Droits des héritiers : 5 juin 2023 Cour d’appel de Nancy RG n° 22/02634

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Droits des héritiers : 5 juin 2023 Cour d’appel de Nancy RG n° 22/02634

5 juin 2023
Cour d’appel de Nancy
RG n°
22/02634

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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COUR D’APPEL DE NANCY

Première Chambre Civile

ARRÊT N° /2023 DU 05 JUIN 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/02634 – N° Portalis DBVR-V-B7G-FCQZ

Décision déférée à la Cour : jugement du tribunal judiciaire d’EPINAL,

R.G.n° 17/01220, en date du 26 novembre 2020,

Jonction du 26 octobre 2021 du dossier RG n°21/00323 au RG n°21/00310, et du dossier RG n°21/00310 au RG n°21/00019 – Dossier RG n°21/00019 réinscrit sous le RG n°22/02634 après radiation suite à interruption d’instance décès

APPELANTS :

Monsieur [E] [O], appelant dans le dossier RG n° 21/00323, pris tant en son nom propre qu’en sa qualité d’héritier de [S] [K] épouse [O], également appelante, décédée en cours d’instance

né le 14 janvier 1939 à [Localité 10]

domicilié [Adresse 6]

Représenté par Me Barbara VASSEUR de la SCP VASSEUR PETIT, avocat au barreau de NANCY, avocat postulant

Plaidant par Me Olivier BOULANGER, avocat au barreau d’EPINAL

S.A.R.L. ERIC PROJETS IMMOBILIERS, appelante dans le dossier RG n° 21/00310, prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social, sis [Adresse 1]

Représentée par Me Aline FAUCHEUR-SCHIOCHET de la SELARL FILOR AVOCATS, avocat au barreau de NANCY

S.E.L.A.R.L. [L] [V], appelante dans le dossier RG n° 21/00019, prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social, sis [Adresse 5]

Représentée par Me Cyrille GAUTHIER de la SCP GAUTHIER, avocat au barreau d’EPINAL

INTIMÉS :

Monsieur [Y] [G]

né le 07 juin 1973 à [Localité 8] (MOLDAVIE)

domicilié [Adresse 4]

Représenté par Me Hélène JUPILLE de la SELARL JURI’ACT, avocat au barreau de NANCY, avocat postulant

Plaidant par Me Hervé RENOUX, substitué par Me Chloé PIGEOT, avocats au barreau de METZ

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Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à

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Madame [A] [U]

née le 14 septembre 1977 à [Localité 8] (MOLDAVIE)

domiciliée [Adresse 4]

Représentée par Me Hélène JUPILLE de la SELARL JURI’ACT, avocat au barreau de NANCY, avocat postulant

Plaidant par Me Hervé RENOUX, substitué par Me Chloé PIGEOT, avocats au barreau de METZ

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 03 Avril 2023, en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Président de Chambre,

Monsieur Jean-Louis FIRON, Conseiller,

Madame Mélina BUQUANT, Conseiller, chargée du rapport,

qui en ont délibéré ;

Greffier, lors des débats : Madame Céline PERRIN, en présence de Madame Margaux MANZIAT, greffier stagiaire ;

A l’issue des débats, le Président a annoncé que l’arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 05 Juin 2023, en application de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 05 Juin 2023, par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

signé par Madame CUNIN-WEBER, Président, et par Madame PERRIN, Greffier ;

EXPOSÉ DU LITIGE

Suite à une annonce mise en ligne par la SARL Epi Eric Projets Immobiliers, agence immobilière à l’enseigne Projet Immo, sur le site internet ‘TopAnnonces.fr’ portant sur un terrain de loisir avec bungalow, Monsieur [Y] [G] et son épouse, Madame [A] [U] ont signé le 8 décembre 2015, par l’intermédiaire de cette agence immobilière, un compromis de vente pour l’achat d’un terrain avec étangs situé lieudit ‘[Localité 7]’ à [Localité 12] avec Monsieur [E] [O] et son épouse, Madame [S] [K], propriétaire.

