22 juin 2023
Cour d’appel de Rouen
RG n°
22/02736
N° RG 22/02736 – N° Portalis DBV2-V-B7G-JE3Y
COUR D’APPEL DE ROUEN
CH. CIVILE ET COMMERCIALE
ARRET DU 22 JUIN 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
2021J00071
Tribunal de commerce du Havre du 17 juin 2022
APPELANTE :
S.A.S. KRONENBOURG
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée et assistée par Me Sophie LE MASNE DE CHERMONT, avocat au barreau de ROUEN
INTIME :
Monsieur [M] [L]
né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 4]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représenté et assisté par Me Farid KACI de la SCP DPCMK, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 15 mars 2023 sans opposition des avocats devant M. URBANO, Conseiller, rapporteur,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Mme FOUCHER-GROS, Présidente
M. URBANO, Conseiller
Mme MENARD-GOGIBU, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme RIFFAULT, Greffier
DEBATS :
A l’audience publique du 15 mars 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 1er juin 2023 puis prorogée à ce jour.
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 22 juin 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
signé par Madame FOUCHER-GROS, Présidente et par Mme RIFFAULT, Greffière
*
* *
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
La SAS Le Voltaire dont le dirigeant était M. [L], a exploité un fonds de commerce de débit de boissons au [Localité 4] et a souscrit un prêt de 12 720 euros au taux de 6,15% auprès de la banque CIC remboursable en 60 mensualités de 246,80 euros du 20 juin 2014 au 20 juin 2019.
La SAS Kronenbourg s’est portée caution solidaire de ce prêt à l’égard de la banque et M. [L] s’est porté caution solidaire de la SAS Le Voltaire pour la somme maximale de 15 264 euros au profit de la SAS Kronenbourg.
La SAS Le Voltaire ayant été défaillante, la banque a obtenu de la SAS Kronenbourg la somme de 10 586,33 euros le 10 février 2016 et cette dernière a obtenu de M. [L] le paiement de diverses mensualités de 500 euros entre avril 2016 et septembre 2018 pour un total de 6000 euros.
Par jugement du 12 juin 2020, le tribunal de commerce du Havre a prononcé la liquidation judiciaire de la SAS Le Voltaire.
La créance a été déclarée par le mandataire de la SAS Kronenbourg le 22 juin 2020 pour une somme de 7961,07 euros.
Par courriers des 27 septembre 2019 puis 2 décembre 2020, M. [L] a été mis en demeure de payer. La mise en demeure est restée vaine.
Par ordonnance du 19 février 2021, la présidente du tribunal de commerce du Havre a enjoint à M. [L] de payer la somme principale de 4 092,73 euros avec intérêts au taux contractuel de 10,15% à compter du 20 janvier 2016, 409,27 euros au titre de la clause pénale, 2126 euros au titre des intérêts échus ainsi que diverses sommes accessoires.
Par courrier du 14 avril 2021, M. [L] a formé opposition à cette ordonnance.
Par jugement du 17 juin 2022, le tribunal de commerce du Havre a :
– reçu Monsieur [M] [L] en son opposition à l’encontre de l’ordonnance d’injonction de payer rendue par Madame la présidente du tribunal de commerce du Havre en date du 19 février 2021, l’a déclarée bien fondée,
– substitué à ladite ordonnance le jugement suivant :
– déclaré forclose la demande de la société Kronenbourg,
– débouté les parties de leurs autres ou plus amples demandes,
– condamné la société Kronenbourg aux entiers dépens qui comprendront le coût de la présente instance et de l’ordonnance d’injonction de payer, ceux visés à l’article 701 du code de procédure civile étant liquidés à la somme de 84,34 euros et à payer à Monsieur [M] [L] la somme de 2 500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.
La procédure de liquidation judiciaire de la SAS Le Voltaire a été clôturée pour insuffisance d’actif le 22 juillet 2022.
La société Kronenbourg a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 8 août 2022.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 mars 2023.
