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15 juin 2023
Cour d’appel de Montpellier
RG n°
20/05580
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
4e chambre civile
ARRET DU 15 JUIN 2023
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 20/05580 – N° Portalis DBVK-V-B7E-OZB4
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 16 octobre 2020 – tribunal judiciaire de Béziers
N° RG 20/000051
APPELANTE :
Madame [I] [S]
née le [Date naissance 3] 1970 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Sophie NOEL, substituant Me Fabienne MIGNEN-HERREMAN de la SCP JURISEXCELL, avocats au barreau de BEZIERS, avocat postulant et plaidant
INTIMEE :
S.A. Carrefour Banque
anciennement dénommée Societe des paiements pass (S2P)’ société anonyme à conseil d’administration, inscrite au RCS EVRY sous le numéro 313 811 515, dont le siège social est [Adresse 1]), agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Sandy RAMAHANDRIARIVELO de la SCP RAMAHANDRIARIVELO – DUBOIS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 AVRIL 2023,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Cécile YOUL-PAILHES, Conseillère, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre
Mme Cécile YOUL-PAILHES, Conseillère
Madame Marianne FEBVRE, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Henriane MILOT
ARRET :
– contradictoirement ;
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Henriane MILOT, Greffier.
*
* *
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Selon offre préalable en date du 11 juin 2010, la société Pass, aux droits de laquelle vient la SA Carrefour Banque, a consenti à M. [W] [N] et Mme [I] [S] un prêt personnel d’un montant de 34.000 euros, remboursable selon 84 mensualités, au taux contractuel annuel de 7,43%.
Constatant que des échéances étaient demeurées impayées, l’organisme de crédit a prononcé la déchéance du terme le 12 août 2013.
La société de crédit a assigné les débiteurs en paiement une première fois le 17 mars 2014.
Mme [S] a bénéficié d’un plan conventionnel de surendettement ordonnant un moratoire du 31 mai 2014 au 31 mai 2016.
Par jugement en date du 16 octobre 2020, le tribunal judiciaire de Béziers a :
– déclaré recevable l’action de Carrefour Banque ;
– condamné solidairement M. [N] et Mme [S] à payer à Carrefour Banque la somme de 29 495,35 euros, outre intérêts au taux de 7,43% à compter du 26 avril 2018 s’agissant de M. [N] et Mme [S] ;
– ordonné la capitalisation des intérêts dus depuis au moins une année selon les conditions de l’artic1e 1343-2 du Code civil ;
– rejeté le surplus des demandes des parties ;
– dit n’y avoir lieu à condamnation en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– condamné in solidum M. [N] et Mme [S] aux dépens ;
– ordonné l’exécution provisoire.
Vu la déclaration d’appel de [S] date du 08 décembre 2020,
Vu l’ordonnance de clôture en date du 30 mars 2023,
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 26 février 2021, Mme [S] sollicite qu’il plaise à la cour d’infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau :
* A titre principal et in limine litis :
– constater la forclusion de l’action engagée,
– débouter Carrefour Banque de toutes ses demandes,
* A titre subsidiaire :
– débouter Carrefour Banque de toutes ses demandes,
– prononcer la déchéance du droit aux intérêts afférant au prêt litigieux,
– ramener l’indemnité légale de 8% à néant.
* A titre reconventionnel :
– condamner Carrefour Banque à lui payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour octroi abusif de crédit.
– condamner Carrefour Banque à lui payer la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 26 mai 2021, Carrefour Banque demande à la cour d’infirmer le jugement déféré mais uniquement en ce qu’il a déclaré les moyens et prétentions de Mme [S] recevables et confirmer, pour le surplus, le jugement en toutes ses dispositions,
– prononcer la résiliation judiciaire du contrat de crédit et confirmer en conséquence le jugement déféré par substitution de motifs sur ce point et quant au quantum de la créance arbitrée,
– condamner Mme [S] à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l’article 455 du Code de Procédure Civile.
MOTIFS :
Sur la forclusion :
A titre principal, Mme [S] maintient en appel que l’action de Carrefour Banque n’est pas recevable car forclose. Elle expose qu’en l’état du plan conventionnel de redressement du 31 mai 2014 qui met en place seulement un moratoire sur 24 mois, sans réaménagement ni rééchelonnement, le premier incident de paiement se situant au vu de la mise en demeure en date du 12 août 2013, l’action menée par assignation du 26 avril 2018 est prescrite.
Carrefour Banque sollicite la confirmation de la décision entreprise, sauf à trancher sur les moyens d’irrecevabilité qu’elle oppose sur la prescription de la demande de déchéance du droit aux intérêts du fait d’un manquement au formalisme devant s’appliquer aux offres de prêt et sur la prescription de la demande indemnitaire de Mme [S].
L’article L.311-52 du Code de la consommation, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que « les actions en paiement engagées […] à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion », que « cet événement est caractérisé par :
– le non-paiement des sommes dues à la suite de la résiliation du contrat ou de son terme ;
– ou le premier incident de paiement non régularisé ;
– ou le dépassement non régularisé du montant total du crédit consenti dans le cadre d’un contrat de crédit renouvelable ;
– ou le dépassement, au sens du 11° de l’article L.311-1, non régularisé à l’issue du délai prévu à l’article L.311-47 »,
et que « lorsque les modalités de règlement des échéances impayées ont fait l’objet d’un réaménagement ou d’un rééchelonnement, le point de départ du délai de forclusion est le premier incident non régularisé intervenu après le premier aménagement ou rééchelonnement conclu entre les intéressés ou après adoption du plan conventionnel de redressement prévu à l’article L.331-6 ou après décision de la commission imposant les mesures prévues à l’article L.33l-7 à ou la décision du juge de l’exécution homologuant les mesures prévues à l’article L.331-7-1 ».
