Droits des héritiers : 22 mai 2023 Cour d’appel de Nancy RG n° 21/01380

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Droits des héritiers : 22 mai 2023 Cour d’appel de Nancy RG n° 21/01380

22 mai 2023
Cour d’appel de Nancy
RG n°
21/01380

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

————————————

COUR D’APPEL DE NANCY

Première Chambre Civile

ARRÊT N° /2023 DU 22 MAI 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/01380 – N° Portalis DBVR-V-B7F-EZAI

Décision déférée à la Cour : jugement du tribunal judiciaire de NANCY,

R.G.n° 19/01589, en date du 26 février 2021,

APPELANTE :

Madame [J] [X]

domiciliée [Adresse 3]

Représentée par Me Sabine TOUSSAINT de la SELARL VIBIA, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉS :

Madame [W] [L], épouse [I]

née le 15 avril 1949 à [Localité 9] (88)

domiciliée [Adresse 5]

Représentée par Me Patrice BUISSON de la SCP BUISSON BRODIEZ, avocat au barreau de NANCY

Monsieur [U] [X]

né le 23 Février 1947 à [Localité 7] (54)

domicilié [Adresse 1]

Non représenté bien que les conclusions de l’appelante lui aient été signifiées par acte de Me [E] [M], Huissier de justice à [Localité 8], par acte en date du 14 septembre 2021 transformé en PV de recherches infructueuses (article 659 du code de procédure civile)

Madame [B] [X]

domiciliée [Adresse 2]

Non représentée bien que les conclusions de l’appelante lui aient été signifiées par acte de Me [E] [M], Huissier de justice à [Localité 8], par acte en date du 8 septembre 2021 délivré à sa personne

Monsieur [R] [X]

domicilié [Adresse 6]

Non représenté bien que les conclusions de l’appelante lui aient été signifiées par acte de Me [E] [M], Huissier de justice à [Localité 8], par acte en date du 8 septembre 2021 (dépôt à étude)

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Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à

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Madame [G] [S]

domiciliée [Adresse 4]

Non représentée bien que les conclusions de l’appelante lui aient été signifiées par acte de Me [E] [M], Huissier de justice à [Localité 8], par acte en date du 8 septembre 2021 (dépôt à étude)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Présidente, chargée du rapport et Madame Claude OLIVIER-VALLET, Magistrat honoraire,

Greffier, lors des débats : Madame Céline PERRIN ;

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Président de Chambre,

Madame Marie HIRIBARREN, Conseiller,

Madame Claude OLIVIER-VALLET, Magistrat honoraire,

selon ordonnance de Monsieur le Premier Président en date du 10 Mars 2023

A l’issue des débats, le Président a annoncé que l’arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 22 Mai 2023, en application de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

ARRÊT : défaut, rendu par mise à disposition publique au greffe le 22 Mai 2023, par Madame Isabelle FOURNIER, Greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

signé par Madame CUNIN-WEBER, Président, et par Madame FOURNIER, Greffier ;

FAITS ET PROCÉDURE :

[C] [X], célibataire né le 12 mars 1928, est décédé le 26 octobre 2016, sans héritier réservataire.

Par exploit d’huissier du 6 juin 2018, son frère, Monsieur [U] [X], ainsi que ses neveux et nièces, Mesdames [J] [X], [B] [X], [G] [S] et Monsieur [R] [X], ont fait assigner Madame [W] [I] devant le tribunal judiciaire de Nancy.

Par jugement contradictoire du 26 février 2021, le tribunal judiciaire de Nancy a :

– débouté Monsieur [U] [X], Madame [J] [X], Madame [B] [X], Monsieur [R] [X] et Madame [G] [S] de leur demande en annulation du testament olographe rédigé le 24 février 2015 par Monsieur [C] [X], instituant Madame [W] [I] légataire de ses biens,

– débouté Monsieur [U] [X], Madame [J] [X], Madame [B] [X], Monsieur [R] [X] et Madame [G] [S] de leurs demandes d’indemnisation,

– condamné in solidum Monsieur [U] [X], Madame [J] [X], Madame [B] [X], Monsieur [R] [X] et Madame [G] [S] aux dépens,

– condamné in solidum Monsieur [U] [X], Madame [J] [X], Madame [B] [X], Monsieur [R] [X] et Madame [G] [S] à payer à Madame [W] [I] la somme de 2000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné l’exécution provisoire du jugement.