EXPOSE DES PRETENTIONS
Vu les conclusions du 6 mars 2023, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de la société Kronenbourg qui demande à la cour de :
– déclarer l’appel recevable et bien fondé,
En conséquence :
– infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce du Havre en ce qu’il :
– reçoit Monsieur [M] [L] en son opposition à l’encontre de l’ordonnance d’injonction de payer rendue par Madame la Présidente du tribunal de commerce du Havre en date du 19 février 2021, la déclare bien fondée,
– substitue à ladite ordonnance le jugement suivant :
– déclare forclose la demande de la société Kronenbourg,
– déboute les parties de leurs autres ou plus amples demandes,
– condamne la société Kronenbourg aux entiers dépens qui comprendront le coût de la présente instance et de l’ordonnance d’injonction de payer, ceux visés à l’article 1701 du code de procédure civile étant liquidés à la somme de 84.34€ et à payer à Monsieur [M] [L] la somme de 2 500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau :
– condamner Monsieur [M] [L] au paiement de la somme principale de
4 092,73 euros,
– juger que cette somme portera intérêts au taux conventionnel majoré de 10,15 % l’an à compter du 20 janvier 2016,
– condamner Monsieur [M] [L] au paiement desdits intérêts,
– condamner Monsieur [M] [L] au paiement d’une indemnité forfaitaire conventionnelle de 409,27 euros conformément aux dispositions de l’article 6 du contrat de prêt, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la requête en injonction de payer,
– condamner Monsieur [M] [L] au paiement d’une somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Monsieur [M] [L] aux entiers dépens des procédures de première instance et d’appel.
La SAS Kronenbourg soutient que :
– le tribunal a confondu l’obligation de couverture et l’obligation de règlement en considérant que puisque M. [L] s’était porté caution pour une durée de 60 mois s’achevant au 20 juin 2019, la SAS Kronenbourg était forclose dans sa demande en paiement formée postérieurement à cette date ; la créance de la SAS Kronenbourg à l’égard de M. [L] est née avant le 20 juin 2019 et ce dernier en est demeuré débiteur même après le 20 juin 2019 ;
– aucune forclusion ou prescription ne rend irrecevable l’action en paiement de la SAS Kronenbourg alors qu’elle a réglé une somme en sa qualité de caution le 10 février 2016, que M. [L] a effectué des règlements de 2016 à 2018, que la créance a été déclarée le 22 juin 2020 et qu’une procédure d’injonction de payer a été diligentée par la suite;
– les dispositions sur lesquelles se fonde M. [L] pour soutenir que sa garantie est nulle faute d’indication de date d’engagement n’existaient pas en 2014 et au jour où M. [L] a consenti à donner sa caution, la date de l’engagement ne constituait pas une mention obligatoire de l’acte ;
– par ailleurs, M. [L] étant le dirigeant de la SAS Le Voltaire, il avait une parfaite connaissance de l’étendue et de la durée de son engament de caution ;
– à supposer qu’une nullité de l’engagement soit encourue, M. [L] l’a volontairement exécuté en ayant connaissance du prétendu vice et a renoncé à la soulever ;
– du fait de la défaillance de la M. [L], SAS Kronenbourg a dû régler une somme à la banque que M. [L], en sa qualité de sous-caution, doit régler à son tour ; la SAS Kronenbourg dispose d’un recours direct personnel contre M. [L] qui ne peut lui opposer aucune exception concernant la dette à l’égard de la banque;
– les paiements effectués par M. [L] constituent une reconnaissance de dette ;
– la SAS Kronenbourg dispose en outre d’un recours contre M. [L] fondé sur la subrogation conventionnelle qui lui a été consentie par la banque ;
– le contrat de prêt stipule qu’en cas d’exigibilité anticipée, le solde restant dû à la déchéance du terme le 20 janvier 2016 portera intérêt au taux conventionnel majoré de 4 points, soit 10,15% l’an et qu’en cas de recouvrement par voie judiciaire, une indemnité de 10% du montant principal déclaré sera due ;
– M. [L] ne démontre pas le caractère excessif de la clause pénale ni la disproportion des intérêts.