L’acte de vente a été signé le 12 février 2016 par devant Maître [L] [V], notaire à [Localité 11], entre les époux [O], vendeurs, et les consorts [G]-[U], acquéreurs, moyennant le prix de 61000 euros, outre les frais de notaire à hauteur de 5660 euros et la commission de la SARL Epi Eric Projets Immobiliers fixée à 4000 euros.

Les acquéreurs ont démonté le ‘bungalow’ et entrepris des travaux que la commune de [Localité 12] leur a fait sommation de stopper, au motif que les parcelles concernées se trouvaient en zones à réglementation restrictive.

Dans ce contexte, estimant que le caractère illégal de la situation du bungalow leur avait été caché au moyen de manoeuvres frauduleuses, Monsieur [Y] [G] et Madame [A] [U] ont mis, le 4 mai 2017, la SARL Epi Eric Projets Immobiliers en demeure de leur payer la somme de 29838,18 euros en réparation de leurs préjudices moral et matériel, puis fait assigner Maître [L] [V], la SARL Epi Eric Projets Immobiliers ainsi que Monsieur [E] [O] et Madame [S] [K] en résolution de la vente devant le tribunal de grande instance d’Epinal suivant actes d’huissiers délivrés les 12 et 17 mai 2017.

Par jugement contradictoire du 26 novembre 2020, assorti de l’exécution provisoire, le tribunal judiciaire d’Epinal a :

– déclaré Monsieur [Y] [G] et Mme [A] [U] recevables en leurs demandes,

– prononcé l’annulation de la vente passée le 12 février 2016 entre Monsieur [Y] [G] et Madame [A] [U] d’une part, et Monsieur [E] [O] et Madame [S] [K] d’autre part, par acte authentique reçu par Maître [L] [V], notaire à [Localité 11], portant sur le bien désigné à [Localité 12] ‘[Localité 7]’, parcelles en nature de futaie et de pré comprenant deux étangs, cadastrées section [Cadastre 2], [Cadastre 3] et [Cadastre 9] lieudit [Localité 7],

– condamné Monsieur [E] [O] et Madame [S] [K] à payer à Monsieur [Y] [G] et Madame [A] [U] la somme de 61000 euros,

– condamné in solidum Monsieur [E] [O] et Madame [S] [K], la SARL Epi Eric Projets Immobiliers et la SELARL [L] [V] à payer à Monsieur [Y] [G] et Madame [A] [U] la somme de 19838,18 euros,

– débouté Monsieur [Y] [G] et Madame [A] [U] de leur demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral,

– débouté Monsieur [E] [O] et Madame [S] [K] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire,

– débouté la SARL Epi Eric Projets Immobiliers de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

– débouté la SELARL [L] [V] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

– condamné in solidum Monsieur [E] [O] et Madame [S] [K], la SARL Epi Eric Projets Immobiliers et la SELARL [L] [V] aux dépens,

– condamné in solidum Monsieur [E] [O] et Madame [S] [K], la SARL Epi Eric Projets Immobiliers et la SELARL [L] [V] à payer à Monsieur [Y] [G] et Madame [A] [U] la somme de 3000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté Monsieur [E] [O] et Madame [S] [K] de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté la SARL Epi Eric Projets Immobiliers de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté la SELARL [L] [V] de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné l’exécution provisoire de la décision.

Pour statuer ainsi, le tribunal a relevé qu’au vu des éléments produits aux débats, les époux [O], la SARL EPI Eric Projets Immobiliers et la SARL [L] [V] savaient que la présence du bungalow était un élément déterminant du consentement de Monsieur [G] et Madame [U] à la vente. Les premiers ayant gardé le silence sur l’illégalité de la construction et sur l’impossibilité d’y effectuer des travaux, le tribunal a retenu que les éléments constitutifs du dol étaient réunis et a en conséquence prononcé l’annulation de la vente passée le 12 février 2016.

