Droits des héritiers : 26 mai 2023 Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion RG n° 21/01277

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Droits des héritiers : 26 mai 2023 Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion RG n° 21/01277

26 mai 2023
Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion
RG n°
21/01277

ARRÊT N°23/

NC

R.G : N° RG 21/01277 – N° Portalis DBWB-V-B7F-FSZS

Syndic. de copro. DE LA RESIDENCE LE MUSEE

C/

[S]

[S]

COUR D’APPEL DE SAINT – DENIS

ARRÊT DU 26 MAI 2023

Chambre civile TGI

Appel d’une décision rendue par le TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE SAINT-DENIS en date du 18 MAI 2021 suivant déclaration d’appel en date du 15 JUILLET 2021 RG n° 17/02935

APPELANTE :

Syndic. de copro. DE LA RESIDENCE LE MUSEE

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Pierre HOARAU, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

INTIMÉS :

Monsieur [C] [S]

[Adresse 7]

[Localité 6]

Représentant : Me Emeline K/BIDI, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION

Madame [W] [S]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentant : Me Farid ISSE-ALY, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION

DATE DE CLÔTURE : 13/10/2022

DÉBATS : en application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 24 février 2023 devant Madame COURTOIS Nathalie, Présidente de chambre à la chambre d’appel de MAMOUDZOU, qui en a fait un rapport, assistée de Madame Nathalie BEBEAU, Greffière, les parties ne s’y étant pas opposées.

Ce magistrat a indiqué, à l’issue des débats, que l’arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 26 mai 2023.

Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Madame Nathalie COURTOIS, Présidente de chambre

Conseiller : Monsieur Cyril OZOUX, President de chambre

Conseiller : Monsieur Yann CATTIN, Président de chambre

Qui en ont délibéré

Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 26 mai 2023.

Greffière lors de la mise à disposition : Madame Véronique FONTAINE, Greffière.

* * *

LA COUR

Exposé du litige

[E] [Y] [S] était propriétaire de deux appartements formant respectivement les lots n°54, n°83 (parking) et les lots 36, 106 (parking), 24 (cave) compris dans un ensemble immobilier dénommé ‘résidence du musée’ cadastré AL[Cadastre 2] sis [Adresse 1] à [Localité 4].

Par acte de donation dressé le 30 juillet 2012 par Me [L] [M], notaire à [Localité 4], M.[E] [Y] [S] a notamment fait donation à Mme [W] [S], sa fille, de la nue-propriété des lots 24, 36 et 106.

Par jugement du 29 septembre 2014, [E] [Y] [S] a été mis sous tutelle pour une durée de 60 mois et son fils, M.[C] [S], désigné en qualité de tuteur.

Par ordonnance du 30 mars 2017, le juge des tutelles a déchargé M.[C] [S] de ses fonctions de tuteur et désigné en remplacement l’UDAF.

Le 5 mai 2017, [E] [Y] [S] est décédé.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 17 mai 2017, le syndicat des copropriétaires de la résidence le musée, représenté par son syndic ‘le cabinet personne’ a mis en demeure M.[C] [S] et Mme [W] [S] d’avoir à payer les avances, provisions et charges.

Par acte d’huissier du 2 août 2017, le syndicat des copropriétaires de la résidence le musée, représenté par son syndic ‘le cabinet personne’ a fait assigner Mme [W] [S] et M.[C] [S], sur le fondement des articles 10 et 10-1 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965, l’article 1 du décret n°67-223 du 17 mars 1967, aux fins de voir:

condamner Mme [W] [S] et M.[C] [S] en leur qualité d’héritiers venant à la succession de [E] [Y] [S] au paiement des sommes ci-dessous énoncées:

19 062,52 euros en principal,

les intérêts au taux légal à compter de la date de mise en demeure soit le 10 février 2011,

1500 euros à titre de dommages et intérêts en application des dispositions de l’article 1153 dernier alinéa du code civil,

ordonner l’application de l’article 1154 du code civil relatif à l’anatocisme,

ordonner l’application de l’article 1254 du code civil relatif au paiement de la dette,

ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir nonobstant appel et sans caution,

les condamner au paiement de la somme de 3000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

les condamner aux entiers dépens en ce compris le coût de toutes mises en demeure nécessaires préalable à la présente procédure.