Vu les conclusions du 3 mars 2023, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de Monsieur [M] [L] qui demande à la cour de :
A titre principal,
– confirmer le jugement déféré,
A titre subsidiaire et en cas de réformation,
– juger que le cautionnement signé par Monsieur [M] [L] envers la société Kronenbourg est nul et de nul effet,
– juger que Monsieur [M] [L] n’est tenu d’aucune obligation de cautionnement envers la société Kronenbourg,
En conséquence,
– condamner la société Kronenbourg à payer à Monsieur [M] [L] la somme de 6000 euros en répétition des sommes indûment versées en exécution de l’acte de cautionnement jugé nul,
A titre infiniment subsidiaire et en cas de réformation,
– juger que les stipulations contractuelles du contrat de prêt conclu entre la banque CIC et la SAS Le Voltaire sont inapplicables à M. [L], tiers au contrat ;
– en conséquence, débouter la SAS Kronenbourg de ses demandes au paiement d’une quelconque somme affectée d’un taux d’intérêt de 10,15% à compter du 20 janvier 2016 ou d’une indemnité de 409,27 euros avec intérêts au taux légal à compter de la requête en injonction de payer ;
Subsidiairement
– réduire à un euro (1 euro) les sommes sollicitées par la société Kronenbourg au titre des intérêts de retard et d’indemnité forfaitaire en cas d’ordre ;
à titre infiniment subsidiaire, sur le seul montant du taux d’intérêt pour exigibilité anticipée du prêt,
– réduire au taux d’intérêt légal le taux des intérêts sollicités par la société Kronenbourg au titre des intérêts dus pour exigibilité anticipée du prêt,
En toute hypothèse,
– débouter la SAS Kronenbourg de l’ensemble de ses demandes ;
– condamner la société Kronenbourg à verser à Monsieur [M] [L], en cause d’appel, la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
M. [L] soutient que :
– il s’est porté caution « pour la durée de 60 mois » et cette stipulation, par application des articles 1156 et 1162 du code civil dans leur version antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016, doit être comprise comme ayant établi un terme à l’obligation de règlement souscrite par la caution ; cette obligation ayant pris fin le 20 juin 2019 et la SAS Kronenbourg l’ayant assigné après cette date, son action était forclose ;
– l’acte de prêt souscrit entre la banque CIC et la SAS Le Voltaire ne comporte aucune date de conclusion pas plus que l’engagement de M. [L] à l’égard de la SAS Kronenbourg ; la mention manuscrite obligatoire de l’article L331-1 du code de la consommation prescrite pour la validité de l’acte ne comporte l’indication d’aucune date de conclusion du prêt ou de l’engagement si bien que M. [L] ne pouvait connaître la portée de son engagement ;
– il ne peut être suppléé à cette carence par les stipulations du contrat de prêt et la nullité de l’engagement de M. [L] doit être prononcée ;
– la SAS Kronenbourg ne démontre pas que M. [L] avait connaissance de l’existence du vice affectant son engagement lorsqu’il a effectué les paiements alors qu’il pensait que son engagement était valablement conclu de sorte qu’aucune renonciation à soulever la nullité de son engagement ne peut lui être opposée ;
– la SAS Kronenbourg déclare être subrogée dans les droits de la banque CIC contre M. [L] de sorte que ce dernier peut lui opposer toutes les exceptions qu’il aurait pu faire valoir contre la banque ;
– les intérêts de retard majorés à 10,15% ainsi que « l’indemnité en cas d’ordre » constituent des clauses pénales et sont sans rapport avec le préjudice allégué par la banque ;
– dès lors que la SAS Kronenbourg déclare agir au titre de son recours personnel contre M. [L], celui-ci est un tiers au contrat de prêt qui ne peut lui être opposé.
MOTIFS DE LA DECISION
Au préalable, la SAS Kronenbourg a sollicité l’infirmation du jugement entrepris en ce qu’il a déclaré l’opposition de M. [L] recevable et a dit que le jugement se substituait à l’ordonnance. Mais à défaut pour l’appelante de solliciter que l’opposition de M. [L] soit déclarée irrecevable ; le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a reçu Monsieur [M] [L] en son opposition à l’encontre de l’ordonnance d’injonction de payer rendue par Madame la présidente du tribunal de commerce du Havre en date du 19 février 2021.
