Droits des héritiers : 7 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/17380

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Droits des héritiers : 7 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/17380

7 mars 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
20/17380

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 13

ARRET DU 07 MARS 2023

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/17380

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Novembre 2020 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS – RG n° 19/03500

APPELANTE

S.A.S. CASIMIR

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Roger DENOULET, avocat au barreau de PARIS, toque : D0285

INTIMEE

S.C.P. CLINARD ET PASSET

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Marie-françoise HONNET, avocat au barreau de PARIS, toque : A0444

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 03 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Marie-Françoise d’ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre, et Mme Estelle MOREAU, Conseillère chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame VALAY-BRIERE Sophie, Première Présidente de chambre

Madame d’ARDAILHON-MIRAMON Marie-François, Présidente de chambre

Madame MOREAU Estelle, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Justine FOURNIER

ARRET :

– Contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 07 mars 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre et par Florence GREGORI, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

En exécution d’une ordonnance portant injonction de payer rendue par le président du tribunal de commerce d’Auxerre le 9 novembre 2010, la Scp Clinard et [X], huissier de justice, a procédé le 31 mars 2011, à la demande de M. [J] [G], créancier, à la saisie d’un véhicule Mercedes immatriculé 4804 SP 89 appartenant à M. [H] [K], aux fins de vente forcée.

Le véhicule a été déposé le même jour au garage automobile géré par la Sas Casimir, dans l’attente de sa vente forcée aux enchères publiques par M. [N] [W], commissaire-priseur.

Le véhicule n’ayant pas trouvé acquéreur, le commissaire-priseur a mis fin à sa mission le 1er décembre 2011 en s’engageant à prendre en charge les frais de gardiennage pour la période du 24 juin 2011 au 4 novembre 2011. Le véhicule est demeuré dans le parc de la société Casimir.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 22 février 2018, la société Casimir a vainement mis en demeure la Scp Clinard et [X] de lui régler les frais de gardiennage du véhicule depuis son dépôt et a sollicité l’autorisation de détruire le véhicule.

C’est dans ces circonstances que par acte du 19 mai 2019, la société Casimir a fait assigner la société Clinard et [X] devant le tribunal de grande instance de Paris en réparation de son préjudice.

Par jugement du18 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Paris a :

– rejeté les demandes de la société Casimir,

– condamné la société Casimir aux dépens qui pourront être recouvrés selon les modalités prévues par l’article 699 du code de procédure civile,

– dit n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, – dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

Par déclaration du 1er décembre 2020, la société Casimir a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées le 20 juillet 2021, la Sas Casimir demande à la cour de :

– infirmer le jugement en ce qu’il a rejeté ses demandes et l’a condamnée aux dépens,

et statuant à nouveau,

– la dire recevable et bien fondée en l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– débouter la société Clinard et [X] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

à titre principal,

– dire engagée la responsabilité délictuelle de la société Clinard et [X] à son égard pour manquement à son obligation de diligence,

– condamner la société Clinard et [X] à lui verser à titre de dommages et intérêts les sommes de :

– 11 016 euros toutes taxes comprises pour la période du 31 mai 2011 au 11 avril 2018, – 110 euros hors taxes soit 132 euros TTC par mois à compter du mois de mai 2018 jusqu’à l’enlèvement du véhicule Mercedes modèle 190 E immatriculé 4804 SP 89, outre intérêts au taux légal et capitalisation desdits intérêts dans les termes de l’article 1343-2 du code civil,

à titre subsidiaire,

– dire engagée la responsabilité contractuelle de la société Clinard et [X] à son égard pour manquement à son obligation de paiement dans le cadre du contrat de dépôt conclu,

– condamner la société Clinard et [X] à lui verser à titre de dommages et intérêts les sommes de :

– 11 016 euros TTC pour la période du 31 mai 2011 au 11 avril 2018,

– 110 euros HT par mois, soit 132 euros TTC par mois à compter du mois de mai 2018 jusqu’à l’enlèvement du véhicule mercedes modèle 190 E immatriculé 4804 SP 89, outre intérêts au taux légal et capitalisation desdits intérêts dans les termes de l’article 1154 ancien du code civil,

en tout état de cause,

– condamner la société Clinard et [X] à lui verser la somme de 5 000 euros en application de

l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens dont distraction au profit de M. Roger Denoulet dans les termes de l’article 699 du code de procédure civile,

– débouter la société Clinard et [X] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires.

Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées le 5 décembre 2022, la Scp Clinard et Passet demande à la cour de :

– juger que le prolongement anormal de la garde du véhicule est exclusivement imputable à la société Casimir, laquelle a conservé la voiture en parfaite connaissance de cause qu’elle n’était pas vendue, se gardant pendant de très nombreuses années de l’interroger sur ce qu’il convenait de faire du véhicule, en sachant pertinemment que les frais de gardiennage qui courraient ne seraient jamais réglés, ainsi qu’elle l’a reconnu expressément dans son courriel du 4 avril 2017, – juger que la société Casimir s’est abstenue de toutes diligences pour mettre un terme au dépôt de la voiture, notamment pour la mise en ‘uvre de la procédure de destruction et qu’elle est mal fondée à tenter de lui faire supporter aujourd’hui la responsabilité,

– juger qu’en vertu de l’adage ‘nemo auditur turpitudinem allegans’, la société Casimir emporte l’entière responsabilité du prolongement anormal de la garde de la voiture et doit en assumer seule les conséquences,

– juger que la société Casimir ne démontre pas qu’elle aurait commis une faute dans l’exécution du mandat que lui avait confié le créancier, à savoir M. [J] [G], qui lui aurait causé un préjudice en relation directe,

– juger que sa responsabilité délictuelle n’est pas engagée,

– juger qu’aucun lien contractuel ne la lie à la société Casimir et que les règles du dépôt ne peuvent être mobilisées,

– juger qu’elle a en effet agi en qualité de mandataire du créancier saisissant,

– juger irrecevable et mal fondée la société Casimir à invoquer un manquement contractuel au titre du contrat de dépôt avec elle,

– juger que sa responsabilité contractuelle n’est pas engagée à l’égard de la société Casimir,

– débouter la société Casimir de l’ensemble de ses prétentions,

– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

à titre subsidiaire,

– juger qu’en application de l’article 2224 du code civil, les frais de gardiennage du véhicule réclamés antérieurement au 11 avril 2014 sont prescrits,

– déclarer en conséquence prescrits les frais de gardiennage réclamés antérieurement au 11 avril 2014,

– déclarer, si par impossible la cour estimait que la demande en paiement de la somme de 11 016 euros TTC formée à son encontre est recevable, que c’est une somme maximum de 6 600 euros TTC au titre des frais de gardiennage à laquelle la société Casimir pourrait prétendre,

– limiter en conséquence à la somme de 6 600 euros TTC le préjudice indemnisable,

– déclarer irrecevable la société Casimir en sa demande aux fins de la voir condamner au paiement de la somme de 132 euros TTC par mois à compter de mai 2018 jusqu’à l’enlèvement du véhicule, avec intérêts et capitalisation,

– la débouter de toutes ses demandes à toutes fins qu’elles comportent,

– la condamner à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’en tous les dépens.

L’instruction a été clôturée le 13 décembre 2022.

SUR CE :

Sur la responsabilité de la Scp Clinard et Passet :

Le tribunal a jugé que :

– la société Casimir, qui n’a aucun lien contractuel avec la Scp Clinard et [X], mandataire du créancier saisissant, peut rechercher sa responsabilité délictuelle au titre des manquements au contrat de mandat confié par le créancier saisissant, à charge pour elle de prouver l’existence d’un dommage,

– la faute reprochée à la Scp Clinard et [X] est d’avoir, par inertie, laissé le gardiennage se prolonger, entraînant ainsi des frais que la société Casimir entend facturer,

– cependant, la seule conséquence du prolongement du gardiennage pour l’appelante, consistant en la continuation d’un contrat de dépôt à titre onéreux, ne saurait caractériser en soi un dommage.

La société Casimir fait valoir à titre principal l’engagement de la responsabilité délictuelle de la Scp Clinard et [X] pour manquement à son obligation de diligence dans l’exécution du mandat confié par le créancier aux fins de gardiennage et de vente forcée du véhicule, constitutif à son égard d’une faute délictuelle dommageable.

Subsidiairement, elle recherche la responsabilité contractuelle de la Scp Clinard et [X] pour exécution fautive du contrat de dépôt les liant, ladite société, détentrice du véhicule, en sa qualité de déposant et elle-même en sa qualité de dépositaire.

La Scp Clinard et Passet conteste l’engagement de sa responsabilité tant délictuelle que contractuelle, à défaut d’exécution fautive du mandat que lui a confié le créancier aux fins d’enlèvement du véhicule pour mise en vente forcée de celui-ci, et en l’absence de contrat de dépôt conclu par ses soins avec la société Casimir.

La détermination du régime de responsabilité applicable entre les parties nécessite la caractérisation de leur relation, l’existence d’un contrat entre elles excluant la mise en oeuvre de la responsabilité délictuelle à raison de manquements fautifs dans l’exécution de celui-ci.

Pour justifier de la conclusion d’un contrat de dépôt avec la Scp Clinard et Passet, l’appelante soutient que si l’article 1922 du code civil semble imposer que le déposant soit le propriétaire de la chose déposée, il est admis, au vu de l’article 1938 du même code et de la jurisprudence rendue en la matière, que le dépôt puisse être effectué par le détenteur d’une chose quel que soit le titre de sa détention et même s’il n’en a pas, le dépositaire ne devant quant à lui restituer la chose déposée qu’à celui qui la lui a confiée, indépendamment de sa qualité de propriétaire de la chose remise en dépôt. Elle soutient que la Scp Clinard et Passet, qui a fait transporter et lui a remis en dépôt le véhicule dont elle n’était que la détentrice, a conclu avec elle un contrat de dépôt à titre onéreux lui faisant obligation de le conserver jusqu’à la demande de restitution du déposant.

L’intimée conteste l’existence d’un lien contractuel avec l’appelante, motifs pris qu’elle a agi en qualité de mandataire du créancier saisissant.

Selon l’article 1921 du code civil, ‘Le dépôt volontaire se forme par le consentement réciproque de la personne qui fait le dépôt et de celle qui le reçoit’.

L’article 1922 du code civil énonce que ‘Le dépôt volontaire ne peut régulièrement être fait que par le propriétaire de la chose déposée, ou de son consentement exprès ou tacite’.

L’article 1937 du code civil précise que ‘Le dépositaire ne doit restituer la chose déposée qu’à celui qui la lui a confiée, ou à celui au nom duquel le dépôt a été fait, ou à celui qui a été indiqué pour le recevoir’.

Selon procès-verbal du 31 mai 2011, la Scp Clinard et [X], huissier de justice, agissant à la requête de M. [G] poursuivant l’exécution, à l’encontre de M. [K], d’une ordonnance d’injonction de payer rendue par le président du tribunal de commerce d’Auxerre le 9 novembre 2010 revêtue de la formule exécutoire le 4 janvier 2011, a procédé à l’enlèvement sur saisie vente du véhicule litigieux saisi le 9 mars 2011, dont la vente aux enchères a été publiquement annoncée pour le 24 juin 2011 et l’a fait transporter au garage Casimir.

Par courrier du 7 juin 2011, elle a précisé au commisseur-priseur avoir déposé le véhicule dans les locaux du garage Casimir le jour même et l’a invité à se rapprocher dudit garage pour les modalités du transport du véhicule aux fins de mise en vente aux enchères. Par lettre du 28 juin 2011, elle a renouvelé cette invitation ‘afin de limiter les frais de gardiennage qui demeurent à votre charge à compter du 24/06/2011″ et a interrogé le commissaire de justice quant à la future date de vente.