Mme [W] [S] et M.[C] [S] venant aux droits de [E] [Y] [S] ont constitué avocat.

Par jugement du 18 mai 2021, le tribunal judiciaire de Saint-Denis a:

déclaré l’action recevable,

rejeté l’exception de nullité des assemblées générales,

débouté les parties de l’ensemble de leurs demandes,

dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,

dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

condamné le syndicat des copropriétaires de la résidence le musée, représenté par son syndic ‘le cabinet personne’ qui succombe aux dépens dont distraction au profit de Me Farid Isse, avocat conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le 15 juillet 2021, le syndicat des copropriétaires de la résidence le musée, représenté par son syndic ‘le cabinet personne’ a interjeté appel de la décision précitée.

Par conclusions d’intimée n°1 et appel incident transmises par RPVA du 29 décembre 2021, Mme [W] [S] sollicite, sur le fondement des articles 42 alinéa 1er de la loi 65-557 du 10 juillet 1965, 1353, 514, 605, 1343-5 et 796 du code civil, de voir:

rejeter toutes fins, moyens et conclusions contraires,

confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Saint-Denis du 18/05/2021 en ce qu’il a débouté le Syndicat des Copropriétaires de la Résidence LE MUSEE de sa demande de condamnation de Mme [W] [S] au paiement d’une somme de 27.312,67 € correspondant aux charges de copropriété remontant au 01/01/2000 et arrêtées à la date du 01/04/2020,

infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Saint-Denis du 18/05/2021 et statuer à nouveau, annuler les décisions d’assemblées générales sur lesquelles le syndicat des copropriétaires de la résidence le musée fonde son action en recouvrement des charges impayées à l’encontre de Mme [W] [S] en raison de l’absence de transmission à son profit des procès-verbaux d’assemblées générales alors même que le syndic était parfaitement informé de la qualité de nu-propriétaire de la requérante depuis le 30 juillet 2012,

en conséquence, débouter purement et simplement le syndicat des copropriétaires de la résidence le musée, représenté par son syndic ‘le cabinet personne’ de son action en recouvrement de charges de copropriété impayées à l’encontre de Mme [W] [S],

à titre subsidiaire, débouter le syndicat des copropriétaires de la résidence le musée, représenté par son syndic ‘le cabinet personne’ de ses demandes de condamnation au remboursement des charges de copropriété impayées formulées à l’encontre de Mme [W] [S], celle-ci ne devant supporter aucune obligation de paiement des charges de copropriété impayées puisque cette obligation reposait intégralement sur M.[C] [S] en sa qualité de tuteur de [E] [Y] [S], ce dernier s’étant lui-même engagé à régler l’intégralité des charges de copropriété de son vivant dans l’acte de donation avec avancement de part successorale du 30 juillet 2012,

condamner M.[C] [S] à rembourser seul les charges de copropriété impayées,

à titre infiniment subsidiaire, faire droit à la demande de Madame [W] [S] de répartir la charge finale de la dette de charges de copropriété impayées en vertu des principes régissant son statut de nu-propriétaire du bien immobilier sur le fondement de l’article 605 du Code civil,

En conséquence, condamner M.[C] [S] seul à rembourser les charges de copropriété impayées dès lors qu’il assurait les fonctions de tuteur entre le 29 septembre 2014 et le 30 mars 2017, et qu’il devait à ce titre poursuivre les engagements pris précédemment par son père, usufruitier, dans un acte notarié de donation avec avancement de part successorale du 30 juillet 2012,

sur l’octroi de délais de paiement, accorder les plus larges délais de paiement à Mme [W] [S] sur la base des dispositions de l’article 1343-5 du Code Civil, après avoir cantonné le montant des condamnations à son encontre à la somme principale à laquelle elle serait tenue solidairement avec M.[C] [S], après application de la règle de répartition issue de l’article 605 du Code civil, et après avoir supprimé tous les autres frais, accessoires et intérêts qui sont réclamés,

en tout état de cause, sur les conséquences de l’ouverture de la succession, juger que le syndicat des copropriétaires de la résidence le musée devra déclarer sa créance de charges auprès du Notaire mandaté par les parties qui se chargera de la répartition dans le cadre du règlement de la succession,

condamner le syndicat des copropriétaires de la résidence le musée à payer à Mme [W] [S] une indemnité de 4.000,00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

Par conclusions récapitulatives et responsives n°2 d’intimé et appel incident transmises par RPVA du 7 juin 2022, M.[C] [S] sollicite sur le fondement des articles 31 et 122 du code de procédure civile, 1353 du code civil, de voir :

infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré l’action recevable de Mme [W] [S] et l’a débouté de l’ensemble de ses demandes,

confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Saint-Pierre du 18 mai 2021 pour le surplus,

sur l’irrecevabilité des demandes formulées contre lui:

dire et juger que le syndicat des copropriétaires de la résidence le musée, représenté par son syndic ‘le cabinet personne’ n’a pas qualité à agir, faute d’être régulièrement représenté par son syndic en exercice,

dire et juger que Mme [W] [S] reste seule débitrice des charges afférentes aux lots n°36,106 et 24 de l’ensemble immobilier dénommé ‘résidence du musée’,

déclarer irrecevables les demandes du syndicat des copropriétaires de la résidence le musée, représenté par son syndic ‘le cabinet personne’ à l’encontre de M.[C] [S],

sur le fond

débouter le syndicat des copropriétaires de la résidence le musée, représenté par son syndic ‘le cabinet personne’ de toutes ses demandes, fins et prétentions,

débouter Mme [W] [S] de toutes ses demandes à son encontre,

condamner Mme [W] [S] à régler seule les charges de copropriété afférentes aux lots n°36, 106 et 24 dépendant de la résidence le musée et dont elle est seule titulaire par suite de la donation consentie par son père, [E] [Y] [S] suivant acte du 30 juillet 2012,

débouter Mme [W] [S] de sa demande tendant à voir enjoindre à M.[C] [S] de produire les comptes de gestion afférents à la période pendant laquelle il a exercé son mandat de tuteur de [E] [Y] [S],

condamner le syndicat des copropriétaires de la résidence le musée, représenté par son syndic ‘le cabinet personne’ et Mme [W] [S] à lui payer la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par conclusions transmises par RPVA me 19 juillet 2022, le syndicat des copropriétaires de la résidence le musée, représenté par son syndic ‘le cabinet personne’ sollicite sur le fondement des articles 10 et suivants de la loi du 10 juillet 1965, de voir:

Confirmer le jugement du 18 mai 2021 en ce qu’il a déclaré parfaitement recevable l’action engagée par le syndicat des copropriétaires de la résidence le musée, représenté par son syndic ‘le cabinet personne’ et en ce qu’il a rejeté toute demande de nullité des procès verbaux d’assemblées générales ayant statué sur les comptes de la copropriété,

réformer ledit jugement pour le surplus,

statuant de nouveau, condamner Mme [W] [S] et M.[C] [S] en leur qualité d’héritier de [E] [Y] [S] au paiement de la somme principale de 27312,67 euros avec intérêts de droit,

condamner les mêmes au paiement de 3500 euros de dommages et intérêts et 4500 euros de frais irrépétibles,

juger mal fondés les appels incidents tant de Mme [W] [S] que de M.[C] [S],

juger qu’aucune nullité des procès verbaux d’assemblée générale validant les comptes de la copropriété ne peut-être invoquée,

juger que le concluant est parfaitement recevable à agir contre M.[C] [S], héritier de son père [E] [Y] [S] en recouvrement d’une dette de succession,

débouter tant ce dernier que Mme [W] [S] de toutes demandes autres ou contraires.

Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, aux conclusions susvisées ainsi qu’aux développements infra.

Sur ce’:

Sur la fin de non recevoir tirée de l’irrecevabilité des demandes formulées contre M.[C] [S]

M.[C] [S] soutient que le syndicat des copropriétaires de la résidence le musée n’a pas qualité à agir faute d’être régulièrement représenté par son syndic en exercice et que Mme [W] [S] reste seule débitrice des charges afférentes aux lots n°36, 106 et 24 de l’ensemble immobilier dénommé ‘résidence du musée’, de sorte que les demandes du syndicat des copropriétaires de la résidence le musée, représenté par son syndic ‘le cabinet personne’ sont irrecevables.

Comme rappelé par le premier juge, [E] [Y] [S] a, par acte notarié du 30 juillet 2012, notamment fait donation à Mme [W] [S] de la nue-propriété des lots litigieux, s’en réservant l’usufruit de son vivant; que les demandes en paiement des charges de copropriété pour un montant de 27 312,67 euros correspondaient aux charges de copropriété arrêtées à la date du 1er avril 2020 suivant extrait de compte du 15 juin 2020 et relatif à des arriérés de charges remontant du 1er janvier 2000 jusqu’au 1er avril 2020; que jusqu’à son décès, le montant des arriérés de charges et frais divers s’élevait à la somme de 22 137,97 euros; que ces charges antérieures aux décès du donateur, usufruitier, et qui s’en était conservé la charge suivant l’acte de donation, appartiennent désormais au passif de la succession dont sont redevables les héritiers venant à la succession et l’ayant acceptée; que pour le surplus après le décès du donateur, ces charges doivent être mises à la charge de Mme [W] [S] qui est devenue pleinement propriétaire de l’immeuble, de sorte que c’est à juste titre que le premier juge a dit que l’action engagée à l’encontre des deux héritiers est recevable.

Par ailleurs, M.[C] [S] se limite à citer les articles 32 et 122 du code de procédure civile sans développer aucune argumentation ni en droit ni en fait pour contester la qualité et la capacité à agir du syndicat des copropriétaires de la résidence le musée.

Or, et sans que cela soit remis en cause en appel par M.[C] [S], le premier juge a rappelé que par procès-verbal d’assemblée générale du 11 juillet 2016, résolution n°4, le contrat de mandat du syndic, daté du 11 juillet 2016, était valable pour une année jusqu’au 31 décembre 2017, mentionnant le non renouvellement par tacite reconduction; que l’existence du droit d’agir en justice s’apprécie à la date de la demande introductive d’instance et ne peut être remise en cause par l’effet de circonstances postérieures (Cour de cassation, ch.com, n°4-10287 du 6 décembre 2005, publié); qu’étant justifié qu’à la date du 2 août 2017, date de l’acte introductif d’instance, le cabinet personne était le syndic en exercice du syndicat des copropriétaires de la résidence du musée au visa de son contrat de mandat; que dès lors il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté cette fin de non recevoir.

Sur le moyen de nullité soulevé par Mme [W] [S] des assemblées générales de copropriété sur la base desquelles se fondent les demandes en paiement du syndicat des copropriétaires de la résidence le musée, représenté par son syndic ‘le cabinet personne’ à son encontre

Mme [W] [S] reproche au premier juge de n’avoir pas tiré toutes les conséquences juridiques de la mise sous tutelle de son père par jugement du 29 septembre 2014 et notamment au regard des conséquences sur sa capacité à agir et de sa participation aux assemblées générales.

L’acte de donation du 30 juillet 2012, dans son paragraphe relatif à la ‘répartition des pouvoirs’, stipule que ‘La donataire nue-propriétaire donne par les présentes tous pouvoirs au donateur usufruitier, à l’effet de prendre part à toutes assemblées générales, ordinaires ou extraordinaires. De plus, de convention expresse entre les parties, l’usufruitier aura seul droit de vote aux assemblées générales, qu’elles soient ordinaires ou extraordinaires, et ce pour toutes décisions à prendre. En contrepartie, l’usufruitier paiera toutes les charges de la copropriété quelle que soit leur nature’.

Cette disposition est conforme à l’article 23 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis dans sa version applicable au litige. Cela explique que dans son paragraphe relatif aux conditions particulières (page 8), il est prévu de notifier l’acte de donation au syndic afin de le lui rendre opposable. Le fait que [E] [Y] [S] ait été placé sous tutelle n’avait pas pour conséquence d’obliger le syndic de convoquer Mme [W] [S] aux assemblées générales.

En effet, selon l’article 425 du code civil, ‘Toute personne dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté peut bénéficier d’une mesure de protection juridique prévue au présent chapitre.

S’il n’en est disposé autrement, la mesure est destinée à la protection tant de la personne que des intérêts patrimoniaux de celle-ci. Elle peut toutefois être limitée expressément à l’une de ces deux missions’.

S’agissant de [E] [Y] [S], le juge des tutelles a dit que la mission de M.[C] [S] en qualité de tuteur s’appliquera tant à la protection des intérêts patrimoniaux que de la personne de [E] [Y] [S], de sorte que M.[C] [S] recevait la mission de représenter son père y compris à l’occasion de ces assemblées générales et de voter en son nom. Il en était de même pour l’UDAF lorsque celle-ci a été désignée en lieu et place de M.[C] [S] par ordonnance du 30 mars 2017. Il convient de relever que Mme [W] [S] a été informée de ces deux décisions du juge des tutelles et qu’il lui appartenait de saisir ce dernier aux fins de se faire désigner pour représenter son père au niveau de la copropriété. Elle n’ignorait pas les termes de l’acte de donation et elle ne peut aujourd’hui reprocher au syndic de ne pas avoir tiré les conséquences juridiques de la mise sous tutelle de son père. Outre le fait qu’elle ne démontre pas que le syndic ait été informé de la mise sous tutelle de [E] [Y] [S], le syndic ne faisait que respecter les termes de l’acte de donation.

Le jugement critiqué sera donc confirmé de ce chef.

Sur le fond

Selon l’article 1353 du code civil, ‘Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.

Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation’.

Le bailleur est tenu d’adresser à un locataire le décompte annuel des charges locatives récupérables ainsi que leur répartition entre les locataires. De plus, il doit conserver les justificatifs des charges réclamées à la disposition du locataire s’il en fait la demande, comme il est indiqué dans la loi de 1989 sur les rapports locatifs.

Le point de départ du délai de prescription pour le recouvrement des charges de copropriété est la date d’exigibilité des charges concernées. L’exigibilité des charges correspond au moment où le copropriétaire est tenu de les payer, généralement fixé par le syndic dans l’appel de fonds envoyé aux copropriétaires.

Il appartient au syndicat des copropriétaires de justifier de sa créance par la production notamment des procès-verbaux des assemblées générales approuvant les comptes, les budgets prévisionnels et les travaux ainsi que des appels individuels de fonds. Un décompte détaillé, les appels de charges et de travaux et les procès-verbaux d’assemblées générales sur la période pour laquelle les charges sont réclamées suffisent normalement à établir la créance de charges en l’absence de critiques justifiées de ces documents.

Il incombe au syndicat des copropriétaires de produire les documents comptables relatifs aux périodes concernées. Les reprises de soldes doivent être justifiées. A défaut, le syndicat des copropriétaires doit être débouté de sa demande en reprise de ces soldes.

En premier lieu, il convient de constater que le syndicat des copropriétaires de la résidence le musée, représenté par son syndic ‘le cabinet personne’ n’indique pas expressément la période sur laquelle se fonde sa demande en paiement. Plusieurs contradictions apparaissent dans les pièces produites aux débats. C’est ainsi qu’au regard de sa pièce 20 ‘extrait de compte’, il apparaît que le compte de [E] [Y] [S] est débiteur sans discontinuité du 31 décembre 2001 jusqu’au 1er avril 2020, le solde total restant dû pour toute cette période s’élevant à 27312,67 euros.

A contrario, l’état des comptes produit en pièce 25, distinguant le total dû avant et après le décès de [E] [Y] [S] à compter du 1er janvier 2012, fait apparaître un solde débiteur total au 1er avril 2020 de 27208,07 euros alors que dans sa mise en demeure du 17 mai 2017 et son assignation du 4 août 2017, le syndicat des copropriétaires de la résidence le musée, représenté par son syndic ‘le cabinet personne’ indique que les charges impayées ‘correspondent essentiellement aux appels de fonds du 1er, 2ème, 3ème et 4ème trimestres 2016, au report à nouveau sur les travaux ART 14.2 et op except solde au 31/12/2015, aux ADF travaux termites, aux ADF travaux parking’ et ce pour un montant de 19062,52 euros en principal dont 22205,93 (avant déduction des versements) au titre des rappels au 31 décembre 2015. Rien ne permet de comprendre à quoi correspondent ces rappels ‘au’ 31 décembre 2015.

Ainsi donc, chacun de ces documents porte sur des périodes différentes.

L’extrait de compte de [E] [Y] [S] (pièce 20) ne permet donc pas de retenir l’une de ces périodes puisqu’il apparaît clairement que le solde dû au 1er janvier 2016 n’est en fait que le total des sommes non régularisées depuis le 31 décembre 2001.

Si le syndicat des copropriétaires de la résidence le musée, représenté par son syndic ‘le cabinet personne’ produit de nouvelles pièces en appel telles que les procès-verbaux des assemblées générales du 2 août 2007, du 9 septembre 2008, du 13 octobre 2009, du 9 novembre 2010, du 5 mai 2011, du 20 novembre 2012, du 18 novembre 2013, du 22 avril 2014, du 10 juin 2014, du 26 octobre 2015, du 31 mai 2016, du 11 juillet 2016, du 24 octobre 2017 et du 17 décembre 2018, pour autant elles sont insuffisantes en l’absence des appels de fond adressés à [E] [Y] [S] pour chacune des années débitrices et des incohérences relevées ci-dessus concernant la période restant due. En effet, il résulte de l’examen croisé de la pièce 20 (extrait de compte) et les pièces 8 à 15 (répartition exercice de l’année 2007 à 2015) que les appels de fonds mentionnés dans la pièce 20 sont quasi systématiquement supérieurs aux montants mentionnés dans les pièces 8 à 15, d’où l’intérêt comme le relevait le premier juge de produire tous les appels de fonds transmis à [E] [Y] [S] jusqu’à son décès puis à Mme [W] [S] à partir du décès de son père.

En tout état de cause, l’extrait de compte et les procès-verbaux des assemblées générales produits aux débats ne permettent toujours pas de déterminer le montant de la dette réellement dû.

En conséquence, le syndicat des copropriétaires de la résidence le musée, représenté par son syndic ‘le cabinet personne’ est défaillant dans l’administration de la preuve de sa créance, et il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a débouté de sa demande en paiement.

Les autres demandes en lien avec la demande en paiement sont donc sans objet.

Sur l’article 700 du code de procédure civile

L’équité et la situation respective des parties justifiant l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, il convient de condamner le syndicat des copropriétaires de la résidence le musée, représenté par son syndic ‘le cabinet personne’ à payer à Mme [W] [S] et M.[C] [S] la somme de 1500€ à chacun.

Sur les dépens

En application de l’article 696 du Code de procédure civile, le syndicat des copropriétaires de la résidence le musée, représenté par son syndic ‘le cabinet personne’, partie perdante, sera condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, en matière civile, par mise à disposition au greffe conformément à l’article 451 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du 18 mai 2021 du tribunal judiciaire de Saint-Denis ;

Condamne le syndicat des copropriétaires de la résidence le musée, représenté par son syndic ‘le cabinet personne’ à payer à Mme [W] [S] et M.[C] [S] la somme de 1500 € à chacun en application de l’article 700 du code de procédure civile;

Condamne le syndicat des copropriétaires de la résidence le musée, représenté par son syndic ‘le cabinet personne’ aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par Madame Nathalie COURTOIS, Présidente de chambre, et par Madame Véronique FONTAINE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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