Droits des héritiers : 6 juin 2023 Cour d’appel de Caen RG n° 17/01969

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Droits des héritiers : 6 juin 2023 Cour d’appel de Caen RG n° 17/01969

6 juin 2023
Cour d’appel de Caen
RG n°
17/01969

AFFAIRE : N° RG 17/01969 –

N° Portalis DBVC-V-B7B-F3MH

 

ARRÊT N°

JB.

ORIGINE : DÉCISION du Tribunal de Grande Instance de COUTANCES du 04 Mai 2017

RG n° 14/01070

COUR D’APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 06 JUIN 2023

APPELANTE :

Madame [P] [D] [J] épouse [R]

née le 03 Avril 1972 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée et assistée de Me Laurent MARIN, avocat au barreau de COUTANCES

INTIMÉ :

Monsieur [U] [I] [L] [G]

né le 15 Mars 1952 à [Localité 4]

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 2]

PORTUGAL

représenté et assisté de Me Mickaël DARTOIS, avocat au barreau de CAEN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. GUIGUESSON, Président de chambre,

M. GARET, Président de chambre,

Mme VELMANS, Conseillère,

DÉBATS : A l’audience publique du 04 avril 2023

GREFFIER : Mme COLLET

ARRÊT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile le 06 Juin 2023 et signé par M. GUIGUESSON, président, et Mme COLLET, greffier

EXPOSE DU LITIGE

Madame [O] [G] veuve [D] [J] est décédée le 19 janvier 2013, laissant pour lui succéder ses deux enfants, nés de deux unions différentes, Monsieur [U] [G] et Madame [P] [D] [J] épouse [R].

Par jugement du 4 mai 2017, le tribunal de grande instance de Coutances a ordonné l’ouverture des opérations de compte, liquidation, partage de sa succession et ordonné avant-dire-droit une expertise comptable afin de reconstituer l’ensemble des mouvements et transferts de fonds ayant eu lieu sur la période de mars 2008 jusqu’au 20 avril 2011, comparer les retraits et mouvements de comptes avec les comptes de Madame [P] [R] et dire si cette dernière a pu bénéficier directement ou indirectement de chèques, retraits ou mouvements d’argent.

Par arrêt du 21 janvier 2020, la cour de céans, sur appel de Madame [R] portant uniquement sur l’expertise financière a :

– confirmé le jugement entrepris en ce qu’il avait ordonné une telle expertise, tout en modifiant la mission de l’expert,

– sursis à statuer dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise sur les demandes de Monsieur [G] tendant à la reconstitution du patrimoine mobilier de sa mère aux fins d’inventaire, à la réintégration des avantages liés à l’usufruit par Madame [R] des propriétés d'[Localité 3] et d'[Localité 6] et à l’existence d’un recel successoral avec pour conséquence l’exclusion du partage pour l’ensemble des biens recélés, et à titre infiniment subsidiaire, sur la prise en charge par la seule Madame [R] des éventuels dommages-intérêts dus à Madame [V] [C] dans le cadre de la procédure prud’homale en cours,

– débouté Madame [P] [R] de ses autres demandes,

– condamné Madame [P] [R] à payer à Monsieur [U] [G] une somme de 1.500,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– réservé les dépens.

L’expert judiciaire n’a pu obtenir la communication par le CIC, des relevés de comptes de Madame [O] [D] [J], celui-ci lui opposant le secret bancaire.

Il a donc déposé un procès-verbal de carence le 13 décembre 2021.

Par arrêt du 22 mars 2022, la cour au vu de ce procès-verbal de carence a :

– déclaré sans objet la requête en rectification d’omission matérielle présentée ainsi que la demande formée en mesure d’astreinte,

– mis un terme à la mesure d’instruction ordonnée,

– renvoyé l’affaire pour fixation à la mise en état,

– réservé les dépens et rejeté toutes autres demandes en ce compris celles présentées en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Un avis de fixation en date du 19 octobre 2022 a été notifié aux parties, indiquant que l’affaire était fixée pour plaider à l’audience du 4 avril 2023 avec une clôture le 8 mars 2023.

