Droits des héritiers : 1 mars 2023 Cour d’appel de Basse-Terre RG n° 18/01609

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Droits des héritiers : 1 mars 2023 Cour d’appel de Basse-Terre RG n° 18/01609
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1 mars 2023
Cour d’appel de Basse-Terre
RG n°
18/01609

COUR D’APPEL DE BASSE-TERRE

2ème CHAMBRE CIVILE

ARRÊT

N° 109 DU 01 MARS 2023

N° RG 18/01609

N° Portalis DBV7-V-B7C-DBIN

Décision déférée à la cour : jugement du tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre en date du 7 septembre 2018, dans une instance enregistrée sous le n° 2017003211.

APPELANTE :

S.A.R.L. [F] et Fils

[Adresse 14]

[Localité 12]

Représentée par Me Simon Relut, avocat au barreau de Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélémy.

INTIMES :

Monsieur [A] [F]

[Adresse 13]

[Localité 12]

Représenté par Me Caroline Valere-Landais, avocate au barreau de Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélémy.

Monsieur [R] [F]

[Adresse 13]

[Localité 12]

Représenté par Me Caroline Valere-Landais, avocate au barreau de Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélémy.

INTERVENANTS VOLONTAIRES :

Madame [J] [M] [P] veuve [F], ès qualités de co-héritière de feu M. [I] [X] [F] , décédé

[Adresse 14]

[Localité 12]

Madame [C] [O] [F] , ès qualités de co-héritière de feu M. [I] [X] [F], décédé

[Adresse 14]

[Localité 12]

Monsieur [XT] [V] [F], ès qualités de co-héritier de feu M. [I] [X] [F], décédé

[Adresse 14]

[Localité 12]

Madame [E] [H] [U], ès qualités de représentante légale de sa fille mineure [Z] [JM] [F], cette dernière étant co-héritière de feu M. [I] [X] [F], décédé

[Adresse 1]

[Localité 5]

Ayant tous pour avocat Me Maryse Rugard-Marie, de la SELARL Maryse Rugard-Marie Avocat ‘MRM’, avocate au barreau de Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélémy.

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 14 novembre 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Frank Robail, président de chambre

Madame Annabelle Clédat, conseillère,

Monsieur Thomas Habu Groud, conseiller

qui en ont délibéré.

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait rendu le 16 janvier 2023, puis, sur prorogations successives dont elles ont été informées par RPVA, le 1er mars 2023.

GREFFIER lors des débats et du prononcé : Mme Armélida Rayapin, greffier.

ARRÊT :

– Contradictoire et mixte, au fond et avant-dire-droit, prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

– Signé par Monsieur Frank Robail, président de chambre et par Mme Armélida Rayapin, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La SARL [F] ET FILS a été créée suivant statuts conclus et signés le 14 janvier 1986 à [Localité 12], entre M. [X] [G] [F] (père des 3 suivants), M. [I] [X] [N] [F], M. [R] [D] [F] et M. Joseph [L] [F], à raison respectivement de 52 des 100 parts sociales composant le capital social et 16 parts pour chacun de ces trois derniers ;

L’objet social était ‘la création, l’acquisition, l’exploitation de tous fonds de commerce et notamment entreprise de transport par véhicules automobiles, pompes funèbres, boucherie’, mais la réelle activité de la société était celle du transport de personnes et de pompes funèbres ;

La gérance en a été confiée à M. [I] [F] ;

Le fondateur en la personne de [X] [G] [F] est décédé en 2006;

Courant 2014, M. [I] [F] a notifié à ses deux frères [R] et [A] [F], un acte sous seing privé fait à [Localité 12] le samedi 12 novembre 2005 par lequel M. [X] [F], né le [Date naissance 4] 1919, lui a cédé ses 52 parts sociales moyennant le prix de 3 963,44 euros ;

Sur demande de MM [A] [F] et [R] [F], le juge des référés du tribunal de grande instance de POINTE-A-PITRE, par ordonnance du 27 février 2015, a ordonné une mesure d’expertise des comptes sociaux des exercices clos les 31 décembre 2010, 2011, 2012 et 2013 et commis pour y procéder l’expert [S] [B] qui a déposé rapport définitif de ses opérations le 21 mars 2016 ;

Sa mission était précisément celle-ci :

– dire si les comptes de ces exercices étaient réguliers, sincères, conformes et véritables,

– dire quelles rectifications devaient le cas échéant y être apportées,

– déterminer l’impact des rectifications proposées sur les résultats de la société, sur ses capitaux propres et sur la quote-part de résultat devant revenir à chaque associé,

– dire si ces investigations devaient être élargies aux exercices précédents,

– vérifier les conditions de prise en charge financière et d’assurance des véhicules suivants : TOYOTA n° [Immatriculation 9], CHEVROLET BREAK n° [Immatriculation 7], SKODA FABIA n° [Immatriculation 10], CITROEN DS5 n° [Immatriculation 11] et SUSUKI (moto) n° [Immatriculation 8],

– rechercher si, au cours de ces exercices, d’autres dépenses n’ayant aucun lien avec l’activité de la société ont été engagées,

– vérifier, pour les mêmes exercices, le montant des rémunérations directes ou indirectes perçues par le gérant,

– vérifier l’existence des documents sociaux obligatoires et de leurs mises à jour ;

Sur la base du rapport d’expertise définitif, et par actes d’huissier de justice séparés du 16 novembre 2017, MM. [A] [L] [F] et [R] [D] [F] ont fait appeler la SARL [F] ET FILS et M. [I] [X] [N] [F], son gérant, devant le tribunal mixte de commerce de POINTE-A-PITRE à l’effet de voir, au visa de l’article 223-25 du code de commerce et du rapport d’expertise de M. [B]:

– constater les nombreux manquements et irrégularités affectant les comptes et les violations des droits des associés confirmés par ledit rapport d’expertise,

– constater que les écarts de résultats déclarés par le gérant au titre des exercices 2010 à 2013 sont les suivants : 246 609 euros sur l’exercice 2010, 177 322 euros sur 2011, 190 258 euros sur 2012 et 165 392 euros sur 2013,

– condamner M. [I] [F] ‘à devoir’ reconstituer les capitaux propres de la société comme suit :

** en créditant le compte REPORT A NOUVEAU du cumul des résultats nets (779 581 euros) et en débitant dans le même temps le compte courant du gérant du même montant,

** en débitant le compte REPORT A NOUVEAU de la somme de 81 429 euros représentant le montant des pertes fiscales débitées par M. [I] [F] seul et en créditant son compte courant du même montant,

– affecter les résultats reconstitués dans les proportions suivantes : 111 704 euros pour MM [I] [F], [A] [F] et [R] [F], chacun, et 363 039 euros pour les ‘héritiers [X] [F]’,

– condamner M. [I] [F] ‘à devoir’ rembourser à la SARL [F] & FILS :

** les frais d’assurances de ses véhicules personnels,

** le montant des rémunérations qu’il a prises sans autorisation ni vote, et qui s’élèvent pour les exercices 2010 à 2012 à la somme de 113 500 euros,

– prononcer la révocation judiciaire de M. [I] [F] de ses fonctions de gérant de la société [F] & FILS au regard de l’ensemble des faits dénoncés,

– condamner M. [I] [F] aux entiers dépens, y compris les frais d’expertise judiciaire, ‘ainsi qu’à devoir verser’ à chacun des requérants la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du ‘Nouveau Code de Procédure Civile’ ;

En réponse à cette assignation, M. [I] [F] et la SARL [F] & FILS ont contesté le bien fondé des conclusions de l’expert judiciaire et sollicité une nouvelle expertise ;

Par jugement contradictoire du 7 septembre 2018, le tribunal mixte de commerce de POINTE-A-PITRE :

– a rejeté la demande de nouvelle expertise,

– a dit que M. [I] [F], en tant que gérant de la SARL [F] & FILS, a commis des infractions aux dispositions législatives et réglementaires applicables aux sociétés à responsabilité limitée, des fautes de gestion et des violations des statuts qui engagent sa responsabilité,

– a condamné M. [I] [F] à rembourser à la SARL [F] ET FILS les frais d’assurance de ses véhicules personnels TOYOTA n° [Immatriculation 9], CHEVROLET BREAK n° [Immatriculation 7], SKODA FABIA n° [Immatriculation 10], et SUSUKI (moto) n° [Immatriculation 8] pour les années 2010 à 2013,

– a condamné M. [I] [F], en tant que gérant de la SARL [F] & FILS :

** à créditer le compte Report à nouveau du cumul des résultats nets pour les années 2010 à 2013 (soit 779.581 euros) et à débiter dans le même temps le compte courant du même montant,

** à débiter le compte report à nouveau de la somme de 81.429 euros et de créditer son compte courant du même montant,

– a rejeté la demande d’affecter les résultats,

– a condamné M. [I] [F] à rembourser à la SARL [F] & FILS le montant des rémunérations qu’il a perçues pour les exercices 2010 à 2012 qui s’élève à la somme de 113.500 euros,

– a ordonné la révocation judiciaire de M. [I] [F] de ses fonctions de gérant de la société [F] & FILS,

– a condamné M. [I] [F] à verser aux demandeurs la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens comprenant les frais d’expertise judiciaire,

– et a rejeté les autres demandes des parties ;

Le jugement a été signifié à M. [I] [F] et à la SARL [F] & FILS par actes d’huissier du 19 novembre 2018 ;

DECLARATIONS D’APPEL

1°/ Par déclaration au greffe par voie électronique (RPVA) du 12 décembre 2018, la SARL [F] & FILS, alors représentée par son gérant M. [I] [F], a interjeté appel de ce jugement en intimant MM. [A] et [R] [F] et en limitant son appel aux chefs de jugement par lesquels le tribunal mixte de commerce :

– a, ‘dans (sa) motivation’, dit que le litige doit être tranché au vu du rapport d’expertise comptable du 21 mars 2016,

– a, ‘dans le dispositif du jugement’ dit que le cumul des résultats nets de la SARL [F] & FILS pour les années 2010 à 2013 s’élève à la somme de 779.581 euros,

– a rejeté la demande de nouvelle expertise comptable de ladite société;

