Droits des héritiers : 16 mai 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 20/06061

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Droits des héritiers : 16 mai 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 20/06061

16 mai 2023
Cour d’appel de Versailles
RG n°
20/06061

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

1ère chambre 1ère section

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

Code nac : 28Z

DU 16 MAI 2023

N° RG 20/06061

N° Portalis DBV3-V-B7E-UGAY

AFFAIRE :

[K], [L] [I] épouse [U]

C/

[P], [S], [A], [Z] [M],

S.C.P. GERALDINE MICHEL ET STANISLANS MAGIS, notaires associés,

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 Février 2020 par le Tribunal judiciaire de VERSAILLES

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 18/04462

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

– Me Luminita PERSA,

– La SELEURL

MINAULT TERIITEHAU

– La SCP COURTAIGNE AVOCATS,

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEIZE MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Madame [K], [L] [I] épouse [U]

née le 02 Avril 1951 à [Localité 12]

de nationalité Française

[Adresse 15]

[Adresse 15]

[Localité 7]

Représentée par Me Luminita PERSA, avocat postulant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : C.77 – N° du dossier [I]

Me Hervé HUMBERT SENNINGER de la SELARL CABINET HUMBERT SENNINGER, avocat – barreau de DRAGUIGNAN, vestiaire : 9

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 786460022020003735 du 18/08/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de VERSAILLES)

APPELANTE

****************

Madame [P], [S], [A], [Z] [M], prise en sa qualité d’ayant-droit de M. [V], [T], [B] [I]

née le 29 Septembre 1979 à [Localité 17]

de nationalité Française

[Adresse 8]

[Localité 9]

représentée par Me Stéphanie TERIITEHAU de la SELEURL MINAULT TERIITEHAU, avocat postulant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 – N° du dossier 20210053

Me Marie DUPIN, avocat – barreau de PARIS, vestiaire : D1023

INTIMÉE

****************

S.C.P. GERALDINE MICHEL ET STANISLANS MAGIS, notaires associés, (SCP devenue SELARL MICHEL et ASSOCIES)

prise en la personne de ses représentans légaux domiciliés audit siège

N° SIRET : 307 501 585

[Adresse 16]

[Adresse 16]

[Localité 7]

représentée par Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, avocat postulant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 52 – N° du dossier 022575

Me Jean-luc FORNO de la SCP LOUSTAUNAU FORNO, avocat -barreau de DRAGUIGNAN, vestiaire : 47

PARTIE INTERVENANTE

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 27 Février 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Anna MANES, Présidente chargée du rapport et Madame Sixtine DU CREST, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anna MANES, Présidente,

Madame Pascale CARIOU, Conseiller,

Madame Sixtine DU CREST, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,

*************************

FAITS ET PROCÉDURE

M. [V] [I] et son épouse, Mme [G] [E], mariés sous le régime de la communauté, ont eu deux enfants, [J] [I], épouse [M], et [K] [I], épouse [U].

Par acte notarié du 7 août 2009, les époux [I] ont fait donation à Mme [K] [I] de la nue propriété d’un bien immobilier situé [Adresse 3] à [Localité 12] (Yvelines) avec dispense de rapport à la succession du donateur.

Mme [G] [E] est décédée le 16 mai 2010 et M. [T] [I], qui avait été placé sous le régime de la tutelle le 18 octobre 2012, le 6 juin 2013 laissant pour lui succéder :

– Mme [K] [I], épouse [U],

– Mme [P] [M], sa petite fille venant par représentation de [J] [I] veuve [M], sa mère prédécédée le 22 septembre 2009.

Par exploit d’huissier de justice du 5 juin 2018, Mme [P] [M], prétendant au manque de lucidité de M. [T] [I] au moment de la donation, a fait assigner Mme [K] [I] devant le tribunal judiciaire de Versailles.

Par un jugement contradictoire rendu le 4 février 2020 le tribunal judiciaire de Versailles a :

– Dit l’action de Mme [P] [M] non prescrite ;

– Débouté Mme [P] [M] de sa demande d’expertise de la signature et des paraphes de Mme [G] [E] épouse [I] et M. [V] [I] sur l’acte de donation du 7 août 2009 ;

– Prononcé la nullité de l’acte de donation du 7 août 2009 conclu entre M. [V] [I] et Mme [K] [I] épouse [U] pour insanité d’esprit ;

– Dit que la somme de 74 440,05 euros doit être rapportée la succession de M. [V] [I] ;

– Ordonné la liquidation partage des successions de M. [V] [I] et Mme [G] [E] en conformité avec les termes du présent jugement avec établissement d’actes rectificatifs ;

– Désigné pour y procéder Maître [O] [C], Notaire ;

– Désigné le président de la première chambre du tribunal judiciaire de Versailles ou tout juge de la première chambre pour surveiller les opérations de liquidation et partage, faire rapport sur l’homologation de la liquidation s’il y a lieu, veiller au respect du délai prévu à l’article 1369 du code de procédure civile, et statuer sur les demandes relatives au partage ;

– Dit qu’en cas d’empêchement du magistrat ou du notaire commis, il sera procédé à leur remplacement par ordonnance rendue sur requête de la partie la plus diligente ;

– Dit qu’en cas de désaccord des copartageants sur le projet d’acte liquidatif dressé par le notaire, ce dernier transmettra au juge commis un procès-verbal reprenant les dires respectifs des parties ainsi que le projet d’état liquidatif ; le cas échéant, le greffe invitera les parties non représentées à constituer avocat, et le juge commis pourra entendre les parties ou leurs représentants et le notaire et tenter une conciliation, ou il fera rapport au tribunal des points de désaccord subsistant, en qualité de juge de la mise en état ;

– Dit que le tribunal statuera sur les points de désaccord en application des articles 1374 à 1376 du code de procédure civile ;

– Dit que Mme [P] [M] est redevable d’une indemnité d’occupation pour sa jouissance privative depuis le 6 juin 2013 du bien immobilier sis [Adresse 3] à [Localité 12] (Yvelines) qu’il appartiendra au notaire de fixer dans le cadre du partage ;

– Débouté Mme [P] [M] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudices financier et moral ;

– Débouté Mme [K] [I] de ses demandes ;

– Condamné Mme [K] [I] épouse [U] à payer à Mme [P] [M] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamné les parties aux dépens de la présente instance qui seront employés en frais privilégiés de partage et répartis entre les parties à proportion de leur part ;

– Ordonné l’exécution provisoire de la décision à intervenir ;

– Renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état du 24 février 2020 à 9 h 30 pour retrait du rôle, sauf observations contraires des parties.