Outre la condamnation des époux [O] à payer à Monsieur [G] et Madame [U] la somme de 61000 euros correspondant au prix de vente, le tribunal a considéré que les acquéreurs, victimes d’un vice du consentement provoqué par la faute des époux [O], étaient fondés à exiger, en plus de l’annulation du contrat, l’allocation de dommages et intérêts, afin que soit réparée l’intégralité de leur préjudice. Il leur a ainsi alloué une indemnisation au titre des frais de notaire payés à l’occasion de la vente (5660 euros), de la commission de l’agent immobilier payée (4000 euros), des travaux entrepris dans le bungalow (3447,05 euros), du coût de l’emprunt contracté pour l’acquisition du bien (6731,13 euros), soit un total de 19838,18 euros. Le tribunal, retenant que l’agent immobilier avait commis une faute en faisant figurer sur l’annonce la mention d’un bungalow non reprise dans le compromis et l’acte authentique, de même que le notaire qui, ne contestant pas avoir été informé de l’illégalité de la construction présente sur le terrain, n’en avait pas informé les acquéreurs, les a tous deux condamnés in solidum avec les vendeurs au paiement de cette somme. Leur demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral a cependant été rejetée, au motif qu’aucune pièce susceptible d’en justifier l’existence n’avait été versée aux débats.

Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 4 janvier 2021, la SELARL [L] [V] a relevé appel de ce jugement.

Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 4 février 2021, la SARL Epi Eric Projets Immobiliers a relevé appel de ce jugement.

Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 5 février 2021, Monsieur [E] [O] et Madame [S] [K] épouse [O] ont relevé appel de ce jugement.

Par ordonnances du 26 octobre 2021, la jonction de ces procédures a été ordonnée.

Le décès d'[S] [K] épouse [O], survenu le 21 mars 2022, a été notifié le 23 mars 2022.

Par ordonnance du 29 mars 2022, le conseiller de la mise en état a constaté l’interruption de l’instance et invité, en l’absence de reprise volontaire, à procéder par voie de citation conformément aux dispositions de l’article 373 du code de procédure civile.

Monsieur [E] [O], seul héritier de sa défunte épouse, a notifié des conclusions de reprise d’instance le 18 novembre 2022.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d’appel sous la forme électronique le 19 octobre 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SARL EPI Eric Projets Immobiliers demande à la cour de :

– infirmer le jugement entrepris,

– débouter les consorts [G]-[U] de toutes leurs demandes,

– les condamner à lui verser la somme de 10000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et frustratoire,

– rejeter leur appel incident tant sur les dommages et intérêts pour appel abusif, que pour un prétendu préjudice moral,

– condamner les consorts [G]-[U] à lui verser la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– les condamner aux entiers frais et dépens.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d’appel sous la forme électronique le 16 décembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur [E] [O] demande à la cour, au visa des articles 1131 et 1137 du code civil, et de l’article R. 111-37 du code de l’urbanisme, de :

– le déclarer recevable et bien fondé en son appel,

Y faisant droit,

– infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire d’Epinal en date du 26 novembre 2020,

– dire et juger que les époux [O] n’ont commis aucun dol par de quelconques man’uvres ou des mensonges ou par la dissimulation intentionnelle d’une information, en leur [cachant] le caractère illégal des installations implantées sur le terrain (bungalow et cabanon en rondins), dans le but d’obtenir le consentement des consorts [G]-[U] dans la vente du terrain litigieux,

En conséquence,

– débouter purement et simplement Monsieur [Y] [G] et Madame [A] [U] de l’ensemble de leurs demandes,

– condamner Monsieur [Y] [G] et Madame [A] [U] à lui payer une somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire,

– condamner Monsieur [Y] [G] et Madame [A] [U] à lui payer la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Monsieur [Y] [G] et Madame [A] [U] aux entiers dépens.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d’appel sous la forme électronique le 2 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SELARL [L] [V] demande à la cour, au visa des articles 1240 et suivants du code civil, de :

– la déclarer recevable et bien fondée en son appel,

Y faisant droit,

– infirmer, en toutes ses dispositions, le jugement du 26 novembre 2020,

– dire et juger que Maître [V] n’a commis strictement aucune faute en lien de causalité avec un préjudice dont pourraient se plaindre Madame [A] [U] et Monsieur [Y] [G],

– débouter Madame [A] [U] et Monsieur [Y] [G] de l’intégralité de leurs demandes,

– condamner Madame [A] [U] et Monsieur [Y] [G] à lui verser la somme de 1000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

