13 juin 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
22/17173
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-1
ARRÊT AU FOND
DU 13 JUIN 2023
N° 2023/ 203
Rôle N° RG 22/17173 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BKQ3M
[D] [M]
C/
[T] [V]
Association APOGE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Alexandre BOISRAME
Me Paul GUEDJ
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NICE en date du 07 Décembre 2022 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 21/01793.
APPELANTE
[D] [M]
né le 30 Août 1982 à [Localité 4],
demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Alexandre BOISRAME de la SELARL AV AVOCATS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Zineb ABDELLATIF, avocat au barreau d’AMIENS
INTIMES
Monsieur [T] [V],
demeurant [Adresse 3]
Association APOGE Prise en sa qualité de curateur à la curatelle renforçée de
Monsieur [T] [V] par jugement du 11/01/2018 poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié ès qualité au siège social sis
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 002/2023/000591 du 24/03/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE), demeurant [Adresse 2]
Tous deux représentés par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ – MONTERO – DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Maud DAVAL-GUEDJ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, et ayant pour avocat plaidant Me Monica GRASSO, avocat au barreau de NICE
PARTIE(S) INTERVENANTE(S)
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 09 Mai 2023 en audience publique devant la cour composée de :
Monsieur Olivier BRUE, Président
Madame Danielle DEMONT, Conseillère
Madame Louise DE BECHILLON, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Céline LITTERI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Juin 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Juin 2023,
Signé par Monsieur Olivier BRUE, Président et Madame Céline LITTERI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [V] est propriétaire d’une maison sise [Adresse 3] (06).
M. [M] est occupant d’une partie de la maison depuis 2011.
Par reconnaissance de dette en date du 30 octobre 2016, M. [V] a reconnu avoir reçu de M. [M] la somme de 85 000 €, entre le 1er janvier 2011 et le 30 octobre 2016, en avance sur la cession de son bien immobilier au profit de ce dernier à intervenir.
Un projet d’acte authentique de vente, non daté, a été dressé par Me Mallegol qui fait mention de l’absence d’avant contrat et une valeur de la pleine propriété de 280 000 €, un paiement comptant de 30 000 € et le solde par un crédit vendeur remboursé par 11 versements annuels de 10 000 € chacun.
Le projet d’acte a été signé et paraphé par M.[V] et M. [M].
Le notaire a fixé le 20 octobre 2015 une date de signature de l’acte, soit le 3 novembre 2015 à 16h, date à laquelle aucun acte authentique n’a été signé.
Les soeurs de M. [V] ont alerté le notaire de sa fragilité psychologique le 1er mars 2016 et sollicité une mesure de protection.
M. [V] a été placé sous sauvegarde de justice le 20 février 2017, puis sous curatelle renforcée, le 11 janvier 2018.
À l’initiative de l’APOGE, M. [M] qui occupait jusque là les lieux gratuitement et ne participait pas aux frais, a signé un contrat de location d’une partie de la maison (100 m² et trois pièces) le 1er juillet 2018 pour un loyer mensuel de 300 € par mois outre 50 € de charges.
Par ordonnance de référé en date du 25 juin 2019 confirmée par un arrêt du 18 juin 2020, le tribunal d’instance de Menton a constaté que le commandement de payer la somme de 1 332 € visant la clause résolutoire délivré le 17 décembre 2018 par l’association tutélaire pour le majeur protégé était acquise au bailleur, constaté la résiliation du bail, et ordonné l’expulsion de M. [M].
Ce dernier a été condamné en outre à verser une indemnité d’occupation arrétée au 31 mars 2020 ( un arriéré de loyers d’un montant de 3 120 € ayant été réglé avant l’audience)
Un procès-verbal d’expulsion a été dressé le 26 octobre 2020.
Par exploit du 6 mai 2021, M. [M] a assigné M. [V] à titre principal en vente forcée, à titre subsidiaire, en remboursement de la somme de 90 539 € prétée ou au titre très subsidiaire, en répétition de l’indû.
M. [T] [V] et l’association APOGE le représentant ont saisi le juge de la mise en état de conclusions d’incident
Par ordonnance en date du 7 décembre 2022 le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nice a
‘ déclaré nulle l’assignation délivrée le 6 mai 2021 par M. [D] [M] à M. [T] [V] et à l’association APOGE représentant M. [T] [V], sous curatelle renforcée depuis le jugement du 11 janvier 2018 du juge des tutelles du tribunal d’instance de Menton ;
‘ déclaré irrecevable comme prescrite sa demande aux fins de voir condamner M. [T] [V] à régulariser l’acte authentique dans un délai de 2 mois sous astreinte de 500 € par jour de retard ;
‘ dit n’y avoir lieu de statuer sur la fin de non recevoir tirée du défaut de publication de l’assignation en application de l’article 30-5 du décret du 4 janvier 1955 ;
‘ et condamné M. [M] à payer à M. [T] [V] la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Le 23 décembre 2022 M. [D] [M] a relevé appel de cette décision.