Mme [I] a interjeté appel de ce jugement le 4 décembre 2020 à l’encontre de Mme [M].

Mme [I] a fait assigner en intervention forcée le 2 novembre 2022 par acte d’huissier de justice la SCP Géraldine Michel et Stanislas Magis, notaires associés.

Par une ordonnance d’incident rendue le 12 janvier 2023, le conseiller de la mise en état de la cour d’appel de Versailles a :

– Rejeté la demande de nullité de l’assignation en intervention forcée du 3 novembre 2021 présentée par la SCP Géraldine Michel et Stanislas Magis, notaires,

– Constaté l’incompétence du conseiller de la mise en état pour statuer sur la fin de non-recevoir présentée par la SCP Géraldine Michel et Stanislas Magis, notaires, au fondement de l’article 555 du code de procédure civile,

– Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

– Rejeté toutes autres demandes,

– Condamné la SCP Géraldine Michel et Stanislas Magis, notaires, aux dépens de l’incident.

Par ses dernières conclusion notifiées le 30 janvier 2023 (14 pages), auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, Mme [K] [I], épouse [U], demande à la cour, au fondement des articles 28 et 30 du décret 55.22 du 4 janvier 1955, 921, alinéa 2, du code civil, 555 du code de procédure civile, 219 du code civil, de :

– Infirmer le jugement entrepris du tribunal judiciaire de Versailles rendu le 4 février 2020 ;

Et, statuant à nouveau,

– Constater que l’assignation délivrée en première instance n’était pas recevable en application des dispositions du décret 55.22 du 4 janvier 1955, et que l’intimée n’était pas fondée à agir en l’état ;

– Dire Mme [P] [M] mal fondée en ses poursuites et la déclarer prescrite en son action, en vertu des dispositions de l’article 921, alinéa 2, du code civil ;

En conséquence,

– La débouter de l’ensemble de ses moyens, fins et prétentions, avec toutes conséquences de droit ;

– La condamner à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation des préjudices moral et harcèlement judiciaire mal fondés et excessifs, et autres accusations mensongères et diffamatoires qu’elle a dû subir ;

– Renvoyer les parties devant le Notaire initialement désigné par Mme [U], ou son successeur, Me [H] [Y] [Adresse 4], et l’accueillir en sa demande de récompense telle que décrite dans l’acte de projet de partage (pièce n° 20) ;

– La condamner à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Dire que l’Office Notarial de Trans en Provence devra la garantir de toutes les condamnations prononcées à son encontre du fait de la donation litigieuse ;

– Condamner l’Office Notarial à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Les condamner enfin in solidum en tous les dépens de l’instance.

Par dernières conclusions notifiées le 31 janvier 2023 (50 pages), auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, Mme [M] demande à la cour, au fondement des articles 901 du code civil et 1240 (ancien 1382) du code civil, 815-9 du code civil, 143 et 700 du code de procédure civile, 864 et suivants du code civil, 908, 960 et 961 du code de procédure civile, 778 du code civil, 123 du code de procédure civile, de :

– Déclarer recevable Mme [P] [M] en ses demandes, fins et conclusions, ce compris

son assignation de première instance,

In limine litis :

– Déclarer les conclusions de l’appelante irrecevables comme ne respectant pas les article 960 et 961 du code de procédure civile,

Par conséquent et en application de l’article 908 du code de procédure civile,

– Prononcer la caducité de la déclaration d’appel ;

– Débouter Mme [K] [I] épouse [U] de ses demandes visant à l’irrecevabilité de l’action de Mme [P] [M] sur le fondement du décret n° 55-22 du 04.01.1955 et de l’article 921 du code civil,

Subsidiairement sur la fin de non-recevoir : si par extraordinaire la cour estimait les diligences de Mme [M] insuffisantes et retenait la fin de non-recevoir tirée des dispositions du décret 55-22 du 04.01.1955 :

– Juger Mme [K] [I] épouse [U] fautive au regard des dispositions de l’article 123 du code de procédure civile et accorder des dommages et intérêts à Mme [P] [M] à hauteur de 360 000 euros,

– Débouter Mme [K] [I] épouse [U] de l’ensemble de ses demandes, y compris celles figurant dans son assignation en intervention forcée à l’étude SCP Géraldine Michel et Stanislas Magis, notaires associés située [Adresse 6] à [Localité 18].

– Confirmer le jugement du 4 février 2020 rendu par le tribunal judiciaire de Versailles en ce qu’il a :

*Dit l’action de Mme [M] non prescrite,

*Prononcé la nullité de l’acte de donation du 7 août 2009 conclu entre M. [V] [I] et Mme [K] [I] épouse [U] pour insanité d’esprit,

*Dit que la somme de 74 440,05 euros doit être rapportée la succession de M. [V] [I].