Pour statuer ainsi, le tribunal a relevé que le testament litigieux apparaissait, par son contenu, cohérent avec la situation relationnelle dégradée entre Monsieur [C] [X] et ses neveux et nièces et ne recelait dès lors aucun élément intrinsèque propre à établir une insanité d’esprit de celui-ci. Il a ajouté que les demandeurs n’avaient versé aux débats aucun élément pertinent propre à établir l’insanité d’esprit de Monsieur [C] [X] au moment de la rédaction du testament en faveur de Madame [W] [I], soit le 24 février 2015.

Les premiers juges ont considéré que si le grand dévouement de Madame [I] à l’égard de Monsieur [C] [X] pouvait effectivement être en lien avec la conscience qu’avait Madame [I] d’être la légataire de Monsieur [C] [X], celui-ci lui ayant en effet remis un double du testament en 2015, il n’était toutefois nullement démontré que celle-ci aurait usé de manoeuvres dolosives pour capter cet héritage.

Le tribunal a jugé que les demandeurs ne démontraient en l’espèce ni l’insanité d’esprit de Monsieur [C] [X] au moment de la rédaction de son testament, ni l’existence de manoeuvres dolosives de Madame [I] aux fins de l’amener à tester en sa faveur. Il a en conséquence débouté Monsieur [U] [X], Madame [J] [X], Madame [B] [X], Monsieur [R] [X] et Madame [G] [S] de leur demande en annulation du testament de Monsieur [C] [X] et, par suite, de leur demande de dommages et intérêts.

Enfin, il a débouté Madame [I] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée, au motif que le seul fait que les demandeurs aient succombé en leurs demandes ne saurait suffire à caractériser la mauvaise foi de ces derniers.

oOo

Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 3 juin 2021, Madame [J] [X] a relevé appel de ce jugement.

Bien que les conclusions d’appelante leur aient été régulièrement signifiées, respectivement le 8 septembre 2021 par dépôt en étude pour Monsieur [R] [X] et Madame [B] [X], à personne à Madame [G] [S], et le 14 septembre 2021 par dépôt en étude pour Monsieur [U] [X], ces derniers n’ont pas constitué avocat.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d’appel sous la forme électronique le 3 septembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Madame [J] [X] demande à la cour, au visa des articles 470 et 901 du code civil, de :

– constater que l’appel interjeté est recevable et bien fondé,

– infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nancy en date du 26 février 2021,

Y faisant droit, et statuant à nouveau,

– prononcer la nullité du testament olographe en date du mois de février et novembre 2015,

– replacer les parties en l’état où elles se trouvaient avant l’application de ce testament litigieux,

– condamner Madame [W] [I] à lui verser la somme de 10000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi,

– condamner Madame [W] [I] à lui verser la somme de 3000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Par ordonnance d’incident rendue par défaut le 16 novembre 2022, le conseiller de la mise en état a :

– débouté Madame [W] [I] de sa demande tendant au prononcé de la caducité de la déclaration d’appel de Madame [J] [X],

– déclaré irrecevables les conclusions notifiées par Madame [W] [I] le 1er décembre 2021,

– débouté Madame [W] [I] de sa demande présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné Madame [W] [I] aux dépens de l’incident,

– renvoyé l’affaire à la mise en état du 6 décembre 2022.

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 6 décembre 2022.

L’audience de plaidoirie a été fixée le 31 janvier 2023.

