Droits des héritiers : 17 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/08277

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Droits des héritiers : 17 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/08277

17 mai 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
21/08277

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 3 – Chambre 1

ARRET DU 17 MAI 2023

(n° 2023/ , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/08277 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDSQL

Décision déférée à la Cour : Jugement du 9 mars 2021 – TJ de CRÉTEIL – RG n° 20/00865

APPELANTE

Madame [Z] [A]

née le 23 Juillet 1956 à [Localité 8] (94)

[Adresse 5]

[Localité 3]

représentée par Me Laurent MORET de la SELARL LM AVOCATS, avocat au barreau du VAL-DE-MARNE, toque : PC 427

INTIMES

Madame [D] [A] veuve [W]

née le 11 Mai 1953 à [Localité 8] (94)

[Adresse 4]

[Localité 7]

Monsieur [S] [A]

né le 15 Août 1969 à [Localité 11] (91)

[Adresse 1]

[Localité 6]

représentés et plaidant par Me Anne-Sophie BARDIN LAHALLE, avocat au barreau de PARIS, toque : A815

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Sophie RODRIGUES, Conseiller, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Patricia GRASSO, Président

Mme Sophie RODRIGUES, Conseiller

Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Patricia GRASSO, Président, et par Mme Emilie POMPON, Greffier.

***

EXPOSE DU LITIGE

[V] [E] est décédé le 24 novembre 2013.

Selon un acte de notoriété reçu le 29 janvier 2014 par Me [Y] [G], notaire à [Localité 13] (94) à la requête de Mme [Z] [A], celle-ci est « seule et unique héritière » de [V] [E] étant « sa fille unique issue de son union avec [L] [A] », son époux prédécédé.

Le 27 octobre 2014, Me [G] a établi, à la demande de Mme [Z] [A], une attestation immobilière contenant l’acceptation par celle-ci de la succession, essentiellement composée d’un bien immobilier situé [Adresse 2], acquis par ses parents par prescription acquisitive constatée par acte notarié du même jour.

Par acte authentique du 17 décembre 2018, Mme [Z] [A] a vendu ce bien immobilier au prix de 135 000 euros.

Mme [D] [A] épouse [W] et son neveu, M. [S] [A], fils de [B] [A], prédécédé, déclarant que [V] [E] avait deux autres enfants, à savoir Mme [D] [A] et [B] [A], ont, par acte d’huissier du 17 décembre 2019, assigné Mme [Z] [A] et Me [G] devant le tribunal judiciaire de Créteil aux fins de dire que Mme [Z] [A] a commis un recel successoral en dissimulant leur existence.

Par jugement du 9 mars 2021, le tribunal judiciaire de Créteil a :

– rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action engagée du chef de recel successoral et déclaré cette action recevable,

– dit que les demandes formées à l’encontre de Me [G], notaire, au titre de son obligation professionnelle de diligences et de vigilance, sont irrecevables comme prescrites,

– dit que Mme [Z] [A] a commis un recel successoral en dissimulant ses cohéritiers Mme [D] [A] et M. [S] [A],

– annulé l’acte de notoriété dressé par Maître [G] le 29 janvier 2014 après le décès de [V] [E],

– annulé l’acte portant attestation immobilière et acceptation successorale dressé par Me [G] le 27 octobre 2014,

– ordonné le partage de la succession de [V] [E],

– dit que Mme [Z] [A] est privée de ses droits dans la succession de [V] [E],

– dit que la succession sera partagée à parts égales entre Mme [D] [A] et M. [S] [A],

– condamné Mme [Z] [A] à verser à Mme [D] [A] et à M. [S] [A] la somme de 135 000 euros, fruit de la vente du bien immobilier dépendant du patrimoine successoral situé [Adresse 2], outre les intérêts au taux légal depuis le 17 décembre 2018, date de l’acte authentique de vente de ce bien,

– rejeté la demande de dommages et intérêts formée par Mme [D] [A] et M. [S] [A],

– condamné Mme [Z] [A] aux entiers dépens de l’instance, avec distraction au profit des avocats qui en ont fait la demande,

– rejeté le surplus des demandes formées tant en demande qu’en défense.

Mme [Z] [A] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 28 avril 2021.