*Ordonné la liquidation partage des successions de M. [V] [I] et Mme [G] [E] en conformité avec les termes du présent jugement avec établissement d’actes rectificatifs sans considération de tout projet de partage successoral dressé antérieurement,

*Désigné pour y procéder Maître [O] [C] Notaire [Adresse 5]

Tél. : [XXXXXXXX01] – Fax : [XXXXXXXX02] Courriel : [Courriel 14]

*Désigné le président de la première chambre du tribunal judiciaire de Versailles ou tout juge de la première chambre pour surveiller les opérations de liquidation et partage, faire rapport sur l’homologation de la liquidation s’il y a lieu, veiller au respect du délai prévu à l’article 1369 du code de procédure civile, et statuer sur les demandes relatives au partage.

*Dit qu’en cas d’empêchement du magistrat ou du notaire commis, il sera procédé à leur remplacement par ordonnance rendue sur requête de la partie la plus diligente.

*Dit qu’en cas de désaccord des copartageants sur le projet d’acte liquidatif dressé par le notaire, ce dernier transmettra au juge commis un procès-verbal reprenant les dires respectifs des parties ainsi que le projet d’état liquidatif ; le cas échéant, le greffe invitera les parties non représentées à constituer avocat, et le juge commis pourra entendre les parties ou leurs représentants et le notaire et tenter une conciliation, ou il fera rapport au tribunal des points de désaccord subsistant, en qualité de juge de la mise en état.

*Dit que le tribunal statuera sur les points de désaccord en application des articles 1374 à 1376 du code de procédure civile.

*Dit que [K] [I] épouse [U] (et non Mme [P] [M]) est redevable d’une indemnité d’occupation pour sa jouissance privative depuis le 6 juin 2013 du bien immobilier sis [Adresse 3] à [Localité 12] (Yvelines) qu’il appartiendra au notaire de fixer dans le cadre du partage,

– Recevoir Mme [P] [M] en son appel incident :

– Infirmer le jugement du 4 février 2020 rendu par le tribunal de Versailles en ce qu’il a :

*Dit que Mme [P] [M] est redevable d’une indemnité d’occupation

*Débouté Mme [P] [M] de sa demande d’expertise de la signature et des paraphes de Mme [G] [E] épouse [I] et de M. [V] [I] sur l’acte de donation du 7 août 2009,

* Débouté Mme [P] [M] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice financier et moral,

Statuant à nouveau :

– Ordonner l’expertise de la signature et des paraphes de Mme [G] [E] épouse [I] et M. [V] [I] sur l’acte de donation du 7 août 2009 dressé par Me [D] [X], avec mission pour l’expert graphologue de se faire remettre le document original et authentique par l’étude de SCP Géraldine Michel et Stanislas Magis, notaires associés située [Adresse 6] à [Localité 18], d’examiner le document et de conclure sur l’auteur des paraphes de Mme [G] [E] épouse [I] et M. [V] [I],

– Dire que [K] [I] épouse [U] est redevable d’une indemnité d’occupation pour sa jouissance privative depuis le 6 juin 2013 du bien immobilier sis [Adresse 3] à [Localité 12] (Yvelines) qu’il appartiendra au notaire de fixer dans le cadre du partage,

– Juger que Mme [K] [I] épouse [U] s’est rendue coupable d’un recel successoral,

– Juger que Mme [K] [I] épouse [U] sera privée de l’intégralité de ses droits sur l’actif résultant du bien situé initialement à [Localité 12] [Adresse 3] et vendu le 12.03.2020 au prix de 550 000 euros,

– Condamner Mme [K] [I] épouse [U] payer à Mme [P] [M] la somme de 5 000 euros au titre de la réparation du préjudice moral subi,

– Condamner Mme [K] [I] épouse [U] payer à Mme [P] [M] la somme de 275 000 euros au titre de la réparation du préjudice financier subi,

En tout état de cause,

– Condamner Mme [K] [I] épouse [U] à payer à Mme [P] [M] la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamner Mme [K] [I] épouse [U] aux entiers dépens dont distraction pour ceux la concernant au profit de la SELARL Minault Teriitehau agissant par Me Stéphanie Teriitehau.

Par ses dernières conclusions notifiées le 17 janvier 2023 (7 pages), la SCP Géraldine Michel et Stanislas Magis, notaires associés, devenue la SELARL Michel et associés) invite cette cour, au fondement de l’article 555 du code de procédure civile, de :

‘ Accueillir la fin de non-recevoir soulevée, tendant aux conditions de l’intervention forcée du notaire, en appel, injustifiée par l’évolution du litige,

En conséquence,

‘ Déclarer irrecevable l’assignation en intervention forcée de la SCP notariale Géraldine Michel et Stanislas Magis pour la première fois en cause d’appel,

En toute hypothèse,

‘ Débouter Mme [K] [I], épouse [U], de ladite assignation en intervention forcée du 2 novembre 2021 totalement infondée,

‘ Débouter Mme [K] [I], épouse [U], de toutes ses demandes, fins et conclusions dirigées contre elle,

‘ Débouter Mme [K] [I], épouse [U], de sa demande tendant à être relevée et garantie par « l’office notarial de Trans en Provence » de toutes les condamnations prononcées à son encontre du fait de la donation litigieuse et de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ Condamner Mme [K] [I], épouse [U], à lui payer la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ La condamner aux entiers dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile

La clôture de l’instruction a été ordonnée le 2 février 2023.

SUR CE, LA COUR,

A titre liminaire,

La cour rappelle que, conformément aux dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.

Par ‘prétention’, il faut entendre, au sens de l’article 4 du code de procédure civile, une demande en justice tendant à ce qu’il soit tranché un point litigieux. Par voie de conséquence, les ‘dire et juger’ ne constituent pas des prétentions, mais en réalité des moyens qui ont leur place dans le corps des écritures, plus précisément dans la partie consacrée à l’examen des griefs formulés contre le jugement et à la discussion des prétentions et moyens, pas dans le dispositif. La cour ne répondra de ce fait à de tels ‘dire et juger’ qu’à condition qu’ils viennent au soutien de la prétention formulée en appel et énoncée au dispositif des dernières conclusions et, en tout état de cause, pas au dispositif de son arrêt, mais dans ses motifs.