– condamner Madame [A] [U] et Monsieur [Y] [G] à lui verser la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Madame [A] [U] et Monsieur [Y] [G] aux entiers frais et dépens.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d’appel sous la forme électronique le 1er février 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur [G] et Madame [U] demandent à la cour, au visa des articles 1106, 1116 et 1382 du code civil, du décret n°55-22 du 4 janvier 1955 pris en ses articles 28 et suivants, de :

– débouter la SELARL [L] [V], Monsieur et Madame [O] et la SARL EPI Eric Projets Immobiliers de l’intégralité de leurs demandes,

Y faisant droit,

– confirmer le jugement attaqué rendu par le tribunal judiciaire le 26 novembre 2020 en ce qu’il :

* les a déclarés recevables en leurs demandes,

* a prononcé l’annulation de la vente passée le 12 février 2016 entre eux d’une part, et Monsieur et Madame [O] d’autre part, par acte authentique reçu par Maître [L] [V], notaire à [Localité 11], portant sur le bien désigné à [Localité 12] ‘[Localité 7]’ parcelles en nature de futaie et de pré comprenant deux étangs, cadastrées section [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 9] lieudit [Localité 7],

* a condamné Monsieur et Madame [O] à leur payer la somme de 61000 euros,

* a condamné Monsieur et Madame [O], la SARL EPI Eric Projets Immobiliers et la SELARL [L] [V] à leur payer la somme de 19838,18 euros,

* a débouté Monsieur et Madame [O] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire,

* a débouté la SELARL [L] [V] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

*a condamné in solidum Monsieur et Madame [O], la SARL EPI Eric Projets Immobiliers, la SARL [L] [V] à leur payer la somme de 3000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

* a débouté Monsieur et Madame [O] de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

* a débouté la SARL EPI Eric Projets Immobiliers de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

* a débouté la SELARL [L] [V] de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire le 26 novembre 2020 en ce qu’il les a déboutés de leurs demandes de dommages et intérêts au titre du préjudice moral,

Statuant à nouveau,

– condamner, in solidum, la SELARL [L] [V], les époux [O] et la SARL EPI Eric Projets Immobiliers à leur payer la somme de 10000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral au vu de l’étendue des manoeuvres dont ils ont été victimes,

– condamner, in solidum, la SELARL [L] [V], les époux [O] et la SARL EPI Eric Projets Immobiliers à leur payer la somme de 5000 euros au titre du caractère abusif de la procédure d’appel,

– condamner, in solidum, la SELARL [L] [V], les époux [O] et la SARL EPI Eric Projets Immobiliers à leur payer la somme de 6000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner, in solidum, la SELARL [L] [V], les époux [O] et la SARL EPI Eric Projets Immobiliers aux entiers frais et dépens d’instance.

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 10 janvier 2023.

L’audience de plaidoirie a été fixée le 3 avril 2023 et le délibéré au 5 juin 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Vu les dernières conclusions déposées par la SARL EPI Eric Projets Immobiliers le 19 octobre 2021, par Monsieur [G] et Madame [U] le 1er février 2022, par Monsieur [E] [O] le 16 décembre 2022 et par la SELARL [L] [V] le 2 janvier 2023 et visées par le greffe auxquelles il convient de se référer expressément en application de l’article 455 du code de procédure civile ;

Vu la clôture de l’instruction prononcée par ordonnance du 10 janvier 2023 ;

* Sur la demande d’annulation de la vente

L’article 1109 du code civil, dans sa version antérieure au 1er octobre 2016 et applicable à l’espèce, dispose, s’agissant des qualités essentielles à la validité des contrats ‘Il n’y a point de consentement valable, si le consentement n’a été donné que par erreur ou s’il a été extorqué par violence ou surpris par le dol’.

Selon l’article 1116 du même code, ‘Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées sont telles, qu’il est évident que, sans ces manoeuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté. Il ne se présume point et doit être prouvé’.

En l’espèce, l’annonce diffusée sur internet par la SARL EPI Eric Projets immobiliers, par laquelle le bien des époux [O] était présenté à la vente, était intitulée ‘Terrain 3 pièces 7400 m²’ et portait, sous les photographies des lieux, la mention suivante ‘terrain de loisir de 74 ares au coeur d’une zone verte deux étangs source bungalow avec chauffage piscine très calme’.