Cet appel a été enregistré sous le numéro 18/1609 du répertoire général (RG) et a été orienté à la mise en état ;

MM [A] et [R] [F] ont constitué avocat par RPVA le 21 janvier 2019 ;

2°/ Par déclaration remise au greffe par RPVA le 17 décembre 2018, M. [I] [F], a lui-même relevé appel, en son nom personnel, du jugement du 7 septembre 2018, y intimant MM [A] [F], M. [R] [F] et la société [F] & FILS et y limitant expressément cet appel aux chefs de jugement par lesquels le tribunal :

– a dit que M. [I] [F], en tant que gérant de la SARL [F] & FILS, a commis des infractions aux dispositions législatives et réglementaires applicables aux sociétés à responsabilité limitée, des fautes de gestion et des violations des statuts qui engagent sa responsabilité,

– a condamné M. [I] [F] à rembourser à la SARL [F] ET FILS les frais d’assurance de ses véhicules personnels TOYOTA n° [Immatriculation 9], CHEVROLET BREAK n° [Immatriculation 7], SKODA FABIA n° [Immatriculation 10], et SUSUKI (moto) n° [Immatriculation 8] pour les années 2010 à 2013,

– a condamné M. [I] [F], en tant que gérant de la SARL [F] & FILS :

** à créditer le compte Report à nouveau du cumul des résultats nets pour les années 2010 à 2013 (soit 779.581 euros) et à débiter dans le même temps le compte courant du même montant,

** à débiter le compte report à nouveau de la somme de 81.429 euros et de créditer son compte courant du même montant,

– a condamné M. [I] [F] à rembourser à la SARL [F] & FILS le montant des rémunérations qu’il a perçues pour les exercices 2010 à 2012 qui s’élève à la somme de 113.500 euros,

– a ordonné la révocation judiciaire de M. [I] [F] de ses fonctions de gérant de la société [F] & FILS,

– a condamné M. [I] [F] à verser aux demandeurs la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens comprenant les frais d’expertise judiciaire,

Cet appel a été enrôlé sous le n° RG 18/1610 ;

M. [I] [F], appelant principal à la procédure RG 18/1610, est décédé le [Date décès 2] 2019 aux [Localité 6] ;

Par ordonnance du 2 septembre 2019, le conseiller de la mise en état, au vu de la notification de l’acte de décès aux intimés par actes d’huissier en date du 14 août 2019, a constaté l’interruption de l’instance à compter de cette dernière date et a ordonné le retrait du rôle des affaires en cours;

Par conclusions remises au greffe et notifiées aux parties adverses par RPVA le 30 mars 2021, Mme [J] [P] veuve [F], Mme [C] [F], M. [XT] [F] et Mme [E] [U], ès qualités de représentante légale de sa fille mineure [Z] [JM] [T] [F], née le [Date naissance 3] 2004, tous pris en leur qualité avancée d’héritiers de feu M. [I] [F], sont intervenus volontairement en cette instance RG 18/1610 aux fins de reprise d’instance en lieu et place de leur mari et père ainsi décédé, en suite de quoi cette instance a été réinscrite, mais ce sous le même numéro de rôle, laquelle instance a été jointe à la procédure n° RG 18/1609, suivant ordonnance du conseiller de la mise en état du 21 juin 2021, pour se poursuivre sous ce seul dernier numéro ;

Ces mêmes intervenants avaient préalablement constitué avocat, par acte remis au greffe par RPVA le 5 septembre 2020, dans le cadre de l’instance enrôlée sous le n° 18/1609 du répertoire général ;

3°/ Par déclaration remise au greffe le 30 avril 2019 par RPVA, la SARL [F] & FILS a à nouveau interjeté appel des mêmes chefs du jugement que dans son premier appel à l’encontre de [R] et [A] [F], en intimant cette fois M. [I] [F], afin de régulariser l’appel enrôlé sous le numéro RG18/1609. Cet appel a été enregistré sous le numéro 19/535 du répertoire général ;

***

INCIDENTS DE MISE EN ETAT

1°/ Par ordonnance rendue le 7 novembre 2019 dans l’appel enrôlé sous le n° RG 18/1609, avant l’intervention volontaire des héritiers de feu M. [I] [F] alors même que celui-ci était déjà décédé (le [Date décès 2] 2019), le conseiller de la mise en état a déclaré ‘irrecevables les conclusions et défenses de la SARL [F] & FILS, représentée par M. [I] [F], déposées le 17 octobre 2019 se rattachant à l’appel incident formé par MM [A] et [R] [F] dans leurs conclusions remises au greffe le 29 mai 2019 par voie électronique’ ;

2°/ Par ordonnance du 8 juin 2020, le même conseiller de la mise en état:

– a ordonné la jonction de l’appel enrôlé sous le numéro RG 19/535 (appel de la société [F] & FILS y intimant M. [I] [F]) avec celui enrôlé sous le numéro RG 18/1609,

– a dit n’y avoir lieu à déclarer irrecevable l’appel enrôlé sous le n° 19/535 ‘en raison de son caracère tardif’,

-a condamné MM [A] [F] et [R] [F], qui soulevaient cette irrecevabilité et s’opposaient à ladite jonction, aux dépens de cet incident,

3°/ Par ordonnance du 18 janvier 2021, sur un incident diligenté cette fois par MM [A] et [R] [F] qui sollicitaient la radiation de l’affaire en l’absence de mise en cause des héritiers de feu M. [I] [F], décédé le [Date décès 2] 2019 :

– a constaté :

** la renonciation de Mme [K] [Y] [F] à la succession de son père décédé sus-nommé suivant acte remis au greffe le 25 juin 2020,

** et la mise en cause par la société [F] & FILS du conjoint survivant de [I] [F] et de tous ses héritiers, hors Mme [K] [Y] [F], non visée, curieusement, à l’acte de notorité dressé le 28 mai 2020, soit avant sa renonciation à succession,

– a débouté MM. [A] et [R] [F] de leur demande tendant à voir déclarer irrecevable l’appel interjeté par la SARL [F] & FILS pour défaut d’intérêt à agir,

– les a condamnés à payer à ladite société la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et, in solidum, aux dépens de l’incident ;

4°/ Sur un troisième incident diligenté cette fois par la société [F] & FILS aux fins initiales, ensuite complétées, de voir déclarer irrecevables les conclusions d’intimés n° 5 et récapitulatives de MM [R] et [A] [F] dirigées contre ladite société en ce qu’elles concernent l’instance n° RG 18/1610, le conseiller de la mise en état, par ordonnance du 13 juin 2022 :

– a dit n’y avoir lieu de statuer sur la recevabilité des conclusions des héritiers de feu M.[I] [F], et ce au constat que les consorts [R] et [A] [F] ont renoncé à leur demande d’irrecevabilité des écritures de décembre 2020 et septembre 2021 qui était présentée par eux dans de précédentes conclusions d’incident,

– a débouté la SARL [F] & FILS de sa demande tendant à voir déclarer irrecevables les conclusions remises au greffe par MM [R] et [A] [F] le 15 octobre 2021,

– a débouté la société [F] & FILS et les héritiers de feu M. [I] [F] de leurs demandes au titre des frais irrépétibles,

– et a condamné ladite société aux dépens de l’incident ;

***

L’appelante originelle, la société [F] & FILS, a conclu au fond à 9 reprises par actes remis au greffe par RPVA et notifiés mêmement aux parties constituées, soit les 12 mars 2019 (1ères conclusions), 30 mai 2019, 23 juillet 2019, 17 octobre 2019, 12 novembre 2019, 2 mars 2021, 3 mars 2021, 29 septembre 2021 et 3 janvier 2022, ces denières étant dites ‘CONCLUSIONS RESPONSIVES ET RECAPITULATIVES D’APPELANT, D’INTIME ET D’APPEL INCIDENT’ ;

MM. [R] et [A] [F] ont conclu au fond, en qualité d’intimés et d’appelants à titre incident, à 6 reprises, soit les 29 mai 2019 (1ères conclusions), 29 novembre 2019, 4 septembre 2020, 19 février 2021, 12 mars 2021 et 15 octobre 2021, ces dernières étant dites ‘CONCLUSIONS D’INTIMES N°5 & RECAPITULATIVES’ ;

Mme [J] [P] veuve [F], Mme [C] [F], M.[XT] [F] et Mme [E] [U], ès qualités de représentante légale de sa fille mineure [Z] [F], tous héritiers du défunt [I] [F], ont remis au greffe et notifié aux conseils adverses, par RPVA, leurs uniques conclusions au fond, dites ‘CONCLUSIONS RECAPITUALTIVES D’APPELANT ET D’INTIME ET EN INTERVENTION VOLONTAIRE’, le 17 septembre 2021 ; [I] [F], en son vivant, avait conclu quant à lui au fond, sur son appel principal du 17 décembre 2018, le 14 mars 2019;

*

La mise en état a été clôturée par ordonnance du conseiller de la mise en état du 5 septembre 2022 et l’affaire fixée à l’audience collégiale du 14 novembre 2022, à l’issue de laquelle elle a été mise en délibéré, par mise à disposition au greffe, au 16 janvier 2023 ; par avis RPVA du greffe, les parties ont été informées de la prorogation de ce délibéré à ce jour ;

EXPOSE DES PRETENTIONS DES PARTIES

1°/ Par ses dernières écritures récapitulatives, du 3 janvier 2022, la société [F] & FILS, appelante principale, intimée et appelante incidente, conclut aux fins de voir, au visa des articles 10, 1348 et suivants du code civil, 143, 144, 148, 246, 367,488,552, 563, 564,565 du ‘nouveau code de procédure civile’ (sic), 39, 38-2 bis du code général des impôts :

la dire recevable en son appel principal n° RG 18/1609, en son appel principal complémentaire n° RG 19/535 et en son appel incident dans le cadre de l’appel n° RG 18/1610,

la dire recevable en l’intégralité de ses moyens et prétentions formulées dans les instances RG 18/1609, RG 18/1610 et RG 19/535,

Infirmer le jugement déféré en ce que le tribunal y a :

** dans sa motivation, dit que le litige opposant MM [R] et [A] [F] à elle-même et à son gérant [I] [F] doit être tranché au vu du rapport d’expertise comptable du 21 mars 2016,

** dans son dispositif :

*** dit que le cumul des résultats nets de ses exercices 2010 à 2013 s’élève à la somme de 779581 euros,

*** rejeté sa demande de nouvelle expertise comptable,

Et, statuant à nouveau

A TITRE PRINCIPAL

Ordonner une nouvelle mesure d’expertise comptable ou un complément d’expertise comptable pour ses exercices 2010, 2011, 2012 et 2013,

Désigner un expert qui aura mission :

** de faire communiquer toute la comptabilité de la société depuis l’exercice 2010,

** de dire si les comptes des exercices clos le 31 décembre 2010, 2011, 2012 et 2013 sont réguliers, sincères, conformes et véritables,

** de dire quelles rectifications doivent le cas échéant être apportées à ces comptes annuels,

** de déterminer l’impact des rectifications proposées sur les résultats, sur les capitaux propres et sur la quote-part de résultat devant revenir à chaque associé,

** de vérifier si les conditions de prise en charge financière et d’assurance des véhicules TOYOTA n° [Immatriculation 9], CHEVROLET BREAK n°[Immatriculation 7], SKODA FABIA n° [Immatriculation 10], CITROEN DS5 n° [Immatriculation 11] et SUSUKI (moto) n° [Immatriculation 8] et dire si cette prise en charge est régulière,

** de rechercher si au cours de ces exercices, d’autres dépenses n’ayant aucun lien avec l’activité de la société ont été engagées,

** de vérifier l’existence et l’historique des comptes courants d’associés,

** d’établir, pour les exercices concernés, le montant des rémunérations directes ou indirectes perçues par le gérant,

Surseoir à statuer sur les prétentions des demandeurs [R] et [A] [F],

Faire droit, relativement aux chefs de jugement qu’elle critique, à toutes les demandes de Mme [P] veuve [F], Mme [C] [F], M. [XT] [F] et Mme [E] [U], ès qualités de représentante légale de sa fille mineure [Z] [F],

A TITRE SUBSIDIAIRE

Ordonner la déduction des résultats retenus par le tribunal mixte de commerce de POINTE-A-PITRE en son jugement déféré, à savoir 218 716 euros pour l’exercice clos en 2010, 145 889 euros pour l’exercice clos en 2011, 174 146 euros pour l’exercice clos en 2012, 159 401 euros pour l’exercice clos en 2013, les charges non comptabilisées suivantes : 175 687,85 euros pour 2010, 119 002,08 euros pour 2011, 113 129,51 euros pour 2012 et 56 004,33 euros pour 2013,

« faire droit aux demandes de Mme [P] veuve [F], Mme [C] [F], M. [XT] [F] et Mme [E] [U], ès qualités de représentante légale de sa fille mineure [Z] [F], relativement à cette prétention de la SARL [F] & FILS » ;

Au soutien de ces fins, la société [F] & FILS fait valoir notamment :

– qu’elle s’associe à toutes les demandes des héritiers de son ancien gérant aujourd’hui décédé en ce qui est des condamnations injustement prononcées au jugement déféré contre ce dernier sur la base d’une expertise comptable contestable et contestée par ceux-ci et elle-même,

– que du vivant du père des actuels associés, [X] [F], fondateur de la société, celui-ci était seul maître à bord et la comptabilité était confiée à Mme [W] [VY], laquelle a donc établi les états financiers litigieux sans que les consorts [R] et [A] [F] n’aient rien trouvé à redire,

– que dans leur assignation originelle du 16 novembre 2017, ces demandeurs avouaient eux-mêmes que du vivant de leur auteur, qui était titulaire de la majorité des parts sociales (52/100) de graves anomalies affectaient les comptes, avec notamment l’absence de report des résultats d’année en année, [X] [F] se les étant affectés en totalité d’autorité,

– que l’expert judiciaire a constaté de multiples anomalies en lien avec cette posture du fondateur,

– que cet expert a néanmoins établi son rapport définitif sur des bases ouvertement erronées en toute connaissance de cause, puisqu’il dit lui-même qu’il s’est contenté des comptes communiqués le 14 août 2015 en expliquant :

** avoir reçu trop tardivement les comptes rectificatifs au titre des années 2010 et 2011 établis le 15 mars 2016 pour avoir été en capacité d’en apprécier la sincérité et la régularité, tout en constatant qu’ils n’avaient rien à voir avec les comptes annuels approuvés par les assemblées générales de la société et communiqués en août 2015,

** n’avoir pas reçu les comptes rectifiés des exercices 2012 et 2013 annoncés pour le 31 mars 2016, soit trop tardivement pour qu’il fût en mesure de les apprécier lorsqu’ils lui seraient parvenus,

– et que ce même expert précisait tout de même en son rapport que si le tribunal l’estimait nécessaire, il lui appartiendrait de lui demander de lui proposer des rectifications sur la base des nouveaux comptes annoncés pour mars 2016,

2°/ Par leurs dernières écritures récapitulatives remises et notifiées le 17 septembre 2021, Mme [P] veuve [F], Mme [C] [F], M. [XT] [F] et Mme [E] [U], ès qualités de représentante légale de sa fille mineure [Z] [F], intervenants volontaires en qualité d’héritiers de feu M. [I] [F], ancien gérant, concluent quant à eux aux fins de voir, au visa des articles L 223-22, L 223-23 et L 223-25 du code de commerce, 4, 5, 9, 12, 56 al 2, 122, 554, 724, 909 et 910 du code de procédure civile :

– les déclarer recevables en leurs interventions volontaire suite au décès de [I] [F], intimé en appel dans l’instance RG 18/1609,

– dire recevable et bien fondé l’appel également interjeté en son vivant par leur auteur,

– Infirmer en conséquence le jugement déféré en ce qu’il a :

** dit que M. [I] [F], en tant que gérant de la société [F] & FILS, a commis des infractions aux dispositions législatives et réglementaires applicables aux sociétés à responsabilité limitée, des fautes de gestion et des violations des statuts qui engagent sa responsabilité,

** condamné M.[I] [F] à rembourser à ladite société les frais d’assurance de ses véhicules personnels TOYOTA n° [Immatriculation 9], CHEVROLET BREAK n°[Immatriculation 7], SKODA FABIA n° [Immatriculation 10], CITROEN DS5 n° [Immatriculation 11] et SUSUKI (moto) n° [Immatriculation 8] pour les années 2010 à 2013,

** condamné M. [I] [F], en tant que gérant de la société [F] & FILS :

*** à créditer le compte REPORT A NOUVEAU du cumul des résultats nets pour les années 2010 à 2013 (soit 779 581 euros) et à débiter dans le même temps son compte courant du même montant,

*** à débiter le compte REPORT A NOUVEAU de la somme de 81 429 euros et de créditer son compte courant du même montant,

** condamné M. [I] [F] à rembourser à la société [F] & FILS le montant des rémunérations qu’il a perçues pour les exercices 2010 à 2012 qui s’élève à la somme de 113 500 euros,

** ordonné la révocation judiciaire de M. [I] [F] de ses fonctions de gérant de ladite société,

** condamner M. [I] [F] à verser aux demandeurs la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens comprenant les frais d’expertise judiciaire,

Statuant à nouveau sur ces points

A TITRE PRINCIPAL

– déclarer prescrite l’action de MM [A] et [R] [F] fondée sur de prétendues fautes de [I] [F] en qualité de gérant de la société [F] & FILS,

– les déclarer par suite irrecevables en leur demande,

A TITRE SUBSIDIAIRE

– constater que MM [R] et [A] [F] ont fondé leur demande sur l’article L 223-25 du code de commerce et que le tribunal mixte de commerce a statué sur le fondement de l’article L 222-22 du même code,

– dire en conséquence que ce tribunal a fait une fausse application de l’article 12 du code de procédure civile en modifiant le fondement juridique de la demande de MM [R] et [A] [F] et a modifié l’objet du litige au mépris de l’article 4 du code de procédure civile,

– constater :

** que le tribunal a condamné M. [I] [F] en tant que gérant de la société [F] ET FILS :

*** à créditer le compte REPORT A NOUVEAU du cumul des résultats nets pour les années 2010 à 2013 (soit 779 581 euros) et à débiter dans le même temps le compte courant du même montant,

*** à débiter le compte REPORT A NOUVEAU de la somme de 81 429 euros et de créditer son compte courant du même montant,

** le décès de [I] [F], gérant, survenu en cours d’instance le [Date décès 2] 2019,

– dire en conséquence que la qualité de gérant n’est pas transmissible pour n’être ni un droit ni une action,

– dire qu’ils (héritiers de [I] [F]) ne sont pas saisis de la condamnation prononcée à l’encontre de leur auteur, ès qualités de gérant :

*** à créditer le compte REPORT A NOUVEAU du cumul des résultats nets pour les années 2010 à 2013 (soit 779 581 euros) et à débiter dans le même temps son compte courant du même montant,

*** à débiter le compte REPORT A NOUVEAU de la somme de 81 429 euros et de créditer son compte courant du même montant,

– constater :

** que [I] [F] n’a commis aucune faute en sa qualité de gérant de la société [F] & FILS de nature à engager sa responsabilité,

** que MM. [A] et [R] [F] n’ont démontré l’existence d’aucun préjudice subi par la société [F] & FILS résultant d’une quelconque faute commise par [I] [F] en qualité de gérant,

** que [I] [F], gérant, a convoqué l’assemblée générale des associés pour l’approbation des comptes des exercices 2005 à 2012, le 19 octobre 2013 et celle pour l’approbation des comptes de l’exercice 2013 le 17 septembre 2014,

** que ces assemblées générales ont approuvé les comptes des exercices de la période concernée par l’assignation (2010 à 2013), les 19 octobre 2013 et 17 septembre 2014 et donc antérieurement à la date de cette assignation signifiée le 16 novembre 2017,

** que la rémunération du gérant est enregistrée dans les comptes sociaux des exercices ainsi approuvés,

** que la demande de MM. [A] et [R] [F] de condamnation de [I] [F] à rembourser les frais d’assurance de ses voitures n’est pas chiffrée,

** et que les écritures comptables consistant à créditer le compte REPORT A NOUVEAU du cumul des résultats nets pour les années 2010 à 2013 (soit 779 581 euros) et à débiter dans le même temps le compte courant de [I] [F] du même montant, d’une part, et d’autre part, à débiter le compte REPORT A NOUVEAU de la somme de 81 429 euros et à en créditer le compte courant de [I] [F] du même montant, ne reposent pas sur des comptes rectifiés de la société [F] & FILS,

– dire en conséquence :

** qu’aucune faute ne peut être retenue à l’encontre de [I] [F] au titre de l’approbation des comptes des exercices 2010 à 2013,

** que les conditions de la responsabilité civile de [I] [F], ès qualités de gérant de la société [F] & FILS, ne sont pas réunies,

** que la révocation du gérant n’est pas un mode de réparation du préjudice subi découlant de la responsabilité du gérant d’une société,

** que la demande de MM [R] et [A] [F] de révocation de [I] [F] de ses fonctions de gérant est devenue sans objet en raison de son décès le 1e juin 2019,

** que le premier juge a statué ultra petita sur les conventions réglementées,

– débouter MM [R] et [A] [F] de leur demande de remboursement du montant des rémunérations pour les exercices 2010 à 2012 de 113 500 euros,

– dire que le tribunal n’était pas saisi de la demande non chiffrée de MM. [R] et [A] [F] de remboursement à la société [F] & FILS de frais d’assurance des véhicules personnels de [I] [F],

– débouter MM [R] et [A] [F] de leur demande à l’encontre de [I] [F] de créditer le compte REPORT A NOUVEAU de la société [F] & FILS du cumul des résultats nets pour les années 2010 à 2013 de la somme de 779 581 euros et débiter dans le même temps le compte courant de [I] [F] du même montant,

– débouter les mêmes de leur demande de débiter le compte REPORT A NOUVEAU de la société [F] & FILS de la somme de 81 429 euros et de créditer le compte courant de [I] [F] du même montant,

A TITRE PLUS SUBSIDIAIRE

– dire qu’ils (les 4 héritiers de [I] [F]) s’associent aux écritures notifiées par la société [F] & FILS le 11 septembre 2020 et reprennent à leur bénéfice l’argumentation y développée,

– ce faisant, infirmer le jugement déféré en ce que le tribunal y a :

** dans sa motivation, dit que le litige opposant MM [R] et [A] [F] à la société et à son gérant [I] [F] doit être tranché au vu du rapport d’expertise comptable du 21 mars 2016,

** dans son dispositif :

*** dit que le cumul des résultats nets de ses exercices 2010 à 2013 s’élève à la somme de 779581 euros,

*** rejeté sa demande de nouvelle expertise comptable,

Et, statuant à nouveau

A TITRE PRINCIPAL

– ordonner une nouvelle mesure d’expertise comptable ou un complément d’expertise comptable pour ses exercices 2010, 2011, 2012 et 2013,

– désigner un expert qui aura mission :

** de faire communiquer toute la comptabilité de la société depuis l’exercice 2010,

** de dire si les comptes des exercices clos le 31 décembre 2010, 2011, 2012 et 2013 sont réguliers, sincères, conformes et véritables,

** de dire quelles rectifications doivent le cas échéant être apportées à ces comptes annuels,

** de déterminer l’impact des rectifications proposées sur les résultats, sur les capitaux propres et sur la quote-part de résultat devant revenir à chaque associé,

** de vérifier les conditions de prise en charge financière et d’assurance des véhicules TOYOTA n° [Immatriculation 9], CHEVROLET BREAK n°[Immatriculation 7], SKODA FABIA n° [Immatriculation 10], CITROEN DS5 n° [Immatriculation 11] et SUSUKI (moto) n° [Immatriculation 8] et dire si cette prise en charge est régulière,

** de rechercher si, au cours de ces exercices, d’autres dépenses n’ayant aucun lien avec l’activité de la société ont été engagées,

** de vérifier l’existence et l’historique des comptes courants d’associés,

** d’établir, pour les exercices concernés, le montant des rémunérations directes ou indirectes perçues par le gérant,

– surseoir à statuer sur les prétentions des demandeurs [R] et [A] [F],

A TITRE SUBSIDIAIRE, admettre en déduction des résultats retenus par le tribunal mixte de commerce de POINTE-A-PITRE en son jugement déféré, à savoir 218 716 euros pour l’exercice clos en 2010, 145 889 euros pour l’exercice clos en 2011, 174 146 euros pour l’exercice clos en 2012, 159 401 euros pour l’exercice clos en 2013, les charges non comptabilisées suivantes : 175 687,85 euros pour 2010, 119 002,08 euros pour 2011, 113 129,51 euros pour 2012 et 56 004,33 euros pour 2013,

EN TOUT ETAT DE CAUSE

– débouter MM [R] et [A] [F] de l’ensemble de leurs demandes, moyens, fins et conclusions,

– condamner in solidum MM [R] et [A] [F] à leur payer (aux 4 héritiers de [I] [F]) la somme de 1 500 euros chacun, soit ensemble la somme de 6 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de première instance, sous distraction ;

A ces fins, les consorts [P]-[F], ès qualités d’héritiers de feu M.[I] [F], précisent encore notamment :

qu’aux termes de l’article L 223-23 du code de commerce, l’action en responsabilité sociale ou individuelle contre le gérant d’une société à responsabilité limitée, se prescrit par trois ans à compter du fait dommageable ou, s’il a été dissimulé, de sa révélation,

que MM [R] et [A] [F] agissent contre [I] [F], aujourd’hui décédé et représenté par ses successibles, en lui reprochant, sur la base de l’expertise judiciaire ordonnée en référé, la tenue d’une comptabilité irrégulière et insincère, l’absence de convocation des associés pour statuer sur les comptes des exercices 2005 à 2012, l’accaparement de la totalité des résultats bénéficiaires ou déficitaires, le défaut de vote de ses rémunérations de gérant et le défaut d’approbation de conventions réglementées, alors même que ces faits n’ont pas été révélés par les investigations de l’expert et n’ont pas été dissimulés,

– qu’en effet, le système de fonctionnement de la société [F] & FILS instauré par feu M. [X] [F], certes contraire aux dispositions légales ou réglementaires en vigueur, est connu de tous les associés depuis toujours et a été cautionné par chacun d’eux depuis le début de l’exploitation en janvier 1986, jusqu’au décès du fondateur de l’entreprise en la personne du père des demandeurs [R] et [A] [F], feu [X] [F], décédé en 2006 et même après sous la gérance de leur frère [I] [F] dont ils avaient appris en 2014 seulement qu’il avait été cessionnaire des 52 parts sociales de leur père [X] [F] (acte sous seing privé du 12 novembre 2005),

– que MM [R] et [A] [F] font eux-mêmes la preuve de la connaissance qu’ils avaient de ce système de fonctionnement depuis ses débuts, puisqu’ils écrivent en leurs dernières écritures du 29 mai 2019 :

** que « tant que le patriarche-fondateur, M. [X] [F], était vivant, un semblant de vie sociale existait : les associés se réunissaient parfois de manière informelle, parfois à la suite d’une convocation et des comptes-rendus, même laconiques, étaient établis »,

** que « néanmoins, de graves anomalies affectaient déjà les comptes puisque, à titre d’exemple, les reports des résultats d’une année à l’autre n’étaient pas faits, les résultats étaient affectés en totalité à l’associé-patriarche ([X] [F]) contrairement à toute règle juridique en la matière. »,

** qu’« à la suite du décès du fondateur de la société, [X] [F], en 2006,la société a continué de fonctionner de façon patriarcale, toujours sous la gérance de M. [I] [F] : les associés n’étaient pas convoqués en assemblée générale, l’associé-gérant s’accaparait la totalité des résultats, bénéficiaires ou déficitaires, de la société (‘) ;

– que pourtant ce n’est que par l’assignation du 16 novembre 2017 devant les premiers juges que [R] et [A] [F] ont engagé leur action en responsabilité contre [I] [F] du fait de sa gérance, soit bien plus de trois ans après le 1er janvier 1986,

– que l’aveu fait par ceux-ci en leurs écritures suffit à caractériser la prescription invoquée et, partant, l’irrecevabilité de leur action contre le gérant du fait de sa gestion,

– que par ailleurs, le premier juge a changé le fondement juridique des demandes de MM [R] et [A] [F] en retenant l’article L 223-22 du code de commerce et, ainsi, la responsabilité personnelle du gérant, passant ainsi de la révocation du gérant qui lui était seulement demandée à celle de sa responsabilité et modifiant par suite l’objet de la demande,

– qu’en effet, si les demandeurs invoquaient des fautes du gérant, ils ne visaient que l’article L 223-25 relatif à la révocation des gérants et ne faisaient pas la démonstration de l’existence d’un dommage et d’un lien de causalité entre ces deux éléments, ce qui s’explique par le fait que la responsabilité du gérant ne constituait pas l’objet de leur demande, que l’action sociale en responsabilité à l’encontre du gérant n’en constituait pas le fondement juridique et qu’ils ne demandaient pas sa condamnation au versement de dommages et intérêts au bénéfice de la société en réparation d’un quelconque préjudice, mais sa seule révocation,

– que le premier juge n’a donc pu valablement modifier le fondement juridique de la demande en retenant l’action sociale en responsabilité du gérant au visa de l’article L 223-22 du code de commerce sans condamner celui-ci à verser à titre de dommages et intérêts une quelconque somme au bénéfice de la société,

– que la tentative des consorts [R] et [A] [F] tendant à voir la cour d’appel sanctionner les agissements de [I] [F], gérant, sur le fondement de cet article L 223-22 et de requalifier leurs demandes originaires en ‘montant de préjudice subi’ traduit la modification de leurs demandes qui passe d’une révocation du gérant à la responsabilité civile de celui-ci, alors même que le droit de la responsabilité civile ne connaît pas la notion de ‘montant des préjudices’, mais celle de réparation des préjudices subis par l’allocation d’indemnités,

– que c’est donc à tort que le premier juge a retenu la responsabilité de [I] [F] sur la base d’infractions aux dispositions législatives et réglementaires applicables aux SARL, des fautes de gestion et des violations des statuts, ce pourquoi le jugement déféré mérite infirmation de ce chef,

– que par ailleurs, si le premier juge a condamné [I] [F], en tant que gérant, à procéder à diverses opérations de crédit et de débit du compte ‘Report à nouveau’, cette condamnation n’a plus lieu d’être puisqu’il est décédé et que ses héritiers, qui ne sont saisis de plein droit que des biens, droits et actions du défunt en application de l’article 724 al 1 du code civil, n’ont pu se voir transmettre sa qualité de gérant, laquelle n’est pas transmissible,

– et qu’en toute hypothèse, ces condamnations sont infondées, quand bien même la cour statuerait-elle dans le même sens que le tribunal, puisque la démonstration n’est pas faite par les demandeurs originels ni d’une faute, ni d’un préjudice social ;

Pour le surplus des explications des héritiers de feu M. [I] [F], il est expressément référé à leurs dernières écritures ;

3°/ Par leurs propres dernières écritures, en date du 15 octobre 2021, MM [A] et [R] [F] souhaitent voir, au visa des articles 954 et 330 du code de procédure civile, des articles L 223-23 et L 223-25 du code de commerce et du rapport d’expertise de M. [B] déposé le 21 mars 2016 :

– recevoir leurs prétentions comme étant bien fondées,

– juger que la société appelante, en la personne de son gérant de droit, s’est volontairement abstenue de participer aux opérations d’expertise comptable judiciaire,

– débouter ladite société et les intervenants volontaires de l’intégralité de leurs demandes, y compris celle d’une nouvelle expertise,

– déclarer les intervenants volontaires accessoires irrecevables, comme l’appelante, à conclure sur leur appel incident,

– écarter des débats les écritures de la société [F] & FILS notifiées le 29 septembre 2021,

– confirmer la décision de première instance en ce qu’elle a reconnu la responsabilité de feu M. [I] [F], ancien gérant de ladite société,

En conséquence,

condamner solidairement Mme [P] veuve [F], Mme [C] [F], M. [XT] [F] et Mme [E] [U], ès qualités de représentante légale de sa fille mineure [Z] [F], en leur qualité d’ayants-droit de feu M. [I] [F], ancien gérant de la société [F] & FILS, du chef des nombreux manquements et irrégularités affectant les comptes et les violations des droits des associés confirmés par le rapport d’expertise définitif de M. [S] [B],

fixer les écarts de résultats déclarés par le gérant au titre des exercices 2010 à 2013 de la manière suivante : 246 609 euros pour 2010, 177 322 euros pour 2011, 190 258 euros pour 2012 et 165 392 euros pour 2013,

– condamner solidairement Mme [P] veuve [F], Mme [C] [F], M. [XT] [F] et Mme [E] [U], ès qualités de représentante légale de sa fille mineure [Z] [F], en leur qualité d’ayants droit de feu M. [I] [F], ancien gérant de la société [F] & FILS, à devoir payer à cette dernière la somme de 779 581 euros,

– ordonner la reconstitution des capitaux propres de la société conformément à la méthode proposée par l’expert, à savoir :

** en créditant le compte REPORT A NOUVEAU du cumul des résultats nets pour les années 2010 à 2013 (soit 779 581 euros) et en débitant dans le même temps le compte courant de l’ancien gérant du même montant,

** en débitant le compte REPORT A NOUVEAU de la somme de 81 429 euros représentant le montant des pertes fiscales débitées par feu M. [I] [F] et en créditant son compte courant du même montant,

– affecter les résultats reconstitués dans les proportions suivantes : 111 704 euros pour MM [I] [F], [A] [F] et [R] [F], chacun, et 363 039 euros pour « les héritiers [X] [F] »,

– condamner solidairement Mme [P] veuve [F], Mme [C] [F], M. [XT] [F] et Mme [E] [U], ès qualités de représentante légale de sa fille mineure [Z] [F], en leur qualité d’ayants-droit de feu M. [I] [F], ancien gérant de la société [F] & FILS :

** à donner le détail des frais d’assurance des véhicules personnels de [I] [F] pris en charge par la société au titre des exercices 2010 à 2013,

** à rembourser à la société [F] & FILS ces frais d’assurance,

** à devoir rembourser à cette société le montant des rémunérations qu’il a prises dans autorisation ni vote et qui s’élèvent pour les exercices 2010 à 2012 à la somme de 113 500 euros,

– confirmer la révocation judiciaire de feu M. [I] [F] de ses fonctions de gérant de ladite société au regard de l’ensemble des faits dénoncés,

– En toute hypothèse, condamner solidairement la société [F] & FILS, Mme [P] veuve [F], Mme [C] [F], M. [XT] [F] et Mme [E] [U], ès qualités de représentante légale de sa fille mineure [Z] [F], en leur qualité d’ayants-droit de feu M. [I] [F], ancien gérant de la société [F] & FILS, aux entiers dépens d’appel, ainsi qu’à devoir verser à chacun d’eux ([R] et [A] [F]) la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Au soutien de ces fins, [A] et [R] [F] précisent encore notamment :

Sur la recevabilités des conclusions adverses

– qu’en concluant ‘de façon très ample sans distinguer de manière formelle ses moyens nouveaux, les dernière écritures de la SARL [F] & FILS (du 29 septembre 2021) violent les dispositions de l’article 954 al 2 du code de procédure civile et méritent le rejet.’,

– que sous couvert de la jonction des procédures RG 18/1609 et RG 18/1610, ladite société croit pouvoir remettre en cause l’autorité de chose jugée de l’ordonnance du 7 novembre 2019 par laquelle le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions en défense de la société [F] & FILS déposées le 17 octobre 2019 se rattachant à l’appel incident de MM [A] et [R] [F] dans leurs propres conclusions remises au greffe le 29 mai 2019, alors même que tous les moyens développés dans ces écritures en réponse à leur appel incident, sont définitivement irrecevables,

– que les intervenants volontaires, dont l’intervention est accessoire au sens de l’article 330 du code de procédure civile, tendent aux mêmes mêmes fins que celles de la société [F] & FILS et doivent subir le même sort que cette dernière en ce qui est de l’irrecevabilité de ses critiques de l’appel incident des consorts [R] et [A] [F],

Sur la demande d’une nouvelle expertise judiciaire

– que la société [F] critique les opérations d’expertise et en demande de nouvelles alors qu’elles lui sont favorables, tout en reconnaissant avoir communiqué à l’expert le 14 août 2015 des données erronées ne correspondant pas aux exigences légales en matière comptable et fiscale pour la détermination du bénéfice des exercices comptables visés dans la mission de l’expert judiciaire,

– que cet aveu laisse sans voix, qui démontre qu’elle a communiqué des éléments qu’elle savait faux, et conforte le grief retenu à l’encontre de l’ancien gérant en ce qui est de l’absence de tenue de comptabilité régulière, sincère et reflétant une image fidèle de la société,

– que c’est finalement le manque de coopération de la société [F] & FILS aux opérations d’expertise, alors même qu’elle avait été relancée à plusieurs reprises, qui est à l’origine des conclusions de l’expert,

– qu’elle ne peut donc se prévaloir de sa propre turpitude pour réclamer une nouvelle mesure d’instruction,

– que cette nouvelle demande d’expertise se heurte par ailleurs à une difficulté majeure en quoi consiste la disparition de l’ancien gérant, dès lors que si lui-même n’a pas été en mesure de fournir les pièces comptables en temps utiles, il est permis de penser que ce ne sont pas ses successeurs qui seront en mesure de ce faire,

– que cette nouvelle mesure ne peut donc être ordonnée ;

Sur le fond

– que le premier juge a à bon droit et sans excéder ses pouvoirs résultant de l’article 5 du code de procédure civile, restitué son fondement juridique aux demandes des associés [R] et [A] [F], et ce en retenant la responsabilité pécuniaire de [I] [F] et en en tirant toutes conséquences quant à son mandat social,

– que si, dans leur exploit introductif d’instance, ils ne visaient formellement que le texte de l’article L 223-25 du code de commerce relatif à la seule révocation du gérant, leurs demandes étaient également financières au bénéfice de la société [F] & FILS,

– qu’ils sont aujourd’hui fondés à demander à la cour saisie de l’entier litige par l’effet dévolutif de l’appel, de sanctionner les agissements de cet ancien gérant par sa condamnation, au fondement de l’article L 223-22 du code de commerce, et par la confirmation de sa révocation judiciaire sur le fondement de l’article L 223-25 du même code, à raison des fautes multiples relevées à son encontre,

– que cette demande, qui participait de leur appel incident contenu dans leurs écritures du 28 mai 2019, n’a jamais été contestée dans les délais par la société [F] & FILS, première appelante, ce pourquoi le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables leurs conclusions et défenses se rattachant à cet appel incident,

– que les intervenants y sont tout autant irrecevables,

– et que leur action à l’encontre de [I] [F] en qualité de gérant de la société [F] & FILS et aujourd’hui de ses héritiers après leur intervention volontaire suite à son décès en cours d’instance d’appel, n’est pas prescrite puisque :

** les faits qu’ils lui reprochent leur ont été dissimulés dès lors qu’ils n’avaient pas été régulièrement convoqués pour statuer sur les comptes des exercices 2010 à 2013, ni eu accès aux documents sociaux réglementaires,

** ce n’est que l’insertion en comptabilité des écritures comptables et des conséquences comptables des actes litigieux qui fait partir la prescription triennale à la clôture de l’exercice au cours duquel les opérations sont réalisées et que les comptes ont été présentés aux associés,

** de toute façon, en cas de déguisement de l’opération dans la comptabilité, ce délai de prescription ne commence pas à courir,

** et en toute hypothèse, à supposer que le délai de prescription ait couru régulièrement, il a été interrompu par la demande d’expertise judiciaire de 2014 et n’a repris son cours qu’au jour du dépôt du rapport de l’expert de mars 2016, alors que leur a ction au fond a été engagée dès 2017;

Pour le surplus de leurs explications au fond, il est expressément renvoyé aux écritures dernières de MM [R] et [A] [F] ;

SUR CE

I- Questions procédurales liminaires

I-1- Sur la recevabilité des appels principaux et incidents et des interventions volontaires

Attendu qu’il ne résulte d’aucun des éléments des dossiers joints que les appels principaux et incidents des colitigants aient été exercés hors délais; qu’ils seront donc ici jugés recevables ;

Attendu qu’il est constant qu’au rang des appelants principaux et intimés figurait [I] [F], intimé à l’appel principal de la société [F] & FILS RG 19/535 et appelant principal à la procédure RG 18/1610 ;

Or, attendu qu’il est tout aussi constant que [I] [F] est décédé en cours d’instance d’appel, soit le [Date décès 2] 2019, si bien que Mme [J] [P] veuve [F], Mme [C] [F], M. [XT] [F] et Mme [E] [U], ès qualités de représentante légale de sa fille mineure [Z] [JM] [T] [F], qui justifient de leurs qualités héréditaires, seront jugés recevables en leurs interventions volontaires en qualité d’héritiers ou ayants-droit du sus-nommé défunt ;

I-2- Sur l’irrecevabilité des conclusions de la société [F] & FILS en réponse à l’appel incident de MM [R] et [A] [F]

Attendu que par ordonnance irrévocable (pour n’avoir pas été déférée à la cour) rendue le 7 novembre 2019 dans le cadre de l’instance d’appel enrôlée sous le n° RG 18/1609 sur l’appel principal de la S.A.R.L. [F] & FILS à l’encontre du jugement déféré et avant l’intervention volontaire des héritiers de feu M. [I] [F] alors même que celui-ci était déjà décédé (le [Date décès 2] 2019), le conseiller de la mise en état a déclaré ‘irrecevables les conclusions et défenses de la SARL [F] & FILS, représentée par M. [I] [F], déposées le 17 octobre 2019 se rattachant à l’appel incident formé par MM [A] et [R] [F] dans leurs conclusions remises au greffe le 29 mai 2019 par voie électronique’;

Attendu qu’il s’en déduit que la société [F] & FILS n’est recevable qu’en ses critiques des chefs du jugement déféré contenues dans ses deux appels formés à titre principal les 12 décembre 2018, enrôlé sous le n° RG 18/1609 (avec pour seuls intimés [A] et [R] [F]) et 30 avril 2019, enrôlé sous le n° 19/535 (avec pour seul intimé M.[I] [F], alors encore en vie, savoir les chefs de jugement par lesquels le tribunal:

– a, ‘dans (sa) motivation’, dit que le litige devait être tranché au vu du rapport d’expertise comptable du 21 mars 2016,

– a, ‘dans le dispositif du jugement’, dit que le cumul des résultats nets de la SARL [F] & FILS pour les années 2010 à 2013 s’élevait à la somme de 779.581 euros,

– a rejeté la demande de nouvelle expertise comptable de ladite société ;

Mais attendu que, régulièrement intimée à l’appel principal diligenté par M. [I] [F], en son vivant, suivant déclararation remise au greffe le 17 décembre 2018, la société [F] & FILS était naturellement recevable à former appel incident, dans les délais de la loi, des chefs du jugement déféré non compris dans ses propres appels principaux et ayant trait aux dispositions critiquées de ce jugement par lesquels le tribunal mixte de commerce :

– a dit que M. [I] [F], en tant que gérant de la SARL [F] & FILS, a commis des infractions aux dispositions législatives et réglementaires applicables aux sociétés à responsabilité limitée, des fautes de gestion et des violations des statuts qui engagent sa responsabilité,

– a condamné M. [I] [F] à rembourser à la SARL [F] ET FILS les frais d’assurance de ses véhicules personnels TOYOTA n° [Immatriculation 9], CHEVROLET BREAK n° [Immatriculation 7], SKODA FABIA n° [Immatriculation 10], et SUSUKI (moto) n° [Immatriculation 8] pour les années 2010 à 2013,

– a condamné M. [I] [F], en tant que gérant de la SARL [F] & FILS :

** à créditer le compte Report à nouveau du cumul des résultats nets pour les années 2010 à 2013 (soit 779.581 euros) et à débiter dans le même temps le compte courant du même montant,

** à débiter le compte report à nouveau de la somme de 81.429 euros et de créditer son compte courant du même montant,

– a condamné M. [I] [F] à rembourser à la SARL [F] & FILS le montant des rémunérations qu’il a perçues pour les exercices 2010 à 2012 qui s’élève à la somme de 113.500 euros,

– a ordonné la révocation judiciaire de M. [I] [F] de ses fonctions de gérant de la société [F] & FILS,

– a condamné M. [I] [F] à verser aux demandeurs la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens comprenant les frais d’expertise judiciaire ;

Or, attendu que force est de constater qu’au dispositif de ses dernières écritures, aucun appel incident n’est formé de ces chefs puisqu’en une demande lapidaire, la société [F] & FILS, après avoir exposé sa propre demande principale tendant à une mesure d’expertise nouvelle ou complémentaire et avant de faire état de ses demandes subsidiaires, se borne à solliciter qu’il soit ‘fai(t) droit, relativement aux chefs de jugement qu(‘elle) critique, à toutes les demandes de Mme [J] [M] [P] veuve [F], Mme [C] [O] [F], M. [XT] [V] [F] et de Mme [E] [H] [U] agissant en qualité de représentante légale de sa fille mineure Melle [Z] [JM] [T] [F].’, de quoi il résulte qu’elle ne s’associe aux critiques du jugement déféré des héritiers de feu M. [I] [F] que dans la stricte mesure de ses propres critiques;

Attendu qu’il ressort de ces constatations et analyses que la cour n’est saisie valablement et n’a à répondre qu’aux moyens développés par la société [F] & FILS en ses dernières écritures, qui ont trait aux chefs de jugement qu’elle critique en ses deux déclarations d’appel principal ; qu’elle n’est donc pas valablement saisie des autres moyens développés par ladite société, lesquels seront donc ici encore déclarés irrecevables ;

I-3- Sur la notification des conclusions de la société [F] ET FILS du 11 septembre 2020 et la recevabilité des écritures des intervenants volontaires en ce qu’ils s’y associent auxdites écritures

Attendu que force est de constater que les moyens développés par les consorts [R] et [A] [F], en page 11 de leurs dernières écritures, au double égard de la régularité ou non de la notification des conclusions de la société [F] du 11 septembre 2020 (pour laquelle ils s’en rapportent à la cour), d’une part et, d’autre part, de la recevabilité des conclusions des intervenants volontaires (héritiers de feu M. [I] [F]) de décembre 2020 dans lesquelles ils s’associent aux écritures sus-visées du 11 septembre 2020, ne connaissent aucune traduction au dispositif de ces dernières écritures, alors même que la cour n’est tenue de statuer que sur les demandes contenues dans ce dispositif; qu’il y a donc lieu de constater qu’elle n’en est pas valablement saisie ;

Attendu que surabondamment peut-il être ajouté que les intervenants volontaires, qui ne sont intervenus qu’en lieu et place de feu M.[I] [F] pour soutenir l’appel principal formé en son vivant par ce dernier, sont parfaitement recevables à s’opposer aux demandes des consorts [R] et [A] [F] au titre de la responsabilité pécuniaire personnelle de cet ancien gérant et de sa révocation de son mandat de gérant, puisque, en son appel principal, bien que second, du 17 décembre 2018, celui-ci, qui est l’auteur décédé de ceux-là, avait bel et bien visé, en sa critique du jugement déféré, tous les chefs de ce jugement qui ont trait à cette responsabilité et ses suites, notamment sa révocation ;

I-4- Sur la qualité à agir des héritiers de feu M. [I] [F]

Attendu que les consorts [F], ayants-droit de feu M. [I] [F], estiment que la mort de ce dernier a éteint toute action à son encontre et à leur encontre, ès qualités d’héritiers, au moyen que la qualité de gérant n’est pas transmissible;

Mais attendu que si, en effet, les condamnations prononcées par le premier juge contre M. [I] [F], en sa qualité de gérant, au titre des rectifications comptables qui lui sont apparues nécessaires au regard des conclusions expertales, et si le décès de ce gérant imposerait le cas échéant de confier ces opérations, si elles étaient confirmées en appel, à la nouvelle gérance et non point aux héritiers de l’ancien gérant, leur présence en l’instance d’appel est absolument nécessaire et leur qualité à agir en défense aux demandes originelles de [R]et [A] [F], incontestable puisque :

– d’une part, la reconstitution de la comptabilité de la société ordonnée par le premier juge a un impact majeur sur le patrimoine du défunt dès lors qu’il s’agirait, si elle était confirmée, d’amputer son compte courant d’associé de près de 780 000 euros,

– et d’autre part, des condamnations purement personnelles ont été prononcées contre [I] [F] par ledit juge, notamment au titre des frais d’assurance de voitures personnelles prétendument assumés par la société et, surtout, des rémunérations de gérance jugées en première instance illicites ;

Attendu qu’il y a lieu en conséquence de dire que les intervenants volontaires ont qualité à agir en défense aux demandes des sus-nommés requérants originels ;

Attendu que si, enfin, [I] [F], gérant de la société [F] & FILS dont la révocation judiciaire a été prononcée par le tribunal en sa décision déférée et critiquée de ce chef en particulier, est décédé en cours d’instance d’appel, et si, dès lors, pour compter de ce décès une telle révocation n’a plus d’objet, il est manifeste que les consorts [R] et [A] [F] conservent un intérêt à en demander confirmation pour la période allant de son prononcé par le premier juge jusqu’au décès de l’intéressé le [Date décès 2] 2019, notamment au plan de ses implications tant en termes de gestion de la société durant cette période qu’en termes financiers ; et que, dès lors, les héritiers de feu M. [I] [F] ont qualité à y défendre ;

II- Sur la qualification juridique retenue d’office par les premiers juges (article L 223-22 du code de commerce) et la prescription de l’action des consorts [R] et [A] [F] au titre de la responsabilité personnelle de l’ancien gérant [I] [F]

1°/ Attendu qu’en application de l’article 12 du code de procédure civile, il appartient au juge de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ;

Attendu qu’il est constant, comme résultant des énonciations du jugement querellé et de l’assignation introductive produite aux débats par les héritiers de [I] [F], que les premiers juges étaient saisis par les consorts [R] et [A] [F], co-associés de [I] [F], gérant, dans la société [F] & FILS, au seul visa de l’article L 223-25 du code de commerce et du rapport d’expertise de M. [B] déposé le 21 mars 2016, des demandes tendant à voir :

** constater les nombreux manquements et irrégularités affectant les comptes et les violations des droits des associés confirmés par le rapport d’expertise,

** constater que les écarts de résultats déclarés par le gérant au titre des exercices 2010 à 2013 sont les suivants : 246 609 euros sur l’exercice 2010, 177 322 euros sur 2011, 190 258 euros sur 2012 et 165 392 euros sur 2013,

** condamner M. [I] [F] ‘à devoir’ reconstituer les capitaux propres de la société en créditant le compte REPORT A NOUVEAU du cumul des résultats nets (779 581 euros) et en débitant dans le même temps le compte courant du gérant du même montant, d’une part, et en débitant le compte REPORT A NOUVEAU de la somme de 81 429 euros représentant le montant des pertes fiscales débitées par M. [I] [F] seul et en créditant son compte courant du même montant, d’autre part,

** affecter les résultats reconstitués dans les proportions suivantes : 111 704 euros pour MM [I] [F], [A] [F] et [R] [F], chacun, et 363 039 euros pour les ‘héritiers [X] [F]’,

** condamner M. [I] [F] ‘à devoir’ rembourser à la SARL [F] & FILS les frais d’assurances de ses véhicules personnels et le montant des rémunérations qu’il a prises sans autorisation ni vote, et qui s’élèvent pour les exercices 2010 à 2012 à la somme de 113 500 euros,

** prononcer la révocation judiciaire de M. [I] [F] de ses fonctions de gérant de la société [F] & FILS au regard de l’ensemble des faits dénoncés,

** condamner M. [I] [F] aux entiers dépens, y compris les frais d’expertise judiciaire, ‘ainsi qu’à devoir verser’ à chacun des requérants la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du ‘Nouveau Code de Procédure Civile’ ;

Attendu qu’il en résulte deux types d’actions bien distincts ;

Attendu qu’il y a en effet dans cette assignation, d’une part, une action en responsabilité personnelle à l’encontre du gérant (ancien) de la société lui-même, puisque les condamnations sollicitées à l’encontre de M. [I] [F] concernant les frais d’assurance et les rémunérations de gérant le sont à titre personnel et non pas ès qualités de gérant de la société et que la reconstitution de la comptabilité de la société est certes demandée à la diligence du gérant, ès qualités cette fois, mais est fondée sur les fautes personnelles de ce dernier dans la tenue des comptes sociaux et l’affectation des résultats ;

Attendu que, d’autre part, ladite assignation contient une demande de révocation judiciaire du gérant à raison des fautes mises à sa charge ;

Attendu que cette assignation ne visait, comme fondement légal précis, que l’article L 223-25 du code de commerce et n’était ainsi motivée textuellement que pour ce qui est de la révocation du gérant, puisque ce texte n’envisage que les causes d’une telle révocation, soit à l’initiative d’une majorité des associés, soit judiciaire en cas de cause légitime à la demande de tout associé ;

Mais attendu qu’il n’en demeure pas moins que le tribunal était saisi plus amplement, comme ci-avant constaté, et qu’en application de l’article 12 sus-rappelé, il lui appartenait de donner aux demandes non juridiquement exactement qualifiées leur exacte qualification, ce qu’il a fait avec justesse en retenant d’office l’application aux faits reprochés et demandes formées à l’encontre de [I] [F], les dispositions de l’article L 223-22 du code de commerce ;

Attendu que si le tribunal a, ce faisant, violé le principe du contradictoire en ne rouvrant pas les débats à l’effet de permettre aux parties de débattre de ce fondement et éventuellement à M. [F] de soulever la prescription que ses ayants-droit soulèvent aujourd’hui en appel, aucune conséquence n’est sollicitée par l’une ou l’autre des parties de ce chef en termes de nullité du jugement déféré, seule sanction envisageable, puique les consorts [F]-[P], ès qualités d’ayants-droit de feu [I] [F], se bornent à en inférer comme conséquence la seule infirmation du jugement déféré, laquelle est invenvisageable sur cette seule base dès lors qu’en appel MM [R] et [A] [F] invoquent désormais expressément le fondement de l’article L 223-22 au soutien de leur demande de confirmation du jugement déféré en ce qui est de la responsabilité de [I] [F] dans les fautes de gestion retenues;

2°/ Attendu qu’aux termes de l’article L 223-23 du même code, l’action en responsabilité personnelle du gérant envers la société ou les tiers se prescrit par trois ans à compter du fait dommageable non criminel ou, s’il a été dissimulé, à compter de sa révélation ;

Attendu qu’il résulte plus avant de ce texte que le point de départ de ce délai de prescription ne peut être que le moment où les victimes qui se revendiquent comme telles, en l’espèce les deux associés [R] et [A] [F], ont eu connaissance des faits ;

Attendu que les faits dommageables invoqués par ces derniers sont les suivants:

– les manquements et irrégularités dans la tenue des comptes des exercices 2010 à 2013 mis en exergue par l’expertise judiciaire de M. [B] en son rapport du 21 mars 2016,

– la prise en charge des frais d’assurances des véhicules personnels de feu M. [I] [F],

– des rémunérations de gérance prélevées pour 113 500 euros sur les exercices 2010 à 2012 sans autorisation de l’assemblée générale des associés ;

Attendu que ces faits sont exclusivement comptables et n’ont pu être mis en exergue au plus tôt qu’à la date limite légale d’établissement des bilans pour les exercices considérés, soit dans les 6 mois suivant la clôture de chacun des exercices, savoir au plus tôt les 30 juin 2011 (pour l’exercice 2010), 30 juin 2012 (pour 2011), 30 juin 2013 (pour 2012) et 30 juin 2014 (pour 2013) ; mais que, surtout, les consorts [F]-[P] ne contestent pas que l’assemblée générale appelée à statuer sur les comptes sociaux des exercices 2005 à 2012 n’ait été réunie par leur auteur, [I] [F], ancien gérant, que le 19 octobre 2013, de quoi il résulte que ce n’est que dans les semaines ayant précédé cette assemblée générale, pendant lesquelles les associés pouvaient se faire communiquer les comptes sociaux en cause et devaient même les exiger, qu’ils ont pu avoir connaissance des irrégularités prétendues ;

Or, attendu que MM [R] et [A] [F] ont saisi le juge des référés aux fins d’expertise in futurum des comptes de la société [F] & FILS, par acte d’huissier dirigé contre M. [I] [F] le 28 octobre 2014, soit à une date à laquelle le délai de prescription de trois ans, qui n’a pu courir au plus tôt qu’à l’extrême fin du troisième trimestre 2013 ou au tout début du quatrième trimestre, n’était pas expiré ;

Attendu que cette expertise a été finalement ordonnée le 27 février 2015 et l’expert a clôturé ses opérations le 21 mars 2016 ;

Attendu qu’en application de l’article 2239 du code civil, la prescription est suspendue lorsque le juge fait droit à une mesure d’instruction présentée dans les conditions et sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, et ne reprend son cours qu’au jour de l’exécution de cette mesure ;

Attendu qu’il en résulte que la mesure d’expertise ordonnée le 27 février 2015, a suspendu le délai de prescription triennale de l’action des consorts [R] et [A] [F] relativement à la responsabilité du gérant pour les faits prétendument dommageables résultant de l’éventuelle irrégularité des comptes sociaux litigieux, entre cette date du 27 février 2015 et la date d’exécution de la mesure d’instruction du 21 mars 2016, si bien qu’au jour de l’engagement de leur action devant le premier juge, soit le 16 novembre 2017, ce délai de trois ans n’était pas éteint ;

Attendu que la circonstance que les fautes reprochées à [I] [F] participeraient d’une vieille habitude de gestion adoptée par son père en son vivant et connue de tous les enfants/associés, y compris les demandeurs, et prétendument poursuivie après la mort de ce dernier en 2006, n’est pas de nature à faire reculer le point de départ de ladite prescription, ni bien sûr à 1986, date de création de la société et d’adoption prétendue de ce mode de gestion par ‘le patriarche’ [X] [F], ni à une quelconque date antérieure à la connaissance que ces demandeurs ont pu avoir en droit des comptes de gestion critiqués (2010 à 2013) ou à tout le moins à une date antérieure à celle à laquelle ils ont pu les exiger dans les conditions ouvertes aux associés par le code de commerce ;

Attendu qu’il y a donc lieu de rejeter la fin de non recevoir soulevée par les consorts [F], ayants-droit de feu M. [I] [F], du chef de la prescription ;

III- Sur la demande d’une nouvelle expertise ou d’un complément d’expertise

Attendu qu’au chapitre 2.3 de son rapport définitif l’expert judiciaire désigné par ordonnance de référé le 27 février 2015, M. [B] expose les grandes difficultés qu’ont connues ses opérations en raison des réticences ou incapacités du gérant [I] [F] à lui communiquer des éléments comptables fiables au titre des quatre exercices comptables de la société [F] & FILS participant de sa mission;

Attendu qu’il en résulte notamment :

– qu’après moult relances, M. [I] [F] lui a communiqué le 14 août 2015 un site ‘grosfichier.fr’ auquel il n’a plus pu accéder quelques jours plus tard,

– que sur nouvelle relance, il a fini par lui communiquer une clé USB le 22 septembre 2015, lui imposant ainsi de solliciter du juge chargé du suivi de l’expertise un nouveau délai pour déposer son rapport,

– que le 2 décembre 2015, après analyse des pièces enfin communiquées, M. [B] a demandé à [I] [F] des éléments complémentaires,