La Scp Clinard et Passet a agi sur mandat du créancier saisissant l’ayant requis aux fins d’enlèvement sur saisie-vente du véhicule pour vente aux enchères, ce que ne pouvait ignorer la société Casimir à laquelle le procès-verbal de saisie-vente a été remis à l’occasion du dépôt du véhicule en ses locaux.

La Scp Clinard et [X] ayant agi sur mandat du créancier saisissant n’a pas la qualité de déposant et n’est donc pas partie au contrat de dépôt du véhicule qui aurait été conclu avec la société Casimir.

Sa responsabilité contractuelle ne peut dès lors être engagée.

La société Casimir fait grief à la Scp Clinard et [X] d’avoir manqué à son obligation de diligence dans l’exécution du mandat confié par le créancier aux fins de gardiennage et de vente forcée du véhicule, engageant sa responsabilité délictuelle, en faisant preuve d’inertie et en laissant le gardiennage se prolonger en connaissance de l’importance de frais y afférents à lui régler, sans lui transmettre les informations relatives à la garde du véhicule et à sa durée d’immobilisation, et en s’abstenant de diligenter la procédure de destruction du véhicule et de lui remettre les documents nécessaires à celle-ci demandés par courriel du 12 avril 2017, alors qu’elle avait l’obligation de mener à terme la mesure d’exécution forcée qu’elle avait initiée, ce qui impliquait, en l’absence de preneur, de provoquer la destruction administrative du véhicule.

Elle considère que la Scp Clinard et [X], à l’initiative du dépôt du véhicule au sein de ses locaux et de son gardiennage prolongé, ne saurait s’exonérer de sa responsabilité en soutenant qu’elle ignorait que le commissaire-priseur n’avait pas réglé une partie de ses frais de gardiennage et en lui faisant grief de ne pas l’en avoir informé, alors que la majorité des frais de gardiennage était à sa charge, qu’elle a archivé le dossier dès juillet 2012 bien que le véhicule n’ait trouvé aucun preneur et que le mandant ait sollicité une troisième mise en vente aux enchères.

L’intimée conteste toute faute dans l’exécution du mandat confié par le créancier, de nature à engager sa responsabilité délictuelle envers la société Casimir. Rappelant n’être tenue qu’à une obligation de moyen, elle soutient que :

– elle ne peut être tenue pour responsable de l’échec de la mise en vente du véhicule aux enchères et elle n’est pas à l’origine du gardiennage prolongé du véhicule, dont le commissaire-priseur a omis de procéder à la vente forcée le 24 juin 2011 comme prévu, ce qu’il a reconnu dans un courrier du 24 octobre 2011 en s’engageant à prendre en charge les frais de gardiennage induits depuis cette date jusqu’à la vente aux enchères du 4 novembre 2011,

– le dossier n’a pas été archivé en son étude en juillet 2012,

– la société Casimir a commis une faute en ne l’informant pas de l’échec de la vente aux enchères du 4 novembre 2011 et de la prolongation du gardiennage sans que le commissaire-priseur ne s’acquitte des frais comme il s’y était engagé et en ne se manifestant pas auprès d’elle durant presque six ans de gardiennage, ne lui adressant qu’un premier courriel le 4 avril 2017 dans lequel elle renonce aux frais de gardiennage,

– elle a autorisé la société Casimir à détruire le véhicule par courriel en réponse du 7 avril 2017, laquelle ne lui a jamais indiqué que cette autorisation était insuffisante.

Selon l’article 1991 du code civil, ‘Le mandataire est tenu d’accomplir le mandat tant qu’il en demeure chargé et répond des dommages et intérêts qui pourraient résulter de son exécution (…)’.

La société Clinard et [X] a été mandatée par le créancier saisissant aux fins d’enlèvement du véhicule et de vente forcée. C’est au titre de l’exécution de ce mandat et en sa qualité de mandataire qu’elle a déposé le véhicule dans les locaux de la société Casimir dans l’attente de sa vente aux enchères.