Madame [P] [R] a signifié les 7 mars et 20 mars des conclusions récapitulatives aux termes desquelles elle demande à la cour au visa de l’article 778 du code civil, de :

– débouter Monsieur [G] de ses demandes de reconstitution du patrimoine mobilier de Madame [D] [J],

– le débouter également de ses demandes relatives à la prise en charge des dommages-intérêts de la procédure prud’homale [C],

– le débouter de ses demandes relatives à la gestion d’affaires,

– dire que le notaire désigné aura à prendre en compte la créance de Madame [R] pour les droits de succession qu’elle a supportés en excédent de sa part, de même que la créance d’usufruit mise dans son lot à l’occasion de la succession de son père et dont elle est fondée à faire état dans le cadre de la succession de Madame [O] [G],

– condamner Monsieur [G] au paiement d’une indemnité de 5.000,00 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de son conseil.

Aux termes de ses dernières écritures au fond en date du 10 octobre 2019, Monsieur [G] concluait à la confirmation du jugement en ce qu’il a ordonné l’ouverture des opérations de liquidation, partage de la succession de sa mère avec désignation d’un notaire et d’un juge commis et ordonné une expertise comptable, et demandait à la cour de :

– donner également mission au notaire désigné de reconstituer l’ensemble des biens mobiliers ayant appartenu à feue Madame [D] [J], (tableaux, meubles, bijoux), aux fins d’inventaire définitif de ses biens ; lequel notaire pourra s’adjoindre tout sapiteur de son choix,

– voir, dire et juger que seront réintégrés les avantages liés à l’usufruit par [P] [R] des propriétés d'[Localité 3] (50) et d'[Localité 6] (14),

– déclarer Madame [P] [R] coupable de recel, dire qu’elle sera en conséquence exclue du partage pour l’ensemble des biens recelés,

A titre infiniment subsidiaire,

– voir dire et juger qu’il y aura lieu de considérer que l’embauche par Madame [P] [R] de Madame [V] [C] constituerait une gestion d’affaires et en conséquence, dire et juger que celle-ci est fautive et négligente engageant ainsi la responsabilité de ladite Madame [R] laquelle sera tenue à titre personnel de supporter au besoin à titre de dommages-intérêts, l’ensemble des condamnations pouvant bénéficier à Madame [C] de telle sorte que la succession ne puisse en aucune façon être tenue desdites sommes,

– débouter Madame [P] [R] de toutes ses demandes,

– réserver les dépens.

Pour l’exposé complet des prétentions et de l’argumentaire des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures susvisées conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 22 mars 2023 à 9 H, le conseil de Monsieur [G] ayant sollicité son report.

Par conclusions de procédure du 22 mars 2023 à 18 H 39, Monsieur [G] a sollicité le rejet pur et simple des conclusions, bordereau et pièces 113 à 115, signifiées le 20 mars 2023 par Madame [P] [R].

Par conclusions de procédure du 4 avril 2023, Madame [R] a conclu à la recevabilité desdites conclusions.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de rejet des conclusions de Madame [R] du 20 mars 2023

Un avis de fixation de l’affaire à l’audience du 4 avril 2023, a été adressé aux parties le 19 octobre 2022, leur indiquant que la clôture serait fixée le 8 mars 2023.

Madame [R] ayant conclu le 7 mars 2023, l’ordonnance de clôture a été finalement rendue le 22 mars 2023.

Dès lors ses conclusions signifiées le 20 mars 2023, à deux jours de la clôture doivent être considérées comme tardives et seront rejetées, tout comme les pièces supplémentaires qu’elles visent (pièces 113 à 115).

Sur les dire et juger

A titre liminaire, il convient de rappeler que les demandes de ‘dire’ et ‘dire et juger’ ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 768 du code de procédure civile, et ne seront donc pas examinées par la cour.

Sur l’autorité de la chose jugée de certaines créances revendiquées par Madame [R]

Dans ses dernières écritures , Madame [R] demande que le notaire désigné prenne en compte sa créance relative aux droits de succession qu’elle a supportés en excédent de sa part suite à l’annulation des contrats d’assurance-vie dont elle était bénéficiaire, de même que la créance de quasi-usufruit mise dans son lot à l’occasion de la succession de son père.

