Prêt entre particuliers : 14 juin 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/00033

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Prêt entre particuliers : 14 juin 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/00033
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14 juin 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
22/00033

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-8

ARRÊT AU FOND

DU 14 JUIN 2023

N° 2023/ 272

N° RG 22/00033

N° Portalis DBVB-V-B7G-BIT7B

S.A.R.L. 3A CUISINES

C/

[Y] [C]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Louis BENSA

Me Chrystelle ARNAULT

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de proximité de CAGNES SUR MER en date du 20 Juillet 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 1121000133.

APPELANTE

S.A.R.L. 3A CUISINES

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 1]

représentée par Me Louis BENSA, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

Madame [Y] [C]

née le 23 Juin 1953 à [Localité 3], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Chrystelle ARNAULT, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Philippe COULANGE, Président

Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère

Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Maria FREDON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Juin 2023.

ARRÊT

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Juin 2023, signé par Monsieur Philippe COULANGE, Président et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE ANTÉRIEURE

Suivant contrat conclu le 16 décembre 2011, la société AMBIANCE TROPIC a cédé à la société 3A CUISINES son droit au bail commercial portant sur des locaux situés [Adresse 1] à [Localité 4], moyennant le prix de 120.000 euros.

L’acte contenait en outre une clause particulière aux termes de laquelle la société 3A CUISINES s’engageait à consentir à Madame [Y] [C], présidente de la société AMBIANCE TROPIC, un avoir de 7.500 euros TTC sur tout achat de meubles de cuisine, hors électroménager, à compter du 1er mars 2013.

Les parties n’ayant pu s’entendre quant aux conditions d’utilisation de cette remise, Madame [C] a fait assigner la société 3A CUISINES à comparaître devant le tribunal d’instance de Nice par acte délivré le 23 juillet 2018, afin de l’entendre condamner à lui payer la somme principale de 7.500 euros, outre des dommages-intérêts pour résistance abusive.

La juridiction initialement saisie s’est déclarée territorialement incompétente au profit du tribunal de proximité de Cagnes-sur-mer.

La défenderesse a invoqué à titre principal une fin de non recevoir tirée de la prescription sur le fondement de l’article 2224 du code civil, en soutenant que l’action aurait dû être introduite avant le 1er mars 2018.

Subsidiairement au fond, elle a conclu au rejet des demandes, faisant valoir que Madame [C] avait voulu utiliser l’avoir en dehors du cadre défini par la convention, ce qu’elle était en droit de refuser. Elle a réclamé reconventionnellement paiement de dommages-intérêts pour abus de procédure.

Dans son jugement rendu le 20 juillet 2021, le tribunal a écarté la fin de non recevoir fondée sur la prescription, en retenant que le projet de protocole d’accord transmis le 28 octobre 2016 par la société 3A CUISINES à Madame [C] contenait reconnaissance du droit de cette dernière, et avait ainsi interrompu le délai pour agir en vertu de l’article 2240 du code civil.

Sur le fond, le premier juge a considéré que la société 3A CUISINES avait utilisé ‘tous les stratagèmes possibles’ pour échapper à son obligation, et l’a condamnée à payer à Madame [C] la somme principale de 7.500 euros majorée des intérêts légaux à compter du 6 octobre 2015, outre 800 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, 800 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens de l’instance.

La société 3A CUISINES, qui a reçu signification de cette décision le 14 décembre 2021, a interjeté appel par déclaration adressée le 3 janvier 2022 au greffe de la cour.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses conclusions notifiées le 31 mars 2022, la société 3A CUISINES réitère à titre principal la fin de non recevoir fondée sur la prescription, considérant que le protocole d’accord qu’elle avait soumis à la partie adverse ne valait pas reconnaissance de son droit.

Sur le fond, elle maintient que Madame [C] n’a pas respecté les conditions prévues par la convention, soit qu’elle ait voulu transférer le bénéfice de l’avoir à un tiers, alors qu’il s’agissait d’un avantage strictement personnel, soit qu’elle ait exigé de le reporter sur d’autres prestations.