Par ordonnance du 3 janvier 2023, l’affaire a été défixée de l’audience de plaidoiries du 31 janvier 2023 pour être fixée à celle du 27 mars 2023 ; l’affaire a été mise en délibéré au 22 mai 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Vu les conclusions déposées par Madame [J] [X] le 3 septembre 2021 et visées par le greffe auxquelles il convient de se référer expressément en application de l’article 455 du code de procédure civile ;

Vu l’ordonnance d’incident du 16 novembre 2022 ;

Vu la clôture de l’instruction prononcée par ordonnance du 6 décembre 2022 ;

Sur la demande de la nullité du testament olographe en date du mois de février et novembre 2015

L’appelante conclut à la nullité du testament olographe du mois de février 2015 qui a institué Madame [I] comme sa légataire universelle ; elle affirme que placé en curatelle le 28 mai 2013, celle-ci était présente chez son oncle quotidiennement, prenant l’ascendant sur sa personne, âgée et malade ; elle affirme qu’il était devenu impossible de le voir, de rentrer chez lui, alors qu’auparavant il avait testé en faveur de ses nièces et neveu (2009) ; elle remet en cause la validité de son dernier testament, lequel ne correspond pas à l’affirmation de sa volonté et résulte de la manipulation subie de la part de l’intimée ;

En réponse, Madame [I] indique que le placement en curatelle de [F] [X] à l’initiative de sa famille a été très mal vécu par lui ; c’est à sa demande, depuis 2016 qu’il s’est opposé à la venue de ses neveu et nièces chez lui ; sa lucidité n’était pas altérée et elle a pris soin de lui quotidiennement jusqu’à son décès ; elle conclut à la confirmation du jugement entrepris ;

L’article 901 du code civil énonce que ‘pour faire une libéralité, il faut être sain d’esprit. La libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l’erreur, le dol ou la violence’ ;

Il appartient à celui qui se prévaut de cette nullité d’en établir le bien fondé ;

A l’appui de sa demande Madame [J] [X] produit, pour établir l’existence de manipulations volontaires de la part de Madame [W] [I] envers Monsieur [X], une attestation de Madame [P] [Y] aux termes de laquelle, l’intimée avait bénéficié de donations de biens mobiliers de la part de Monsieur [X] (congélateur, fusils de chasse, chéneaux…) ainsi que de numéraire lors de la réalisation de courses (pièce 38 appelante) ;

elle entend démontrer également que l’intimée a volontairement isolé Monsieur [X] de tout contact, en produisant l’attestation de Madame [V], qui indique que les aides à domicile trouvaient le matin porte close tout comme le frère de Monsieur [X], [K] (pièce 39 appelante) ;

elle précise que la mise sous curatelle de Monsieur [C] [X] a été rendue nécessaire par le fait qu’il s’était fait abuser par un de ses neveux, qui bénéficiait de ses largesses ;

Cependant, s’agissant de l’insanité d’esprit alléguée, il y a lieu de constater qu’un premier certificat médical présent au dossier, date du 6 avril 2016 alors que les deux testaments sont datés des 10 et 24 février 2015 ;  

le médecin traitant, docteur [H], atteste que nonobstant un amaigrissement, une mauvaise acceptation de sa mise sous curatelle et de sa gestion qualifiée par le médecin de ‘calamiteuse,’ Monsieur [C] [X] est parfaitement orienté et ne présente pas de trouble cognitif même mineur ; le médecin réaffirme sa lucidité dans un deuxième certificat du 19 avril 2016, puis troisième du 4 août 2016 (pièces 3, 5, 4 intimée) ;

Ainsi la preuve de l’insanité d’esprit de Monsieur [C] [X] lorsqu’il a rédigé en 2014 deux testaments en faveur de Madame [W] [I] n’est pas établie laquelle ne résulte pas de la modification de ses dispositions testamentaires ;