La cour dans son arrêt du 21 janvier 2020, a d’ores et déjà statué par un arrêt définitif, sur ces demandes qu’il a rejetées.

Elles sont donc irrecevables comme se heurtant à l’autorité de la chose jugée.

La cour n’examinera donc que les demandes ayant fait l’objet du sursis à statuer dans cet arrêt.

Sur la reconstitution du patrimoine mobilier de Madame [D] [J]

La cour constate d’une part que l’expert qu’elle a désigné, n’a pas été en mesure de reconstituer les mouvements de fonds, ni d’indiquer les bénéficiaires des transferts de fonds et de chèques émis sur les comptes de Madame [O] [R] pour la période de mars 2008 au 20 avril 2011, et d’autre part, que Monsieur [G], qui n’a pas conclu après dépôt du rapport de carence de l’expert, ne formule aucune demande à l’encontre de Madame [R] relativement à ces mouvements de fonds.

Quant à la reconstitution des biens mobiliers (tableaux, meubles, bijoux), il n’y a pas lieu de donner spécialement mission au notaire désigné d’en faire un inventaire définitif, puisqu’il devra nécessairement le faire dans le cadre des opérations de compte, liquidation, partage, évaluer les biens mobiliers de Madame [D] [J] en fonction des pièces en sa possession.

Monsieur [G] sera donc débouté de sa demande à ce titre.

Sur la réintégration des avantages liés à l’usufruit de Madame [R] sur les propriétés d'[Localité 3] et [Localité 6]

La cour constate que Monsieur [G] ne développe dans ses écritures aucun moyen relatif à l’existence d’avantages dont aurait bénéficié Madame [R] en rapport avec l’usufruit de propriétés situées à [Localité 3] et [Localité 6], étant en outre relevé que la mention ‘dire et juger’ énoncée dans le dispositif de ses conclusions ne constitue pas une prétention comme il a été rappelé ci-dessus et n’a donc pas à être examinée.

En tout état de cause, Madame [R] produit les actes notariés en date des 30 septembre 1999 et 20 décembre 2000, aux termes desquels, Madame [O] [D] [J] lui a fait donation à titre préciputaire de l’usufruit de ces deux propriétés, qui sont mentionnées dans le projet de partage qu’elle verse aux débats (Cf. Pièce N°8) ainsi que dans la déclaration de succession (Cf. Pièce N°9).

Sur le recel successoral

En vertu de l’article 778 du code civil, le recel successoral vise toutes les fraudes au moyen desquelles un héritier cherche, au détriment de ses cohéritiers, à rompre l’égalité du partage, soit qu’il divertisse des effets de la succession en se les appropriant indûment, soit qu’il les recèle en dissimulant sa possession dans des circonstances où il serait selon la loi, tenu des les déclarer.

Le recel comporte à la fois un élément matériel et un élément intentionnel dont la preuve incombe à celui qui s’en prévaut.

Il n’appartient pas à l’héritier auquel le recel est reproché de démontrer sa bonne foi.

Monsieur [G] demande à la cour de déclarer Madame [R] coupable de recel et de dire qu’elle sera exclue du partage pour l’ensemble des biens recelés.

Comme il a été dit ci-dessus, l’expertise comptable s’étant soldée par un rapport de carence de l’expert qui n’a pu obtenir les pièces nécessaires pour mener à bien sa mission, et en l’absence de toute autre pièce probante, il ne peut être retenu un recel à l’encontre de Madame [R], s’agissant des mouvements réalisés sur les comptes de sa mère.

Il en va de même s’agissant des biens mobiliers (tableaux, bijoux, meubles) puisqu’aucun inventaire n’a été dressé à ce jour et que Monsieur [G] n’établit pas que les biens dont il affirme qu’ils auraient disparu, aient bénéficié à sa soeur.

Il résulte certes d’un arrêt de la chambre des appels correctionnels de cette cour en date du 10 février 2014 (Cf. Pièce N°9), que Madame [R] a été condamnée pour escroquerie au jugement pour avoir présenté au juge des tutelles du tribunal d’instance d’Avranches le 10 juillet 2008 des pièces falsifiées censées démontrer que les dépenses effectuées par sa mère l’avaient bien été l’intérêt de cette dernière, ceci, afin d’obtenir d’être désignée comme tutrice, alors que son frère s’y opposait.