Sur la forclusion opposée à l’action de la SAS Kronenbourg :
L’article 2290 du code civil dans sa version applicable du 24 mars 2006 au 1er janvier 2022 disposait que : « Le cautionnement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur, ni être contracté sous des conditions plus onéreuses.
Il peut être contracté pour une partie de la dette seulement, et sous des conditions moins onéreuses.
Le cautionnement qui excède la dette, ou qui est contracté sous des conditions plus onéreuses, n’est point nul : il est seulement réductible à la mesure de l’obligation ».
L’article 2292 du même code disposait que : « Le cautionnement ne se présume point ; il doit être exprès, et on ne peut pas l’étendre au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté. »
S’agissant de la durée du cautionnement, il y a lieu de distinguer entre l’obligation de couverture qui vise la garantie des dettes nées entre la date de la conclusion de l’acte de caution et son terme et l’obligation de règlement qui concerne la mise en ‘uvre de la garantie après ce terme.
Sauf stipulation contraire ou ambiguïté, l’extinction du sous-cautionnement ne met un terme qu’à l’obligation de couverture de la sous-caution qui ne sera pas tenue des dettes de la caution nées après la date d’extinction. En revanche, après l’extinction du sous-cautionnement, la sous-caution reste tenue de payer les dettes qui sont nées et sont devenues exigibles entre la souscription du sous-cautionnement et son terme.
Par acte sous seing privé non daté mais dont le tableau d’amortissement mentionne que la première mensualité de remboursement était fixée au 20 juin 2014, la banque CIC a consenti à la SAS Le Voltaire, représentée par son dirigeant, M. [L], un prêt de 12 720 euros au taux de 6,15% remboursable en 60 mensualité de 246,80 euros. Ce même acte mentionne que la SAS Kronenbourg est caution solidaire de la SAS Le Voltaire à l’égard de la banque CIC et que M. [M] [L] ainsi que M. [F] [L] sont sous-cautions solidaires pour le compte de la SAS Le Voltaire à l’égard de la SAS Kronenbourg.
L’acte précise enfin que ces cinq parties ont toutes été présentes à l’acte qui a été signé par la banque CIC, les Brasseries Kronenbourg (devenues depuis la SAS Kronenbourg) et la SAS Le Voltaire, M. [M] [L] ainsi que M. [F] [L] ayant signé deux actes de sous-caution figurant à la suite de l’acte de prêt.
M. [L] a rédigé son engagement manuscritement comme suit : « En me portant caution de la société Le Voltaire, dans la limite de la somme de 15 264 euros (quinze mille deux cent soixante quatre euros) couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée limitée à 60 mois (soixante mois), je m’engage à rembourser la brasserie les sommes dues sur mes revenus et mes biens si la société Le Voltaire SAS n’y satisfait pas elle-même ». Cet engagement vise la référence du prêt consenti à la SAS Le Voltaire par la banque CIC mais ne comporte aucune date.
Toutefois, dès lors qu’à l’acte de prêt auquel a participé M. [L] tant en sa qualité de représentant de la SAS Le Voltaire qu’en sa qualité de sous-caution, est annexé un tableau d’amortissement mentionnant que la première échéance de remboursement a été fixée au 20 juin 2014 et la dernière au 20 juin 2019, M. [L] savait pertinemment que sa garantie limitée à soixante mois correspondait exactement aux soixante mois de remboursement du prêt accordé à la SAS Le Voltaire.
La clause qui vient d’être rappelée, qui est claire et précise et n’a pas à être interprétée, a pour seul effet de limiter l’engagement de M. [L] aux dettes de la SAS Kronenbourg nées au titre de la garantie du prêt consenti à la SAS Le Voltaire entre le 20 juin 2014 et le 20 juin 2019 et non d’imposer à la SAS Kronenbourg d’engager contre M. [L] ses poursuites dans le même délai et ce à peine de forclusion.
Sur le délai pour agir de la société Kronenbourg :
La sous caution ne garantit pas la dette du débiteur principal envers le créancier, mais la dette de remboursement du débiteur principal envers la caution qui a payé à sa place le créancier. Ayant payé la banque, la société Kronenbourg dispose à l’encontre de M. [L], en sa qualité de sous-caution d’une action personnelle en exécution de sa garantie. Cette action est soumise, au délai quinquennal de prescription prévu à l’article L110-4 du code de commerce. Ce délai a pour point de départ la date à laquelle la société Kronenbourg a payé la banque soit le 10 février 2016 correspondant à la date de la quittance subrogative en l’absence d’indication de la date à laquelle le paiement a été effectué par la caution. Toutefois, dès lors que la société Kronenbourg, par l’effet de son paiement entre les mains de la banque, créancière principale, est elle-même devenue créancière du débiteur principal, c’est utilement qu’elle fait valoir que la déclaration de créance à laquelle elle a procédé le 22 juin 2020 entre les mains du liquidateur judiciaire de la société Le Voltaire, et qui a été reçue par celui-ci le 6 juillet 2020 a interrompu le délai de prescription, l’effet interruptif s’est prolongé jusqu’à la clôture de la procédure de liquidation judiciaire de la société débitrice.
La procédure collective de la société Le Voltaire ayant été clôturée le 27 juillet 2022, la demande en paiement de la société Kronenbourg faite à M. [L] par la signification le 16 mars 2021 de l’ordonnance portant injonction de payer est recevable.
Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a déclaré forclose la demande de la société Kronenbourg et sa demande sera déclarée recevable.
Sur la nullité du sous-cautionnement de M. [L] :
Au 20 juin 2014, date d’effet du prêt et du sous-cautionnement consenti par M. [L], l’article L341-2 du code de la consommation disposait que : « Toute personne physique qui s’engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : « En me portant caution de X…, dans la limite de la somme de … couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de …, je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X… n’y satisfait pas lui-même. » ».
La mention manuscrite apposée par M. [L] sur son acte de sous-cautionnement correspond aux dispositions d’ordre public de ce texte. L’omission de la date de l’engagement et de la date de la souscription du prêt ne sont pas sanctionnées par la nullité de l’engagement de caution.
Par ailleurs, il a déjà été dit que M. [L] savait pertinemment, du fait de sa participation à l’acte de prêt en ses qualités de dirigeant de l’emprunteur et de sous-caution, que sa garantie limitée à soixante mois correspondait exactement aux soixante mois de remboursement du prêt accordé à la SAS Le Voltaire entre le 20 juin 2014 et le 20 juin 2019.
Il s’ensuit que M. [L] savait en signant la garantie qui lui était demandée quelle était la date à laquelle il ne serait plus tenu de couvrir les dettes de la SAS Kronenbourg.
M. [L] sera débouté de sa demande tendant à prononcer la nullité de l’acte de sous-caution et de celle portant sur la répétition de la somme de 6000 euros qu’il a réglée à la SAS Kronenbourg.
Sur les sommes réclamées par la SAS Kronenbourg :
L’article 1236 du code civil dans sa version applicable jusqu’au 1er octobre 2016 disposait que « Une obligation peut être acquittée par toute personne qui y est intéressée, telle qu’un coobligé ou une caution.
L’obligation peut même être acquittée par un tiers qui n’y est point intéressé, pourvu que ce tiers agisse au nom et en l’acquit du débiteur, ou que, s’il agit en son nom propre, il ne soit pas subrogé aux droits du créancier. »
L’article 2305 du code civil dans sa version applicable du 24 mars 2006 au 01 janvier 2022 disposait que « La caution qui a payé a son recours contre le débiteur principal, soit que le cautionnement ait été donné au su ou à l’insu du débiteur.
Ce recours a lieu tant pour le principal que pour les intérêts et les frais ; néanmoins la caution n’a de recours que pour les frais par elle faits depuis qu’elle a dénoncé au débiteur principal les poursuites dirigées contre elle.