En outre, l’article 954 oblige les parties à formuler expressément leurs prétentions dans le dispositif de leurs conclusions, la cour ne statuant que sur celles-ci. L’adverbe ‘expressément’ qualifie sans aucun doute possible une volonté clairement exprimée.

Il découle de ce texte que le dispositif des conclusions doit récapituler les prétentions des parties de manière claire et distincte. Un dispositif qui ne répondrait pas à cet impératif contreviendrait tant à l’esprit qu’à la lettre des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile dont le respect participe assurément au bon déroulement d’un procès équitable.

Il s’infère de ce qui précède que la cour ne statuera pas sur une demande non expressément formulée.

Il ressort du dispositif des conclusions de l’appelante qu’elle poursuit l’infirmation du jugement, mais seulement en ce qu’il rejette sa demande tirée de la prescription de l’action de son adversaire. Statuant à nouveau, elle demande que cette action soit déclarée prescrite. Elle demande en outre, nouvellement en appel, de déclarer irrecevable l’assignation délivrée en première instance au fondement des dispositions du décret 55.22 du 4 janvier 1955. Par voie de conséquence, elle demande à la cour de débouter son adversaire de l’ensemble de ses demandes. Elle sollicite en outre la condamnation de Mme [M] à lui verser des sommes en réparation de son préjudice moral et abus de procédure.

Mme [M] invite quant à elle cette cour, en premier lieu et en réalité, à rectifier une erreur matérielle contenue dans le jugement en ce que, au dispositif de celui-ci (page 9), il est :

– ‘Dit que Mme [P] [M] est redevable d’une indemnité d’occupation pour sa jouissance privative depuis le 6 juin 2013 du bien immobilier sis [Adresse 3] à [Localité 12] (Yvelines) qu’il appartiendra au notaire de fixer dans le cadre du partage’ alors que, dans ses motifs (page 6), il est clairement statué en ce sens que c’est Mme [K] [I], épouse [U], qui apparaît redevable d’une telle indemnité. Ainsi, en page 6 des motifs du jugement, il y est dit que (l’apparence ‘gras’ du texte reproduit étant ajoutée par la cour)  : ‘les décès des deux donateurs a rendu Mme [K] [I], épouse [U], pleine propriétaire du bien en question, et celle-ci contestant sa jouissance privative depuis le second de ces événements (6 juin 2013) elle est effectivement redevable d’une indemnité d’occupation’.

Il s’ensuit que cette erreur de plume, purement matérielle, sera réparée au dispositif du présent arrêt.

Sur les limites de l’appel,

Comme indiqué précédemment, Mme [I], appelante, poursuit l’infirmation du jugement, mais seulement en ce qu’il rejette sa demande tendant à l’irrecevabilité de l’action de Mme [M] en raison de sa prescription.

Elle sollicite donc, au fondement de l’article 921, alinéa 2, du code civil, que la cour déclare irrecevable son adversaire en son action en annulation de la donation du 7 août 2009, selon elle prescrite. En conséquence, elle soutient que l’ensemble des demandes de Mme [M] ne pourra qu’être rejeté (sic).

Elle avance encore que l’assignation délivrée par Mme [M] le 5 juin 2018 ne pourra qu’être déclarée irrecevable pour ne pas avoir fait l’objet d’une publication au service de la publicité foncière en application du décret 55.22 du 4 janvier 1955.

Mme [M] demande à la cour, au fondement des articles 960, 961 du code de procédure civile ensemble l’article 906 du même code, de prononcer la caducité de la déclaration d’appel de Mme [K] [I], épouse [U].

Elle poursuit en outre l’infirmation du jugement déféré en ce qu’il :

* la déboute de sa demande d’expertise de la signature et des paraphes de [G] [E] épouse [I] et de [V] [I] sur l’acte de donation du 7 août 2009,

* la déboute de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice financier et moral,

Statuant à nouveau, elle sollicite :

– l’expertise de la signature et des paraphes de [G] [E] épouse [I] et [V] [I] sur l’acte de donation du 7 août 2009 dressé par M. [D] [X], notaire, avec mission pour l’expert graphologue de se faire remettre le document original et authentique par l’étude de SCP Géraldine Michel et Stanislas Magis, notaires associés située [Adresse 6] à [Localité 18], d’examiner le document et de conclure sur l’auteur des paraphes de [G] [E] épouse [I] et [V] [I],

– Juger que Mme [K] [I] épouse [U] s’est rendue coupable d’un recel successoral ;

– Juger que Mme [K] [I] épouse [U] sera privée de l’intégralité de ses droits sur l’actif résultant du bien situé initialement à [Localité 12] [Adresse 3] et vendu le 12.03.2020 au prix de 550 000 euros,

– Condamner Mme [K] [I] épouse [U] à lui payer les sommes de :

* 5 000 euros au titre de la réparation du préjudice moral subi,

* 275 000 euros au titre de la réparation du préjudice financier subi.

La Selarl Michel et associés invite cette cour à déclarer irrecevable leur appel en intervention forcée au fondement des dispositions de l’article 555 du code de procédure civile.