Le ‘compromis de vente’ en date du 8 décembre 2015 signé par les époux [O] d’une part et Monsieur [G] et Madame [U] d’autre part sous l’égide de l’agent immobilier désignait le bien vendu comme ‘un terrain de 74 ares avec 2 étangs situé lieu dit Les Revaux parcelles [Cadastre 9], [Cadastre 3], [Cadastre 2]’.

De même, l’acte authentique ne faisait mention ni du bungalow, ni de la piscine. Il précisait que le bien existait ‘avec tous immeubles par destination’ (page 3), que ‘les dispositions de l’article L.271-1 du code de la construction et de l’habitation sont inapplicables aux présentes, la vente portant sur des parcelles en nature de futaies et de pré comprenant un étang’ (page 8) et s’agissant des dispositions relatives à l’urbanisme les paragraphes suivants (pages 10 et 11) :

‘ Enonciation des documents obtenus

Certificat d’urbanisme d’information

Un certificat d’urbanisme d’information dont l’original est annexé annexe 4 a été délivré le 25 janvier 2016, sous le numéro CU 88463 16H0001. Le contenu de ce certificat dont le détail a été intégralement porté à la connaissance des parties, ce qu’elle reconnaissent, est le suivant :

Les dispositions d’urbanisme applicables

– NC pour la parcelle [Cadastre 9]

NC : zone naturelle non équipée et non destinée à l’être, qu’il convient de protéger en raison de la valeur agricole des terres. Cette zone comporte un secteur Nca dans lequel les activités liées au bois sont autorisées.

– ND pour [les parcelles] [Cadastre 3] et [Cadastre 2]

ND : zone naturelle non équipée et non destinée à l’être, qu’il convient de protéger en raison de la qualité du site et du milieu naturel (zone en majeure partie boisée)

(…)

L’acquéreur (…)

reconnaît que le notaire lui a fourni tous éclaircissements complémentaires sur la portée de ce certificat d’urbanisme

déclare qu’il n’a jamais fait de l’obtention d’un certificat d’urbanisme pré-opérationnel et de la possibilité d’exécuter des travaux nécessitant l’obtention préalable d’un permis de construire une condition des présentes.

Demande générale de renseignements d’urbanisme

Une demande générale de renseignements d’urbanisme dont l’original est annexé annexe n°5 a été délivrée par la commune de [Localité 12] en date du 11 janvier 2016

Zone N – réglementation

Le bien se trouve en zone N.

Le principe est qu’en zone N peuvent seules être autorisées

les constructions et installations nécessaires à l’exploitation agricole et forestière,

les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs ou à des services publics dès lors qu’elles ne sont pas incompatibles avec l’exercice d’une activité agricole, pastorale ou forestière dans l’unité foncière où elles sont implantées et qu’elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages,

sous certaines conditions et dans certains secteurs, les constructions d’annexes aux logements existants’.

Il convient encore de relever d’une part qu’il a été spécifié aux consorts [U]-[G] – déjà informés que la vente était soumise à un droit de préemption de la SAFER au vu des échanges de mails produits – que ce droit avait été purgé et d’autre part que l’acte notarié, qui comprend des dispositions spécifiques relatives au plan d’eau situé sur les parcelles et aux autorisations administratives y afférent, ne comporte aucune des mentions obligatoires et/ou usuelles relatives aux bâtiments à usage d’habitation (surface habitable, diagnostic immobilier…).

L’attestation du maire produite par les acquéreurs n’apporte aucune contradiction aux mentions claires énoncées à l’acte.

Il y a lieu par ailleurs de préciser concernant la mention portée en page 3 que selon l’article 519 du code civil, les bâtiments constituent des immeubles par nature et que les immeubles par destination sont définis à l’article 524 du même code comme les objets et animaux placés par le propriétaire pour l’exploitation de son fonds ainsi que les effets mobiliers qu’il a attachés à perpétuelle demeure.

Il ressort de ce qui précède que les consorts [U]-[G] étaient parfaitement informés du caractère non constructible des parcelles acquises, ce qui a justifié l’opposition de la mairie aux travaux qu’ils ont entrepris une fois devenus propriétaires, projet dont ils ont choisi de taire l’existence lors de la réitération de l’acte authentique malgré les interrogations du notaire à ce sujet.