La demande de suspension de l’exécution provisoire du jugement entrepris a été rejeté par ordonnance du premier président en date du 9 décembre 2021.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 27 janvier 2023, l’appelante demande à la cour de :

– déclarer irrecevable la demande de Mme [D] [A] et M. [S] [A] tendant à l’irrecevabilité de l’appel de Mme [Z] [A],

– infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Créteil du 9 mars 2021,

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme [D] [A] et M. [S] [A] de leur demande de dommages-intérêts,

statuant à nouveau,

– juger que la demande de recel successoral est prescrite,

en tout état de cause,

– débouter Mme [D] [A] et M. [S] [A] de l’ensemble de leurs demandes,

– condamner Mme [D] [A] et M. [S] [A] à lui verser la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 27 janvier 2023, Mme [D] [A] et M. [S] [A], intimés, demandent à la cour de :

à titre principal :

– déclarer Mme [Z] [A] irrecevable en son appel,

en conséquence :

– débouter Mme [Z] [A] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

à titre subsidiaire :

– déclarer Mme [Z] [A] mal fondée en son appel,

– débouter Mme [Z] [A] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– les dire recevables et bien fondés en leurs demandes reconventionnelles,

en conséquence :

– confirmer le jugement rendu le 9 mars 2021 par le juge de la 1ère chambre ‘ Section 1 du tribunal judiciaire de Créteil en ce qu’il a :

* rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action engagée du chef de recel successoral et la déclare recevable,

* dit que Mme [Z] [A] a commis un recel successoral en dissimulant ses cohéritiers,

* annulé l’acte de notoriété dressé par Me [G] le 29 janvier 2014 après décès de [V] [E],

* ordonné le partage de la succession de [V] [E],

* dit que Mme [Z] [A] est privée de ses droits dans la succession de [V] [E],

* dit que la succession sera partagée à parts égales entre eux deux,

* condamné Mme [Z] [A] à leur verser la somme de 135 000 euros, fruit de la vente du bien immobilier dépendant du patrimoine successoral sis [Adresse 2], outre les intérêts au taux légal depuis le 17 décembre 2018, date de l’acte authentique de vente de ce bien,

– réformer le jugement rendu le 9 mars 2021 par le juge de la 1ère chambre ‘ Section 1 du tribunal judiciaire de Créteil en ce qu’il a :

* rejeté leur demande de dommages et intérêts ,

* rejeté le surplus des demandes formées en demande,

statuant à nouveau :

– condamner Mme [Z] [A] à payer à chacun d’eux la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice moral subi,

– condamner Mme [Z] [A] à payer à chacun d’eux la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Mme [Z] [A] aux entiers dépens d’instance.

Pour un plus ample exposé des moyens développés par les parties au soutien de leurs prétentions, il sera renvoyé à leurs écritures susvisées conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 31 janvier 2023.

L’affaire a été appelée à l’audience du 7 février 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l’appel

Les intimés soulèvent in limine litis l’irrecevabilité de l’appel de Mme [Z] [A] au regard de l’irrégularité affectant la déclaration d’appel quant à la date du jugement critiqué, en ce qu’elle mentionne le 12 janvier 2021 au lieu du 9 mars 2021 sur le fondement des articles 901, 112 et 114 du code de procédure civile.

L’appelante en réplique fait valoir :

– qu’une demande relative à la recevabilité d’un appel ne saurait être présentée devant la cour en application de l’article 914 du code de procédure civile,

– que la sanction d’une irrégularité formelle telle que celle évoquée par les intimés ne peut qu’être sanctionnée de la nullité de la déclaration d’appel sous réserve de la démonstration d’un grief, qui n’est pas faite en l’espèce,

– les intimés ne sont en tout état de cause plus recevables à soulever la nullité de la déclaration d’appel dans la mesure où ils ont déjà présenté une défense au fond, par application de l’article 112 du code de procédure civile.

L’article 901 de ce code énumère en effet les mentions prescrites pour la déclaration d’appel, au titre desquelles « l’indication de la décision attaquée », à peine de nullité, et non d’irrecevabilité.

Les dispositions de l’article 914 du code de procédure civile, qui prévoient la compétence exclusive du conseiller de la mise en état pour statuer sur la caducité et l’irrecevabilité de l’appel, ne trouvent dès lors pas à s’appliquer.