En définitive, le jugement en ce qu’il :

– prononce la nullité de l’acte de donation du 7 août 2009 conclu par [V] [I] et Mme [K] [I], épouse [U] pour insanité d’esprit ;

– Dit que la somme de 74 440,05 euros doit être rapportée la succession de M. [V] [I] ;

– Ordonné la liquidation partage des successions de M. [V] [I] et Mme [G] [E] en conformité avec les termes du présent jugement avec établissement d’actes rectificatifs ;

– Désigné pour y procéder Maître [O] [C], Notaire ;

– Désigné le président de la première chambre du tribunal judiciaire de Versailles ou tout juge de la première chambre pour surveiller les opérations de liquidation et partage, faire rapport sur l’homologation de la liquidation s’il y a lieu, veiller au respect du délai prévu à l’article 1369 du code de procédure civile, et statuer sur les demandes relatives au partage ;

– Dit qu’en cas d’empêchement du magistrat ou du notaire commis, il sera procédé à leur remplacement par ordonnance rendue sur requête de la partie la plus diligente ;

– Dit qu’en cas de désaccord des copartageants sur le projet d’acte liquidatif dressé par le notaire, ce dernier transmettra au juge commis un procès-verbal reprenant les dires respectifs des parties ainsi que le projet d’état liquidatif ; le cas échéant, le greffe invitera les parties non représentées à constituer avocat, et le juge commis pourra entendre les parties ou leurs représentants et le notaire et tenter une conciliation, ou il fera rapport au tribunal des points de désaccord subsistant, en qualité de juge de la mise en état ;

– Dit que le tribunal statuera sur les points de désaccord en application des articles 1374 à 1376 du code de procédure civile ;

– Dit que Mme [K] [I], épouse [U] (et non Mme [P] [M]) est redevable d’une indemnité d’occupation pour sa jouissance privative depuis le 6 juin 2013 du bien immobilier sis [Adresse 3] à [Localité 12] (Yvelines) qu’il appartiendra au notaire de fixer dans le cadre du partage ;

n’est pas querellé de sorte que ces chefs du dispositif sont devenus irrévocables.

Sur la demande de caducité de la déclaration d’appel soulevée par Mme [M] tirée de la violation des dispositions des articles 960, 961 du code de procédure civile qui est préalable

‘ Moyens des parties

Mme [M], se fondant sur les dispositions des articles 960, 961 du code de procédure civile et de l’arrêt de la Cour de cassation du 13 octobre 2016 (2e Civ., pourvoi n° 15-24.932, Bull. 2016, II, n° 230), fait valoir que les premières conclusions de l’appelante, notifiées le 20 janvier 2021, indiquent de manière erronée qu’elle demeure [Adresse 13] à [Localité 18] (Var). Elle produit la lettre d’un huissier de justice de [Localité 10] qui l’atteste (pièce 28). Selon elle, Mme [K] [I], épouse [U], vit depuis l’été 2020 à [Localité 11] (Var) avec son époux (pièce 30, fiche d’un immeuble à [Localité 10]).

Elle soutient que les consorts [U], au mépris du jugement entrepris condamnant Mme [K] [I], épouse [U], à rapporter à la succession la somme divertie de 74 440,05 euros, annulant l’acte de donation du 7 août 2009 portant sur le bien situé [Adresse 3] à [Localité 12], ont vendu ce bien suivant acte du 12 mars 2020, au prix de 550 000 euros (pièce 29) afin de le soustraire volontairement à la succession par l’acquisition indivise avec son époux Michel [U] d’un ensemble immobilier le 31 juillet de la même année.

Elle ajoute que son adversaire produit elle-même une pièce qui atteste que son lieu d’imposition est situé à [Localité 11] ce qui, selon elle, constitue un aveu que son domicile actuel se situe bien en ce lieu et pas à [Localité 18] (Var). La modification de son adresse n’étant pas intervenue, l’irrecevabilité des conclusions est acquise (pièce adverse 16).

Elle soutient justifier d’un grief puisqu’il lui est impossible de signifier et de faire exécuter le jugement déféré, pourtant assorti d’exécution provisoire, mais également au regard des difficultés pour procéder au recouvrement des sommes dues. Selon elle, cette dissimulation d’adresse de la part de Mme [K] [I], épouse [U], est volontaire et destinée à se soustraire aux condamnations et obligations de restitution et frauder ainsi les droits des autres réservataires.

Il s’ensuit, selon elle, que les conclusions de Mme [K] [I], épouse [U] sont irrecevables et, par voie de conséquence, les exigences de l’article 908 du code de procédure civile n’ont pas été respectées.

Mme [K] [I], épouse [U] rétorque que c’est à tort que Mme [M] affirme qu’elle n’était pas domiciliée à [Localité 18] au moment où ont été notifiées les premières conclusions d’appelante. Elle fait valoir que son adversaire se fonde sur la lettre d’un commissaire de justice du 14 décembre 2021 (pièce adverse 28) pour justifier qu’elle ne réside pas à l’adresse indiquée.

Or, elle indique que :

* le 22 octobre 2021, un autre commissaire de justice a pu la toucher à l’adresse située à [Localité 18] (pièce 15),

* le maire de cette localité a attesté de la réalité de cette adresse (pièce 17),

* l’avis d’imposition à la taxe d’habitation pour 2022 à [Localité 11] (pièce 16) prouve qu’en 2021, elle résidait à [Localité 18] là où a été adressé cet avis.

Elle en déduit que Mme [M] ne pourra qu’être déboutée de cette demande.

‘ Appréciation de la cour

L’article 960 du code de procédure civile dispose que ‘La constitution d’avocat par l’intimé ou par toute personne qui devient partie en cours d’instance est dénoncée aux autres parties par notification entre avocats.

Cet acte indique :

a) Si la partie est une personne physique, ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ;

b) S’il s’agit d’une personne morale, sa forme, sa dénomination, son siège social et l’organe qui la représente légalement.’

Selon l’article 961 du même code, ‘les conclusions des parties sont signées par leur avocat et notifiées dans la forme des notifications entre avocats. Elles ne sont pas recevables tant que les indications mentionnées à l’alinéa 2 de l’article précédant n’ont pas été fournies. Cette fin de non-recevoir peut être régularisée jusqu’au jour du prononcé de la clôture ou, en l’absence de mise en état, jusqu’à l’ouverture des débats.

La communication des pièces produites est valablement attestée par la signature de l’avocat destinataire apposée sur le bordereau établi par l’avocat qui procède à la communication.’