Il n’est pas contesté que les acquéreurs ont pris possession des ‘parcelles en nature de futaie et pré comprenant un étang’ acquises sur lesquelles avait été laissé le ‘bungalow’ dont l’annonce faisait état.

Il apparaît que les consorts [U]-[G] ont démonté cet ensemble et ont entrepris, sans sollicitation d’un permis de construire ou d’une autorisation, ni déclaration préalable, des travaux de ‘construction d’un chalet’ selon l’attestation du maire qui leur a fait injonction d’y mettre fin au regard du caractère non constructible des parcelles, injonction qu’ils n’ont d’ailleurs pas contestée.

L’annonce en vue de la vente n’est pas produite en couleur, de ce fait les 6 photographies sont peu exploitables mais permettent néanmoins de constater que la piscine était en réalité une structure gonflable autoportée et que le ‘bungalow’ était une caravane au dessus de laquelle avait été disposée une structure en bois la surplombant et protégeant son toit des intempéries, reposant sur six poteaux en bois, et devant laquelle avait été installée une terrasse en bois posée également sur des poteaux.

Il ressort des autres photographies versées aux débats que cette caravane était toujours équipée de ses roues et de sa flèche, que les poteaux de l’auvent reposaient sur des fondations en ciment coulées dans le sol, mais que l’ensemble des équipements disposés comme il vient d’être décrit (terrasse, auvent) n’étaient scellés ni dans le sol, ni dans les plots en béton.

Il résulte de l’attestation de Monsieur [D], ancien maire de la commune de [Localité 12], que cette installation a été mise en place courant 2003, avec son autorisation verbale donnée ‘à titre précaire’, ‘à la condition formelle que ce véhicule ne soit pas fixé au sol et reste stationné sur ses quatre roues, avec son attache, afin qu’il puisse être déplacé ou enlevé à première demande, si besoin était’.

S’agissant de l’alimentation en fluides, il n’est pas contesté par les acquéreurs qu’ils avaient été informés que l’eau était puisée sur les points d’eau du terrain et que l’électricité était produite par un générateur installé sur place. Ainsi, ils ne pouvaient ignorer que l’installation n’était pas raccordée de manière pérenne aux réseaux d’eau et d’électricité.

En tout état de cause, les consorts [U]-[G], en outre régulièrement informés du caractère non constructible des parcelles, ne pouvaient se méprendre sur le fait que la piscine évoquée dans l’annonce n’était qu’une structure gonflable, de même que le ‘bungalow’ était une caravane mobile autour de laquelle avait été mise en place une structure en bois pour la protéger et l’agrémenter.

Dès lors, et sans que ni l’existence de cette structure en bois dont il n’est pas rapporté la preuve qu’elle empêchait le déplacement du véhicule qu’elle abritait, ni l’existence d’un relevé topographique communiqué aux acquéreurs faisant état d’un ‘bâtiment’, ni même l’attestation de Monsieur [P] qui ne s’est jamais déplacé sur place et n’avait pas connaissance de l’exacte configuration, ne remettent en cause cette analyse, l’installation en place relevait non de l’article R. 111-37 actuel du code de l’urbanisme (habitation légère de loisir), mais des dispositions figurant aux articles actuels R. 111-47 et suivants (caravane), tous issus de décrets de 2015.

Or il n’apparaît pas que l’installation de cette caravane est prohibée en application de l’actuel article R. 111-49 du même code et des différents textes auxquels il renvoie. D’ailleurs, l’attestation du maire que les acquéreurs produisent ne se réfère qu’à l’existence d’un cabanon – lequel n’est pas évoqué par ceux-ci dans la motivation au soutien de leur demande dans le corps de leurs conclusions, celui-ci n’étant d’ailleurs évoqué ni dans les actes relatifs à la vente, ni dans l’annonce et n’apparaissant pas, en tout état de cause, avoir eu un rôle déterminant dans le consentement des acquéreurs – et n’aborde pas la situation de la caravane et de la structure en bois disposée autour, de telle sorte que ce témoignage n’est pas de nature à étayer l’illégalité alléguée par les intimés.

En outre, la légalité de la situation doit être appréciée non au regard de la législation actuelle, mais de celle applicable en 2003 – ainsi que le soulève le notaire. Or les acquéreurs ne démontrent pas que celle-ci interdisait la mise en place de l’ensemble.

En l’état de ces énonciations, il convient de constater que la seule mention de la présence d’un ‘bungalow’ dans l’annonce mise en ligne par l’agence immobilière ne constituait pas une manoeuvre dolosive, que le bien cédé ne contrevenait pas aux dispositions d’urbanisme et que les consorts [U]-[G] ont librement et en pleine connaissance de la situation consenti à l’acte de vente.

Il convient en conséquence d’infirmer le jugement et de débouter les consorts [U]-[G] de leur demande d’annulation de la vente et de leurs demandes de dommages-intérêts à l’encontre du vendeur, y compris de leur appel incident.

** Sur la responsabilité des professionnels intervenus à l’acte vis-à vis des consorts [U]-[G]

Vu l’article 1382 du code civil dans sa rédaction applicable,

L’intermédiaire professionnel, qui prête son concours à la rédaction d’un acte, après avoir été mandaté par l’une des parties, est tenu de s’assurer que se trouvent réunies toutes les conditions nécessaires à l’efficacité juridique de la convention, même à l’égard de l’autre partie.

En l’espèce, les seules fautes reprochées à l’agent immobilier sont d’avoir fait figurer la mention ‘bungalow’ sur l’annonce qu’il a diffusée sur internet et d’avoir caché aux consorts [U]-[G] l’illégalité des ‘constructions’ se trouvant sur les parcelles cédées.

Or, ainsi qu’il a été dit, la désignation sous le terme de ‘bungalow’ de la caravane surmontée d’un auvent et agrémentée d’une terrasse en bois ne constitue pas une manoeuvre et n’a pas induit les acquéreurs en erreur compte-tenu de leur connaissance des lieux et de l’ensemble des informations portées à leur attention. La discordance entre l’annonce et le ‘compromis de vente’ rédigé par l’agent ne caractérise pas une faute compte-tenu de l’ensemble des motifs détaillés ci-dessus. S’agissant de la preuve du caractère illégal de l’installation, elle n’est pas rapportée.

Concernant le notaire, il a rédigé un acte efficace sur le plan juridique et conforme au compromis qui lui avait été soumis. Il a dispensé aux parties à la vente toutes les informations qu’il était chargé de vérifier, notamment les renseignements d’urbanisme et l’attestation du maire est insuffisante à démontrer qu’il lui a été signalé des irrégularités d’urbanisme, qui ne sont mentionnées sur aucun des documents qui lui ont été officiellement communiqués et notamment par sur les notes d’urbanisme délivrées par la mairie. Les acquéreurs lui ont caché leur projet de modification comme cela résulte de l’acte, de telle sorte qu’ils ne peuvent lui reprocher un manquement à son devoir de conseil. En outre, il ne lui incombait ni de procéder à la visite des immeubles vendus avec son concours, ni de mettre en garde ou de se prononcer sur l’opportunité économique de l’opération.

Dès lors, en l’absence de démonstration de faute commise par l’agent immobilier et le notaire, la responsabilité de ces deux professionnels n’est pas engagée. Il convient d’infirmer le jugement qui les a condamnés in solidum avec les vendeurs au paiement de 19838,18 euros au profit des acquéreurs et de débouter ceux-ci de toutes les demandes à leur encontre, y compris de leur appel incident.

Il convient dès lors de débouter les consorts [U]-[G] de leurs demandes contre le notaire et l’agent immobilier.

*** Sur les demandes accessoires

Maître [V], Monsieur [O] et la SARL Epi Eric Projets Immobiliers ne sont pas à l’origine de la procédure qui a été introduite par les consorts [U]-[G] et sont reçus dans leurs demandes à hauteur de cour.

Dès lors, aucune faute n’est caractérisée à leur encontre et il convient de débouter les acquéreurs de leur demande de dommages-intérêts en raison du caractère abusif de leur appel.

Les consorts [U]-[G] ayant été reçus en leurs demandes par le jugement qui est certes réformé, ils ne peuvent en conséquence se voir condamnés pour procédure abusive.

Il convient en conséquence de débouter Maître [V], Monsieur [O] et la SARL Epi Eric Projets Immobiliers de leurs demandes en ce sens.

Il convient de condamner les consorts [U]-[G], qui succombent en leurs demandes, aux dépens de première instance et d’appel.

Pour ces mêmes motifs, il y a lieu également d’infirmer le jugement de première instance qui a condamné l’ensemble des appelants à payer une certaine somme aux consorts [U]-[G] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et de les débouter de leur demande.

Il convient des les condamner sur ce fondement à régler :

– la somme de 4000 euros à Monsieur [O],

– la somme de 1500 euros à Maître [V],

– la somme de 1500 euros à la SARL Epi Eric Projets Immobiliers.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement rendu le 26 novembre 2020 en ce qu’il a :

– prononcé l’annulation de la vente passée le 12 février 2016 entre Monsieur [Y] [G] et Madame [A] [U] d’une part, et Monsieur [E] [O] et Madame [S] [K] d’autre part, par acte authentique reçu par Maître [L] [V], notaire à [Localité 11], portant sur le bien désigné à [Localité 12] ‘[Localité 7]’, parcelles en nature de futaie et de pré comprenant deux étangs, cadastrées section [Cadastre 2], [Cadastre 3] et [Cadastre 9] lieudit [Localité 7],

– condamné Monsieur [E] [O] et Madame [S] [K] à payer à Monsieur [Y] [G] et Madame [A] [U] la somme de 61000 euros,

– condamné in solidum Monsieur [E] [O] et Madame [S] [K], la SARL Epi Eric Projets Immobiliers et la SELARL [L] [V] à payer à Monsieur [Y] [G] et Madame [A] [U] la somme de 19838,18 euros,

– condamné in solidum Monsieur [E] [O] et Madame [S] [K], la SARL Epi Eric Projets Immobiliers et la SELARL [L] [V] aux dépens,

– condamné in solidum Monsieur [E] [O] et Madame [S] [K], la SARL Epi Eric Projets Immobiliers et la SELARL [L] [V] à payer à Monsieur [Y] [G] et Madame [A] [U] la somme de 3000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Confirme le surplus des dispositions contestées, y compris celle ayant rejeté les demandes de dommages-intérêts pour préjudice moral de Monsieur [Y] [G] et Madame [A] [U] et pour procédure abusive formées à l’encontre de ceux-ci ;

Statuant à nouveau sur ces chefs infirmés et y ajoutant,

Rejette la demande d’annulation de la vente conclue le 12 février 2016 entre Monsieur [Y] [G] et Madame [A] [U] d’une part, et Monsieur [E] [O] et Madame [S] [K] d’autre part, par acte authentique reçu par Maître [L] [V], notaire à [Localité 11], portant sur le bien désigné à [Localité 12] ‘[Localité 7]’, parcelles en nature de futaie et de pré comprenant deux étangs, cadastrées section [Cadastre 2], [Cadastre 3] et [Cadastre 9] lieudit [Localité 7] ;

Déboute Monsieur [Y] [G] et Madame [A] [U] de l’ensemble leurs demandes formées contre Monsieur [E] [O] et Madame [S] [K], la SARL Epi Eric Projets Immobiliers et la SELARL [L] [V] ;

Les déboute de leur demande d’indemnisation pour appel abusif ;

Les condamne aux dépens de première instance et aux dépens de la procédure d’appel ;

Les déboute de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en appel ;

Les condamne à payer en application de l’article 700 du code de procédure civile :

– la somme de 4000 euros (QUATRE MILLE EUROS) à Monsieur [O],

– la somme de 1500 euros (MILLE CINQ CENTS EUROS) à Maître [V],

– la somme de 1500 euros (MILLE CINQ CENTS EUROS) à la SARL Epi Eric Projets Immobiliers.

Le présent arrêt a été signé par Madame CUNIN-WEBER, Présidente de la première chambre civile de la Cour d’Appel de NANCY, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Signé : C. PERRIN.- Signé : N. CUNIN-WEBER.-

Minute en treize pages.

 


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