Aux termes de l’article 112 du code de procédure civile, la nullité des actes de procédure peut être invoquée au fur et à mesure de leur accomplissement ; mais elle est couverte si celui qui l’invoque a, postérieurement à l’acte critiqué, fait valoir des défenses au fond ou opposé une fin de non-recevoir sans soulever la nullité.

En l’espèce, il convient de constater que les premières conclusions remises au greffe et notifiées par les intimés le 12 octobre 2021 soulevaient déjà, in limine litis, l’irrecevabilité de l’appel de Mme [Z] [A], qu’il convient de requalifier en nullité de la déclaration d’appel en raison de l’irrégularité sur la date du jugement entrepris, avant de développer leur défense au fond.

Le moyen de l’appelante fondé sur l’article 112 du code de procédure civile manque donc en fait.

Selon l’article 114 du code de procédure civile, aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n’en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public ; la nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public.

En l’espèce, si les intimés font valoir que l’erreur concernant la date du jugement frappé d’appel a conduit le greffe de la cour d’appel à délivrer le 18 juin 2021 un certificat de non-appel concernant la décision rendue le 9 mars 2021, ils ne caractérisent pas de ce fait le grief que leur aurait causé l’erreur qu’ils mettent en exergue puisqu’ils ont pu constituer avocat et conclure pour faire valoir leurs droits dans le cadre de la présente procédure d’appel.

Leur demande d’irrecevabilité de l’appel, qu’il convient de requalifier en demande de nullité de la déclaration d’appel, sera donc rejetée.

Sur la prescription

Comme en première instance, Mme [Z] [A] soulève la prescription de l’action en recel successoral en invoquant les dispositions de l’article 2224 du code civil et l’écoulement de plus de cinq ans depuis l’ouverture de la succession à la date du décès, dont les intimés ne contestent pas avoir eu connaissance.

Selon les intimés, à défaut de texte spécial, il convient de faire application de l’article 780 alinéa 1er du code civil, sauf exceptions prévues aux alinéas suivants, et de retenir le délai de prescription de dix ans à compter de l’ouverture de la succession de l’option successorale. Ils font valoir que, même à supposer que les dispositions de l’article 2224 du code civil doivent s’appliquer, le délai de cinq ans ne courrait qu’à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son action et qu’en l’espèce, ils n’ont appris les man’uvres frauduleuses qu’ils reprochent à Mme [Z] [A] qu’en août 2019.

Aucun texte ne régit spécifiquement la prescription de l’action en recel successoral.

Le premier juge a alors rappelé à juste titre qu’il est admis que l’action en recel se prescrit dans les mêmes délais que l’option successorale.

Le décès de [V] [A] étant survenu le 24 novembre 2013, est applicable à sa succession l’article 780 du code civil dans sa rédaction issue de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 aux termes duquel la faculté d’option se prescrit par dix ans à compter de l’ouverture de la succession. Les dispositions de droit commun de l’article 2224 du code civil visées par Mme [Z] [A] sont écartées par ce délai particulier.

Aussi le premier juge a-t-il constaté à bon droit que, Mme [D] [A] et M. [S] [A] ayant assigné Mme [Z] [A] par acte d’huissier du 17 décembre 2019, leur action, engagée moins de dix ans après l’ouverture de la succession de [V] [A], n’est pas prescrite.

Le jugement frappé d’appel sera confirmé sur ce point.

Sur le recel successoral

Le recel successoral résulte de tout procédé tendant à frustrer les cohéritiers d’un bien d’une succession, caractérisant l’élément matériel, notamment la dissimulation ou la minoration d’un bien dépendant de la succession, d’une donation ou d’une dette à l’égard de la succession, la fausse allégation d’une créance ou encore la non révélation d’un héritier, lorsque s’y ajoute l’intention de rompre l’égalité du partage.

Aux termes de l’article 778 du code civil :

« Sans préjudice de dommages et intérêts, l’héritier qui a recelé des biens ou des droits d’une succession ou dissimulé l’existence d’un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l’actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés. Les droits revenant à l’héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux de l’auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier.

Lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l’héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir y prétendre à aucune part.

L’héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont il a eu la jouissance depuis l’ouverture de la succession. »

En l’espèce, Mme [D] [A] et M. [S] [A] reprochent à Mme [Z] [A] d’avoir obtenu de Me [G] des actes relatifs à la succession de [V] [E] aux termes desquels elle en était la seule héritière en dissimulant de façon délibérée l’existence de deux cohéritiers qu’elle connaissait, s’agissant de sa s’ur et de son neveu, fils de son frère prédécédé ayant eu un autre enfant, lui-même prédécédé.

L’appelante affirme qu’elle ignorait l’existence d’autres héritiers avant de prendre connaissance de la lettre adressée le 3 septembre 2019 par Mme [D] [A] au notaire chargé de la vente du bien immobilier relevant de la succession de [V] [E] et qu’ainsi elle n’avait aucune intention frauduleuse lors des opérations successorales qui se sont d’ailleurs tenues en toute transparence.

Le premier juge a retenu que Mme [Z] [A] s’est abstenue volontairement de mentionner l’existence de sa fratrie au notaire qu’elle a chargé des opérations relatives à la succession de leur mère puisque les filiations sont établies par les actes de l’état civil et que Mme [D] [A] et M. [S] [A] fournissent de nombreux témoignages et documents attestant de la composition de la famille et de la tenue de réunions familiales regroupant les trois enfants de [V] [E] et [L] [A] et que Mme [Z] [A] ne prouvait pas qu’elle ignorait l’existence et la consistance de sa fratrie.

S’il est effectivement étonnant que seule Mme [Z] [A] ait engagé des démarches en vue de régler la succession de [V] [E], cette curiosité ne suffit pas à établir que Mme [D] [A] et M. [S] [A] ne se soient pas considérés comme cohéritiers.

Les actes de naissance de Mme [D] [A] et de [B] [A] établissent qu’ils étaient, comme Mme [Z] [A], les enfants de [V] [E] et [L] [A].

La copie de livret de famille produite par l’appelante la fait pourtant apparaître comme premier enfant du couple, aucune autre page ne comportant de mention relative à la naissance d’un autre enfant. Mais les intimés soulignent à juste titre qu’elle n’a pas produit l’original de ce livret de famille en dépit des sommations qu’ils lui ont adressées à cette fin les 12 octobre 2021 et 10 janvier 2022. La cour note au surplus que l’appelante ne s’explique pas sur les motifs l’ayant empêché de répondre à cette sommation. En outre, bien qu’elle affirme, dans ses écritures d’appel, avoir produit l’original du livret de famille à Me [G] qui en a fait une copie à son étude, elle produit elle-même une lettre de l’étude notariale datée du 23 janvier 2014 lui demandant de remettre, en vue du rendez-vous de signature de l’acte de notoriété, « une copie complète (toutes les pages) du livret de famille de [ses] parents », établissant que cette pièce n’a pas été fournie avant, et il résulte des mentions de l’acte de notoriété établi sur sa requête que les pièces justificatives produites à cette fin étaient seulement des extraits de l’acte de naissance et de l’acte de décès de sa mère, de son propre acte de naissance et de la lettre de réponse du fichier central des dispositions de dernières volontés.

Dans ces conditions, la copie du livret de famille dont elle se prévaut, qui est d’ailleurs, conformément à la mention apposée en deuxième page, un duplicata et non le livret de famille initialement remis à [V] [E] et [L] [A], n’est pas suffisante pour contredire les actes de l’état civil produits par les intimés qui établissent l’existence d’un lien juridique de fraternité entre Mme [D] [A], [B] [A] et Mme [Z] [A].

Toutefois, nonobstant l’affirmation contraire des intimés, la preuve de ce lien ne démontre pas que Mme [D] [A], [B] [A] et Mme [Z] [A] se connaissaient pour avoir entretenu des relations fraternelles effectives.

Les intimés versent aux débats de multiples photographies, cartes postales ou cartes de v’ux destinées à corroborer l’existence d’une vie familiale entre eux.

Si ces pièces attestent bien de relations familiales entre les différentes personnes concernées, sur une longue période, à l’occasion tant d’événements particuliers que de moments quotidiens, elles ne permettent pas à la cour d’identifier ces personnes, les mentions manuscrites apposées sur les photographies étant dépourvues de force probante et l’identité de l’auteur des cartes ou de la mention de l’expéditeur sur une enveloppe n’étant pas certaine.