Par conclusions du 31 mars 2023 il demande à la cour :
‘ de réformer en toutes ses dispositions l’ordonnance attaquée ;
statuant à nouveau:
‘ de débouter l’association APOGE prise en la personne de son représentant légal, représentant M. [V] sous curatelle renforcée, et M. [V] de l’ensemble de leurs demandes ;
‘ de recevoir M. [M] en son appel ;
‘ de juger régulière l’assignation délivrée le 6 mai 2021 ;
‘ de juger recevable comme prescrite (sic) sa demande aux fins voir condamner M. [V] assisté de l’association APOGE à régulariser l’acte authentique dans un délai de 2 mois sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ;
‘ de le condamner à lui payer la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens avec distraction ;
‘ et sur le fond, de faire droit à ses demandes principales et subsidiaires.
Par conclusions du 1er mars 2023 M. [V] et l’association APOGE, son curateur, demandent à la cour de confirmer l’ordonnance déférée sauf en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu de statuer sur l’irrecevabilité faute de publication, statuant à nouveau de ce chef, de déclarer irrecevable l’action en vente forcée faute de publication, de débouter M. [M] de toutes ses demandes, et de le condamner à payer à M. [V] la somme de 3 000 €, au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La cour renvoie aux écritures précitées pour l’exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties.
Motifs
Sur la nullité de l’assignation
Attendu que M. [M] reproche au juge de la mise en état d’avoir retenu que dans son assignation délivrée le 6 mai 2021, M. [M] se dit domicilié chez M. [V] au [Adresse 3], alors qu’il ne conteste pas qu’au moment de la délivrance de l’assignation, il ne résidait plus à cette adresse depuis de nombreux mois ; qu’il indique vouloir régulariser cette mention et donner sa bonne adresse, mais que force est de constater que dans ses conclusions en défense sur incident signifiées le 8 novembre 2022, il indique toujours cette même fausse adresse ; que comme soutenu, cette fausse adresse est de nature à empêcher l’exécution du jugement à intervenir au fond du litige ; et qu’il convient de déclarer nulle son assignation en application des articles 648 et 54 du code de procédure civile ;
Attendu qu’en effet aux termes de l’article 115 du code de procédure civile, cette nullité formelle est couverte par la régularisation ultérieure de l’acte si aucune forclusion n’est intervenue et si la régularisation ne laisse subsister aucun grief ; qu’il est ainsi possible de régulariser l’indication de l’adresse jusqu’à la clôture, ce qui est le cas d’espèce, M. [M] justifiant par une attestation de contrat EDF à son nom résider [Adresse 1], de sorte qu’aucun grief ne subsiste ;
Attendu qu’il s’ensuit la réformation de l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a déclaré nulle l’assignation délivrée par M. [M] à M. [V] ;
Attendu qu’il en va de même du défaut de publication de l’acte introductif d’instance sollicitant la vente forcée de l’immeuble, la publication conforme aux prescriptions de l »article 30-5 du Décret du janvier 1955 ayant été réalisée postérieurement à l’ordonnance querellée, courant juillet 2022 ;
Sur la prescription de l’action en vente forcée de M. [M]
Attendu qu’aux termes de l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ; que le premier juge a exactement relevé qu’en l’espèce M. [M] a eu connaissance au plus tard au 30 novembre 2015, soit à la date de rendez-vous fixé chez le notaire de ce que M. [V] ne signerait pas l’acte authentique de vente ; qu’il disposait donc d’un délai de 5 ans à compter du 3 novembre 2015 pour l’assigner en vente forcée de son bien immobilier, soit jusqu’au 3 novembre 2020 ; et que l’action en renforcée engagée par l’assignation délivrée le 6 mai 2021, se heurte à la prescription quinquennale ;
Attendu en revanche qu’en ce qui concerne l’action subsidiaire engagée par M. [M] pour avoir paiement de la somme figurant à la reconnaissance de dette du 30 octobre 2016, que cet écrit mentionne que la somme de 85’000 € « devra s’imputer sur le montant de la vente de ma propriété du [Adresse 3]. À défaut de vente de ma propriété à M. [M] je m’engage de rembourser cette somme au plus tard le 30 juin 2018 », de sorte que le remboursement est exigible depuis cette dernière date ; que le délai de recouvrement expirant le 30 juin 2023, l’action subsidiaire engagée le 6 mai 2021 par M. [M] contre M. [V] n’est pas prescrite ;
Attendu que la régularisation étant intervenue tardivement, l’appelant tous devra supporter la charge des dépens de première instance et d’appel ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme l’ordonnance déférée en ce qu’elle a déclaré irrecevable comme prescrite la demande de M. [M] aux fins de voir condamner M. [T] [V] à régulariser l’acte authentique dans un délai de 2 mois sous astreinte,
Infirme l’ordonnance déférée pour le surplus,
Statuant à nouveau,
Rejette la demande de nullité de l’assignation délivrée le 6 mai 2021 par M. [D] [M],
Rejette la fin de non recevoir tirée du défaut de publication de cette assignation,
Condamne M. [M] aux dépens d’appel, et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
Dit n’y avoir lieu de faire application de ce texte.
LE GREFFIER LE PRESIDENT