– que le 4 décembre 2015, lors d’une réunion avec les parties, il leur a fait part de ce que les comptabilités communiquées ne correspondaient pas aux liasses fiscales déposées à l’administration fiscale, en réponse à quoi le gérant lui a répondu que la comptabilité avait été reconstituée pour les besoins de l’expertise mais que sa comptable n’était pas parvenue à la faire correspondre aux comptes déposés et soumis à l’approbation des associés,

– qu’à la suite de ces constatations, [I] [F] s’est engagé devant lui à confier à son nouvel expert-comptable une mission exceptionnelle visant à améliorer la fiabilité de la comptabilité reconstituée, ce pourquoi un délai supplémentaire de 45 jours (jusqu’au 18 janvier 2016) lui a été accordé pour établir ces comptes rectificatifs et communiquer les grands livres comptables correspondants,

– que le 6 janvier 2016, il a reçu les éléments sur l’exercice 2014, mais rien sur les exercices 2010 à 2013,

– que sur relance de sa part, il lui a été indiqué le 25 janvier 2016 que les documents attendus étaient en cours d’élaboration chez le nouvel expert-comptable et qu’ils seraient communiqués en cours de procédure,

– qu’il a ainsi été contraint de rédiger son pré-rapport sur les éléments transmis en septembre 2015,

– qu’il a établi son pré-rapport le 12 février 2016, cependant que :

** le 7 mars suivant, le conseil de la société [F] & FILS lui a communiqué de nouveaux comptes 2010,

** le 15 mars 2016, soit 3 jours avant la date limite de son rapport définitif, il a reçu de nouveaux comptes 2010 et 2011 et le gérant lui a demandé un nouveau délai pour les comptes 2012 et 2013,

** le 16 mars 2016, le conseil des demandeurs lui a demandé de rejeter ces éléments,

– et que ce même 16 mars 2016, il a indiqué au conseil de la société que son rapport définitif serait déposé le 31 mars 2016 au plus tard, qu’il ne tiendrait pas compte des comptes 2010 et 2011 déposés le 15 mars 2016 comme tardifs et qu’il appartiendrait au tribunal d’estimer s’il y a lieu de le solliciter à nouveau sur la base de ces productions tardives ;

Attendu que le premier juge, tout en constatant que les comptes 2012 avaient été communiqués à l’expert après le dépôt de son rapport, soit le 30 mars 2016 et que ces pièces étaient même annoncées comme non définitives, a estimé que compte tenu de la posture dilatoire de la gérance de la société il n’y avait pas lieu d’ordonner une nouvelle expertise qui ne viendrait que pallier le retard d’une partie dans la production des pièces lui incombant ;

Attendu que le raisonnement du premier juge est entendable compte tenu de la légèreté dont a fait preuve [I] [F], ès qualités de gérant, à la fois dans la gestion des comptes sociaux et dans ses réponses aux exigences légitimes de l’expert judiciaire ;

Mais attendu que la mauvaise foi de l’une des parties, qui pourrait être sanctionnée distinctement le moment venu si elle était constatée, n’enlève rien à la nécessité pour la cour de statuer sur les contestations comptables considérables des consorts [R] et [A] [F] sur la base de chiffres qui ne soient pas ouvertement faux ou non conformes à la vérité financière et arithmétique la plus approchante, ou qui, à tout le moins, n’aient pas été soumis à une complète expertise et à un réel et sérieux débat contradictoire ;

Or, attendu que l’expert judiciaire dit expressément avoir établi ses conclusions sur la base des seuls comptes produits en septembre 2015, alors même qu’il avait reçu leur actualisation partielle par un nouvel expert comptable (pour 2010 et 2011) juste avant la clôture de ses opérations et qu’il lui était proposé d’attendre encore un peu de temps pour recevoir les comptes révisés 2012 et 2013 ; que le premier juge observe par ailleurs que les comptes 2012 avaient été finalement communiqués le 30 mars 2016, soit très peu de temps après le dépôt du rapport ;

Attendu que si l’expertise en cause avait été ordonnée en février 2015 et si les derniers délais donnés par le juge en charge de son suivi expiraient le 31 mars 2016, la cour observe qu’une expertise comptable d’un peu plus d’une année n’est pas exceptionnelle, surtout lorsqu’il s’agit de reconstituer une comptablité déficiente sur trois exercices et qu’il était envisageable que l’expert judiciaire sollicitât un nouveau délai pour finaliser ses opérations sur des chiffres définitifs plus proches de la vérité comptable comme établis par le nouvel expert-comptable de la société en cause, lequel ne pouvait réaliser de telles opérations en quelques semaines seulement, ni même en quelques mois ;

Attendu qu’il échet par suite d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à nouvelle expertise et d’ordonner, non pas une nouvelle expertise, mais un complément d’expertise qui sera confié au même expert [B] puisque celui-ci n’a pas démérité et s’est borné à faire application des délais qui lui avaient été donnés, tout en réservant en ses conclusions l’hypothèse où le tribunal lui demanderait de finaliser ses travaux sur la base des éléments remis tardivement par [I] [F] ;

Attendu que ce dernier étant seul responsable des retards pris dans la communication des éléments comptables finalisés et dans la nécessité subséquente de ce complément d’expertise, la provision à valoir sur les frais et honoraires de ce complément d’expertise qui sera à consigner à la régie de la cour d’appel, sera mise à la charge, in solidum, des seuls intervenants volontaires à la procédure en qualité d’héritiers de cet ancien gérant, savoir Mme [J] [P] veuve [F], Mme [C] [F], M. [XT] [F] et Mme [E] [U], ès qualités de représentante légale de sa fille mineure [Z] [JM] [T] [F] ;

Attendu qu’il y a donc lieu de rouvrir les débats et de surseoir à statuer sur le surplus des demandes des parties au titre de l’infirmation ou de la confirmation du surplus des dispositions du jugement critiqué, tous dépens réservés ;

PAR CES MOTIFS

La cour,

– Dit recevables les appels principaux et incidents diligentés par les parties à l’encontre du jugement du tribunal mixte de commerce de POINTE-A-PITRE en date du 7 septembre 2018,

– Dit recevables les interventions volontaires de Mme [J] [P] veuve [F], Mme [C] [F], M. [XT] [F] et Mme [E] [U], ès qualités de représentante légale de sa fille mineure [Z] [JM] [T] [F], en qualité d’héritiers ou ayants-droit de feu M. [I] [F], ancien gérant de la société [F] & FILS décédé le [Date décès 2] 2019 aux [Localité 6],

– Dit qu’ils ont qualité à agir en défense aux demandes dirigées par MM [R] et [A] [F] à l’encontre de leur auteur décédé [I] [F], tant en ce qui est des demandes formées à son encontre en qualité de gérant au titre de la reconstitution des comptes sociaux et de sa révocation, qu’en ce qui est des demandes formées à son encontre à titre personnel (frais d’assurances, rémunérations de gérance),

– Sous les réserves ci-après, Dit n’y avoir lieu d’écarter des débats les écritures de la société [F] & FILS notifiées le 29 septembre 2021,

– Dit que la société [F] & FILS n’est recevable qu’en ses critiques des chefs du jugement déféré contenues dans ses deux appels formés à titre principal les 12 décembre 2018, enrôlé sous le n° RG 18/1609 (avec pour seuls intimés [A] et [R] [F]) et 30 avril 2019, enrôlé sous le n° 19/535 (avec pour seul intimé M.[I] [F])

– Dit par suite irrecevables tous autres moyens ayant trait aux chefs du jugement déféré non compris dans ses deux appels principaux,

– Dit que la cour n’est pas valablement saisie de la fin de non recevoir élevée par la société [F] & FILS dans le seul chapitre ‘II- discussion’ de ses dernières écritures, à l’encontre des conclusions des intervenants volontaires en lieu et place de leur auteur décédé [I] [F],

– Dit non prescrite l’action en responsabilité personnelle dirigée contre [I] [F] et rejette par suite la fin de non recevoir soulevée de ce chef par ses héritiers ou ayants-droit,

– Infirme le jugement déféré en ce que le tribunal y a rejeté la demande de nouvelle expertise,

-Statuant à nouveau sur ce seul point, ordonne, avant-dire-droit, un complément d’expertise et commet pour y procéder l’expert [S] [B] avec la même mission que celle qui résulte de l’ordonnance du juge des référés du 27 février 2015, mais ce sur la base des derniers éléments comptables qui lui ont été remis au titre des exercices 2010, 2011 et 2012, à charge pour lui de réclamer une dernière fois à la société et sa nouvelle gérance la production dans un délai contraint des éléments relatifs à l’exercice 2013,

– Dit que cette mission complémentaire s’effectuera dans les mêmes conditions de forme que la mission initiale, mais cette fois sous le contrôle du magistrat de la deuxième chambre civile de la cour d’appel en charge du suivi des expertises, lequel est commis à cet effet,

– Fixe à 6 000 euros la provision à valoir sur les frais et honoraires de l’expertise complémentaire ainsi ordonnée et enjoint Mme [J] [P] veuve [F], Mme [C] [F], M. [XT] [F] et Mme [E] [U], ès qualités de représentante légale de sa fille mineure [Z] [JM] [T] [F], in solidum, à en consigner le montant entre les mains du régisseur d’avances et de recettes de la cour d’appel dans le mois suivant notification du présent arrêt,

– Dit qu’à défaut de ce faire dans ce délai, la mesure d’instruction complémentaire sera de plein droit caduque et toutes conséquences de droit en seront tirées par la cour dans la suite de la procédure,

– Dit que l’expert, dans le strict respect du principe du contradictoire, devra déposer rapport définitif de ses opérations complémentaires dans les 5 mois de l’avis qui lui sera fait de la consignation ci-avant ordonnée, et en délivrera dans le même temps une copie à chacune des parties,

– Sursoit à statuer sur le surplus des dispositions critiquées du jugement déféré en l’attente des conclusions définitives de l’expertise comlémentaire,

– Renvoie cause et parties à la mise en état,

– Dit qu’une audience de mise en état virtuelle sera fixée par le conseiller de la mise en état à la première date utile qui suivra le dépôt du rapport d’expertise complémentaire définitif au greffe de la juridiction,

– Réserve les dépens et frais irrépétibles d’appel en fin de cause.

Et ont signé,

La greffière Le président

 


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