L’article 908 du code de procédure civile précise que ‘A peine de caducité de la déclaration d’appel, relevée d’office, l’appelant dispose d’un délai de trois mois à compter de la déclaration d’appel pour remettre ses conclusions au greffe.’

L’article 914 du code de procédure civile indique, en particulier, que ‘Les parties soumettent au conseiller de la mise en état, qui est seul compétent depuis sa désignation et jusqu’à la clôture de l’instruction, leurs conclusions, spécialement adressées à ce magistrat, tendant à :

‘ prononcer la caducité de l’appel’.

Il résulte de ces dispositions que seul le conseiller de la mise en état a le pouvoir de constater la caducité de la déclaration d’appel soulevée par une partie et que faute d’avoir saisi celui-ci avant la clôture de l’instruction, la partie est irrecevable pour le faire devant la cour.

En outre, il est clair que le non-respect des dispositions de l’article 960 du code de procédure est l’irrecevabilité des conclusions et que les exigences de ce texte peuvent être remplies après le délai de trois mois imposé par l’article 908 du code de procédure civile. Il s’ensuit que ces textes obéissent à des régimes différents et à des sanctions différentes.

En outre, si certes les dernières conclusions de l’appelante n’indiquent toujours pas dans leur ‘chapeau’ la nouvelle adresse de Mme [K] [I], épouse [U], il n’en demeure pas moins que celle-ci figure dans le corps desdites écritures de sorte que les exigences de l’article 960 du code de procédure civile ont été respectées et les conclusions litigieuses n’encourent pas les sanctions de l’article 961 du même code. Retenir l’inverse serait excessif puisque le texte des articles 960 et 961 du code de procédure civile ne dit pas que l’adresse doit impérativement figurer au chapeau des conclusions.

Il s’ensuit que la demande de l’intimée sera rejetée.

Sur la recevabilité de l’appel en intervention forcée de la SCP Géraldine Michel et Stanislas Magis

La cour rappelle que, selon l’article 555 du code de procédure civile, les personnes qui n’ont été ni parties, ni représentées en première instance peuvent être appelées devant la cour, même aux fins de condamnation, quand l’évolution du litige implique leur mise en cause.

Il incombe au demandeur à l’intervention forcée d’apporter la preuve d’une évolution du litige la rendant recevable en cause d’appel.

L’évolution du litige est caractérisée par la révélation d’une circonstance de fait ou de droit, née du jugement ou postérieure à celui-ci, modifiant les données juridiques du procès.

L’événement allégué ne doit pas être intervenu lors de la procédure de première instance auquel cas il appartenait au plaideur de prendre toute initiative utile.

Il ne doit pas s’agir de réparer un oubli, une négligence ou une erreur de stratégie ; ainsi, l’ignorance d’un fait existant avant le jugement, mais connu après, peut être une cause admissible d’évolution du litige à condition qu’elle ne traduise pas le manque de diligence du plaideur, l’oubli, la négligence ou l’erreur de stratégie, événements qui en tout état de cause ne pourraient pas être réparés par le recours à l’intervention forcée en cause d’appel.

Mme [K] [I], épouse [U], ne caractérise nullement l’existence d’une évolution du litige justifiant que la SCP Géraldine Michel et Stanislas Magis, notaires associés, soit mise en cause à hauteur d’appel.

Du reste, elle ne précise pas quelle serait la circonstance de fait ou de droit, nées du jugement ou postérieure à celui-ci, modifiant les données juridiques du procès et justifiant que la SCP Géraldine Michel et Stanislas Magis, notaires associés, soit appelée en intervention forcée.

Il découle de ce qui précède que l’appel en intervention forcée de la SCP Géraldine Michel et Stanislas Magis, notaires associés, est irrecevable.

Au surplus, Mme [K] [I], épouse [U] se borne, au fond, à demander la condamnation de cette dernière à la garantir des condamnations qui seraient, le cas échéant, prononcées contre elle sans développer aucun moyen de fait ou de droit à cette fin, sans énoncer le fondement juridique de cette demande. Il s’ensuit que la cour est, de plus fort, placée dans l’impossibilité totale de comprendre et analyser tant la recevabilité de cet appel en intervention volontaire que son bien-fondé.

Sur l’irrecevabilité de l’action de Mme [M] alléguée par Mme [K] [I], épouse [U], en raison du non-respect des dispositions de l’article 28, alinéa 1er, du décret du 4 janvier 1955

Contrairement à ce que soutient, Mme [K] [I], épouse [U], dans l’arrêt rendu par la Cour de cassation qu’elle cite (3e Civ., 22 juin 2017, pourvoi n° 16-13.651, Bull. 2017, III, n° 80), la haute juridiction a jugé que si l’obligation de publier une assignation en nullité de vente immobilière dans les registres du service chargé de la publicité foncière est bien prévue à peine d’irrecevabilité de la demande, cette formalité peut être régularisée à tout moment jusqu’à ce que le juge statue.

En l’espèce, Mme [M] justifie que la publication de l’assignation du 5 juin 2018 a bien été faite auprès des services de la publicité foncière de [Localité 19] le 18 janvier 2023, donc avant que cette cour ne statue.

Il est patent que Mme [K] [I], épouse [U], n’a pas soulevé cette fin de non recevoir devant le premier juge. Contrairement à ce qu’elle prétend, le premier juge n’était pas tenu de soulever d’office celle-ci et l’appelante se borne à affirmer que cela lui incombait sans invoquer le fondement de cette demande.

Il s’ensuit que cette demande infondée sera rejetée.

Sur la prescription de l’action en nullité de la donation du 7 août 2009

L’article 901 du code civil dispose que ‘Pour faire une libéralité, il faut être sain d’esprit. La libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l’erreur, le dol ou la violence.’