Elle demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris, et statuant à nouveau :

– à titre principal, de déclarer l’action irrecevable,

– à titre subsidiaire, de débouter Madame [C] de ses prétentions et de la condamner à lui verser une somme de 1.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

– en tout état de cause, de condamner l’intimée aux entiers dépens ainsi qu’au paiement d’une somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions en réplique notifiées le 23 juin 2022, Madame [Y] [C] approuve le premier juge d’avoir retenu l’interruption du délai de prescription, et ajoute que l’engagement souscrit à son profit n’était assorti d’aucun délai d’exécution.

Sur le fond, elle soutient que l’avoir litigieux doit s’analyser en une reconnaissance de dette, que les devis établis par la société 3A CUISINES avaient été artificiellement gonflés, ce qui caractérisait une exécution de mauvaise foi du contrat, et qu’il n’y a pas eu de sa part une volonté de modifier les termes de l’accord de manière unilatérale et arbitraire.

Elle demande à la cour de confirmer le jugement déféré, sauf à porter le montant des dommages-intérêts à la somme de 1.500 euros et celui de l’indemnité pour frais irrépétibles à 3.000 euros, outre ses dépens d’appel.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 7 mars 2023.

DISCUSSION

Sur la fin de non recevoir tirée de la prescription :

C’est par de justes motifs, adoptés par la cour, que le premier juge a retenu que le projet de protocole d’accord transmis le 28 octobre 2016 par la société 3A CUISINES à Madame [Y] [C], qui prévoyait de reporter le bénéfice de son avoir sur un autre type de commande, valait reconnaissance du droit de cette dernière, et avait donc interrompu le délai de prescription en application de l’article 2240 du code civil.

Sur les demandes principales :

Contrairement à l’argumentation développée par l’intimée, l’avoir litigieux ne s’analyse pas en une reconnaissance de dette, mais procède d’une stipulation pour autrui aux termes de laquelle la société AMBIANCE TROPIC a obtenu de la part de la société 3A CUISINES la concession d’un avantage personnel au profit de Madame [Y] [C].

Si le bénéficiaire d’une telle stipulation est investi d’un droit direct à l’encontre du promettant, il ne peut cependant exiger de celui-ci l’exécution d’une obligation différente de celle déterminée par la convention.

Or en l’espèce, il résulte des pièces produites aux débats que Madame [C], après avoir refusé un devis proposé par la société 3A CUISINES, a demandé que le bénéfice de l’avoir soit transféré au profit de sa cousine Madame [L], puis a souhaité l’utiliser dans le cadre d’une commande de meubles de dressing. Ce faisant, et contrairement à ses dires, elle a bien entendu modifier unilatéralement les termes de l’accord, ce que le promettant était en droit de refuser.

C’est à tort que le premier juge a retenu que le courrier adressé par le gérant de la société 3A CUISINES à Madame [L] valait acceptation, alors que celui-ci indiquait ne pas pouvoir passer la totalité de l’avoir sur son dossier en établissant une fausse déclaration de TVA, un faux bon de commande et une fausse facture, ou en réalisant une vente à perte.

De même, le nouveau devis établi le 11 octobre 2016 pour des meubles de dressing ne valait pas acceptation de toutes les conditions imposées par Madame [C].

Enfin, le tribunal ne pouvait considérer que la société 3A CUISINES avait fait preuve de mauvaise foi dans l’exécution de son obligation, alors qu’elle avait établi initialement le 11 juillet 2014 un devis conforme aux prévisions des parties, dont la simple comparaison avec le devis d’une entreprise concurrente ne permet pas de déduire qu’il aurait été artificiellement gonflé, dans la mesure où il n’est pas établi qu’il s’agirait de prestations de qualité équivalente.

Le jugement entrepris doit être en conséquence infirmé, et Madame [C] déboutée des fins de son action.

Sur la demande reconventionnelle :

Il n’apparaît pas que l’exercice par Madame [C] de son droit d’agir en justice ait dégénéré en abus, de sorte que la société 3A CUISINES doit être déboutée de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts formulée de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré en ce qu’il a rejeté la fin de non recevoir fondée sur la prescription,

L’infirme pour le surplus, et statuant à nouveau :

Déboute Madame [Y] [C] des fins de son action,

Déboute la société 3A CUISINES de sa demande en dommages-intérêts,

Condamne l’intimée aux entiers dépens de première instance et d’appel, ainsi qu’à verser à l’appelante une somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT

 


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