S’agissant de la demande de nullité des testaments pour cause de dol, Madame [J] [X] a établi le 11 décembre 2017, une pièce intitulée ‘résumé des faits concernant le litige de succession de Monsieur [C] [X]’ (pièce 40 appelante) dans laquelle elle résume sa version des faits et des circonstances entourant la fin de vie de Monsieur [X] ainsi que la gratification de Madame [W] [I] ; émanant de la partie appelante, elle est dépourvue de tout caractère probant ;

elle produit également une attestation de Madame [N] [D], qui relate des faits qu’elle situe en 2015 (octobre), aux termes desquels Madame [W] [I] aurait abusé des fonds d’une autre personne, M. [Z] [A] (pièce 41 appelante) laquelle n’a aucune valeur probante quant au testament rédigé en 2014 par Monsieur [C] [X] ;

De plus l’attestation de Madame [P] [Y], ancienne compagne du fils de Madame [I], comprend l’assertion de faits concernant Monsieur [A], sans que ses termes ne permettent de considérer que le témoin a eu personnellement connaissance des faits qu’elle expose et qui là encore concernent une personne tierce au de cujus (pièce 37 appelante) ;

dans une seconde attestation (pièce 38 appelante), Madame [Y] affirme que Madame [I] a sciemment manipulé Monsieur [X] afin d’obtenir ses deux immeubles ; elle prétend qu’elle a profité des ‘largesses’ de Monsieur [X] quand elle l’accompagnait aux courses et reçu des biens lui appartenant, laquelle considérait que ce n’était que la contrepartie de son travail non rémunéré ; compte-tenu des précédentes relations entre les parties, il y a lieu d’apprécier ces affirmations avec circonspection ;

Enfin selon attestation en pièce 63, Monsieur [U] [X] relate une entrevue avec son frère [C] en présence du médecin, lequel lui aurait dit de ne pas faire confiance à Madame [I] ; compte-tenu de l’opposition des parties relativement aux dispositions testamentaires de 2014, il convient d’écarter tout caractère probant à cette attestation ainsi qu’à celles nombreuses émanant de [J] [X] l’appelante et de [B] [X], également partie à l’instance devant le tribunal judiciaire ;

En outre, ces propos, sont contredits par l’attestation du docteur [H], tiers au litige (pièce 11 intimée) lequel le 31 octobre 2018, atteste du ‘dévouement de Madame [I]’ auprès de Monsieur [C] [X], dont elle s’est occupée ‘ de jour comme de nuit pendant la fin de sa vie suite à une longue maladie’ ; enfin ces propos sont confortés par les mentions de la ‘fiche de transmission ciblée’ de l’association d’aide à domicile qui établissent la présence quotidienne de Madame [I] au chevet de [C] [X] ainsi que son intervention effective notamment lors du coucher ( pièce 8 intimée) ;

En conséquence, il y a lieu de constater que la preuve d’un dol ayant vicié le consentement de Monsieur [C] [X] lorsqu’il a rédigé les deux testaments les 10 février 2015 (pièce 1 intimée) et le 24 février 2015 (pièce 2 intimée) n’est aucunement rapportée ;

Le jugement déféré sera par conséquent confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de nullité des testaments soutenue en appel par Madame [J] [X] ; en outre sa demande indemnitaire subséquente sera écartée ;

Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive

L’opposition d’une nièce, manifestée par le recours par elle formée, n’est pas en soi constitutive d’un abus ; en l’absence de preuve d’une intention de nuire, la demande de l’intimée à l’encontre de l’appelante ne saurait prospérer ;

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il serait inéquitable de laisser à la charge de Madame [W] [I], les frais non compris dans les dépens par elle exposés ; une somme de 2000 euros sera mise à la charge de Madame [J] [X] au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en sus de la condamnation prononcée par le premier juge, qui est justifiée et sera maintenue ;

Les dépens seront laissés à la charge de Madame [J] [X], partie qui succombe ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut, prononcé par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Déboute Madame [W] [I] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Condamne Madame [J] [X] à payer à Madame [W] [I] la somme de 2000 euros (DEUX MILLE EUROS) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

La condamne aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par Madame CUNIN-WEBER, Présidente de la première chambre civile de la Cour d’Appel de NANCY, et par Madame FOURNIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Signé : I. FOURNIER.- Signé : N. CUNIN-WEBER.-

Minute en sept pages.

 


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