Droits des héritiers : 29 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/08757

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Droits des héritiers : 29 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/08757

29 mars 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
21/08757

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 3 – Chambre 1

ARRET DU 29 MARS 2023

(n° 2023/ , 18 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/08757 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDUDA

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Mars 2021 – Tribunal judiciaire de PARIS – RG n° 18/13977

APPELANT

Monsieur [K] [S]

né le 29 Avril 1949 à [Localité 17]

[Adresse 7]

[Localité 1]

représenté et plaidant par Me Amaryllis BROSSAS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0762

INTIMEE

Madame [U] [Z] [S] épouse [X]

née le 30 Juin 1958 à [Localité 13] (92)

[Adresse 10]

[Localité 11]

représentée et plaidant par Me René-Louis PETRELLI, avocat au barreau de PARIS, toque : C1160

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 08 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Patricia GRASSO, Président, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Patricia GRASSO, Président

Mme Sophie RODRIGUES, Conseiller

Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Emilie POMPON

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Patricia GRASSO, Président, et par Mme Emilie POMPON, Greffier.

***

EXPOSE DU LITIGE :

[W] [G] est décédée le 16 novembre 2010, laissant pour lui succéder ses deux enfants Mme [U] [S] épouse [X] et M. [K] [S], issus de son union avec [J] [S], prédécédé.

Le 2 janvier 1995, [A] [P], oncle de [W] [G], est décédé. Par testament olographe du 10 janvier 1992, il avait institué en qualité de légataires à titre universel :

-[W] [G] en usufruit,

-Mme [U] [S] en nue-propriété.

Le 22 mai 1995, [W] [G] et Mme [U] [S] ont constitué la société civile le Prieuré Saint-Germain par l’apport :

-en numéraire par [W] [G] de la somme de 25 300 francs,

-en nature par [W] [G] pour l’usufruit et par Mme [U] [S] pour la nue-propriété, d’avoirs bancaires et financiers provenant de la succession de [B] [P] pour une valeur de 25 474 700 francs.

Dans les statuts constitutifs de la société civile, il était précisé que « l’usufruit grevant les biens apportés fait l’objet d’un report sur les titres de la société civile le Prieuré Saint-Germain émis à cette occasion, les parts sociales se trouvant subrogés aux apports ci-dessus ».

Le capital de 25 500 000 francs a été divisé en 255 000 parts de 100 francs, revenant :

-à [W] [G] pour 253 parts en pleine propriété et pour 254 747 parts en usufruit,

-à Mme [U] [S] pour 254 747 parts en nue-propriété.

Par ailleurs, [A] [P] avait laissé plusieurs biens immobiliers, qui n’ont pas été apportés à la société :

– un appartement situé [Adresse 9], d’une valeur estimée au décès à 4.700.000 francs (716.510 €),

– une propriété à la [Localité 14], dénommée « Le Prieuré Saint Germain » qui constituait sa résidence secondaire, estimée au décès à 750.000 francs (114.337 €),

– et une petite maison située sur la même commune, évaluée à 150.000 francs (22.867 €)

Par un acte de donation-partage du 23 novembre 1999, [W] [G] a donné à :

-M. [K] [S] la nue-propriété de :

*lots de copropriété n°8 et 69 d’un ensemble immobilier situé [Adresse 4], [Adresse 6], [Adresse 4] et [Adresse 3],

*valeurs immobilières

le tout pour une valeur totale de 3 159 799 francs,

-Mme [U] [S] la nue-propriété de :

*lots de copropriété n° 6, 17 et 21 d’un appartement situé [Adresse 10],

*une maison située [Adresse 12]

le tout pour une valeur totale de 4 599 799 francs.

Ces attributions ont été réalisées en avancement de part à hauteur de 3 159 799 francs pour chacun des deux enfants, et concernant le surplus donné à Mme [U] [S] hors part.

Par une ordonnance de référé du 14 décembre 2012, Mme [F], expert-comptable judiciaire, a été désignée avec pour mission de :

-analyser les forces et les charges de la succession, les donations reçues par Mme [U] [S] du vivant de [W] [G], les avantages en nature consentis à Mme [U] [S] au titre de la jouissance à titre gratuit des biens immobiliers de la succession, les modalités de règlement de la succession de [A] [P], les contrats d’assurance-vie, les bijoux de [W] [G], les flux financiers de la successions, les documents sociaux de la société civile le Prieuré Saint-Germain et les flux bancaires et financiers, les documents fiscaux de Mme [U] [S] et de [W] [G],

-reconstituer le compte d’usufruit de [W] [G], l’actif et le passif successoral,

-déterminer et faire ressortir les avantages en nature directs et/ou indirects et/ou les donations déguisées consenties à Mme [U] [S],

-déterminer le sort des biens immobiliers de la succession et la distribution de leur prix en cas de réalisation.

L’expert a rendu son rapport le 30 novembre 2015.

Par acte d’huissier du 29 novembre 2018, M. [K] [S] a assigné Mme [U] [S] en partage judiciaire de la succession de leur mère.

Par jugement du 18 mars 2021, le tribunal judiciaire de Paris a notamment statué dans les termes suivants :

-ordonne l’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession de [W] [G],

-désigne pour y procéder Maître [R] [T] [E], notaire à [Localité 16],

-interprète la demande de condamnation de « M. [K] [S] à payer à Mme [U] [S], la somme de 146 424,50 euros (292 849 euros / 2) à titre de rapport à la succession de leur mère [W] [G], correspondant aux droits de succession incombant à Mme [U] [S] et payé par Mme [U] [S] » comme la revendication par Mme [U] [S] d’une créance sur la succession de sa mère formulée à l’encontre de M. [K] [S] pour la moitié,

-la déclare irrecevable comme étant prescrite,

-rejette la fin de non recevoir tirée de la prescription soulevée par Mme [U] [S],

-rejette la demande tendant à la désignation d’un commissaire-priseur pour procéder à la prisée de :

*une broche en or jaune pavée de diamants de 2 carats minimum,

*un solitaire monté sur or blanc ou platine, de 5 carats minimum,

*une triplette de bagues : la première avec un saphir et deux diamants, la seconde avec une émeraude et deux diamants, la troisième avec trois diamants en ligne,

*un collier de perles fines à un rang,

*une montre de soirée en or jaune et diamants,

-rejette la demande tendant à juger que la prise en charge des droits de succession dus par Mme [U] [S] dans le cadre de la succession de [A] [P] soit considérée comme un avantage rapportable pour un montant de 1 035 496 euros,

-rejette la demande tendant à ce que la prise en charge des frais de succession de [A] [P] à hauteur de 76 225 euros soit considérée comme un avantage indirect rapportable à la succession de [W] [G],

-rejette la demande tendant à ce que la prise en charge des frais de la succession de [A] [P] à hauteur de 68 603 euros soit considérée comme un avantage indirect rapportable à la succession de [W] [G],

-rejette la demande de rapport à la succession de la somme de 833 007,12 euros en raison de la sous-évaluation du compte courant de la défunte dans la société civile le Prieuré Saint Germain,

-rejette la demande de rapport à la succession de la somme de 278 697 euros prélevée sur le compte de la société civile le Prieuré Saint-Germain au bénéfice de Mme [U] [S],

-rejette la demande de rapport à succession de la somme de 94 398 euros au titre des prélèvements effectués entre 2006 et 2010 sur le compte de la Société Générale,

-déclare recevables les demandes de condamnation de M. [K] [S] à payer à Mme [U] [S] les sommes de :

*228 660 euros au titre des subsides perçus,

*114 330 euros au titre desdits subsides,

-les rejette,

-ordonne le rapport par M. [K] [S] à la succession de la donation de 228 660 euros perçue par virements mensuels entre décembre 2004 et novembre 2010,

-déclare recevables les demandes de condamnation de M. [K] [S] à payer à Mme [U] [S] les sommes de :

*404 860 euros au titre de la jouissance gratuite de l’appartement situé [Adresse 4] ayant fait l’objet d’un recel,

*202 430 euros au titre du rapport à la succession de la valeur de la jouissance gratuite de l’appartement situé [Adresse 4],

-les rejette,

-ordonne le rapport par M. [K] [S] à la succession de l’avantage indirect tiré de l’occupation de l’appartement de l’avenue [Adresse 4] d’octobre 2009 à novembre 2010 pour un montant de 25 499 euros,

-rejette la demande de rapport à succession de la somme de 884 939 euros résultant de l’avantage résultant de l’occupation gratuite par Mme [U] [S] des lots n°6 et 7 de l’immeuble situé [Adresse 10],

-rejette la demande de rapport à succession de l’avantage résultant de l’occupation gratuite par Mme [U] [S] de la maison située à [Adresse 12] et de la maison située à la [Localité 14],

-rejette la demande subséquente d’expertise pour déterminer la valeur de ces deux biens,

-rejette la demande de dommages et intérêts présentée par Mme [U] [S].

M. [K] [S] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 6 mai 2021.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 22 décembre 2021, l’appelant demande à la cour de :

-recevoir M. [K] [S] en son appel partiel et le déclarer fondé,

-débouter Mme [U] [S] de son appel incident et de l’ensemble de ses demandes,

les donations occultées et les actifs dissimulés ‘ le recel :

-infirmer le jugement dont appel,

-juger que l’ensemble des opérations réalisées au bénéfice de Mme [U] [S] sous couvert de la société Le Prieuré Saint-Germain, constituée après le décès de [A] [P] à la seule faveur de ses intérêts de nue-propriétaire et au préjudice corrélatif des intérêts de sa mère, constitue un enrichissement du patrimoine de la première et un appauvrissement de celui de la seconde, réalisé dans une intention libérale,

-ordonner consécutivement, en dépit de l’interposition d’une société civile, le rapport successoral à ce titre,

ainsi :

-juger que la prise en charge, sur les fonds dépendant de la succession de [A] [P] soumis au quasi-usufruit de [W] [G], des frais et droits de succession dus à titre personnel par Mme [U] [S] légataire en nue-propriété, doit être considérée comme un avantage indirect consenti à Mme [U] [S] par sa mère,

-ordonner en conséquence le rapport par Mme [U] [S] à la succession pour les montants suivants en principal : 1 035 496 € (droits) + 76 225 € (frais) = 1 111 721 €,

-subsidiairement, juger que les frais engendrés par le règlement de la succession [P] à la charge de Mme [U] [S] représentent 90 % de la somme de 76 225 €, soit celle de 68 603 €, et ordonner consécutivement le rapport par Mme [U] [S] à la succession de sa mère des frais et droits réglés pour la somme de 1 035 496 € + 68 603 € = 1 104 099 €,

-juger que la sous-valorisation, caractérisée par l’expertise judiciaire, du compte-courant de [W] [G] au sein de la société civile Le Prieuré Saint-Germain constitue une manipulation comptable réalisée au préjudice du patrimoine de l’usufruitière et donc de sa succession aujourd’hui, et au bénéfice exclusif de Mme [U] [S], seule autre associée de la société,

-ordonner ce faisant le rapport par Mme [U] [S] à la succession d’une somme en principal de 3 413 101 € (montant des dividendes distribués) ‘ 2 459 966 € (montant des sommes effectivement versées à [W] [G]) ‘ 120 127,88 € (montant erroné du compte courant figurant dans la déclaration de succession) = 833 007,12 €,

-subsidiairement, juger que la sous-valorisation du compte-courant d’associée est démontrée et que cette créance de la succession à l’encontre de la SCI Le Prieuré Saint-Germain devra figurer, dans le cadre du partage, pour sa valeur réelle soit la somme de 953 135 € (au lieu de 120 127,88 €),

-juger que les sommes réglées par la société civile Le Prieuré Saint-Germain au bénéfice personnel de Mme [U] [S] pour un montant total de 278 697 € calculé par l’expert, l’ont été au préjudice économique de l’usufruitière, et à la faveur de l’enrichissement corrélatif de la nue-propriétaire, l’interposition de la société ne faisant pas obstacle à ce que ce montant soit rapporté par Mme [U] [S] à la succession de sa mère,

-ordonner en conséquence ledit rapport,

-juger que Mme [U] [S], titulaire d’une procuration sur les comptes bancaires de sa mère, n’a pas rendu compte de sa gestion après le décès, en dépit des demandes réitérées qui lui ont été adressées par M. [K] [S], sa première reddition de compte étant imparfaitement contenue dans ses écritures signifiées devant le tribunal le 28 mars 2019, actualisées le 9 octobre 2019 et dans les pièces bancaires communiquées à cette occasion,

-juger ce faisant que les prélèvements dont l’emploi n’est pas justifié (chèques et retraits d’espèces), recensés tant sur le compte Société Générale n°[XXXXXXXXXX08] que le compte HSBC n°[XXXXXXXXXX05] de 2006 à 2010 doivent être considérés comme ayant été réalisés au bénéfice du mandataire et non du mandant, alors gravement malade et hospitalisé de manière continue, pour un montant total de 94 398 €,

-ordonner le rapport de cette somme par Mme [U] [S] à la succession,

-condamner Mme [U] [S] à la peine du recel de succession au titre des dons manuels, donations indirectes, prélèvements et dissimulation d’actifs, pour un montant total de 2 317 823,12 € en principal, Mme [U] [S] ayant, par ses dénégations et sa résistance tant après le décès qu’au cours du référé-expertise, de l’expertise judiciaire puis par la suite dans le cadre de l’instance, clairement eu pour intention de frauder l’égalité du partage au préjudice des droits de son frère,

-condamner Mme [U] [S] en tant que receleuse à restituer à la succession la somme 2 317 823,12 €, assortie des intérêts au taux légal à compter de leur appréhension,

-juger que le calcul de ces intérêts doit être réalisé conformément au tableau communiqué en pièce n°24 par M. [K] [S], le montant provisoirement arrêté au 30 décembre 2019 s’établissant à 1 061 621 €,

-juger que les intérêts continueront de croître jusqu’à la complète restitution par Mme [U] [S] à la succession de la somme en principal due,

le rapport des libéralités objets de la rectification fiscale consécutive au décès :

-confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a ordonné le rapport à la succession par M. [K] [S] de la somme totale de 228 660 € qui lui a été remise par sa mère entre 2004 et 2010,

-juger que la mise à disposition gratuite, au profit de chacun des deux enfants, d’un appartement, emporte nécessairement des conséquences semblables,

-juger en l’espèce que l’intention de gratifier de [W] [G] ne fait pas de doute dès lors que l’occupation gratuite de biens immobiliers situés dans les 5ème et 7ème arrondissements de [Localité 16] est un facteur d’appauvrissement, eu égard au prix au m2 des biens situés [Adresse 10] et [Adresse 4],

-juger que la preuve d’une intention libérale résulte tant des liens familiaux liant les parties que de la durée de l’avantage octroyé,

-confirmer en conséquence le jugement dont appel en ce qu’il a ordonné le rapport à la succession par M. [K] [S] de la valeur de l’occupation gratuite de l’appartement de la [Adresse 4], d’octobre 2009 à novembre 2010, pour un montant de 25 499 €,

-infirmer le jugement dont appel et condamner Mme [U] [S] à rapporter à la succession la valeur de l’occupation gratuite poursuivie sur les lots n°6 et 7 de l’immeuble situé [Adresse 10], peu important à ce titre que le second lot ait été acquis par la société Le Prieuré de Saint-Germain, l’occupation ayant dans les deux cas été réalisée au préjudice du patrimoine de [W] [G] usufruitière en dépit de l’interposition partielle d’une société civile,

-condamner ainsi Mme [U] [S] à rapporter la somme de 884 939 € à ce titre, telle qu’elle a été calculée par l’expert judiciaire et subsidiairement la somme de 192 432 € telle qu’elle a été retenue par l’administration fiscale au titre du redressement fiscal consécutif au décès pour la période non prescrite fiscalement,

l’occupation gratuite poursuivie par Mme [U] [S] sur d’autres biens immobiliers, en dépit des droits en usufruit dont sa mère disposait :

-infirmer le jugement dont appel et juger que l’occupation gratuite poursuivie depuis le mois de septembre 2003 par Mme [U] [S] sur les biens immobiliers dont elle n’avait que la nue-propriété, en l’occurrence la maison située [Adresse 12] donnée-partagée le 23 novembre 1999 et le Prieuré situé à [Localité 14] légué en nue- propriété par [A] [P], est caractérisée par les lourds travaux d’amélioration qui ont été réalisés sur place durant la période, lesquels ont nécessairement été effectués au soutien de l’occupation poursuivie par Mme [U] [S], [W] [G] étant pour sa part médicalement et physiquement incapable de quitter son lit chez elle puis à l’hôpital où elle séjournera de manière continue jusqu’à son décès,

-condamner consécutivement Mme [U] [S] à rapporter à la succession l’avantage indirect résultant de cette occupation gratuite des deux biens immobiliers,

-afin d’en déterminer le montant, commettre tel(s) expert(s) immobilier(s) qu’il plaira aux fins de déterminer la valeur locative meublée des deux biens immobiliers suivants :

*la maison située [Adresse 12], entre le 1er septembre 2003 et le 16 novembre 2010,

*le prieuré situé à la [Localité 14] entre le 1er septembre 2003 et le 16 novembre 2010,

-juger que les frais de ces expertises seront avancés par chacun des deux héritiers à hauteur de moitié chacun ; en tant que de besoin, les condamner à ces règlements,

frais de l’expertise judiciaire – frais irrépétibles ‘ dépens :

-infirmer le jugement dont appel,

-condamner Mme [U] [S] à rembourser à M. [S] la somme de 25 098,16 € correspondant aux frais de l’expertise judiciaire dont il a fait l’avance, ou subsidiairement la moitié de cette somme,

-condamner Mme [U] [S] à payer à M. [K] [S] la somme de 50 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

-condamner Mme [U] [S] aux dépens de première instance et d’appel.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 19 mai 2022, Mme [U] [S], épouse [X], intimée, demande à la cour de :

-débouter M. [K] [S] de son appel du jugement rendu le 18 mars 2021 par la 2ème chambre du tribunal judiciaire de Paris, ainsi que de l’ensemble de ses demandes, fins, et conclusions,

-confirmer le jugement entrepris en l’ensemble de ses dispositions à l’exception de celles ayant débouté Mme [U] [S] de sa demande en rapport à la succession de sa mère de la somme de 229 849 €, ainsi que de celle en allocation de dommages-intérêts, et inscrit le coût des frais de l’expertise judiciaire au rang de frais de partage alors qu’il s’agit de dépens,

-infirmer le jugement en ce que, pour faire application de la prescription quinquennale de l’article 2224 du code civil, il a interprété la demande de condamnation de M. [K] [S] à payer à Mme [U] [S] la somme de 146 424,50 € (292 849 € : 2) à titre de rapport à la succession de leur mère [W] [G] (correspondant aux droits de succession payés par Mme [U] [S] au moyens des deniers personnels de Mme [U] [S]), comme une action en paiement exercé par Mme [U] [S] en qualité de créancière de la succession de la défunte, et dirigée contre M. [K] [S] en sa qualité d’héritier tenu au passif à proportion de sa vocation successorale,

et statuant à nouveau :

-dire et juger seule applicable à la demande de Mme [U] [S] la prescription trentenaire de l’action en partage successoral,

-condamner en conséquence M. [K] [S] à payer à Mme [U] [S], la somme de 146 424,50 € (292 849 € : 2) au titre de sa part de rapport à la succession de leur mère [W] [G], correspondant aux droits de succession acquittés en son vivant par [W] [G] au moyen des deniers personnels de Mme [U] [S],

-condamner M. [K] [S] à payer à Mme [U] [S] les intérêts au taux légal sur toutes condamnations prononcées, à compter du 18 mars 2021 date du jugement, et jusqu’à parfait paiement, outre capitalisation annuelle, dans les termes et modalités de l’article 1343-2 du code civil,

subsidiairement :

-déclarer M. [K] [S] irrecevable en l’ensemble de ses prétentions dans l’éventualité où seraient déclarées applicables à quelque élément dépendant de la succession de [W] [G], les dispositions de l’article 2224 du code civil en sa rédaction issue de la loi n° 2008’561 du 17 juin 2008,

-condamner M. [K] [S] à payer à Mme [U] [S], la somme de 30 000 € à titre de dommages-intérêts « en réparation des préjudices moral, affectif, et social résultant de ses allégations gravement diffamatoires de recel successoral présentées aux termes de ses écrits judiciaires, notamment en son assignation introductive de la présente instance en date du 29 novembre 2018 particulièrement injurieuse » ,

-condamner M. [K] [S] à payer à Mme [U] [S] une indemnité de 30 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

-condamner M. [K] [S] aux dépens de première instance et d’appel incluant notamment le coût taxé de l’expertise judiciaire.

Pour un plus ample exposé des moyens développés par les parties au soutien de leurs prétentions, il sera renvoyé à leurs écritures susvisées conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 17 janvier 2023.

L’affaire a été appelée à l’audience du 8 février 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire la cour rappelle qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et qu’il ne sera pas statué dans le dispositif sur les « dire et juger » et les « constater », comme les « donner acte » lorsqu’ils sont simplement des moyens invoqués à l’appui des demandes ou ne constituent pas en eux-mêmes des prétentions.

Sur les postes de recel allégués

Au visa de l’article 843 du code civil, toute donation quelle qu’en soit la forme est présumée rapportable sauf dispense expresse, qu’il s’agisse de dons manuels, de donations indirectes, d’opérations libérales déguisées sous la forme onéreuse, d’avantages indirects par exemple sous la forme d’occupation gratuite d’un immeuble soumis à usufruit etc.

La prise en charge par le de cujus des dettes de son héritier présomptif, au titre desquels les dettes fiscales lui incombant, constitue un avantage indirect rapportable.

Si la position de Monsieur [S] est de considérer que la création de la société civile, qui a transformé l’usufruit de la défunte sur des comptes bancaires en usufruit sur des titres de société, n’était destinée qu’à permettre le transfert du patrimoine de sa mère à sa s’ur, l’interposition d’une société ne fait pas obstacle au rapport à la succession d’une donation et à la recherche d’éventuelles libéralités de [W] [G] à sa fille.

Sur le paiement des droits et frais de la succession [P]

L’appelant demande à la cour de juger que la prise en charge, sur les fonds dépendant de la succession de [A] [P] soumis au quasi-usufruit de [W] [G], des frais et droits de succession dus à titre personnel par Mme [U] [S], légataire en nue-propriété, doit être considérée comme un avantage indirect consenti à Mme [U] [S] par sa mère, et d’ordonner en conséquence le rapport par Mme [U] [S] à la succession pour les montants suivants en principal : 1 035 496 € (droits) + 76 225 € (frais) = 1 111 721 €,

L’intimée au contraire demande à la cour de dire et juger seule applicable à la demande de Mme [U] [S] la prescription trentenaire de l’action en partage successoral, et de condamner en conséquence M. [K] [S] à lui payer la somme de 146 424,50 € (292 849 € : 2) au titre de sa part de rapport à la succession de leur mère, [W] [G], correspondant aux droits de succession acquittés en son vivant par [W] [G] au moyen des deniers personnels de Mme [U] [S].

*concernant la demande de Monsieur [S]

les droits

Le premier juge a d’abord rappelé qu’avant l’entrée en vigueur le 1er janvier 2007 de l’article 621 alinéa 1er du code civil qui prévoit les modalités de répartition entre usufruitier et nu-propriétaire en cas de vente simultanée de l’usufruit et de la nue-propriété, ce texte ne pouvant s’appliquer à la cause, puisque les ventes lui sont antérieures, il était retenu que si la chose vendue simultanément et pour un même prix appartenait pour l’usufruit à l’un des vendeurs et pour la nue propriété à l’autre, chacun d’eux avait droit à une portion du prix total correspondant à la valeur comparative de l’usufruit avec la nue-propriété.

Il a alors retenu qu’en l’espèce, des biens provenant de la succession de [A] [P] ont été vendus par Mmes [G] et [S] en 1995 et le produit des ventes placé sur un compte ouvert dans les livres de la Société Générale et utilisé pour payer les droits de succession ; que compte tenu de l’âge de la défunte au jour de la vente des actifs de la succession de [A] [P], il doit être considéré que 90 % des prix perçus est revenu à Mme [U] [X] et 10 % à la défunte ; que dès lors, le compte Société Générale ayant été abondé à hauteur de 9 681 528 francs par le produit des ventes, Mme [U] [X] était, dans les rapports entre cotitulaires du compte, pleinement propriétaire d’une somme de l’ordre de 8 700 000 francs (9 681 428 x 90%) ; que le paiement de droits de mutation dus par Madame [X] par débit de ce compte d’une somme de 6 789 378 francs ne constitue pas un appauvrissement de la défunte et ne constitue pas une donation susceptible de rapport.

Monsieur [S] critique cette motivation en faisant valoir que les sommes payées au Trésor Public ont donc été intégralement réglées sur les fonds et depuis le compte bancaire soumis au quasi-usufruit de [W] [S].

Il se prévaut des dispositions de l’article 621 du code civil et fait valoir que, si par exemple [W] [G] a appréhendé l’intégralité du prix de cession de l’appartement de la rue Nicolo comme Madame [X] l’indique, elle disposait alors d’un quasi-usufruit intégral sur ces fonds : s’agissant d’un usufruit portant sur des biens fongibles, son quasi-usufruit l’autorisait à appréhender et à consommer 100% des fonds perçus de sorte que, faute de partage du prix lors de la cession, les droits de Madame [X] ne se sont pas reportés sur un prix qu’elle n’a jamais ni perçu ni revendiqué par la suite puisque cette demande a, pour la première fois, été formulée dans les premières écritures qu’elle a fait signifier devant le tribunal le 28 mars 2019.

Se référant au rapport d’expertise, il soutient que le notaire a reçu le 25 juin 1995 un virement du compte Société générale pour 9.681.528 F, puis a réglé les droits le 30 juin 1995 pour la somme totale de 8.998.679 F, avec une restitution de trop-perçu le 16 février 1996 pour 233.915 F, somme immédiatement restituée en intégralité à [W] [G] ; que le compte Société générale avait un solde de 8.762.365 francs au décès de [A] [P], somme quasi suffisante pour régler les droits de succession dus (8.998.679 francs) ; que la quasi-totalité des droits a donc été réglée sans qu’il soit nécessaire de vendre l’appartement de la [Adresse 18] et qu’en virant chez le notaire le 27 juin 1995 une somme totale de 9.681.528 francs depuis le compte Société générale dont elle avait l’usufruit, [W] [G] a bien, à l’aide de fonds lui appartenant, réglé les droits de succession dus notamment par Madame [X] .

Madame [X] répond que les droits de succession acquittés au comptant ont été réglés grâce au produit de cession préalable de l’appartement situé [Adresse 18] dépendant de la succession, dont elle produit l’acte authentique, et sur lesquels les droits de sa mère n’étaient que de 10 %, elle-même de 90% de sorte que non seulement elle ne doit rien à la succession, mais que la succession lui est redevable ; qu’elle n’a jamais renoncé à ses droits en nue-propriété sur le prix de cession ; qu’elle n’est pas prescrite à faire valoir une créance à ce titre à l’égard de la succession au motif que son délai de recours au titre d’une « dette de restitution » de la mère envers la fille serait trentenaire compte tenu de la date des faits (1995).

L’article 621 du code civil prévoit que « En cas de vente simultanée de l’usufruit et de la nue-propriété d’un bien, le prix se répartit entre l’usufruit et la nue-propriété selon la valeur respective de chacun de ces droits, sauf accord des parties pour reporter l’usufruit sur le prix ».

Si ce texte n’était pas entré en vigueur à la date des ventes concernées, i1 a entériné la jurisprudence antérieure selon laquelle en cas de vente simultanée de l’usufruit et de la nue-propriété d’un bien, le prix se répartit en fonction de la valeur respective de chacun de ses droits, sauf convention contraire des parties de reporter l’usufruit sur le prix.

Aux termes de l’article 894 du code civil, la donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui l’accepte.

Il appartient à Monsieur [S] de justifier d’un appauvrissent de la défunte au profit de Madame [X] qui se serait corrélativement enrichie.

Le paiement des droits de succession, comme des émoluments de notaire y afférents, est une obligation pesant sur chacune des héritières, et il doit donc être fait application de l’article 612 du code civil qui prévoit : « L’usufruitier, ou universel, ou à titre universel, doit contribuer avec le propriétaire au paiement des dettes ainsi qu’il suit :

On estime la valeur du fonds sujet à usufruit ; on fixe ensuite la contribution aux dettes à raison de cette valeur.

Si l’usufruitier veut avancer la somme pour laquelle le fonds doit contribuer, le capital lui en est restitué à la fin de l’usufruit, sans aucun intérêt.

Si l’usufruitier ne veut pas faire cette avance, le propriétaire a le choix, ou de payer cette somme, et, dans ce cas, l’usufruitier lui tient compte des intérêts pendant la durée de l’usufruit, ou de faire vendre jusqu’à due concurrence une portion des biens soumis à l’usufruit. »

Monsieur [S] n’établit pas l’existence d’une convention dérogatoire entre mère usufruitière et fille nue-propriétaire, pour déroger au principe de répartition du prix de vente des biens démembrés dépendant de la succession [P], et prétendre à un report de l’usufruit sur l’entier produit des cessions.

De plus les dispositions testamentaires de [A] [P] n’ont institué [W] [G] qu’usufruitière et la défunte n’a recueilli ni le quasi-usufruit des immeubles, ni le quasi-usufruit du portefeuille de titres puisque le quasi-usufruit est un usufruit particulier qui porte sur un bien consomptible c’est-à-dire un bien dont on ne peut pas faire usage sans le consommer.

Enfin, il résulte de la lettre de l’étude [N] notaire (pièce n° 51 de l’intimée) que le produit de cession des actifs démembrés détenus par la Société générale a été directement transféré chez le notaire qui l’a employé exclusivement au paiement des droits de succession, et délivrance des legs.

C’est donc à juste titre que le tribunal a estimé que le paiement de droits de mutation dus par Madame [X] par débit de ce compte d’une somme de 6 789 378 francs ne constitue pas un appauvrissement de la défunte qui n’a fait qu’exécuter son obligation au passif successoral et ne constitue pas une donation susceptible de rapport.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté la demande tendant à juger que la prise en charge des droits de succession dus par Mme [U] [S] dans le cadre de la succession de [A] [P] soit considérée comme un avantage rapportable pour un montant de 1 035 496 euros.

les frais

Monsieur [S] allègue pour ce poste une prétendue créance à rapport de 76.225 €, correspondant aux émoluments payés à l’étude [N], notaire, le 3 avril 1996 par chèque de 500 000 francs, afin d’établissement des actes et publicités afférents à la succession de [A] [P], au bénéfice de ses deux héritières.

Subsidiairement, il demande à la cour de juger que les frais engendrés par le règlement de la succession [P] à la charge de Mme [U] [S] représentent 90 % de la somme de 76 225 €, soit celle de 68 603 €, et d’ordonner consécutivement le rapport par Mme [U] [S] à la succession de sa mère des frais et droits réglés pour cette somme.

Il soutient que le testament met à la seule charge de Madame [X] de « supporter l’usufruit de [W] [S] et d’acquitter les legs particuliers » ; que les frais de ces legs particuliers lui incombaient donc à elle-seul ; que par conséquent, c’est de manière totalement infondée que les premiers juges se sont référés aux dispositions de l’article 612 du code civil sur ce point, alors qu’il est admis de très longue date que les règles de prise en charge des dettes successorales sont supplétives de la volonté du testateur.

L’intimée répond qu’une donation ne se présume pas, que les frais de successions étaient dus par les deux légataires et que c’est à bon droit que le tribunal a débouté Monsieur [S] de ce chef, par une motivation qu’elle demande à la cour de confirmer, en faisant exacte application de l’article 612 du code civil.

Elle soutient que c’est à tort que l’appelant déduit de la clause testamentaire signifiant qu’elle doit être envoyée en possession sous réserve de l’usufruit de sa mère, et après délivrance des legs particuliers consentis par [A] [P] à des tiers, qu’elle devrait payer à elle seule la totalité des impôts et charges de la liquidation de la succession de [A] [P].

Supporter un usufruit et des legs particuliers, signifie, pour le légataire à titre universel de la nue-propriété, accepter la charge de l’usufruit et accepter de délivrer les legs particuliers, et, faute de mention que le legs est fait « net de droits et charges », non de prendre en charge les droits de successions dus par l’usufruitier et les légataires.

Au visa de l’article 612 du code civil et comme exposé ci-dessus le paiement des droits de succession, comme des émoluments de notaire y afférents, est une obligation pesant sur chacune des héritières.

Nonobstant la présence de la société civile immobilière, les fonds payés au notaire au titre des émoluments correspondent à une dette successorale à laquelle l’usufruitière pouvait faire face par paiement du capital à charge de restitution lors de extinction de l’usufruit et qui correspondait à son obligation au passif successoral, de sorte qu’en acquittant cette dette, elle ne s’est pas appauvrie au bénéfice de sa fille.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté la demande tendant à ce que la prise en charge des frais de succession de [A] [P] à hauteur de 76 225 euros soit considérée comme un avantage indirect rapportable à la succession de Mme [W] [G] et rejeté la demande tendant à ce que la prise en charge des frais de la succession de [A] [P] à hauteur de 68 603 euros soit considérée comme un avantage indirect rapportable à la succession de Mme [W] [G].

Sur la sous valorisation frauduleuse du compte courant d’associée

Monsieur [S] fait valoir que l’expertise a mis au jour une sous-valorisation massive et frauduleuse du compte courant d’associée de [W] [G] et qu’entre la somme de 3 413 101 euros correspondant au montant des dividendes distribués à laquelle il convient de soustraire la somme de 2.459.966 euros correspondant aux sommes effectivement versées à l’usufruitière, le compte courant d’associé de la défunte aurait dû comprendre la somme de 953 135 euros (et non la somme 120 127 euros telle que déclarée par sa s’ur postérieurement au décès).

Madame [X] conteste que le compte courant d’associée de [W] [G] dans les livres de la société civile familiale ait été sous-évalué.

Elle répond que l’usufruitière pouvait renoncer aux dividendes de la société civile et les affecter en réserve sans qu’il n’y ait caractérisation d’une libéralité et subsidiairement, que sa mère a réellement profité des revenus et plus-values réalisés par la société civile Le Prieuré Saint Germain ; qu’elle a bien perçu les bénéfices votés en distribution à son profit ; que les prélèvements de sa mère, du vivant de son mari [J] [S], étaient supérieurs au bénéfice réalisé et voté en affectation à son profit chaque année, le compte courant d’associée de [W] [G] ayant en conséquence été constamment débiteur jusqu’à atteindre – 986.145 € au 31 décembre 2005 pour se redresser ensuite progressivement à partir du décès de son époux [J] [S] survenu le 11 juillet 2006, pour atteindre le solde créditeur de + 120.000 € en 2010, peu avant le décès de [W] [G] survenu le 16 novembre 2010 ; qu’il appartient à l’appelant de prouver l’existence d’une manipulation comptable effectuée au seul bénéfice de sa s’ur.

Tous les justificatifs relatifs au fonctionnement de la société civile ont été produits au cours de l’expertise dont les parties s’accordent à considérer que le rapport contient de nombreuses erreurs.

En tout état de cause, l’article 894 du code civil disposant que la donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire, il appartient à Monsieur [S] de rapporter la preuve d’une donation de sa mère en faveur de sa s’ur.

C’est donc à juste titre que le tribunal a considéré qu’à supposer que le compte courant d’associée de [W] [G] dans les livres de la société civile familiale ait réellement été sous-évalué, la preuve n’est pas rapportée que Madame [X] en ait été la bénéficiaire et que sa mère se serait irrévocablement appauvrie en sa faveur dans une intention libérale alors que l’associé/usufruitier n’a aucun droit sur le dividende et ne peut en faire donation avant qu’il ne soit voté et qu’il peut affecter les bénéfices à un compte de réserve sans que cela constitue une donation à l’égard du nu-propriétaire.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de rapport à la succession de la somme de 833 007,12 euros en raison de la sous-évaluation du compte courant de la défunte dans la société civile le Prieuré Saint Germain.

Sur les prélèvements sur les comptes bancaires de la défunte

Monsieur [S] fait valoir que Madame [X], bénéficiaire d’une procuration sur les comptes personnels de sa mère et en dépit des demandes réitérées qui lui ont été adressées comme des termes de l’ordonnance de référé rendue, n’a satisfait à cette reddition que pour la première fois en 2019 devant le tribunal ; qu’il a obtenu les relevés bancaires du compte principal de sa mère à la Société Générale n°[XXXXXXXXXX08] de 2006 à 2010 et recensé différents chèques suspects à une période où sa mère était impotente, diabétique, incontinente et quasiment aveugle du fait d’une dégénérescence maculaire.

Il considère que les sommes dépensées pour un montant de 94 308 euros (sommes débitées du compte Société Générale et non créditées sur le compte HSBC : 27.703 € et sommes débitées du compte HSBC, essentiellement sous forme de retraits d’espèces et non justifiées: 66.695 €) l’ont été au bénéfice du mandataire et non du mandant puisque sa s’ur ne justifie pas de l’emploi de ces sommes à la satisfaction des besoins de leur mère.

Madame [X] répond que Monsieur [S] inverse la charge de la preuve, alors qu’elle a versé aux débats tous les relevés bancaires HSBC de 2005 à 2010 (Cf. Pièces n° 81 à 130), au vu desquels on peut aisément constater que les sommes en provenance du compte Société Générale n°033 ont servi à alimenter le compte HSBC de la défunte pour paiement de ses frais courants (impôts, taxes, etc.’), et les nombreuses libéralités à Monsieur [S].

Le compte HSBC, sur lequel les retraites de [W] de Lacquier étaient virées, servait aux dépenses courantes et était aussi abondé par divers chèques au crédit, provenant du compte Société Générale.

Madame [X] n’a bénéficié d’une procuration qu’après le décès de [J] [S] survenu en 2006.

Ce n’est pas, contrairement à ce que soutient l’appelant, à Madame [X] d’établir que les sommes dépensées l’ont été au bénéfice de leur mère, mais à lui d’établir qu’elles l’ont été au bénéfice exclusif de sa s’ur.

Or Madame [X] a justifié de 95 % de l’affectation des sommes dépensées au bénéfice de sa mère, notamment pour payer des frais hospitaliers et ses dépenses personnelles puisque que les retraits en espèces de septembre 2006 à novembre 2010 s’établissent à 850 € par mois, soit environ 200 € par semaine, ce qui correspond bien à des dépenses courantes d’une personne hospitalisée.

La circonstance que la destination de quelques chèques n’ait pu être retrouvée est sans commune mesure avec les allégations de Monsieur [S].

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de rapport à succession de la somme de 94 398 euros au titre des prélèvements effectués entre 2006 et 2010 sur les comptes Société Générale n°[XXXXXXXXXX08] et HSBC n°[XXXXXXXXXX05].

Sur le paiement d’une dette personnelle de Madame [X] par la société civile

Monsieur [S] soutient que Madame [X] a prélevé des fonds sur les comptes de la société civile au préjudice de leur mère, usufruitière, à hauteur de 278.697 €, dont des frais de garantie bancaire.

Il se fonde sur le rapport d’expertise qui indique :

« En l’état des informations disponibles, il apparaît que le compte ordinaire de la SCI LE PRIEURE a servi à régler des dépenses personnelles de Mme [X] ainsi que des dépenses lui incombant en sa qualité d’occupante du logement du [Adresse 10] et de nue-propriétaire de la propriété de [Localité 14] ou de [Localité 19]. En l’état des éléments disponibles ‘ il convient de répercuter les dépenses suivantes à Mme [X] (Rapport, page 62)

-Commissions de caution bancaire prélevée de 1996 à 2011 en garantie du règlement des droits de succession différés incombant à Mme [X] 80 357 €

Chèques émis au profit de la famille [X] et dépenses payées pour leur compte en 2010, 105 370 €

-Charges de copropriété courantes de l’appartement [Adresse 10] occupé par la famille [X] 47 782 €

-Taxes d’habitation 2005 et 2010 relatives au [Adresse 10] occupé par la famille [X] 3 285 €

-Dépenses d’entretien relatives au [Adresse 10] occupé par la famille [X] 1 903€

-Dépense [Localité 15] du 21/2/2007 8 000 €

-Travaux relatifs à la toiture de la propriété de [Localité 14] ou de [Localité 19] 32 000 €

Total 278 697. »

Madame [X] répond qu’il ne peut y avoir recel par appréhension des actifs d’une société, car ces derniers appartiennent au patrimoine de la personne morale, et non à celui personnel de l’associé défunt.

Elle fait valoir que :

-la caution bancaire au Trésor Public pour 80 357 euros était indispensable pour obtenir le bénéfice du paiement différé des droits de succession par le propriétaire, et permettre ainsi à la société civile la conservation de l’intégralité du patrimoine générant le revenu de l’usufruitière, qui en a ainsi directement bénéficié,

-sur la somme de 105.370 €, deux débits en février et avril 2005, chacun de 2.000 €, sont attribués à la famille [X], alors qu’ils ont été intégralement remboursés par Monsieur [L] [X] en date du 5 juillet 2005,

-la somme de 67.451 € imputée à elle même et ses enfants sur 2010, ne peut être préjudiciable à la défunte puisque cette somme participe au résultat de la société sur l’année 2010, auquel sa mère, décédée le 16 novembre 2010, antérieurement à la clôture de l’exercice, ne pouvait donc prétendre, puisque que seuls les associés présents à la clôture de l’exercice social ont vocation à appréhender le résultat social, et qu’au surplus les petits-enfants ne sont pas tenus à rapport,

-sur le paiement allégué de charges de copropriété pour 47.782 €, elles concernent les 2 appartements du [Adresse 10] occupés par elle même, alors que l’appartement du 3ème étage lot 7 appartient en pleine propriété à la société qui en a payé les charges pour son propre compte, et non pour le sien et que seul l’appartement de 2ème étage appartenait en usufruit à la défunte de sorte que la somme de 47.782 € doit être divisée par 2, soit 23.891 € ; la société civile a indistinctement payé les charges de copropriété des appartements occupés par ses enfants et qu’en contrepartie elle-même et son époux ont acquitté le loyer et les charges du [Adresse 2] alors que son frère ne payait rien pour l’occupation de l’appartement de l’avenue [Adresse 4],

-la somme de 1.903 € de dépenses d’entretien relatives au [Adresse 10] (facture Proxigaz) incombait bien à la société car il s’agit de l’appartement lui appartenant au 3ème étage du [Adresse 10] ;

-la somme de 8.000 € est un don manuel à la famille [X] pour un séjour à [Localité 15] en 2007 à l’occasion de leurs 25 ans de mariage, cadeau d’usage n’ayant rien d’excessif compte tenu du patrimoine et des revenus de la défunte, non rapportable à succession d’autant que son frère et ses filles ont bénéficié tout au long de la vie de la défunte de semblables cadeaux d’usage

-les 32.000 € de réparations pour « travaux relatifs à la toiture de la propriété de [Localité 14] ou de [Localité 19] », détenues pour l’usufruit par la défunte et pour la nue-propriété par Madame [X] correspondent à des travaux d’entretien incombant à l’usufruitière et en tout état de cause, la réalisation de gros travaux par l’usufruitier ne constitue pas une donation au nu-propriétaire lorsque l’intention libérale n’est pas établie.

Le tribunal a rejeté la demande au motif qu’à supposer que la société soit transparente, la créance que pouvait détenir [W] [G] du fait des prélèvements effectués par la nue-propriétaire s’est éteinte avec son usufruit.

La demande porte en réalité non pas sur une créance de la défunte à l’encontre de Madame [X], mais sur des donations par personne interposée de la mère à la fille dont il demande le rapport.

L’interposition d’une société ne fait pas obstacle au rapport à la succession d’une donation.

La charge de la preuve incombe au demandeur qui doit établir par tout moyen l’appauvrissement du disposant et l’existence chez celui-ci d’une intention libérale qui apparaisse comme unique justification de cet appauvrissement.

Il convient donc d’écarter comme n’ayant pu faire l’objet d’une donation de la mère à la fille :

-la caution bancaire au Trésor Public pour 80 357 euros puisqu’alors que les droits de succession étaient de 60 %, la défunte a souhaité en différer le paiement afin de ne pas être contrainte de liquider son patrimoine et ne s’est ainsi pas appauvrie au bénéfice de sa fille,

-les deux débits en février et avril 2005, chacun de 2.000 €, à la famille [X] et non à Madame [X] et d’ailleurs remboursés par Monsieur [L] [X] le 5 juillet 2005,

– les sommes acquittées par la société relatives au bien dont elle était elle-même propriétaire au 3ème étage du [Adresse 10], pour 1903 euros,

-les charges de copropriété acquittées par la société pour son propre compte à hauteur de 23.891 € et celles acquittées pour le compte de Madame [X], l’intention libérale n’étant nullement démontrée puisque Madame [X] a acquitté des loyers, la défunte ayant elle-même écrit le 16 novembre 1999 « [U] et [L]’ depuis 1987 me règlent le loyer et les charges du 1, alors que depuis 1983 [H] ne me donne ni loyer ni charges pour [Adresse 4] »,qui venaient en compensation,

-les 32.000 € de réparations pour travaux, faute de preuve, puisque Monsieur [S] ne se fonde que sur les rapport d’expertise que les deux parties contestent dans son ensemble et que l’expert a indiqué ne pouvoir préciser le lieu et le type exacts des travaux et supposé que le quantum de cette dépense laissait penser qu’il s’agissait de gros travaux incombant à la nue-propriétaire,

-la somme de 67.451 € imputée à Madame [X] et ses enfants sur 2010, à laquelle la défunte ne pouvait prétendre étant décédée avant la clôture de l’exercice dont s’agit et eu égard au caractère non différencié de cette somme alors que les petits-enfants ne sont pas tenus à rapport.

Ledon manuel de 8 000 euros pour les vacances à [Localité 15], don d’usage eu égard aux revenus et habitudes de la famille telles qu’elles résultent des pièces produites, est quant à lui une donation non rapportable.

Il n’est donc nullement établi que [W] [G], par le biais de la société civile créée avec sa fille, se soit volontairement appauvrie au bénéfice de celle-ci dans une intention libérale, et par substitution de motifs, le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté cette demande.

En l’absence de preuve de l’existence de donations indirectes, le recel ne sera pas retenu, étant observé que la défunte a obtenu grâce à la société civile des revenus supérieurs à ce qu’elle aurait obtenu sur la seule assiette de son usufruit initial qui s’est en tout état de cause éteint avec son décès.

Sur la demande de rapport formée par Madame [X]

Madame [X] expose que grâce à la somme de 1.328.345 € lui revenant légalement elle a largement pu acquitter ses propres droits de succession immédiatement exigibles, alors que sa mère ne disposant que de 147.594 € (1/10 ème) a dû prélever sur la part de sa fille la somme de 292.849 €, afin d’acquitter ses propres droits de succession de 336.344 €, et conserver le solde en ses liquidités personnelles ; que [W] [S] a ainsi prélevé sur la part de sa fille Madame [X] ladite somme de 292.849 € qui aurait dû revenir à la nue-propriétaire et a donc bien perçu de sa fille une somme supérieure à celle lui revenant en qualité d’usufruitière sur les biens vendus, lui permettant de payer la totalité de sa dette fiscale personnelle et d’accroître ses liquidités.

Le tribunal qui a analysé la demande de Madame [X] comme «  une action en paiement exercé par Madame [U] [S] épouse [X] en qualité de créancière de la succession de la défunte pour avoir fait un paiement en ses lieux et place, et dirigée contre Monsieur [K] [S] en sa qualité d’héritier tenu au passif à proportion de sa vocation successorale », l’a déclarée prescrite au visa de l’article 2224 du code civil.

Il a considéré que la créance revendiquée par Madame [X] doit débuter au jour du paiement des droits de succession tel qu’il ressort du décompte du notaire soit le 30 mai 1995 et que dès lors, à supposer que la prescription la plus longue ait débuté à cette date, elle n’était pas acquise à l’entrée en vigueur de la réforme du 17 juin 2008 sur la prescription de sorte qu’en application des dispositions transitoires, la demande devait être formulée au plus tard le 19 juin 2013 alors qu’elle n’a été formée que dans le cadre de l’instance intentée le 29 novembre 2018 par Monsieur [S].

Mme [X] soutient que sa demande ne peut se prescrire avant la fin du partage.

Elle fait valoir que la prescription quinquennale ne pouvait intervenir qu’à la date du 19 juin 2013 ; que [W] [S] est décédée le 16 novembre 2010, en sorte que sa dette à l’égard de sa fille, alors non prescrite, se trouvait bien présente dans sa succession au jour où elle a été ouverte et que la succession de [W] [S] n’a jamais été partagée.

Elle allègue ne pas exercer une action en paiement comme un tiers contre la succession assujettie à la prescription générale des actions mobilières, mais former une demande en sa qualité d’héritière réservataire dans le cadre du partage de la succession non liquidée de sa mère.

Elle soutient que le rapport des dettes constitue une opération de partage, et que le délai de prescription de cette demande à rapport ne peut donc débuter avant la clôture de celle-ci.

Monsieur [S] se prévaut des dispositions de l’article 621 du code civil et  fait valoir que, si par exemple [W] [S] a appréhendé l’intégralité du prix de cession de l’appartement de la rue Nicolo comme Madame [X] l’indique, elle disposait alors d’un quasi-usufruit intégral sur ces fonds ; s’agissant d’un usufruit portant sur des biens fongibles, son quasi-usufruit l’autorisait à appréhender et à consommer 100% des fonds perçus de sorte que, faute de partage du prix lors de la cession, les droits de Madame [X] ne se sont pas reportés sur un prix qu’elle n’a jamais ni perçu ni revendiqué par la suite.

Il soutient que le rapport de dette, concerne l’héritier débiteur de la succession et non l’héritier qui s’en prétend créancier et que cette demande, formulée pour la première fois dans les premières écritures que Madame [X] a fait signifier devant le tribunal le 28 mars 2019, comme les premiers juges l’ont d’ailleurs relevé, est prescrite.

Il résulte de l’article 864, alinéa 1er du code civil que le rapport des dettes est exigible lorsque la masse partageable comprend une créance à l’encontre de l’un des copartageants.

Le rapport prévu à l’article 843 du code civil tend à assurer l’égalité entre les cohéritiers de sorte que le rapport de dettes, qui constitue une opération de partage, ne peut se prescrire avant la clôture de ces opérations.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu’il a déclaré la demande de Madame [X] prescrite.

Monsieur [S] ne conteste pas le principe de la dette mais prétend à tort qu’il s’agirait d’une dette personnelle entre les deux héritiers alors qu’il s’agit d’une dette de la défunte, présente au jour d’ouverture de sa succession.

Il sera donc fait droit à la demande de Madame [X] et Monsieur [S] devra rapporter à la succession la somme de 146 424,50 € (292 849 € : 2) au titre de sa part correspondant aux droits de succession acquittés en son vivant par [W] [G] au moyen des deniers personnels de Mme [U] [S].

Sur les rapports à succession consécutifs à redressement fiscal

Sur les rapports dus par Madame [X] au titre de l’occupation gratuite du [Adresse 10]

Suite du redressement fiscal de la succession de sa mère, Monsieur [S] qui se reconnaît débiteur d’un rapport à succession de 228.660 € au titre des subsides que lui a octroyé cette dernière entre 2004 et 2010 à raison de 3.660 € par mois, ainsi que de la jouissance gratuite de l’appartement de l’avenue [Adresse 4] (75015) pour laquelle le jugement a retenu un avantage indirect de 25 499 euros pour la période du d’octobre 2009 à novembre 2010, puisque pour la période de 1999 à octobre 2009 la défunte n’était qu’usufruitière du bien et que qu’il n’y a pas eu de transfert de propriété sur les fruits et revenus du bien, estime que Madame [X] serait quant à elle débitrice d’un rapport de 884 939 € selon le calcul de l’expert, au titre de l’occupation de l’appartement du [Adresse 10] qu’elle occupe depuis 1992 pour le lot n°6 de l’immeuble (propriété de sa mère) et depuis 1999 pour le lot n°7 (propriété de la Société), les deux appartements étant réunis en un duplex depuis 1999.

Madame [X] répond que la mise à disposition d’un appartement ne constitue pas une libéralité dès lors que n’est pas prouvée l’intention libérale du propriétaire (ou de l’usufruitier) du logement ; que l’intention libérale de la défunte quant à la mise à disposition du logement du [Adresse 10] au profit de Madame [X] n’est aucunement établie alors qu’au contraire, son intention libérale à l’égard de son fils pour l’appartement de l’avenue [Adresse 4] est en revanche bien établie par sa lettre manuscrite en date du 16 novembre 1999 ; qu’avec son époux, depuis 1987, elle a payé les loyers loi de 1948 de l’appartement sis au [Adresse 2] dont les parents étaient de leur vivant locataires ainsi qu’en 1992 les travaux pour l’appartement sis au [Adresse 10].

Le tribunal a estimé que la preuve d’une donation n’était pas rapportée et a rejeté la demande.

Outre que la somme de 884 939 € n’est absolument pas justifiée dans son montant, s’il est constant et non contesté que Madame [X] a occupé à titre privatif les lots 6 et [Adresse 10], il n’en est résulté aucun appauvrissement pour sa mère en l’absence de transfert de droit patrimonial et la lettre manuscrite de la défunte en date du 16 novembre 199 confirme les contreparties à cette occupation dont Madame [X] se prévaut, ce qui exclut toute intention libérale.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de rapport à succession de la somme de 884 939 euros résultant de l’avantage résultant de l’occupation gratuite par Mme [U] [X] des lots n°6 et 7 de l’immeuble situé [Adresse 10].

Sur les rapports dus par Madame [X] au titre de l’occupation gratuite d’autres biens

Mme [X] étant nue-propriétaire des biens de [Localité 19] et du Prieuré, Monsieur [S] estime que sa mère, usufruitière, n’a plus utilisé ces biens à compter de son accident de 2003 de sorte qu’elle en a abandonné l’usufruit à sa fille qui a exclusivement occupé le bien, ce qui constitue une donation indirecte et demande qu’un expert-immobilier soit chargé de déterminer la valeur de ces occupations, pour la période allant du 1er septembre 2003 jusqu’au décès de [W] [G].

Madame [X] répond que sa mère a continué à occuper ces biens à titre de résidence secondaire jusqu’en 2005 y hébergeant aussi bien sa fille que son fils et conteste les avoir occupés à titre privatif depuis lors.

Pour établir la jouissance privative des biens en cause par Madame [X], l’appelant à qui incombe la charge de la preuve, se prévaut des travaux d’aménagement qui y ont été effectués entre 2005 et 2010 et qui selon lui suffisent à démontrer la jouissance privative par la nue-propriétaire.

Si l’expert a relevé l’existence de travaux au Prieuré entre 2005 et 2010 ayant principalement consisté en la création d’une piscine, l’aménagement paysagé du jardin, et des travaux de chauffage, et de travaux d’entretien à [Localité 19], à une période où la défunte était effectivement malade, non seulement la mise à disposition d’un bien ne caractérise pas à elle seule l’existence d’une libéralité, mais surtout Monsieur [S] n’établit aucunement qu’il lui aurait été impossible de continuer à jouir également de ce bien comme il a pu le faire tant que sa mère s’y rendit elle même.
Le fait que [W] [G] ait fait exécuter des travaux de jardinerie selon facture de l’entreprise [O] [Y] de [Localité 19], en date du 19 juillet 2004 et fait souscrire par la société civile en décembre 2004 un prêt pour financer les travaux de piscine exclut toute intention d’abandonner la jouissance de ce bien dans une intention libérale mais pouvait résulter de la volonté de mieux accueillir ses enfants et petits-enfants à une période où elle ne pouvait prévoir l’aggravation de son état de santé.

Par suite, le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de rapport à succession de l’avantage résultant de l’occupation gratuite par Mme [U] [X] de la maison située à [Adresse 12] et de la maison située à la [Localité 14], et la demande d’expertise sur la valeur de l’occupation est sans objet.

Sur les dommages et intérêts

A l’appui de sa demande, Madame [S] fait valoir que dans ses conclusions Monsieur [S] a proféré des allégations diffamatoires, notamment en lui imputant un hypothétique recel successoral en réalité inexistant, une captation massive d’héritage, un abus de confiance et de « prise la main dans le sac des biens sociaux » , qui sont des termes dépassant la simple défense et lui ont causé un préjudice moral, affectif et social et qu’en réduisant le montant de ses demandes initiales, il a reconnu le caractère mensonger de ses accusations.

Elle soutient qu’il a ainsi mensongèrement prétendu n’avoir découvert l’existence de la société civile qu’après le décès de sa mère, alors que son projet, puis sa constitution par acte authentique par le notaire de la famille, lui furent révélés dès sa constitution tant par ses parents, que par sa s’ur.

Monsieur [S] qui devant le premier juge avait contesté avoir commis la moindre faute n’ayant fait qu’agir pour préserver ses droits héréditaires qui sont d’ordre public, n’a pas répondu sur ce point devant la cour.

Aux termes de l’article 1240 du code civil « tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

L’exercice d’une action en justice de même que la défense à une telle action constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à l’octroi de dommages-intérêts que lorsqu’est caractérisée une faute en lien de causalité directe avec un préjudice.

Si Madame [X] a pu se sentir blessée par les demandes de son frère qu’elle a ressenties comme des accusations, il n’en demeure pas moins que celui-ci n’a commis aucun abus dans l’exercice de son action qu’il pouvait estimer fondée en présentant des demandes fondés sur des désaccords qu’il estimait devoir être tranchées et n’a utilisé aucun terme dépassant le cadre de sa défense.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il rejeté la demande.

Sur l’imputation des frais de l’expertise judiciaire

Madame [X] demande que Monsieur [S] assume seul le coût de l’expertise au motif que le rapport d’expertise judiciaire est à tel point dépourvu d’impartialité, qu’il apparaît comme une ‘uvre de commande au bénéfice de Monsieur [S] seul, par retranscription fidèle de ses allégations unilatérales et sans preuve, dont semble s’être curieusement accommodée l’expert judiciaire, qui s’est en outre totalement désintéressée des chefs de la mission que lui donnait l’ordonnance de référé, puisque s’abstenant de rechercher les forces et charges de la succession conformément au dispositif précis de ladite ordonnance.

Monsieur [S] demande au contraire que Madame [X] assume seule cette charge, rendue selon lui nécessaire par ses dissimulations.

Pour aussi peu utile que soit cette expertise trop peu étayée, il n’en demeure pas moins qu’elle a été ordonnée en référé au début du litige alors qu’elle ‘ était alors dans le principe utile voire nécessaire, et que c’est donc à juste titre que tribunal a considéré que les frais d’expertise judiciaire devaient être compris au rang des frais de partage compris dans les dépens.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les demandes accessoires

Au vu des circonstances de l’espèce, il apparaît équitable d’allouer à Madame [X] une indemnité de 6 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Eu égard à la nature du litige, il convient d’ordonner l’emploi des dépens en frais généraux de partage et de dire qu’ils seront supportés par les copartageants dans la proportion de leurs parts dans l’indivision.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement par décision contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement en ce qu’il a déclaré prescrite la demande de rapport formée par Madame [X] ;

Y substituant,

Dit que Monsieur [K] [S] devra rapporter à la succession la somme de 146 424,50 € (292 849 € : 2) au titre de sa part correspondant aux droits de succession acquittés en son vivant par [W] [G] au moyen des deniers personnels de Mme [U] [S] ;

Confirme le jugement des autres chefs dévolus à la cour ;

Y ajoutant,

Condamne Monsieur [K] [S] à payer à Madame [U] [X] une indemnité de 6 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Ordonne l’emploi des dépens en frais généraux de partage et dit qu’ils seront supportés par les copartageants dans la proportion de leurs parts dans l’indivision.

Le Greffier, Le Président,

 


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