[V] était assisté par un représentant des salariés,

– c’est à la demande expresse du salarié et de son avocat refusant la présence lors de l’entretien préalable de M.[E], Directeur général de l’association, que l’employeur a été représenté par le Président de l’association, M.[G], assisté de Mme [Z], directrice adjointe.

Au demeurant, la présence de Mme [Z] n’a entraîné aucun déséquilibre au préjudice de l’employeur puisque le salarié était lui-même assisté d’un représentant salarié.

Le jugement sera donc confirmé en ce que la demande d’indemnité pour procédure irrégulière a été rejetée.

Sur la clause de garantie d’emploi

La clause de garantie d’emploi figurant dans un avenant au contrat de travail du 1er juillet 2007 de M.[V] lui assurant des dommages-intérêts, en sus des indemnités conventionnelles, équivalents à 24 mois de salaire en cas de rupture du contrat de travail, n’est pas applicable en cas de faute grave.

C’est dont à juste titre que les premiers juges ont écarté la demande de M.[V] à ce titre compte tenu du bien fondé du licenciement prononcé pour faute grave du salarié. La clause de garantie d’emploi ne trouvant pas à s’appliquer en cas de faute grave, M.[V] doit être débouté de sa demande par voie de confirmation du jugement.

Sur les demandes au titre des heures supplémentaires et du travail dissimulé

Les premiers juges ont considéré que:

– la demande en paiement des heures supplémentaires pour la période d’octobre 2007 à octobre 2012 est prescrite et le salarié ne peut pas utilement invoquer le bénéfice d’une reconnaissance de dette de son employeur correspondant à une créance salariale.

– la demande au titre des heures supplémentaires pour la période d’octobre 2013 à octobre 2016 est rejetée compte tenu du statut de cadre dirigeant de M.[V].

M. [V] soutient :

– son employeur a reconnu le principe de sa créance salariale dans un échange de courriers en octobre 2012 mais ne s’en est pas acquitté, de sorte que la somme de 232 000 euros outre les congés payés lui est bien due,

– il ne remplit pas les conditions cumulatives d’un cadre dirigeant en ce qu’il n’était pas libre de son temps de travail, devant passer deux jours par semaine dans le bureau de [Localité 6], qu’il ne disposait pas en tant que de Directeur d’antenne de pouvoirs très étendus, notamment du pouvoir de recrutement ou de licenciement, et devait même rendre compte de dépenses d’un montant limité, par exemple 600 euros pour une location de catamaran.

Subsidiairement, il fait valoir qu’il était considéré comme un cadre soumis à un forfait jours au vu de ses bulletins de salaire, qu’il bénéficiait de jours RTT excluant ainsi le statut de cadre dirigeant.

– il se déplaçait entre les quatre sites dépendant de son antenne et se rendait disponible pour assurer ses rendez-vous à l’extérieur et le soir tardivement.

L’association IGAM fait valoir en réplique :

– sa demande au titre d’un rappel d’heures supplémentaires est prescrite pour la période antérieure au 20 juin 2014, compte tenu de la saisine au 20 juin 2017,

– la demande pour la période postérieure au 20 juin 2014 doit être rejetée en raison du statut de cadre dirigeant du salarié Directeur d’antenne depuis le 1er janvier 2014, participant aux instances décisionnelles de l’association, organisant son temps comme il le souhaitait, prenant des décisions de manière autonome et percevant une rémunération parmi les plus élevées de l’association.

Elle ajoute que les éléments fournis par le salarié ne sont pas sérieux, en ce qu’il a reconstitué a posteriori ses emplois du temps en arrondissant systématiquement ses horaires à 8h30 et ne terminant à 18h30 avec une pause déjeuner d’une heure et demi, ne respectait pas ses rendez-vous qu’il annulait en les conservant sur son agenda, regroupait ses justificatifs mensuels de frais une fois par an malgré les rappels de l’assistante de direction.

Concernant la demande de rappel d’heures supplémentaires pour la période d’octobre 2007 à octobre 2012

Aux termes de l’article L. 3245-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

Selon l’article 21 V de la dite loi, les dispositions réduisant à trois ans le délai de prescription de l’action en paiement de salaire s’appliquent aux prescriptions en cours à compter du 16 juin 2013, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

Il résulte de la combinaison de ces textes qu’à défaut de saisine de la juridiction prud’homale dans les trois années suivant cette date, les dispositions transitoires ne sont pas applicables en sorte que l’action en paiement de créances de salaire nées sous l’empire de la loi ancienne se trouve prescrite.

Le salarié ayant saisi la juridiction prud’homale le 20 juin 2017, les créances nées avant le 16 juin 2013, étaient prescrites, comme l’a retenu à juste titre le Conseil des prud’hommes.

Pour la période d’octobre 2013 à octobre 2016

Le point de départ de la prescription triennale remontant au mieux au 10 janvier 2014, au regard de la date de la rupture du contrat de travail ( 10 janvier 2017), M.[V] est prescrit en sa demande de rappel d’heures supplémentaires pour la période allant d’octobre 2013 à décembre 2013.

Concernant la période de janvier 2014 à octobre 2016, M.[V] a pris les responsabilités à compter du 1er janvier 2014 de Directeur de l’antenne de [Localité 7], regroupant les trois autres bureaux secondaires de [Localité 6], [Localité 5] et [Localité 11]. Son bulletin de salaire fait mention d’une rémunération brute de 6 806.04 euros brut pour 151.67 heures mensuelles mais aussi d’un décompte de jours de RTT.

Selon l’article L3111-2 du code du travail, sont considérés comme cadres dirigeants les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement, ces critères cumulatifs impliquant que seuls relèvent de cette catégorie les cadres participant à la direction de l’entreprise.

Il résulte des pièces produites que :

– M. [V] bénéficiait d’une totale liberté dans l’organisation de son emploi du temps.

Le salarié soutient sans en justifier qu’il était tenu de se rendre deux jours par semaine dans l’agence de [Localité 6] mais ne justifie d’aucune directive en ce sens de la Direction générale. Les salariés de l’agence de [Localité 6] soutiennent que M.[V] annulait de manière régulière les rendez-vous figurant sur son agenda, qu’il était souvent injoignable notamment le vendredi matin lorsque les salariés de [Localité 7] et de [Localité 11] tentaient de le contacter au bureau de [Localité 6] où il était censé se rendre; ‘ de nombreuses fois, il arrivait en fin de matinée pour aller déjeuner avec une collègue, son retour dans l’après-midi était tardif. Il n’était pas forcément en état de travailler et encore moins de recevoir des clients’. ‘ certains rendez-vous extérieurs étaient fixés en soirée, Mme [W] précisant que ces créneaux horaires était désirés afin qu’après ces rendez-vous, ils puissent poursuivre leur relation personnelle.’ M.[K], Mme [P],Mme [C]. )

– le cadre dirigeant s’entend de celui qui, tout en demeurant sous un lien de subordination, participe à la direction de l’entreprise et a le pouvoir de prendre des décisions de manière autonome. Tel est le cas pour M.[V] occupant un poste de Directeur d’antenne, la plus importante de l’association avec 4 bureaux. Le règlement intérieur de l’association (pièce 96) lui confère une autonomie réelle en ce qu’il procède au recrutement des collaborateurs de son antenne, bénéficie par délégation de l’autorité sur eux et assume la gestion décentralisée de son antenne. Le témoignage de M. [Y], directeur de l’antenne IGAM Sud Loire (pièce 97), confirme la grande latitude dans la gestion et l’administration dont bénéficie de fait chaque directeur d’antenne, la Direction générale entérinant les décisions des directeurs en cas de licenciement des collaborateurs. Pour preuve de l’autonomie de M.[V], M.[Y] cite l’exemple d’un conseil d’administration du 3 mars 2015 au cours duquel M.[V] a refusé l’aide proposée par la Direction générale dans la gestion d’un projet immobilier au motif qu’il s’agissant d’une ‘ mise sous tutelle’ de son antenne. La participation du directeur d’antenne chaque mois au Comité de Direction et sa présence régulière au Conseil d’administration de l’association témoignent de l’importance de ses fonctions exercées au sein de la structure associative.

– sa rémunération se situe dans les niveaux les plus élevés de l’entreprise, puisqu’il était le 5 ème salarié parmi les plus payés de l’association sur un effectif de 280 salariés ( 7 597.75 euros en 2016 pièce 61).

Le moyen soulevé par M.[V] selon lequel il était soumis à une convention de forfait est inopérant faute pour le salarié de produire une convention individuelle et l’accord collectif correspondant . Le fait qu’il bénéficiait de jours RTT accordés à titre d’usage par l’employeur ne permet d’en tirer aucune conséquence sur l’existence d’une convention.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé que M. [V] répondait aux critères du cadre dirigeant. En cette qualité, il n’était pas soumis à la législation sur le temps de travail, de sorte qu’il y a lieu de le débouter de sa demande de rappel d’heures supplémentaires et de l’ensemble de ses demandes subséquentes, comprenant la demande d’indemnité pour travail dissimulé, en confirmation du jugement entrepris.

Sur les autres demandes et les dépens

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de l’association IGAM les frais non compris dans les dépens en appel. M.[V] sera condamné à lui payer la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles d’appel, le jugement déféré étant confirmé en ses dispositions relatives de l’article 700 du code de procédure civile

M.[V] qui sera débouté de sa demande d’indemnité de procédure sera condamné aux entiers dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

– Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

et y ajoutant :

– Condamne M.[V] à payer à l’association IGAM la somme de 1 500 euros en cause d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

– Condamne M.Le [V] aux dépens de l’appel.

Le Greffier Le Président

 


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