L’appelante fait valoir qu’il s’agit de « pièces anciennes, de vieilles photographies ne permettant pas de [l’] identifier avec certitude, des vieilles cartes qui ne portent pas [son] écriture ou [sa] signature ». Elle produit deux photographies censées la représenter qui ne sont pas de nature à établir qu’elle n’est aucune des personnes figurant sur les photographies des intimés puisque la première photographie qu’elle produit représente une petite fille à un âge qui n’est pas celui des différentes périodes de vie retracées par les photographies des intimés et que l’autre est versée aux débats dans une qualité de reproduction la rendant inexploitable. La cour note que l’appelante s’abstient notamment de produire la photocopie d’une pièce d’identité ou de tout autre document établi par un tiers faisant apparaître sa photographie associée à son identité.

Les intimés produisent de nombreuses attestations de proches de Mme [D] [A] ou de [B] [A] déclarant, de façon très circonstanciée, que Mme [Z] [A] leur a été présentée, y compris par elle-même, comme étant leur s’ur et qu’ils l’ont plusieurs fois rencontrée à ce titre, parfois accompagnée de sa fille [X], lors de réunions familiales, tels que le mariage du fils de Mme [D] [A] ou le baptême des enfants de ce dernier. L’épouse de celui-ci tient même à « témoigner que [sa] belle-mère et sa s’ur [Z] ont eu toutes ces années une affection évidente et qu’elles se voyaient régulièrement chez l’une ou chez l’autre jusqu’à son déménagement en 2019 ».

L’appelante souligne que ces témoignages proviennent souvent de membres de la belle-famille de Mme [D] [A] pour en contester l’objectivité alors que la nature même du litige implique que les membres de la sphère familiale aient une connaissance directe privilégiée des faits utiles.

En outre, il y a lieu de relever qu’outre des membres de la famille de Mme [D] [A] ou de M. [S] [A], des voisins de [V] [E] et [L] [A], M. [J] [C] et Mme [I] [O], dont Mme [Z] [A] indique elle-même qu’ils ont été des voisins de sa mère durant plus de 30 ans et qu’ils n’ont aucun intérêt dans la succession, déclarent avoir connu les trois enfants du couple, qui ont été élevés ensemble au [Adresse 2].

Plusieurs pièces des intimés, dont le permis de conduire de Mme [D] [A] délivré le 3 février 1971, ou, pour [B] [A], son livret individuel du ministère des armées établi en 1967 ou un certificat de travail du 22 février 1965, justifient de cette adresse. L’appelante ne produit quant à elle aucune pièce mentionnant son adresse à cette époque. Elle produit en revanche un document à l’en-tête du « [Localité 9] » (CDH), collège-lycée privé laïc de [Localité 10], daté du 8 juin 2021, pour établir qu’elle y a été scolarisée entre 1967 et 1974 ; outre qu’il n’est pas de nature à exclure qu’elle ait néanmoins vécu à [Localité 12] avec Mme [D] [A] et [B] [A] sur cette période, les intimés, qui notent à juste titre que cette attestation ne fait pas apparaître le nom de l’élève concerné et est adressée à une « Madame » non identifiée, produisent un courriel du chef d’établissement évoquant la non-fiabilité du document produit par l’appelante et une attestation du gérant de cet établissement, datée du 13 octobre 2021, lequel affirme que le document voulant attester de la scolarité de Mme [Z] [A] au [Localité 9] n’a pas été établi par leurs soins, précise que le Cour du hameau a été créé en septembre 2009, et joint un modèle d’attestation de scolarité présentant des différences de fond et de forme avec le document produit par l’appelante.

L’appelante se prévaut des termes de l’acte de notoriété acquisitive établi le 27 octobre 2014 par Me [G] à la requête de Mme [Z] [A] sur le témoignage de M. [C] et de Mme [O], pour établir la prescription acquisitive fondant la propriété de [V] [E] sur le bien immobilier situé [Adresse 2] qui abritait son logement. Cet acte que M. [C] et Mme [O] ont signé et dont ils ont paraphé chaque page mentionne en effet que Mme [Z] [A] est la fille unique de [V] [E].

Par attestations des 20 et 26 octobre 2020, M. [C] et Mme [O] expose chacun avoir relu l’acte du 27 octobre 2014 à la demande de Mme [D] [A] et avoir constaté à ce moment-là l’existence de cette mention, qui selon eux est erronée et leur aurait échappé lors de la signature chez le notaire, leur témoignage ayant été sollicité par Mme [Z] [A] seulement sur la durée pendant laquelle [V] [E] a vécu au [Adresse 2].