En sa qualité de mandataire du créancier, il lui appartenait de s’assurer de la bonne exécution du mandat confié et en particulier des modalités du gardiennage du véhicule dans l’attente de sa mise en vente aux enchères.

Par courriers des 28 juin 2011 et 15 septembre 2011, elle a interrogé le commissaire-priseur quant à la date de mise en vente forcée du véhicule, celle prévue le 24 juin 2011 n’ayant pas eu lieu, lequel s’est engagé, par lettre du 24 octobre 2011, à prendre à sa charge les frais de gardiennage entre le 24 juin 2011 et le 4 novembre 2011, prochaine date de mise en vente aux enchères. Par courrier du 1er décembre 2011 en réponse à une lettre de la Scp Clinard et Passet du 24 novembre 2011, le commissaire de justice l’a informée que le véhicule n’avait pas trouvé preneur lors de la vente aux enchères du 4 novembre 2011, qu’il avait demandé à la société Casimir qu’elle adresse directement à la Scp Clinard et [X] la facture de frais de gardiennage du véhicule, et lui a suggéré de procéder à l’enlèvement d’autres biens afin de pouvoir couvrir les frais de vente forcée des biens saisis le 9 novembre 2010.

Le créancier a formé fin novembre 2011 une proposition de rachat du véhicule, aux motifs que le véhicule était stocké depuis plusieurs mois dans un garage et qu’il ne souhaitait ‘pas voir les frais de gardiennage exploser’. Le commissaire de justice l’ayant invité à se rapprocher de la Scp Clinard et Passet par courriel du 21 décembre 2011 confirmé par lettre du 22 mars 2012, aux motifs qu’il n’était plus détenteur du véhicule, celle-ci a sollicité par courrier du 28 mars 2012 une nouvelle mise en vente aux enchères du véhicule saisi à cette fin, que le commissaire de justice, par lettre du 14 mai 2012, s’est engagé à réaliser dès réception de ses honoraires. La Scp Clinard et [X] en a informé le créancier par courriel du 10 juillet 2012, tout en lui précisant ne pas avoir reçu la facture de gardiennage du véhicule et en lui demandant ses instructions sur l’opportunité d’une nouvelle mise en vente forcée ‘car le véhicule semble présenter une valeur vénale inférieure au montant des frais’.

Au vu de ces éléments, il appartenait à la société Scp Clinard et [X], au titre de l’exécution de son mandat, de s’assurer que la poursuite du gardiennage du véhicule de faible valeur vénale était conforme aux intérêts du mandant compte tenu des frais ainsi occasionnés, en particulier en prenant attache auprès de la société Casimir, et le cas échéant d’accomplir les mesures nécessaires pour mettre un terme au gardiennage trop coûteux du véhicule.

La Scp Clinard et Passet n’a pas accompli ces diligences, reconnaissant dans un courrier du 14 juin 2018 avoir archivé le dossier en 2012.

Ce n’est qu’interrogée le 4 avril 2017 par la société Casimir souhaitant clore le dossier après six ans de gardiennage et détruire le véhicule, qu’elle lui a indiqué par courriel du 7 avril suivant que le débiteur était décédé depuis plusieurs années et qu’elle pouvait procéder à la destruction du véhicule qui n’a jamais été vendu. Cette autorisation, ainsi libellée et sans l’accomplissement des formalités afférentes, était cependante insuffisante compte tenu de la mise sous saisie du véhicule.

Par courriel du 12 avril 2017, la société Casimir a informé l’intimée qu’ ‘après consultation du centre VHU qui détruit les véhicules, ce dernier a besoin d’un cerfa de destruction qui soit signé par tous les héritiers du propriétaire ainsi qu’une copie de l’acte stipulant l’identité de ce ou ces héritier(s)’.

