Droits des héritiers : 28 mars 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/02490

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Droits des héritiers : 28 mars 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/02490

28 mars 2023
Cour d’appel de Versailles
RG n°
21/02490

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

1ère chambre 1ère section

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

Code nac : 29C

DU 28 MARS 2023

N° RG 21/02490

N° Portalis DBV3-V-B7F-UOJV

AFFAIRE :

[D], [I], [M] [P]

[H], [Y], [F] [G]

C/

Association LES RESTAURANT DU COEUR – LES RELAIS DU COEUR

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Mars 2021 par le Tribunal Judiciaire de VERSAILLES

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 19/00451

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

-la SELARL CJ AVOCATS,

-Me Sandrine BEZARD

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT HUIT MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Madame [D], [I], [M] [P]

née le 23 Décembre 1952 à [Localité 17] (14)

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 12]

Madame [H], [Y], [F] [G]

née le 17 Mars 1930 à [Localité 18]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 14]

représentées par Me Adel JEDDI de la SELARL CJ AVOCATS, avocat – barreau de VAL D’OISE, vestiaire : 208

APPELANTES

****************

Association LES RESTAURANT DU COEUR – LES RELAIS DU COEUR,

représentée par son président, M. [A] [B], domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 6]

[Localité 10]

représentée par Me Sandrine BEZARD, avocat postulant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 394

Me Anny-claude ROISSARD, avocat – barreau de PARIS, vestiaire : C0377

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 12 Janvier 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Sixtine DU CREST, Conseiller chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anna MANES, Présidente,

Madame Pascale CARIOU, Conseiller,

Madame Sixtine DU CREST, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,

FAITS ET PROCÉDURE

[X] [P], née le 21 janvier 1952, demeurant de son vivant à [Localité 13] (Yvelines), est décédée le 11 janvier 2017 à [Localité 15] (Yvelines), laissant pour lui succéder Mme [H] [G] veuve [P], sa mère, et Mme [D] [P] épouse [T], sa s’ur.

Un testament olographe daté du 5 novembre 2014 a été déposé le 8 juin 2017 à la requête de Mme [H] [G] au rang des minutes de M. [V], notaire à [Localité 14], lequel est rédigé comme suit :

« Ceci est mon testament.

Je soussignée [X] [P] née le 21 janvier 1952 à [Localité 17] (50), domiciliée [Adresse 9], lègue en toute propriété mon bien immobilier à savoir :

un appartement sis [Adresse 9]),

cave n°9 et emplacement de parking n°31 en sous-sol à l’association reconnue d’utilité publique les restaurants du c’ur – [Adresse 11].

Je lègue la totalité des espèces détenues au jour de mon décès :

– sur mes comptes courant, PEL, CEL, LDD et compte d’Epargne ouverts auprès de BNP Paribas – [Adresse 1],

– sur mon livret A ouvert auprès de la caisse d’Epargne d’Ile de France – [Adresse 4],

– ainsi que mon Epargne Salariale gérée par Amundi (n° compte [XXXXXXXXXX05])

à ma mère [H] [P] (née [G]) née le 17 mars 1930 et demeurant [Adresse 2], si elle est vivante au jour de mon décès.

Si tel n’est pas le cas, je lègue l’ensemble de ces sommes figurant sur les comptes mentionnés ci-dessous à mon fils « adoptif » [Z] [S] né le 9 janvier 1964 à [Localité 16] et demeurant [Adresse 8].

Si il était décédé également au jour de mon décès, l’ensemble reviendrait à l’association Les Restaurants du C’ur.

Je tiens à préciser que les deux contrats d’assurance vie Multiplacements 2 n°05220504 et 07024355 ouverts auprès de Cardif assurance vie ont comme bénéficiaire [Z] [S].

Fait à [Localité 13], le mercredi 5 novembre 2014 » suivi d’une signature au nom de la défunte.

Par procuration du 8 mai 2015, Mme [H] [G] a accepté de délivrer au profit de l’association Les restaurants du c’ur – les relais du c’ur le legs particulier consenti par [X] [P].

Par courrier du 2 juillet 2018 adressé au notaire, Mme [D] [P] s’est opposée à la délivrance du legs particulier, faisant valoir qu’elle avait la volonté de contester le testament olographe.

Par courrier du 28 septembre 2018, l’association Les restaurants du c’ur – les relais du c’ur a écrit au conseil de Mme [D] [P] afin de souligner que cette dernière ne l’avait pas faite assigner en contestation du testament et de lui demander si sa cliente maintenait son opposition, précisant que, sans réponse de sa part avant le 10 octobre 2018, elle reprendrait « sa liberté d’action ».

Par exploits du 29 novembre 2018, l’association Les restaurants du c’ur – les relais du c’ur a fait assigner Mme [H] [G] et Mme [D] [P] devant le tribunal judiciaire de Versailles.

Par jugement réputé contradictoire rendu le 5 mars 2021, le tribunal judiciaire de Versailles a :

– Rejeté la demande formée par Mme [D] [P] tendant à voir prononcer la nullité du testament olographe du 5 novembre 2014,

– Ordonné la délivrance par Mmes [H] [G] et [D] [P] à l’association Les restaurants du coeur – les relais coeur du legs particulier consenti par [X] [P] aux termes de son testament olographe du 5 novembre 2014 portant sur un appartement dépendant de l’ensemble immobilier sis à [Adresse 9], cadastré Section AK n° [Cadastre 7] d’une contenance de 96 a 56 ca,

– Dit qu’à défaut de délivrance du legs particulier par Mmes [H] [G] et [D] [P] dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision, ce jugement vaudra acte de délivrance,

– Dit que les frais de la demande en délivrance seront à la charge de la succession de [X] [P],

– Rejeté la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée formée par l’association Les restaurants du coeur – les relais coeur à l’encontre de Mme [D] [P],

– Condamné Mme [D] [P] à payer à1’association Les restaurants du coeur – les relais coeur la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamné Mme [D] [P] aux dépens, avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

– Ordonné l’exécution provisoire de la présente décision.

Mme [D] [P] et Mme [H] [G] ont interjeté appel de ce jugement le 16 avril 2021 à l’encontre de l’association Les restaurants du c’ur – les relais du c’ur.

Par conclusions notifiées le 16 juillet 2021, Mme [D] [P] et Mme [H] [G] demandent à la cour de :

– Infirmer le jugement entrepris en date du 5 mars 2021 et ce en toutes ses dispositions,

En conséquence,

– Juger recevables leurs demandes,

– Juger comme étant nul le testament holographique en date du 5 novembre 2014,

– Débouter l’association Les restaurants du c’ur – les relais c’ur de l’intégralité de ses demandes,

– Condamner l’association Les restaurants du c’ur – les relais c’ur à payer à Mme [D] [P] la somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamner l’association Les restaurants du c’ur – les relais c’ur aux dépens.

Par conclusions notifiées le 1er septembre 2021, l’association Les restaurants du c’ur – les relais du c’ur demande à la cour, au fondement de l’article 28, 4°, c du décret n° 55-22 du 04 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière, des articles 699, 798, 895, 900, 901, 913, 898 et 970, 1011, 1014 et 1016 du code civil, et des articles 9, 146 et 700 du code de procédure civile, de :

– Déclarer Mme [D] [T] et Mme [H] [G] recevables mais non fondées en leur appel,

– Les débouter avec toutes conséquences de droit,

– Confirmer purement et simplement le jugement déféré sauf en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts,

– Ordonner la délivrance du legs particulier dont s’agit savoir :

un appartement dépendant de l’ensemble immobilier sis à [Adresse 9], cadastré Section AK n° [Cadastre 7] d’une contenance de 96 a 56 ca, ledit appartement comprenant :

lot n° 84 – dans le bâtiment C – porte 13 – au rez-de-chaussée un appartement comprenant : entrée avec placard – une cuisine – un dressing – un dégagement – un water-closet – une salle de bains et trois pièces avec les 171/ 10.117èmes de la propriété du sol et des parties communes générales,

lot n° 163 – au rez-de-chaussée droit à la jouissance exclusive d’un jardin avec les 16/10.117èmes de la propriété du sol et des parties communes générales,

lot n° 32 – dans le bâtiment A – au sous-sol une cave avec les 2/10.117èmes de la propriété du sol et des parties communes générales,

lot n° 48 – dans le bâtiment A – au sous-sol un parking souterrain avec les 10/10.117èmes de la propriété du sol et des parties communes générales acquis suivant acte du ministère de M. [J], ès qualités, notaire à la résidence de [Localité 13] (Yvelines), en date du 6 novembre 2001, ledit acte publié à la conservation des hypothèques de [Localité 19] 2e bureau le 22 novembre 2011 volume 2001 P n° 9916,

– Dire qu’à défaut de délivrance du legs particuliers dont s’agit, par Mme [D] [T] et Mme [H] [G], dans le délai de deux mois de la signification de l’arrêt à intervenir, le présent arrêt vaudra acte de délivrance dudit legs particulier,

– Dans tous les cas, dire que dans les termes de l’article 1016 du code civil les frais de la demande en délivrance seront à la charge de la succession,

– Prendre acte que du fait des contestations infondées de Mme [D] [T] et Mme [H] [G], l’association Les restaurants du c’ur – les relais c’ur n’a pu disposer du bien immobilier légué et plus particulièrement du produit de la vente de ce bien pour exercer son objet social, estimé en septembre 2017 à 298 000 euros,

– Prendre acte que pour l’association Les restaurants du c’ur – les relais du c’ur un repas = un euro,

– Condamner conjointement et solidairement Mme [D] [T] et Mme [H] [G] à payer à l’association Les restaurants du c’ur – les relais du c’ur la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts, pour résistance tant abusive qu’injustifiée, outre celle de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel,

– Condamner conjointement et solidairement Mme [D] [T] et Mme [H] [G] en tous les dépens dont distraction au profit de Mme [E], ès qualités, avocat constitué, lesquels seront recouvrés dans les termes de l’article 699 du code de procédure civile.

La clôture de l’instruction a été ordonnée le 1er décembre 2022.

SUR CE, LA COUR,

Sur les limites de l’appel

Il ressort des écritures susvisées que le jugement est contesté en toutes ses dispositions.

A titre liminaire

La cour rappelle que l’article 954 du code de procédure civile oblige les parties à énoncer leurs prétentions dans le dispositif de leurs conclusions et que la cour ne statue que sur celles-ci.

Par prétention, il faut entendre, au sens de l’article 4 du code de procédure civile, une demande en justice tendant à ce qu’il soit tranché un point litigieux.

Par voie de conséquence, les « prendre acte » ne constituent pas des prétentions, mais en réalité des moyens qui ont leur place dans le corps des écritures, plus précisément dans la partie consacrée à l’examen des griefs formulés contre le jugement et à la discussion des prétentions et moyens, pas dans le dispositif. La cour ne répondra de ce fait à de tels « prendre acte » qu’à condition qu’ils viennent au soutien de la prétention formulée en appel et énoncée dans le dispositif des conclusions et, en tout état de cause, pas dans le dispositif de son arrêt, mais dans ses motifs.

Par ailleurs, dans les motifs de leurs écritures, les appelantes indiquent (page 8) :

« il convient de constater que Madame [D] [P], en sa qualité de s’ur de la défunte ne bénéficie pas du statut d’héritier réservataire mais est quant (sic) même dans l’ordre de la succession, et au regard de la situation familiale, en mesure de prétendre aux ¿ de la succession de sa s’ur, sa mère à ¿.

Le fait que le testament olographe contesté lui hôte (sic) toute prétention à la succession fait de Madame [D] [P] un héritier lésé.

Dans ces conditions, il conviendra de constater la qualité d’héritier de Madame [D] [P] et lui conférer les droits qui lui sont accordés par la loi.

Le jugement qui n’a pas statué sur ce point devra être infirmé. »

La cour observe qu’aucune prétention sur ce point n’est formulée au dispositif de leurs écritures, de sorte que la cour n’est saisie d’aucune demande particulière sur ce point.

Sur la demande en nullité du testament

Moyens des parties

Poursuivant l’infirmation du jugement en ce qu’il a débouté Mme [D] [P] de sa demande de nullité du testament olographe du 5 novembre 2014, Mme [D] [P] et Mme [H] [W] soutiennent, au fondement de l’article 970 du code civil, que le testament litigieux n’a pas l’écriture ni la signature de [X] [P]. Elles ajoutent qu’il est « curieux » que Mme [D] [P] en ait été exclue, arguant que si elle avait voulu écarter sa s’ur de l’héritage, [X] [P] aurait pu le spécifier clairement, de même qu’elle ne spécifie pas la qualité de légataire universelle de sa mère.

L’association Les restaurants du c’ur ‘ Les relais du c’ur réplique que les appelantes procèdent par affirmations et ne versent aux débats aucun des extraits de correspondance qu’elles annoncent dans leurs écritures. Elle ajoute que Mme [H] [P] a déposé à l’étude du notaire, sans émettre de réserve, le testament litigieux ainsi qu’en atteste le procès-verbal de description et de dépôt. Elle ajoute que Mme [H] [P] et Mme [D] [P] ont signé l’acte de notoriété aux termes duquel la teneur du testament contesté a été rapportée. Elle en déduit que le revirement de Mme [H] [P] devant la cour est un revirement de circonstance qui manque de sérieux et de pertinence.

Appréciation de la cour

L’article 970 du code civil dispose que le testament olographe ne sera point valable s’il n’est écrit en entier, daté et signé de la main du testateur : il n’est assujetti à aucune autre forme.

En l’espèce, il résulte de l’examen du testament et du procès-verbal de description et de dépôt du testament olographe litigieux que ce dernier, écrit à la main en entier sur une feuille A4, daté du 5 novembre 2014, et signé de la main du testateur, remplit l’ensemble des conditions de validité posées par l’article 970 du code civil (pièce 2 intimée et pièce 7 appelantes).

La cour note que Mme [H] [P] a signé sans réserve le 2 mai 2018, avec la mention « bon pour pouvoir » suivie de sa signature, la procuration établie par le notaire afin de délivrer à l’association Les restaurants du c’ur – les relais du c’ur son legs à titre particulier et d’établir la déclaration de succession (pièce 18 intimée).

Alors que les appelantes annoncent dans leurs conclusions que l’écriture du testament ne serait pas la même que celle de [X] [P], elles ne produisent aucun extrait de correspondance de la de cujus de nature à permettre à la cour d’effectuer une comparaison d’écriture avec le testament du 5 novembre 2014.

Dès lors, lorsqu’elles affirment ne pas reconnaître l’écriture de [X] [P], Mme [D] [P] et Mme [H] [G] ne procèdent que par allégations qui ne sont corroborées par aucun élément de preuve.

L’attestation de Mme [H] [G] (pièce 8 appelantes), qui indique qu’à aucun moment [X] [P] n’a émis le souhait de déshériter sa s’ur, est inopérante à démontrer un quelconque vice de nature à entraîner la nullité du testament.

Au surplus, le fait que Mme [D] [P] s’étonne du contenu de ce testament ou que ce dernier ne lui plaise pas, n’est pas un motif d’annulation du testament.

Il n’y a donc pas lieu de faire droit à leur demande et le jugement sur ce point sera confirmé.

Sur la demande subsidiaire d’annulation du testament pour insanité d’esprit

Moyens des parties

Poursuivant l’infirmation du jugement en ce qu’il a débouté Mme [D] [P] de sa demande de nullité du testament olographe du 5 novembre 2014, Mme [D] [P] et Mme [H] [W] soutiennent subsidiairement, au fondement de l’article 901 du code civil, « qu’à compter de 2014, [X] [P] voyait sa santé décliner de telle sorte qu’il est important de se poser la question de savoir si cette dernière disposait de l’intégralité de ses facultés lors de la rédaction de l’acte ». Elles affirment qu’elle était affaiblie et malade, et ne disposait pas de toutes ses facultés.

L’association Les restaurants du c’ur ‘ Les relais du c’ur réplique qu’aucune preuve de l’existence d’un trouble mental ou d’une insanité d’esprit au moment de la rédaction de l’acte n’est rapportée. Elle ajoute que les appelantes ne procèdent que par interrogations ou par affirmations infondées.

Appréciation de la cour

Selon l’article 901 du code civil, pour faire une libéralité, il faut être sain d’esprit. La libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l’erreur, le dol ou la violence.

L’article 414-1 du même code dispose en outre que pour faire un acte valable, il faut être sain d’esprit. C’est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l’existence d’un trouble mental au moment de l’acte.

En l’espèce, force est de constater que pas plus qu’en première instance, Mme [D] [P] et Mme [H] [G] ne produisent aux débats la moindre pièce de nature à démontrer une insanité d’esprit chez [X] [P]. Elles se contentent d’affirmer qu’elle était « affaiblie et avait une insanité d’esprit patente », sans le moindre commencement de preuve.

L’attestation de Mme [H] [G] qui mentionne que [X] [P] n’aurait « pas été en possession de tous ses moyens » pendant sa maladie (qui selon elle a duré deux ans et a donc débuté en 2015 alors que le testament est de 2014) n’est pas de nature à apporter cette preuve.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté leur demande.

Sur la demande de délivrance du legs à titre particulier à l’association Les restaurants du c’ur ‘ Les relais du coeur

Moyens des parties

Poursuivant la confirmation du jugement, l’association Les restaurants du c’ur ‘ Les relais du c’ur demande à la cour, au fondement des articles 1011, 1014 et 1017, alinéa 1er, du code civil, d’ordonner la délivrance de son legs particulier. Elle souligne que bien que le conseil des appelantes ait indiqué par lettre du 2 juillet 2018 avoir la volonté ferme de contester le testament établi, aucune procédure n’a été introduite par elles de sorte qu’elle a été contrainte de diligenter une procédure judiciaire pour obtenir la délivrance de son legs. Au fondement de l’article 1016 du code civil, elle sollicite que les frais de la demande en délivrance soient à la charge de la succession.

Mme [D] [P] et Mme [H] [P] ne développent aucun moyen de fait ni de droit sur ce point.

Appréciation de la cour

L’article 1014 du code civil dispose que tout legs pur et simple donnera au légataire, du jour du décès du testateur, un droit à la chose léguée, droit transmissible à ses héritiers ou ayants cause.

Néanmoins le légataire particulier ne pourra se mettre en possession de la chose léguée, ni en prétendre les fruits ou intérêts, qu’à compter du jour de sa demande en délivrance, formée suivant l’ordre établi par l’article 1011, ou du jour auquel cette délivrance lui aurait été volontairement consentie.

Selon l’article 1011 du même code, les légataires à titre universel seront tenus de demander la délivrance aux héritiers auxquels une quotité des biens est réservée par la loi ; à leur défaut, aux légataires universels et, à défaut de ceux-ci, aux héritiers appelés dans l’ordre établi au titre « Des successions ».

L’article 1016, alinéa 1er, précise que les frais de la demande en délivrance seront à la charge de la succession, sans néanmoins qu’il puisse en résulter de réduction de la réserve légale.

En l’espèce, Mme [H] [G] – qui s’est rétractée après avoir signé le 2 mai 2018 une procuration aux fins de délivrance de legs à titre particulier – et Mme [D] [P] n’ont jamais volontairement consenti à délivrer le legs particulier de l’association Les restaurants du c’ur ‘ les relais du c’ur.

Par conséquent et compte tenu du testament olographe du 5 novembre 2014, le jugement sera confirmé en ce qu’il a ordonné la délivrance par Mme [D] [P] et Mme [H] [G] de son legs particulier consenti par [X] [P] à l’association Les restaurants du c’ur ‘ les relais du c’ur, et en ce qu’il a dit qu’à défaut de délivrance dans le délai de deux mois à compter de sa signification, il vaudra acte de délivrance.

Le jugement sera également confirmé en ce que, conformément à l’article 1016 précité, il a dit que les frais de demande de délivrance seront à la charge de la succession de [X] [P].

Sur la demande de dommages et intérêts

Moyens des parties

Poursuivant l’infirmation du jugement en ce qu’il a rejeté sa demande, l’association Les restaurants du c’ur ‘ Les relais du c’ur réitère devant la cour sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 30 000 euros pour résistance abusive et injustifiée liée à l’opposition fautive de Mme [D] [P] d’avoir consenti à lui délivrer son legs particulier, sans préciser le fondement juridique de sa demande.

Elle fait valoir qu’alors qu’elles avaient signé sans réserve l’acte de notoriété du 8 juin 2017, les appelantes ont fait connaître le souhait de contester le testament par lettre de leur conseil du 2 juillet 2018, mais n’ont ensuite diligenté aucune procédure. Elle ajoute qu’alors qu’elle avait déposé sans réserve le testament olographe chez le notaire, Mme [H] [P] a interjeté appel du jugement et conteste désormais la validité du testament.

Elle précise que [X] [P] n’était aucunement tenue d’informer ses proches de ses dispositions testamentaires, que Mme [D] [P] a conclu plus d’un an après sa mise en cause et qu’elle n’a versé aucune preuve de ce qu’elle affirme.

Elle indique qu’au visa d’estimations immobilières, le conseil d’administration de l’association, dans sa délibération d’acceptation du legs particulier du 7 septembre 2017, a estimé le bien à 298 000 euros.

Considérant qu’en raison de cette opposition infondée des héritières de [X] [P] elle a été privée de la possibilité de disposer de son bien, l’association sollicite une indemnisation de 30 000 euros.

Mme [D] [P] et Mme [H] [P] ne développent aucun moyen de fait ni de droit sur ce point.

Appréciation de la cour

Selon l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

L’article 32-1 du code de procédure civile dispose que celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

Toute faute faisant dégénérer en abus le droit d’agir en justice ouvre droit à réparation.

En l’espèce, il est constant que Mme [H] [G] a signé une procuration aux fins de délivrance de legs à titre particulier le 2 mai 2018 (pièce 18 intimée). Il est également constant qu’elle et Mme [D] [P] ont toutes deux signé l’acte de notoriété du 8 juin 2017 aux termes duquel la teneur du testament contesté a été rapportée (pièce 1 intimée). Elles se sont ensuite opposées, par lettre de leur conseil du 2 juillet 2018, à la délivrance du legs en prétextant contester la validité du testament. Force est de constater qu’elles n’ont cependant diligenté aucune procédure, alors qu’elles avaient connaissance du testament depuis, au moins, le 8 juin 2017. C’est l’association Les restaurants du c’ur ‘ les relais du c’ur qui a été dans l’obligation d’assigner le 29 novembre 2018 pour obtenir la délivrance de son legs.

Par ailleurs, alors que le jugement précise très clairement qu’il rejette la demande de nullité de Mme [D] [P] car « la défenderesse n’étaye ses affirmations par aucun élément de preuve ou commencement de preuve, étant précisé qu’elle ne produit pas les extraits de correspondance de sa s’ur », celle-ci et Mme [H] [G] ne modifient en rien les éléments produits à hauteur d’appel : elles maintiennent la même demande, fondée sur la même affirmation, sans verser aux débats le moindre extrait de correspondances que lequel, pourtant, elles prétendent s’appuyer.

De surcroît, elles demandent la nullité du testament aux motifs que [X] [P] n’aurait pas été saine d’esprit au moment de sa rédaction, sans fournir la moindre pièce médicale ni le moindre commencement de preuve, alors même que le jugement a clairement indiqué « il convient de relever qu’aucune pièce médicale concernant [X] [P] n’est produite (‘) force est donc de constater que Mme [D] [P] se contente d’alléguer sans toutefois apporter la preuve de l’insanité d’esprit de sa s’ur ».

Il s’en déduit que Mme [D] [P] et Mme [H] [G] n’ont absolument pas tenu compte de la motivation des premiers juges et se sont contentées d’allégations non fondées pour prétendre en appel à l’annulation du testament et retarder la délivrance du legs particulier à l’association Les restaurants du c’ur ‘ les relais du c’ur. Il est donc manifestement établi qu’elles ont commis une faute faisant dégénérer en abus leur droit de se défendre en justice.

Elles seront par conséquent condamnées à verser une amende civile à hauteur de 5000 euros.

En outre, cette faute a directement causé un préjudice à l’intimée qui a dû engager une procédure judiciaire et qui n’a pas pu disposer de son bien alors même que ce dernier aurait pu lui permettre d’honorer son objet social.

Il y a donc lieu d’infirmer le jugement en ce qu’il a débouté l’intimée de sa demande de dommages et intérêts et de condamner solidairement Mme [D] [P] et Mme [H] [G] à verser 5000 euros à l’association Les restaurants du c’ur ‘ les relais du c’ur en réparation de son préjudice.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement qui a exactement statué sur les dépens et les frais irrépétibles sera confirmé.

Parties perdantes, Mme [D] [P] et Mme [H] [G] seront condamnées aux dépens, qui pourront être recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile. Leur demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile sera par conséquent rejetée.

Par ailleurs, l’équité commande de les condamner à verser 4000 euros au titre des frais irrépétibles exposés par l’intimée en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,

INFIRME le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée formée par l’association Les restaurants du c’ur ‘ les relais du c’ur à l’encontre de Mme [D] [P] ;

Le CONFIRME pour le surplus ;

Statuant à nouveau du chef infirmé,

CONDAMNE solidairement Mme [D] [P] et Mme [H] [G] à verser 5000 euros à l’association Les restaurants du c’ur ‘ les relais du c’ur en réparation de son préjudice ;

Les CONDAMNE solidairement à verser 5 000 euros à titre d’amende civile ;

Y ajoutant,

CONDAMNE solidairement Mme [D] [P] et Mme [H] [G] à verser 4000 euros à l’association Les restaurants du c’ur ‘ les relais du c’ur au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE solidairement Mme [D] [P] et Mme [H] [G] aux dépens, qui pourront être recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile ;

REJETTE toutes autres demandes.

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

– signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,

 


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