L’article 1304 du même code, dans sa rédaction applicable avant le 1er janvier 2016, applicable du 1er janvier 2009 au 1er janvier 2016, précise que ‘Dans tous les cas où l’action en nullité ou en rescision d’une convention n’est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans.

Ce temps ne court dans le cas de violence que du jour où elle a cessé ; dans le cas d’erreur ou de dol, du jour où ils ont été découverts.

Le temps ne court, à l’égard des actes faits par un mineur, que du jour de la majorité ou de l’émancipation ; et à l’égard des actes faits par un majeur protégé, que du jour où il en a eu connaissance, alors qu’il était en situation de les refaire valablement. Il ne court contre les héritiers de la personne en tutelle ou en curatelle que du jour du décès, s’il n’a commencé à courir auparavant.’

Dans un arrêt du 11 janvier 2005, la Cour de cassation a jugé que l’action en nullité pour insanité d’esprit des donations entre vifs et des testaments est soumise à la prescription abrégée de cinq ans de l’article 1304 du code civil (1ère Civ., 11 janvier 2005, n° 01-13.133, Bull. n° 23). Depuis la réforme du 17 juin 2008, cette précision n’est plus nécessaire puisque le délai de prescription applicable à toutes les actions mobilières et personnelles est, selon l’article 2224, de cinq ans.

Alors que le deuxième alinéa de l’article 1304 du code civil prévoit que, dans le cas d’erreur ou de dol, le délai court à compter du jour où ils ont été découverts, il ne donne aucune indication pour l’action en nullité pour insanité d’esprit.

Dans un arrêt publié du 8 mars 2017 (1re Civ., 8 mars 2017, pourvoi n° 16-12.607, Bull. 2017, I, n° 61), la Cour de cassation a jugé que la prescription de l’action en nullité d’un acte à titre gratuit pour insanité d’esprit court, à l’égard de l’héritier, à compter du décès du disposant.

Il s’ensuit que c’est exactement que le jugement a retenu que [V] [I] étant décédé le 6 juin 2013 et que Mme [M] ayant introduit son action le 5 juin 2018, celle-ci était recevable car non atteinte par la prescription.

L’appel de Mme [K] [I], épouse [U] de ce chef n’est donc pas fondé et ne sera pas accueilli.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur l’expertise en écriture

Il a été indiqué précédemment que le jugement en ce qu’il retient que l’acte de donation du 7 août 2009 est nul en raison de l’insanité d’esprit de [V] [I] est irrévocable.

Force est de constater que Mme [M] invite cette cour à ordonner une expertise en écriture des paraphes figurant sur cet acte, qu’elle suspecte de ne pas être de la main de [G] [E], épouse [I], et de [V] [I], aux fins d’obtenir l’annulation de cet acte.

L’acte ayant été annulé, cette demande n’apparaît pas pertinente en ce qu’elle aboutirait, le cas échéant, aux mêmes fins que celle déjà obtenues par l’intimée.

Le jugement en ce qu’il rejette cette demande sera dès lors confirmé.

Sur le recel successoral

L’article 778 du code civil dispose que, sans préjudice de dommages et intérêts, l’héritier qui a recelé des biens ou des droits d’une succession ou dissimulé l’existence d’un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation de l’actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés. En outre, lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l’héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir y prétendre à aucune part. Enfin, l’héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont il a eu la jouissance depuis l’ouverture de la succession.

La Cour de cassation précise que le recel est constitué de toute fraude commise sciemment par un héritier dans le but de rompre l’égalité du partage, quels que soient les moyens employés pour y parvenir. Celui qui invoque l’existence d’un recel successoral doit rapporter la preuve par tout moyen de l’élément matériel du recel et de cet élément moral que constitue la volonté de rompre l’égalité du partage. Toutefois, le repentir actif est exclusif du recel si tant est que la restitution ou la révélation soit postérieure au décès, spontanée et antérieure aux poursuites.

Pour justifier l’existence d’un recel successoral, Mme [M] fait valoir ce qui suit : ‘En l’espèce, en procédant, à l’insu des parties, à la destruction du bien objet de la donation

querellée en cours de procédure de première instance, en procédant à la vente du terrain après division en quatre parcelles juste après le rendu du jugement annulant la donation, en réutilisant les fonds obtenus par fraude des droits de l’héritière réservataire à l’achat d’un bien en son nom à [Localité 11] et en omettant de préciser que la donation litigieuse a été instrumentée sur la base de l’estimation du seul bien familial (280.000 €) alors que le terrain, après destruction du bien, a été vendu 550 000 euros, Mme [K] [I], épouse [U], s’est rendue coupable d’un recel successoral. Pièces 29 et 30 : Fiches immeubles [Localité 12] et [Localité 11]. Il s’agit ici d’éléments nouveaux, portés à la connaissance de la concluante postérieurement au jugement de première instance et qui justifient d’être présentés en cause d’appel.’

De tels éléments ne caractérisent pas le recel successoral au sens des dispositions précitées et de la jurisprudence de la Cour de cassation. En effet, cette vente n’a pas pu rompre l’égalité du partage puisque les principes qui gouvernent le partage litigieux ont été énoncés par le premier juge et que le sort du bien en question a été scellé. L’élément moral nécessaire à la mise en oeuvre des dispositions de l’article 778 du code civil n’est donc pas caractérisé.

La demande de Mme [M] tendant à déclarer que Mme [K] [I], épouse [U], s’est rendue coupable d’un recel successoral sera dès lors rejetée.

Sur la demande de dommages et intérêts de Mme [M] en réparation des préjudices moral et financier

La cour constate que Mme [M] n’invoque aucun fondement juridique à l’appui de ses demandes. Il ressort toutefois de ses écritures qu’elle entend réclamer réparation des préjudices subis en raison des fautes de Mme [K] [I], épouse [U].

Le tribunal a retenu, de manière irrévocable, que la donation devait être annulée en raison de l’insanité d’esprit du donateur. Il n’a donc pas estimé que cette donation devait être annulée en raison de manoeuvres dolosives de la part de Mme [K] [I], épouse [U].

Pour justifier la faute de Mme [K] [I], épouse [U], Mme [M] fait valoir qu’elle a diminué l’actif successoral en procédant à la clôture de différents comptes-épargne tels que le PEL et l’assurance-vie de [V] [I] ; qu’elle a prélevé différentes sommes sur les comptes de son père dont elle a obtenu le rapport à la succession. Elle ajoute que (souligné par cette cour) ‘au regard de l’existence des troubles psychomoteurs et mentaux du donateur, il est permis de penser que cet acte serait la conséquence d’une proposition émanant de Mme [K] [I], épouse [U]’.

S’agissant de cette dernière faute alléguée, l’emploi du conditionnel et de l’expression ‘il est permis de penser’ marquent le caractère hypothétique de celle-ci à l’encontre de Mme [M] de sorte qu’à ce titre, aucune responsabilité ne saurait être retenue à l’encontre de Mme [K] [I], épouse [U].

S’agissant des autres éléments invoqués, pour justifier l’existence des préjudices allégués, elle soutient, en substance :

* que le préjudice moral est constitué par le sentiment de déception lié au comportement de sa tante qui a spolié sa soeur, alors atteinte d’un cancer,

* que le préjudice financier est lié à l’absence d’exercice de plein droit de ses attributs de pleine propriétaire indivisaire ; qu’il s’élève à la moitié de la valeur pécuniaire en pleine propriété du bien situé à [Localité 12] ; que la vente du terrain de ce bien immobilier, puis de la destruction totale de celui-ci en cours de procédure démontre la volonté de nuire de son adversaire.

En réparation, elle sollicite la condamnation de Mme [K] [I], épouse [U], à lui verser 5 000 euros au titre du préjudice moral et 275 000 euros (moitié de la valeur pécuniaire en pleine propriété du bien situé à [Localité 12]).

Cependant, s’agissant du préjudice financier, comme l’a exactement retenu le premier juge, Mme [M] sera remplie de ses droits par les rétablissements patrimoniaux ordonnés par le jugement, irrévocable de ces chefs. En outre, il est incontestable qu’elle ne démontre toujours pas à hauteur d’appel l’existence d’un préjudice financier distinct subi qui n’aurait pas été indemnisé par les rétablissements patrimoniaux ainsi énoncés.

Cette demande sera dès lors rejetée et le jugement confirmé de ce chef.

S’agissant du préjudice moral, elle n’apporte aucun élément de preuve à l’appui de son existence.

Cette demande sera dès lors également rejetée.

Il découle de ce qui précède que jugement ne pourra qu’être confirmé en toutes ses dispositions critiquées.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile.

Les dépens d’appel seront employés en frais privilégiés et répartis entre les parties à parts égales, les parties succombant toutes deux en leur appel et demandes. Ils pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile. Par voie de conséquence, les demandes qu’elles forment au titre de leurs frais irrépétibles d’appel n’apparaissent pas fondées et seront donc rejetées.

L’équité commande toutefois d’allouer la somme de 3 000 euros à la SCP Géraldine Michel et Stanislas Magis, notaires associés, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Mme [K] [I], épouse [U], sera condamnée au paiement de cette somme.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,

Dans les limites de l’appel,

DÉCLARE les conclusions de Mme [K] [I], épouse [U] recevables ;

DÉCLARE irrecevable la demande de Mme [M] tendant à ce que la cour constate la caducité de la déclaration d’appel ;

DÉCLARE irrecevable l’appel en intervention forcée de la SCP Géraldine Michel et Stanislas Magis, notaires associés, et, par voie de conséquence, des demandes de Mme [K] [I], épouse [U], dirigées contre elle ;

REJETTE la demande d’irrecevabilité de l’action de Mme [M] alléguée par Mme [K] [I], épouse [U], fondée sur la violation des dispositions de l’article 28, alinéa 1er, du décret du 4 janvier 1955 ;

SUBSTITUE en page 6, du dispositif du jugement rendu le 4 février 2020 par le tribunal de grande instance de Versailles (RG 18/04462) à l’identité erronée de la personne redevable de l’indemnité d’occupation pour sa jouissance privative depuis le 6 juin 2013 du bien immobilier sis [Adresse 3] à [Localité 12] (Yvelines) donc au lieu de ‘Dit que Mme [P] [M] est redevable d’une indemnité d’occupation pour sa jouissance privative depuis le 6 juin 2013 du bien immobilier sis [Adresse 3] à [Localité 12] (Yvelines) qu’il appartiendra au notaire de fixer dans le cadre du partage’ sera substitué l’identité de Mme [K] [I], épouse [U],

CE qui conduit à rectifier le dispositif en ce sens :

‘Dit que Mme [K] [I], épouse [U], est redevable d’une indemnité d’occupation pour sa jouissance privative depuis le 6 juin 2013 du bien immobilier sis [Adresse 3] à [Localité 12] (Yvelines) qu’il appartiendra au notaire de fixer dans le cadre du partage’ ;

DIT qu’il sera fait mention du présent arrêt rectificatif sur la minute et sur les expéditions du jugement rendu le 4 février 2020 par le tribunal de grande instance de Versailles (RG 18/04462) ;

CONFIRME le jugement ;

REJETTE la demande de Mme [M] au titre du recel successoral ;

CONDAMNE les parties aux dépens de l’instance d’appel qui seront employés en frais privilégiés de partage et réparties entre elles à parts égales (50% chacune) ;

DIT qu’ils seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Mme [K] [I], épouse [U], à verser la somme de 3 000 euros à la SCP Géraldine Michel et Stanislas Magis, notaires associés, devenue SELARL Michel et Associés, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE toutes autres demandes.

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

– signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,

 


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