La société Clinard et [X] n’a donné aucune suite à ce courriel qu’elle ne conteste pas utilement avoir reçu et n’a accompli aucune formalité, alors qu’elle avait l’obligation de mener à terme la mesure d’exécution forcée qu’elle avait initiée, ce qui impliquait, en l’absence de preneur du véhicule de faible valeur et au vu du coût du gardiennage, de provoquer la destruction administrative du véhicule.

Ces manquements de la société Clinard et [X] à compter du mois de septembre 2012 caractérisent une exécution fautive du mandat confié par le créancier, susceptible d’engager la responsabilité délictuelle de la société Clinard et [X] envers la société Casimir.

Cette dernière, en sa qualité de dépositaire, était tenue de conserver le véhicule tant qu’il était entreposé dans ses locaux et n’a commis aucune faute exonératoire de responsabilité en laissant le contrat de dépôt se poursuivre, en n’interrogeant pas la société Clinard et [X], son interlocuteur, sur l’opportunité d’y mettre un terme et en prenant attache avec ladite société le 4 mai 2017.

Il ne saurait lui être fait grief de ne pas avoir utilisé la procédure prévue par la loi du 31 décembre 1903 relative aux biens abandonnés, consistant à être autorisée par voie de requête à vendre le véhicule afin d’obtenir le règlement des frais de gardiennage dont la société Clinard et [X] s’est désintéressée.

Il n’est donc justifié d’aucune faute de la société Casimir exonératoire de responsabilité envers la société Clinard et [X].

Sur le lien de causalité et le préjudice :

La société Casimir sollicite le règlement de l’intégralité des frais de gardiennage engagés et qu’elle n’a pu recouvrer du fait de la faute de la société Clinard et [X], et subsidiairement de ceux non couverts par la prescription invoquée par l’intimée. Elle précise ne pas avoir renoncé à leur recouvrement dans son courriel d’avril 2017, ayant au contraire adressé une lettre de mise en demeure à l’intimée le 22 février 2018.

L’intimée s’oppose à cette demande en ce que :

– le prolongement du gardiennage n’est pas imputable à une faute de sa part mais exclusivement à la société Casimir qui a conservé le véhicule en parfaite connaissance de cause et en s’abstenant de mettre un terme au dépôt notamment par la mise en oeuvre de la procédure de destruction,

– la société Casimir a reconnu dans son courriel du 4 avril 2017 que les frais de gardiennage ne lui seraient pas réglés et a renoncé à en réclamer le paiement,

– les frais de saisie (enlèvement et gardiennage) sont toujours à la charge du débiteur et le commissaire de justice s’est engagé à les assumer pour la période du 24 juin au 4 novembre 2011, sans que la société Casimir ne lui en réclame le paiement,

– la demande en paiement, à supposer qu’elle repose sur un tarif opposable, est prescrite au titre des frais de gardiennage du véhicule antérieurs au 11 avril 2014 en application de l’article 2224 du code civil, ce qu’a reconnu l’appelante dans ses conclusions devant le tribunal,

– le véhicule ayant été saisi et enlevé à la requête du créancier, la demande de condamnation au paiement de la somme de 132 euros TTC par mois à compter de mai 2018 jusqu’à l’enlèvement du véhicule, avec intérêts et capitalisation, est irrecevable à son égard en ce qu’elle n’a pas le pouvoir de mettre fin à la saisie,

– les conditions du gardiennage du véhicule sont contestables et ne justifient pas le montant mensuel réclamé.

Selon l’article 2224 du code civil, ‘Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant de l’exercer’.

La demande en paiement de frais de gardiennage est formée à titre de dommages et intérêts en conséquence de la faute contractuelle commise par la société Clinard et [X], engageant sa responsabilité délictuelle envers la société Casimir.

Le point de départ du délai de l’action en responsabilité engagée à l’encontre de l’huissier de justice court à compter de la réalisation du dommage, laquelle ne peut être antérieure au refus de prise en charge des frais de gardiennage qu’a opposé la société Clinard et [X] au président de la chambre départementale des huissiers de justice saisi par la société Casimir, ce par lettre du 14 juin 2018.

L’action en responsabilité engagée le 19 mai 2019 n’est donc pas prescrite et doit donner lieu à la réparation de l’intégralité du dommage subi en lien de causalité avec la faute de l’huissier de justice, indépendamment de la période durant laquelle ont couru les frais de gardiennage dont il est sollicité le paiement à titre de dommages et intérêts.

La circonstance que la société Casimir aurait reconnu le bien fondé de la prescription soulevée n’est pas établie et est inopérante puisqu’elle maintient sa demande en réparation de l’intégralité du dommage subi.

La demande indemnitaire formée par la société Casimir est donc recevable dans son intégralité.

Il n’est pas justifié qu’elle aurait renoncé à réclamer les frais de gardiennage en précisant dans son courriel du 4 avril 2015 ‘Conscients que le gardiennage qui nous est dû depuis longtemps ne nous sera jamais payé, nous souhaitons tout de même pouvoir clore ce dossier, qui n’a que trop traîné depuis maintenant 6 ans (!), en mettant en destruction le véhicule dont tout le monde se désintéresse’, alors qu’elle en a sollicité le règlement par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 22 février 2018.

La faute contractuelle de la société Clinard et [X] dans l’exécution de son mandat de saisie du véhicule aux fins de vente forcée en laissant se poursuivre à compter de septembre 2012 le gardiennage du véhicule en méconnaissance des intérêts du mandant, a contribué au dommage subi par la société Casimir à laquelle les frais de gardiennage, incombant au créancier saississant, mandant de la société Clinard et [X], n’ont pas été réglés.

La contribution du commissaire-priseur au dommage subi par la société Casimir, à la supposer caractérisée, relève de l’exercice d’une action récursoire.

Il n’est pas démontré le caractère injustifié des frais de gardiennage, facturés par la société Casimir pour un montant de 110 euros HT mensuel, la société Clinard et [X] se bornant à produire aux débats un constat d’huissier de justice dressé le 22 décembre 2020 démontrant que le véhicule est entreposé parmi d’autres dans un terrain n’appartenant pas à la société Casimir, sans plus d’éléments.

La société Clinard et [X] doit donc être condamnée, au titre de l’indemnisation du préjudice subi par la société Casimir au paiement de l’intégralité des frais de gardiennage hors taxe engagés à compter de septembre 2012, et non pas dès la prise en charge du véhicule, à raison de 110 euros pendant 80 mois pour la période de septembre 2012 à avril 2018, soit pour un montant 8800 euros, puis à raison de 110 euros par mois à compter du mois de mai 2018 et jusqu’au prononcé de la présente décision, le surplus du préjudice allégué ne présentant pas un caractère actuel et certain.

Il convient d’assortir ces condamnations des intérêts au taux légal à compter de la présente décision et d’ordonner la capitalisation des intérêts.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :

La société Clinard et [X] échouant est condamnée aux dépens de première instance et d’appel, avec les modalités de recouvrement de l’article 699 du code de procédure civile et à payer à la société Casimir une somme de 5 000 euros à titre d’indemnité de procédure.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant de nouveau,

Dit la Sas Casimir recevable en l’ensemble de sa demande de dommages et intérêts portant sur les frais de gardiennage engagés,

Condamne la Scp Clinard et [X] à payer à la Sas Casimir, à titre de dommages et intérêts, la somme de 8800 euros au titre des frais de gardiennage pour la période de septembre 2012 à avril 2018 et la somme de 110 euros par mois à compter du mois de mai 2018 et jusqu’au prononcé de la présente décision,

Déboute la Sas Casimir du surplus de sa demande indemnitaire,

Dit que ces sommes seront assorties des intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

Ordonne la capitalisation des intérêts,

Condamne la Scp Clinard et Passet à payer à la Sas Casimir la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Scp Clinard et Passet aux dépens de première instance et d’appel, qui pourront être recouvrés selon les modalités de l’article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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