Si elle a reconnu dans le cadre de cette procédure que certaines factures libellées au nom de sa mère, correspondaient à des travaux ou des achats effectués pour son propre compte, ces faits ont été découverts dans le cadre de la procédure de tutelle, et avant le décès de sa mère, de telle sorte que le recel qui suppose une dissimulation au moment de la succession ne peut être retenu.

La cour relève par ailleurs qu’aucune demande n’a été présentée par Monsieur [G] afin de voir réintégrer les sommes dont Madame [R] a ainsi bénéficié, au titre de donations indirectes.

Monsieur [G] sera donc débouté de sa demande au titre du recel successoral.

Sur la prise en charge par Madame [R] de la créance de Madame [V] [C]

Madame [V] [C] a été embauchée en qualité d’aide-soignante auprès de Madame [O] [D] [J] dont la santé mentale était déjà altérée, après avoir répondu à une annonce passée dans le journal par sa fille, Madame [R].

Madame [C] n’ayant pu obtenir la régularisation écrite de son contrat de travail, a quitté ses fonctions le 29 novembre 2007.

Par arrêt de la présente cour du 29 avril 2016, la chambre sociale a dit que la rupture du contrat de travail ayant existé entre Madame [C] et Madame [O] [D] [J] prenait les effets d’un licenciement abusif et a condamné Madame [R] et Monsieur [G] en leur qualité d’ayants-droits de leur mère à payer diverses sommes à Madame [C], dont des dommages-intérêts pour travail dissimulé.

Il est constant que cet arrêt étant définitif, la créance de Madame [C] incombe donc nécessairement à la succession de Madame [D] [J].

Force est de constater que Monsieur [G], s’il se prévaut de fautes imputables à Madame [R] ayant conduit à cette décision, ne formule pas de demande condamnation à l’encontre de celle-ci, se contentant de mentionner dans ses écritures :

‘Voir dire et juger qu’il y aura lieu de considérer que l’embauche par Madame [P] [R] de Madame [V] [C] constituerait une gestion d’affaires et en conséquence, dire et juger que celle-ci est fautive et négligente engageant ainsi la responsabilité de ladite Madame [R] laquelle sera alors tenue à titre personnel de supporter au besoin à titre de dommages-intérêts, l’ensemble des condamnations pouvant bénéficier à Madame [C] de telle sorte que la succession ne puisse en aucune façon être tenue desdites sommes’.

Il ne peut donc être donné suite à une telle formulation qui ne constitue pas une prétention au sens de l’article 768 du code de procédure civile.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

L’équité commande de ne pas faire droit à la demande d’indemnité formée par Madame [R] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Compte tenu de la nature de l’affaire, les dépens y compris les frais d’expertise, seront employés en frais privilégiés de partage.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement après sursis à statuer, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

REJETTE comme tardives les conclusions et pièces signifiées le 20 mars 2023 par Madame [P] [R],

RAPPELLE que les ‘dire et juger’ ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 768 du code de procédure civile, et n’ont donc pas à être examinés,

CONSTATE que la cour dans son arrêt définitif du 21 janvier 2020 a rejeté les demandes de Madame [P] [R] tendant à ce que le notaire désigné prenne en compte sa créance pour les droits de succession qu’elle a supportés en excédent de sa part suite à l’annulation de rachats sur les contrats d’assurance-vie de sa mère, ainsi que la créance d’usufruit mise dans son lot à l’occasion de la succession de son père,

LES DÉCLARE donc irrecevables,

DÉBOUTE Monsieur [U] [G] de sa demande tendant à ce qu’il soit donné mission au notaire désigné de reconstituer l’ensemble des biens mobiliers ayant appartenu à Madame [O] [D] [J] aux fins d’un inventaire définitif de ses biens,

DÉBOUTE Monsieur [U] [G] de sa demande tendant à voir reconnaître Madame [P] [R], coupable d’un recel successoral,

DÉBOUTE Madame [P] [R] de sa demande d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

DIT que les dépens de première instance et d’appel, comprenant les frais d’expertise, seront employés en frais privilégiés de partage.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

M. COLLET G. GUIGUESSON

 


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