Constatant que Mme [S] a bénéficié d’un plan conventionnel avec un moratoire de 24 mois à compter du 31 mai 2014, qui expirait donc le 31 mai 2016 et qu’à cette date elle n’a pas repris les paiements, le premier incident après adoption du plan conventionnel se situe au 31 mai 2016. L’assignation en date des 26 et 27 avril 2018 n’est donc pas forclose. Le moyen est en voie de rejet.
Sur la demande de déchéance du droit aux intérêts :
Subsidiairement, Mme [S] demande que Carrefour Banque soit déchue de son droit aux intérêts. Elle fait valoir que la mise en demeure qui ne donne pas l’indication du prêt concerné ni des échéances impayées alors que certaines ont été honorées, ne peut emporter déchéance du terme, et ajoute que Carrefour Banque ne lui a pas donné l’information pré-contractuelle qu’elle lui devait, ni la notice relative à l’assurance facultative n’a pas été fournie et que les vérifications quant aux revenus et charges du ménage ont été insuffisantes.
A titre infiniment subsidiaire, elle prétend que Carrefour Banque, eu égard aux sommes déjà remboursées pour un montant de 13 060 euros et à la déchéance de son droit aux intérêts, ne peut que lui réclamer la somme de 20 940,05 euros.
> Sur l’exigibilité des sommes dues, outre le fait que Mme [S] ne conteste pas n’avoir contracté qu’un seul emprunt auprès de Carrefour Banque, il est rappelé que l’adoption du plan conventionnel vaut reconnaissance de dette.
Il est par ailleurs justifié que ledit plan faisait suite à des défaillances des emprunteurs dans le remboursement de leur crédit et que Mme [S] n’a pas repris les paiements à la fin du moratoire. Carrefour Banque n’avait donc nullement besoin de se prévaloir d’une mise en demeure préalable pour rendre exigibles les sommes dues en l’état des manquements caractérisés de Mme [S] à ses obligations contractuelles qui ne peuvent que conduire au prononcé de la résolution judiciaire du contrat.
Le moyen étant ainsi rejeté et la résolution judiciaire du contrat étant prononcé, les sommes réclamées sont exigibles.
> S’agissant de l’information pré-contractuelle et de la notice relative à l’assurance facultative, au-delà de la question de la prescription du moyen soulevée par Carrefour Banque, Mme [S] semble se fonder sur des bases légales erronées. En tout état de cause, les dispositions protectrices de la loi Lagarde dont elle paraît se réclamer, ne sont entrées en application qu’en juillet 2010, soit après la conclusion du contrat litigieux en date du 11 juin 2010.
Le moyen sera donc rejeté.
> Sur la vérification de capacités de remboursement des emprunteurs, étant rappelé que ces derniers doivent être de bonne foi s’agissant des informations qu’ils donnent à l’organisme de crédit, il est constaté qu’aux termes de la fiche « point budget », ils ont déclaré que M. [N] avait un revenu de 3 588 euros par mois, que Mme [S] n’avait aucun revenu et que leurs charges étaient de 1 088 euros. Ces déclarations étaient confirmées par les bulletins de salaires de M. [N], qui était le seul à déclarer une activité salariée et l’avis d’impôt 2009 jointes à la demande de crédit. Aucune anomalie n’étant apparente, la banque n’avait pas à pousser plus loin ses vérifications sur les capacités de remboursement des emprunteurs, pas plus qu’elle n’avait à leur refuser un crédit, lequel, du reste, a été remboursé pendant deux ans.
En l’état du rejet des moyens de Mme [S], le jugement dont appel sera confirmé en ce qu’il a fait droit à la demande en paiement de Carrefour Banque et condamné Mme [S] au paiement de la somme de 29 495,35 euros, outre intérêts au taux de 7,43% à compter du 26 avril 2018.
Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts :
A titre reconventionnel, Mme [S] demande que Carrefour Banque, qui a engagé sa responsabilité au titre d’un manquement à son devoir de vigilance en s’informant insuffisamment sur ses capacités à rembourser et lui a ainsi procuré un soutien et un crédit abusifs, lui paie la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts.
L’article 2224 du civil, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. »
Le contrat ayant été formé le 11 mai 2015, la faute commise par Carrefour Banque tiré d’un manquement à son devoir de vigilance en s’informant insuffisamment sur les capacités de remboursement de Mme [S], à la supposer établie, a été commise nécessairement à la date de formation du contrat. Le point de départ de la prescription a donc commencé à courir à cette date.
La demande de dommages-intérêts Mme [S] n’ayant été formée que par conclusions déposées en première instance à l’audience du 20 août 2020, est prescrite et donc irrecevable.
Sur les demandes accessoires :
Succombant à l’action, Mme [S] sera condamnée, en application de l’article 696 du de procédure civile, aux entiers dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition,
CONFIRME le jugement entrepris en ses dispositions telles qu’elles ont été déférées devant la cour d’appel,
DIT que la demande reconventionnelle de dommages-intérêts de Mme [I] [S] est irrecevable comme étant prescrite,
DÉBOUTE Mme [I] [S] de cette demande,
Y ajoutant,
CONDAMNE Mme [I] [S] à payer à la SA Carrefour Banque la somme de mille cinq cents euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
CONDAMNE [I] [S] aux entiers dépens d’appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT