Droits des héritiers : 5 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/16172

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Droits des héritiers : 5 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/16172

5 mai 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
20/16172

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 8

ARRÊT DU 5 MAI 2023

(n° / 2023, 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/16172 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCT32

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Octobre 2020 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2020014786

APPELANTS

Madame [Z] [B] veuve [K], héritière de M. [T] [K] et membre de l’indivision successorale,

Née le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 12]

Demeurant [Adresse 8]

[Localité 10]

Monsieur [L] [K] héritier de M. [T] [K] et membre de l’indivision successorale,

Né le [Date naissance 3] 1984 à [Localité 14] ([Localité 14])

Demeurant [Adresse 8]

[Localité 10]

Madame [M] [K] héritière de M. [T] [K] et membre de l’indivision successorale,

Née le [Date naissance 5] 1988 à [Localité 15] ([Localité 10])

Demeurant [Adresse 8]

[Localité 10]

Madame [J] [K] héritière de M. [T] [K] et membre de l’indivision successorale,

Née le [Date naissance 7] 1992 à [Localité 15] ([Localité 10])

Demeurant [Adresse 8]

[Localité 10]

Représentés par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocate au barreau de PARIS, toque : L0034,

Assistés de Me Lola SCHAUFUSS CHAMMAS, avocate au barreau de PARIS, toque : P0566,

INTIMÉS

Monsieur [P] [K]

Né le [Date naissance 2] 1960 à [Localité 13] (MAROC)

Demeurant [Adresse 9]

[Localité 11]

S.A.S. METROPOLITAN FILMEXPORT, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 313 483 604,

Ayant son siège social [Adresse 6]

[Localité 10]

Représentés et assistés de Me Frank MARTIN LAPRADE de l’AARPI JEANTET, avocat au barreau de PARIS, toque : T04,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 31 Janvier 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant la cour, composée en double-rapporteur de :

Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère,

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre,

Madame Anne-Sophie TEXIER, conseillère,

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère.

Un rapport a été présenté à l’audience par Madame [I] [S] dans le respect des conditions prévues à l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE:

La SAS Metropolitan Filmexport, principale société du Groupe Metropolitan, a été créée par [W] [K] et son fils ainé [T] [K] en 1978.

Au décès de leur père, MM.[T] et [P] [K] sont restés les seuls

co-dirigeants de la société Metropolitan Filmexport et détenteurs de la totalité du capital social, pour moitié chacun.

[T] [K] est décédé subitement le [Date décès 4] 2018, laissant pour lui succéder ses trois enfants, [L], [M] et [J] [K], ainsi que son épouse, Mme [Z] [B] veuve [K] (les consorts [K]).

Le 20 février 2019, les ayants-droit de [T] [K] ont demandé à M.[P] [K], devenu seul représentant légal de la société, de procéder à la mise à jour des registres de mouvement de titres et des comptes individuels d’associés de la société, et de leur adresser une attestation d’inscription en compte justifiant de la dévolution successorale à leur profit des actions précédemment détenues par [T] [K].

M.[P] [K] s’est opposé à ces demandes en se prévalant de l’existence d’un legs portant notamment sur trois actions de la société Metropolitan Filmexport consenti par son frère aux termes d’un testament olographe en date du 17 février 2006, expliquant que tous deux avaient pris des dispositions semblables pour que le survivant de la fratrie reste l’actionnaire majoritaire des sociétés et en assure le contrôle.

Le 27 juin 2019, les consorts [K] ont refusé la délivrance de ce legs, exprimant leurs doutes sur son efficacité.

Sur saisine des consorts [K], le juge des référés a enjoint, le 13 juin 2019, la société de mettre à jour le registre de mouvements de titres et leurs comptes individuels d’associés résultant du transfert par décès de la participation de [T] [K].

Le 2 juillet 2019, la société Metropolitan Filmexport a informé l’indivision successorale que l’ordonnance avait été exécutée en ce qui la concernait et lui a communiqué la copie des inscriptions en compte, précisant qu’il avait été en revanche provisoirement sursis à la retranscription du transfert de propriété bénéficiant à M.[P] [K] en qualité de légataire dans l’attente de la délivrance du legs .

Le 4 juillet 2019, l’indivision successorale a exigé que l’ordonnance soit exécutée pour la totalité de la participation de feu [T] [K], en ce compris les actions objet du legs.

Par ordonnance du 20 décembre 2019, confirmée par arrêt du 14 octobre 2020, le juge des référés a nommé la Selarl Ascagne, prise en la personne de Maître [R], en qualité de mandataire ad hoc, avec pour mission de rectifier les registres de mouvements de titres et de comptes individuels d’associés de la société Metropolitan Filmexport de manière à ce qu’il soit inscrit au compte de l’indivision successorale 2500 actions de la société Metropolitan et de communiquer une attestation d’inscription en compte aux héritiers de [T] [K].

Par courrier du 24 janvier 2020, le mandataire ad hoc a avisé le président du tribunal de commerce de Paris, qu’il s’était vu refuser la remise des registres de la société et de l’impossibilité d’accomplir sa mission en exécution de l’ordonnance.

M.[P] [K] a ensuite assigné les consorts [K] devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins d’obtenir la délivrance de son legs.

C’est dans ce contexte, qu’une assemblée générale ordinaire de la société Metropolitan Filmexport a été réunie le 28 juin 2019, avec notamment pour ordre du jour la désignation d’un commissaire aux comptes et l’approbation des comptes des exercices clos au 31 décembre 2017 et au 31 décembre 2018.

L’assemblée générale, réunie le 28 juin 2019 et tenue en présence d’un huissier désigné par le président du tribunal de commerce, s’est prononcée sur ces résolutions sur la base de la répartition suivante du capital social: [P] [K] 2.500 actions, Indivision successorale 2.497 actions, [T] [K], décédé, 3 actions .

Arguant de graves irrégularités, les consorts [K] ont saisi le juge des référés pour voir constater le rejet de l’ensemble des résolutions soumises au vote de l’AGO, et, à titre subsidiaire, la nullité des délibérations de l’AGO, et procéder à la désignation d’un commissaire aux comptes et d’un co-commissaire aux comptes. Par ordonnance du

5 février 2020, ils ont été déboutés de l’ensemble de leurs demandes .

Autorisés à assigner à jour fixe et par acte du 6 mars 2020, Mmes [Z] [K], [M] [K], [J] [K] et M.[L] [K], en leur qualité d’héritiers de [T] [K], ont fait assigner la société Metropolitan Filmexport et M.[P] [K] devant le tribunal de commerce de Paris pour voir juger, à titre principal, que l’ensemble des délibérations de l’AGO du 28 juin 2019 ont été rejetées, subsidiairement, qu’elles sont nulles et, en conséquence, constater qu’aucun commissaire aux comptes n’était titulaire d’un mandat pour certifier valablement les comptes de l’exercice clos le 31 décembre 2018 et les comptes de l’exercice suivant et donc de procéder à la désignation d’un commissaire aux comptes.

Par jugement du 9 octobre 2020, le tribunal de commerce de Paris a débouté Mmes [K] et M. [L] [K] de l’ensemble de leurs demandes, et les a condamnés in solidum sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à payer 10.000 euros à la société Metropolitan Filmexport et à M.[P] [K] chacun ainsi qu’aux dépens et a rejeté toutes autres demandes des parties.

Le 9 novembre 2020, Mmes [Z] [K], [M] [K], [J] [K] et M. [L] [K], ‘héritiers de M.[T] [K] et membres de l’indivision successorale’ ont interjeté appel de cette décision, en ce qu’elle les a déboutés de toutes leurs demandes et condamnés au titre des frais irrépétibles et aux dépens.

Par conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 6 décembre 2021, Mmes [Z] [K], [M] [K], [J] [K] et M. [L] [K] demandent à la cour d’infirmer en tous points le jugement déféré et,

– à titre principal, juger que l’ensemble des délibérations de l’assemblée générale des associés de la société Metropolitan Filmexport tenue le 28 juin 2019 ont été rejetées, subsidiairement qu’elles sont nulles,

– en conséquence, constater qu’aucun commissaire aux comptes n’était titulaire d’un mandat, tant général qu’exceptionnel, pour certifier valablement les comptes de l’exercice clos le 31 décembre 2018 et les comptes des prochains exercices clos,

– pour la certification des comptes clos le 31 décembre 2018 et la convocation de la collectivité des associés en vue d’approuver les comptes des exercices clos

le 31 décembre 2017 et le 31 décembre 2018 : 1/ désigner M. [O] [X] (Fi Solution) en qualité de commissaire aux comptes ou à défaut tel commissaire aux comptes qu’il plaira à la cour, lui attribuer une mission ponctuelle spéciale de certification des comptes de la société de l’exercice clos au 31 décembre 2018 et de convoquer la collectivité des associés en vue de délibérer sur l’approbation des comptes des exercices clos le 31 décembre 2017 et le 31 décembre 2018, 2/ désigner M.[U] [F] en qualité de co-commissaire aux comptes ou à défaut tel co-commissaire aux comptes qu’il plaira à la cour et lui attribuer une mission ponctuelle spéciale de certification des comptes des exercices antérieurs pour lesquels l’établissement des comptes consolidés était exigé,

– pour la certification des comptes à compter du 1er janvier 2019, désigner M.[O] [X] (FiSolution) en qualité de commissaire aux comptes titulaire ou à défaut tel commissaire aux comptes titulaire de la société qu’il plaira à la cour, désigner M. [U] [F] en qualité de co-commissaire aux comptes titulaire ou à défaut tel co-commissaire aux comptes titulaire qu’il plaira à la cour,

– en tout état de cause, condamner la société Metropolitan Filmexport, à leur verser la somme de 40.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Par conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA

le 6 décembre 2021, la société Metropolitan Filmexport et M.[P] [K] demandent à la cour de juger n’y avoir lieu à une quelconque infirmation du jugement, en conséquence débouter les appelants de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions, en tout état de cause, les condamner in solidum chacun à verser la somme de 10.000 euros à chacun en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

SUR CE

– Sur la saisine de la cour

Par jugement du 28 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Paris, qui avait ouvert une procédure en vérification d’écriture du testament olographe du 17 février 2006 attribué à [T] [K] et désigné un expert, lequel a conclu à l’authenticité du testament, a ordonné à Mmes [Z] [K], [M] [K], [J] [K] et à M. [L] [K] de délivrer à M.[P] [K] les titres visés au testament olographe du

17 février 2006, objet du procès verbal de dépôt dressé par maître [A] , notaire à [Localité 15] et les a condamnés à verser une somme de 8.000 euros à M.[P] [K] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

A l’audience, ainsi qu’en attestent les notes prises par le greffier, les consorts [K] ont renoncé à leur demande principale tendant à voir juger que les résolutions examinées lors de l’assemblée générale du 28 juin 2019 n’avaient pas été adoptées et ne soutiennent désormais que leur demande subsidiaire tendant à l’annulation desdites résolutions.

– Sur la nullité de l’ensemble des délibérations votées lors de l’assemblée générale du 28 juin 2019

Les consorts [K] fondent leur demande de nullité de l’ensemble des résolutions adoptées lors de l’assemblée générale tenue le 28 juin 2019 sur l’absence de commissaire aux comptes régulièrement nommé, sur l’absence de certification des comptes consolidés et sur le non respect des dispositions du livre II du code de commerce et des statuts.

M.[P] [K] et la société Metropolitan Filmexport s’opposent à cette demande, soutenant qu’aucun de ces moyens n’est fondé et n’est de nature à entraîner la nullité des résolutions adoptées.

– sur l’absence de nomination régulière du commissaire aux comptes

Les consorts [K] soutiennent qu’à défaut de nomination d’un commissaire aux comptes pour l’exercice 2018, les délibérations sont nulles au visa de l’article L820-3-1 du code de commerce. Ils font valoir que les mandats des commissaires aux comptes titulaire et suppléant, ayant débuté le 27 juin 2012 pour 6 exercices, venaient à terme en 2018 lors de l’assemblée générale appelée à statuer sur les comptes de l’exercice clos au

31 décembre 2017, qu’aucune assemblée générale ne s’est tenue en 2018 et que ni un prétendu report de l’assemblée générale pour absence de quorum dépourvu de pertinence, ni la nomination a posteriori d’un commissaire aux comptes ne sauraient pallier cette irrégularité.

La société Metropolitan Filmexport et M.[P] [K] exposent que l’assemblée générale appelée à statuer sur les comptes de l’exercice clos le 31 décembre 2017 n’a pu se tenir en 2018 faute de quorum, que le mandat du commissaire aux comptes n’a pu être renouvelé avant le 28 juin 2019, que l’ordre du jour de cette assemblée générale prévoyait expressément le renouvellement du mandat du commissaire aux comptes pour 6 exercices, que c’est à la suite d’une simple erreur matérielle qu’il a été mentionné que le nouveau mandat prendrait fin en 2024 alors, ainsi que cela a été par la suite rectifié, qu’il prenait fin en 2023, et qu’en tout état de cause, l’assemblée générale a régularisé la nomination du commissaire aux comptes et approuvé les comptes de l’exercice clos au 31 décembre 2018, de sorte que l’action en nullité est éteinte.

Selon l’article L820-3-1 du code de commerce: ‘Les délibérations de l’organe mentionné au premier alinéa du ‘I’ de l’article L. 820-3-1 [ l’assemblée générale ordinaire] prises à défaut de désignation régulière de commissaires aux comptes ou sur le rapport de commissaires aux comptes nommés ou demeurés en fonctions contrairement aux dispositions du présent titre ou à d’autres dispositions applicables à la personne ou à l’entité en cause sont nulles. /L’action est éteinte si ces délibérations sont expressément confirmées par l’organe compétent sur le rapport de commissaires aux comptes régulièrement désignés.’

Il n’est pas contesté que les mandats de la société PSK Audit et de M.[O] [D], respectivement commissaire aux comptes titulaire et commissaire aux comptes suppléant de la société Metropolitan Filmexport, ont débuté le 27 juin 2012 pour une durée de 6 exercices, venant à terme en 2018, lors de l’assemblée générale appelée à statuer sur les comptes de l’exercice clos le 31 décembre 2017. Les intimés expliquent que si une assemblée générale s’est bien tenue le 14 juin 2018, aucun procès-verbal n’a pu être établi, la signature de [T] [K] n’ayant pu être recueillie du fait de ses multiples déplacements, puis de son décès brutal le [Date décès 4] 2018, de sorte que la désignation des commissaires aux comptes n’a pas été formalisée pour l’exercice 2018 et les suivants et que le commissaire aux comptes régulièrement mandaté pour les exercices précédents s’est maintenu en fonction puisqu’il a certifié les comptes clos au 31 décembre 2018.

L’ordre du jour de l’assemblée générale ordinaire annuelle du 28 juin 2019, avait notamment pour ordre du jour, ‘sur deuxième convocation’ la nomination d’un commissaire aux comptes suppléant et l’approbation des comptes 2017 et sur première convocation l’approbation des comptes de l’exercice clos au 31 décembre 2018. L’assemblée générale a, dans sa sixième résolution, décidé de renouveler le mandats de la société PSK Audit commissaire aux comptes titulaire, dont le mandat était arrivé à expiration, pour une nouvelle période de six exercices prenant fin à l’issue de la consultation annuelle de la collectivité des associés appelés à statuer sur l’exercice social clos le 31décembre 2023 et de ne pas renouveler le mandat de commissaire aux comptes suppléant de M.[D], suite à la suppression de cette obligation légale.

Etaient joints à cette convocation les comptes annuels des exercices 2017 et 2018, le rapport du commissaire aux comptes sur les comptes annuels 2017 et 2018, le rapport spécial du commissaire aux comptes sur les conventions visées à l’article L227-10 du code de commerce intervenues en 2017 et 2018, les rapports de gestion sur les comptes 2017 et 2018.

Le procès verbal établi par l’huissier de justice atteste que la question de l’absence de renouvellement de la mission de l’expert comptable, au delà du 6ème exercice a été explicitement abordée par le représentant de l’indivision successorale qui a interrogé sur ce point précis le commissaire aux comptes de la société (le dirigeant de la société PSK Audit) qui était physiquement présent, lequel a expliqué qu’il avait été convoqué pour l’assemblée de juin 2018, la convocation mentionnant à l’ordre du jour la nomination du commissaire aux comptes, mais qu’il était absent et excusé, puis qu’il avait envoyé une lettre de mission et effectué sa mission dans le cadre légal normal pour l’exercice 2018 et qu’il avait appris par la suite que le procès-verbal n’avait pas été signé, raison pour laquelle, il y avait eu une deuxième convocation pour une nouvelle assemblée générale.

Il résulte clairement des énonciations de ce procès verbal que la société Metropolitan Filmexport a eu conscience de l’irrégularité du maintien en fonction de son commissaire aux comptes, dont la mission n’avait pas été renouvelée à son échéance et qu’elle a entendu régulariser la situation en convoquant une deuxième fois l’assemblée générale pour réparer cette omission.

Il n’est plus contesté que toutes les résolutions de l’assemblée générale ordinaire, sur deuxième convocation, comme sur première convocation, ont été approuvées,

M.[P] [K] votant ‘pour’ et le représentant de l’indivision [K] votant ‘contre’, et notamment que le mandat du commissaire aux comptes a été renouvelé et que les comptes des exercices 2017 et 2018 ont été ensuite approuvés.

C’est manifestement à la suite d’une erreur de plume que le projet des résolutions joint à la convocation indiquait que le mandat du commissaire aux comptes à renouveler prendrait fin à l’issue de l’assemblée appelée à statuer sur les comptes de l’exercice 2024, alors que le mandat précédent courait jusqu’à l’approbation des comptes de l’exercice clos au 31 décembre 2017. Le mandat renouvelé courait donc de l’exercice 2018 à l’exercice clos au 31 décembre 2023, ainsi que cela a été corrigé dans le procès-verbal de l’assemblée générale versé aux débats.

Le second alinéa de l’article L820-3-1 du code de commerce trouve à s’appliquer en l’espèce puisque l’assemblée générale ordinaire du 28 juin 2019, qui est l’organe compétent au sens de ce texte, a d’abord, sur deuxième convocation, régularisé la désignation du commissaire aux comptes pour les 6 exercices courant de 2018 à 2023 puis approuvé, sur première convocation, les comptes de l’exercice 2018.

Ce moyen de nullité sera donc rejeté.

– sur l’absence de certification des comptes consolidés:

Après avoir énoncé les participations que la société Metropolitan Filmexport détient dans différentes filiales, les consorts [K] soulèvent la violation de l’obligation édictée par l’article L233-16 et suivants du code de commerce, imposant selon eux à la société Metropolitan Filmexport de publier des comptes consolidés. Ils ajoutent que la société ne peut se prévaloir de l’exception des microgroupes et des sous-groupes prévue par l’article L233-17 du même code et qu’elle ne démontre pas le caractère négligeable de ses filiales.

En réplique, M.[P] [K] et la société Metropolitan Filmexport soutiennent qu’il n’y avait aucune obligation d’établir des comptes consolidés et se prévalent à cet effet de l’exception à cette obligation prévue par l’article L233-17-1 du code de commerce, compte tenu de l’intérêt négligeable de ces participations. Ils ajoutent qu’en tout état de cause, les consorts [K] ne justifient pas qu’un manquement serait sanctionné par la nullité de l’ensemble des résolutions.

Il résulte de l’article L.233-16 du code de commerce que:

‘ I.- Les sociétés commerciales établissent et publient chaque année à la diligence du conseil d’administration, du directoire, du ou des gérants, selon le cas, des comptes consolidés ainsi qu’un rapport sur la gestion du groupe, dès lors qu’elles contrôlent de manière exclusive ou conjointe une ou plusieurs autres entreprises, dans les conditions ci-après définies.

II.- Le contrôle exclusif par une société résulte:

1° Soit de la détention directe ou indirecte de la majorité des droits de vote dans une autre entreprise;

2° Soit de la désignation, pendant deux exercices successifs, de la majorité des membres des organes d’administration, de direction ou de surveillance d’une autre entreprise. La société consolidante est présumée avoir effectué cette désignation lorsqu’elle a disposé au cours de cette période, directement ou indirectement, d’une fraction supérieure à 40 % des droits de vote, et qu’aucun autre associé ou actionnaire ne détenait, directement ou indirectement, une fraction supérieure à la sienne ;

3° Soit du droit d’exercer une influence dominante sur une entreprise en vertu d’un contrat ou de clauses statutaires, lorsque le droit applicable le permet.

III.- Le contrôle conjoint est le partage du contrôle d’une entreprise exploitée en commun par un nombre limité d’associés ou d’actionnaires, de sorte que les décisions résultent de leur accord.’

L’article L233-17-1 du même code dispose que ‘Sous réserve d’en justifier dans l’annexe prévue à l’article L123-12, les sociétés mentionnées au I de l’article L233-16 sont exemptées de l’obligation d’établir et de publier des comptes consolidés et un rapport sur la gestion du groupe lorsque toutes les entreprises qu’elles contrôlent de manière exclusive ou conjointe au sens du même article L 233-16, présentent, tant individuellement que collectivement, un intérêt négligeable par rapport à l’objectif défini à l’article L233-21 ou qu’elles peuvent être exclues de la consolidation en vertu de l’article L233-19.’

Selon l’article L233-17-2, sont comprises dans la consolidation les filiales ou participations contrôlées de manière exclusive ou conjointe ou sur lesquelles est exercée une influence notable. L’influence notable sur la gestion et la politique financière d’une entreprise est présumée lorsqu’une société dispose, directement ou indirectement d’une fraction au moins égale au cinquième des droits de vote de cette entreprise.

S’il est constant que Metropolitan Filmexport contrôle à plus de 50% plusieurs sociétés (Cinema(s)à la demande, Films 26, Météore, Seven Sept et Vodinn), il n’en résulte pas pour autant l’obligation d’établir des comptes consolidés dès lors que ces sociétés peuvent avoir un intérêt négligeable par rapport à l’objectif défini à l’article L233-21, qui est de fournir une image fidèle du patrimoine, de la situation financière ainsi que du résultat de l’ensemble constitué par les entreprises comprises dans la consolidation.

La question de l’obligation d’établir des comptes consolidés a été abordée lors de l’assemblée générale du 28 juin 2019, le commissaire aux comptes M.[N] (KSP Audit) a répondu que ce point avait été envisagé, mais que la société n’était pas dans l’obligation de fournir des comptes consolidés, le code de commerce prévoyant une exception à l’obligation d’établissement et de certification des comptes consolidés.

Si le rapport de gestion ne comporte pas d’annexe expliquant en quoi ces sociétés ont un intérêt négligeable, néanmoins des explications ont bien été données dans le rapport et lors des échanges quant à l’activité de ces sociétés , de sorte que les consorts [K] ont ainsi bénéficié des informations relatives aux filiales et participations.

S’agissant de la société New Lineo détenue à 28,8% par Metropolitan Filmexport, les consorts [K] considèrent que cette dernière en exerce conjointement le contrôle en ce qu’elle forme avec deux autres actionnaires le bloc des actionnaires historiques de New Lineo et contrôle à ce titre conjointement la majorité du conseil d’administration, dont elle désigne 60% de ses membres, ce que contestent les intimés qui soutiennent que New Linéo n’est pas une de ses filiales contrôlée de façon exclusive ou conjointe au sens de l’article L233-16 du code de commerce.

S’il ressort de l’extrait du pacte des associés de la société israélienne New Lineo que Metropolitan Filmexport fait partie des actionnaires historiques avec deux autres actionnaires et que ce bloc dispose du droit de nommer conjointement 60% des membres du conseil d’administration, il n’est pas pour autant établi que la société Metropolitan Filmexport exerce un contrôle conjoint au sens de l’article L 233-16,III du code de commerce, dès lors qu’il ne résulte pas du pacte, ni d’autres éléments une exploitation en commun de l’activité de cette société, ni que les décisions de la société résultent de l’accord de ces actionnaires historiques.

En tout état de cause, les intimés soutiennent à juste titre que les textes ainsi rappelés ne prévoient aucune nullité ni ne contiennent aucune disposition impérative, puisqu’il n’y figure aucune défense ou ordre auxquels il ne serait pas possible de déroger et que n’y est contenue aucune disposition qui précise dans quelles circonstances les délibérations de l’assemblée générale sont valables, de sorte que les consorts [K] ne sont pas fondés à soutenir qu’en l’absence de comptes consolidés, l’ensemble des résolutions prises en AGO doivent être considérées comme nulles.

Ce moyen de nullité sera rejeté.

Il sera souligné que dans le rapport de gestion du président afférent à l’exercice clos le 31 décembre 2019, M.[P] [K] a décidé ‘en dehors de toute obligation légale’, dans un souci d’apaisement à l’égard des héritiers de [T] [K], d’établir à l’avenir des comptes consolidés, lesquels seront audités à partir de l’exercice 2020 et que les associés de Metropolitan Filmexport, lors de la consultation collective du 30 décembre 2020, ont décidé de nommer un second commissaire aux comptes pour une période de 6 exercices.

– sur la violation de dispositions impératives

Les consorts [K] soutiennent que la nullité des résolutions est encourue au visa de l’article L235-1 du code de commerce en ce que ‘de nombreuses autres irrégularités, omissions et erreurs ont été notées au cours de l’AGO’. Ils visent: 1/ l’absence, en annexe du rapport de gestion, d’un tableau pour les exercices dont l’approbation est sollicitée permettant de connaître la situation des filiales et des participations de la société,

2/ l’absence dans le rapport de gestion d’informations concernant l’évolution prévisible de la société alors que le secteur de la distribution audiovisuelle est en pleine mutation et que les pertes ont été élevées en 2017 et 2018 et 3/ le fait que M.[P] [K] n’a pas été capable de répondre aux questions en rapport avec les résolutions figurant à l’ordre du jour, se contentant de promettre la transmission d’un tableau prévisionnel des flux.

Ils considèrent que le deuxième alinéa de ce texte, qui prévoit que la nullité des délibérations peut intervenir à la suite de la violation d’une disposition impérative, recouvre, outre les cas où la nullité est expressément prévue, ceux dans lesquels le non respect d’une disposition imposée par la loi entraîne ou peut entraîner la nullité quand bien même cette sanction n’est pas expressément prévue.

Les intimés objectent que les consorts [K] ne listent pas de manière exhaustive les ‘nombreuses autres irrégularités’, omettent d’expliciter en quoi les éléments factuels invoqués à titre d’exemple constitueraient une irrégularité de droit, aucun de ces exemples n’étant de nature à entraîner l’annulation des délibérations de l’assemblée générale au visa de l’article L 235-1 du code de commerce.

Aux termes de l’article L235-1 du code de commerce ‘ La nullité d’une société ou d’un acte modifiant les statuts ne peut résulter que d’une disposition expresse du présent livre ou des lois qui régissent la nullité des contrats. En ce qui concerne les sociétés à responsabilité limitée et les sociétés par actions, la nullité de la société ne peut résulter ni d’un vice de consentement ni de l’incapacité, à moins que celle-ci n’atteigne tous les associés fondateurs. La nullité de la société ne peut non plus résulter des clauses prohibées par l’article 1844-1 du code civil.

La nullité d’actes ou délibérations autres que ceux prévus à l’alinéa précédent ne peut résulter que de la violation d’une disposition impérative du présent livre ou des lois qui régissent les contrats.’

L’article L 232-1,II du code de commerce dispose que le rapport de gestion établi à la clôture de l’exercice doit exposer la situation de la société durant l’exercice écoulé ainsi que son évolution prévisible et l’article L 233-15 du même code que le dirigeant de toute société ayant des filiales ou des participations inclut dans l’annexe de la société ‘un tableau’ en vue de faire apparaître la situation desdites filiales et participations au sens de la présente section.

Si les informations relatives à la situation des filiales et des participations ne sont pas présentées sous forme de tableau dans l’annexe, une telle présentation formelle ne constitue pas une disposition impérative au sens de l’article L 235-1 du code de commerce sanctionnée de nullité, l’objet de cette obligation étant de fournir ces informations de façon lisible. Or, les rapports de gestion sur la situation de la société Metropolitan Filmexport à l’issue des exercices clos au 31 décembre 2017 et au 31 décembre 2018 comportent bien des explications sur l’activité de la société au cours de l’exercice écoulé et son évolution prévisible, mentionnant notamment les opérations de croissance externe, les prises de participations, la continuité du développement des activités VOD et SVOD, les principaux films distribués, ceux prévus pour l’exercice suivant et à la rubrique ‘Filiales et Participations’ les prises ou augmentations de participation intervenues, le nombre et l’identité des filiales contrôlées par Metropolitan Filmexport ( 3 en 2017, 6 en 2018 (Cinéma à la demande/ Météore/Seven Sept/ Vod Inn/ Les Films 26/ et Contenscope) ainsi que leurs chiffres d’affaires et les résultats comptables.

Quant au fait que M.[P] [K] n’aurait pas été en capacité de répondre à des questions à l’ordre du jour, il ne s’agit pas là de la violation d’une disposition impérative du présent livre ou des lois susceptible d’entraîner la nullité des résolutions votées lors de l’assemblée générale.

Ces moyens de nullité ne sont pas davantage fondés.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté les consorts [K] de leur demande d’annulation de l’ensemble des résolutions adoptées lors de l’assemblée générale du 28 juin 2019.

– Sur la demande de désignation d’un commissaire aux comptes

La demande de désignation d’un commissaire aux comptes est sans objet, la cour ayant jugé qu’il avait été régulièrement désigné lors de l’assemblée générale ordinaire

du 28 juin 2019.

– Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile

Les consorts [K], qui succombent, seront condamnés aux dépens et ne peuvent prétendre à l’octroi de sommes au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées. L’équité ne commande pas d’ajouter en appel aux indemnités procédurales allouées en première instance.

PAR CES MOTIFS,

Constate que les consorts [K] ont renoncé à leur demande principale tendant à voir juger que les résolutions de l’assemblée générale ordinaire du 28 juin 2019 ont été rejetées,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne in solidum Mme [Z] [B] veuve [K], Mme [M] [K], Mme [J] [K] et M.[L] [K] aux dépens d’appel,

Déboute toutes les parties de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.

La greffière,

Liselotte FENOUIL

La présidente,

Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT

 


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