L’appelante estime que ces déclarations postérieures ne remettent pas en cause la valeur probante de l’acte authentique, à défaut de procédure d’inscription de faux.

La lecture attentive de l’acte du 27 octobre 2014 montre que les témoins ont seulement déclaré avoir parfaitement connu [V] [E], la qualité héréditaire de Mme [Z] [A] n’étant évoquée que de façon incidente, et attesté que [V] [E] a eu la jouissance exclusive de la maison située [Adresse 2] dans les conditions de la prescription acquisitive.

Dans la mesure où leur témoignage n’a pas directement porté sur la qualité d’enfant unique de Mme [Z] [A], la valeur probante de l’acte authentique ne s’étend pas à ce point.

M. [C] ajoute que c’est Mme [Z] [A] qui, à l’occasion de sa demande de témoignage concernant la prescription acquisitive, l’a informé du décès de son frère [B].

Par conséquent, les intimés rapportent la preuve que Mme [Z] [A] connaissait parfaitement Mme [D] [A] et [B] [A] pour être leur s’ur quand l’appelante échoue à rapporter une preuve contraire.

Les pièces démontrant qu’elle était présente auprès de sa mère lors de rendez-vous médicaux et au cours d’une hospitalisation ou qu’elle a été l’interlocutrice du service des pompes funèbres pour l’organisation de ses obsèques ne sont pas de nature à exclure l’existence d’un frère et d’une s’ur ni même leur propre présence aux côtés de leur mère en d’autres occasions.

Par ailleurs, il résulte de l’acte de notoriété du 29 janvier 2014 que cet acte a été établi à la requête de Mme [Z] [A] qui a déclaré « qu’il n’est pas issu d’autre enfants (sic) de l’union de Monsieur et Madame [A]/[E] ».

Alors que l’appelante prétend qu’aucune dissimulation ne peut lui être reprochée puisque tous les actes relatifs à la succession de [V] [E] ont été réalisés par le biais de notaires et publiés, tout comme les opérations de vente du bien immobilier, cette déclaration constitue bien une dissimulation de l’existence de cohéritiers puisqu’il vient d’être démontré que Mme [Z] [A] savait que Mme [D] [A] et [B] [A] étaient également les enfants de ses parents.

En outre, l’acte de notoriété précise que le notaire « a particulièrement attiré [son] attention [‘] sur le recel des biens ou des droits d’une succession ou la dissimulation de l’existence d’un cohéritier […] ».

Dans ces conditions, l’intention de rompre l’égalité du partage constituant l’élément intentionnel du recel est établie et s’ajoute à l’élément matériel caractérisé par l’omission par Mme [Z] [A] de l’indication de ses cohéritiers au notaire qu’elle a chargé du règlement de la succession de sa mère.

Le jugement entrepris sera dès lors confirmé en ce qu’il a dit que Mme [Z] [A] a commis un recel successoral en dissimulant ses cohéritiers Mme [D] [A] et M. [S] [A], et en ses chefs de dispositif subséquents relatifs à la sanction du recel et aux conséquences de celle-ci, qui ne sont pas distinctement critiquées.

Sur la demande indemnitaire des intimés

Les intimés sollicitent la condamnation de Mme [Z] [A] à leur payer une somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral qu’ils allèguent avoir subi.

Bien que la négation du lien fraternel découlant du mensonge avéré de Mme [Z] [A] soit de nature à causer un tel préjudice, les intimés ne produisent aucune pièce susceptible d’en établir le caractère réel et effectif.

Le rejet de leur demande de dommages et intérêts sera donc confirmé.

Sur les frais et dépens

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

Il convient, en application de cette disposition, de condamner l’appelante aux dépens.

L’équité commande qu’elle soit en outre condamnée au paiement de 3 000 euros à chaque intimé au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement prononcé le 9 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Créteil en tous ses chefs de dispositif dévolus à la cour ;

Condamne Mme [Z] [A] aux dépens ;

Rejette la demande de Mme [Z] [A] au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [Z] [A] à payer à Mme [D] [A] et M. [S] [A] la somme de de 3 000 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,

 


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