Elle a aussi recours pour les dommages et intérêts, s’il y a lieu. »
L’article 2306 du même code disposait que « La caution qui a payé la dette est subrogée à tous les droits qu’avait le créancier contre le débiteur. »
La SAS Kronenbourg déclare agir à titre principal sur le fondement de son recours personnel prévu par l’article 2305 du code civil et, à titre subsidiaire, sur le fondement de la subrogation conventionnelle qui lui a été consentie par la banque CIC.
Ainsi qu’il a été exposé plus haut, la sous-caution ne garantit pas la dette du débiteur principal envers le créancier, mais la dette de remboursement du débiteur principal envers la caution qui a payé le créancier à sa place.
L’article 2035 ne prévoyant qu’un recours personnel pouvant s’exercer contre le seul débiteur principal, la caution qui a payé le créancier devient créancière du débiteur principal et dispose contre la sous-caution, garante des engagements de ce dernier, d’une action personnelle en exécution de sa garantie fondée sur les dispositions de l’article 1236 du code civil dans sa version applicable aux faits de l’espèce
Il s’ensuit que la SAS Kronenbourg qui s’est acquittée de la dette garantie n’a pas vocation à être subrogée dans tous les droits et actions de la banque CIC, que M. [L] n’est pas tenu envers la SAS Kronenbourg des mêmes obligations qu’envers la banque CIC et qu’il n’est dès lors pas redevable des intérêts conventionnels, majorés ou pas, pas plus que des clauses pénales et la SAS Kronenbourg n’est fondée à réclamer à la sous-caution que les intérêts au taux légal à compter de son paiement.
La SAS Kronenbourg verse aux débats une quittance subrogative du 10 février 2016 qui lui a été délivrée par la banque CIC pour la somme de 246,80 x 6 = 1 480,80 euros au titre des mensualités échues impayées et pour la somme de 9105,53 euros au titre du capital restant dû au 20 janvier 2016.
Elle produit également sa déclaration de créance reçue le 6 juillet 2020 par le liquidateur de la SAS Le Voltaire pour la somme de 10 092,73 euros correspondant au capital restant dû de 9105,53 euros ainsi qu’à quatre mensualités impayées pour la somme de
987,20 euros étant observé que cette déclaration de créance ne produit aucun effet à l’égard de M. [L].
Il est constant que M. [L] a réglé la somme t otale de 6000 euros entre le 6 avril 2016 et le 10 septembre 2018 à la SAS Kronenbourg.
La cour constate que M. [L] n’élève aucune contestation sur le chiffre avancé par la SAS Kronenbourg de 10 092,73 ‘ 6 000 = 4 092,73 euros.
Il sera condamné au paiement de cette somme principale avec intérêts au taux légal à compter du 10 février 2016 et la SAS Kronenbourg sera déboutée de ses demandes portant sur le taux conventionnel majoré et sur le paiement de l’indemnité forfaitaire.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire ;
Infirme le jugement du tribunal de commerce du Havre du 17 juin 2022 sauf en ce qu’il a reçu Monsieur [M] [L] en son opposition à l’encontre de l’ordonnance d’injonction de payer rendue par Madame la présidente du tribunal de commerce du Havre en date du 19 février 2021 ;
Statuant à nouveau :
Substitue à cette ordonnance le présent arrêt ;
Déclare recevable l’action diligentée par la SAS Kronenbourg contre M. [L] ;
Déboute M. [L] de sa demande tendant à prononcer la nullité de l’acte de sous-caution et de celle portant sur la répétition de la somme de 6000 euros qu’il a réglée à la SAS Kronenbourg.
Condamne M. [L] à payer à la SAS Kronenbourg la somme de 4092,73 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 février 2016
Déboute la SAS Kronenbourg de ses demandes portant sur le taux conventionnel majoré et sur le paiement de l’indemnité forfaitaire ;
Y ajoutant :
Condamne M. [L] aux dépens de la procédure d’injonction de payer, de première instance et d’appel ;
Condamne M. [L] à payer à la SAS Kronenbourg la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La greffière, La présidente,