Droits des héritiers : 7 juin 2023 Cour d’appel de Poitiers RG n° 22/00262

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Droits des héritiers : 7 juin 2023 Cour d’appel de Poitiers RG n° 22/00262

7 juin 2023
Cour d’appel de Poitiers
RG n°
22/00262

ARRET N°

N° RG 22/00262 – N° Portalis DBV5-V-B7G-GOYB

[M]

C/

[M]

[M]

[M]

[M]

[T]

[M]

[M]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

4ème Chambre Civile

ARRÊT DU 07 JUIN 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/00262 – N° Portalis DBV5-V-B7G-GOYB

Décision déférée à la Cour : jugement du 14 décembre 2021 rendu par le tribunal judiciaire de LA ROCHELLE.

APPELANTE :

Madame [TS] [M] épouse [J]

née le 10 Avril 1964 à [Localité 4]

[Adresse 13]

[Adresse 13]

[Localité 4]

ayant pour avocat Me Charles-Emmanuel ANDRAULT de la SELARL OPTIMA AVOCATS, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT

INTIMES :

Monsieur [E] [M]

né le 03 Mars 1960 à [Localité 4]

[Adresse 7]

[Localité 4]

ayant pour avocat Me Cécile HIDREAU de la SCP BODIN-BOUTILLIER-DEMAISON-GIRET-HIDREAU-SHORTHOUSE, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT

Monsieur [A] [M]

né le 22 Janvier 1958 à [Localité 4]

[Adresse 9]

[Localité 4]

ayant pour avocat Me Cécile HIDREAU de la SCP BODIN-BOUTILLIER-DEMAISON-GIRET-HIDREAU-SHORTHOUSE, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT

Madame [N] [M] épouse [O]

née le 25 Juillet 1954 à [Localité 4]

[Adresse 2]

[Localité 6]

ayant pour avocat Me Cécile HIDREAU de la SCP BODIN-BOUTILLIER-DEMAISON-GIRET-HIDREAU-SHORTHOUSE, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT

Madame [RB] [M] épouse [BX]

née le 19 Février 1956 à [Localité 4]

[Adresse 10]

[Localité 3]

ayant pour avocat Me Cécile HIDREAU de la SCP BODIN-BOUTILLIER-DEMAISON-GIRET-HIDREAU-SHORTHOUSE, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT

Monsieur [I] [T]

né le 08 Janvier 1952 à [Localité 4]

[Adresse 8]

[Localité 12]

ayant pour avocat Me Cécile HIDREAU de la SCP BODIN-BOUTILLIER-DEMAISON-GIRET-HIDREAU-SHORTHOUSE, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT

Monsieur [KH] [C] [M]

né le 23 octobre 1968 à [Localité 4]

[Adresse 11]

[Adresse 11]

[Localité 5]

Défaillant

Monsieur [X] [G] [M]

né le 15 janvier 1957 à [Localité 4]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Défaillant

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 10 Mai 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Dominique NOLET, Président, qui a présenté son rapport

Madame Marie-Béatrice THIERCELIN, Conseiller

Madame Ghislaine BALZANO, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Madame Diane MADRANGE,

ARRÊT :

– PAR DEFFAUT

– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

**********************

EXPOSE DU LITIGE

Par jugement du 14/12/2021 le tribunal judiciaire de La Rochelle a statué comme suit :

– Ordonne l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de Mme [P] [CU] née le 7 Mai 1931 à [Localité 4] et décédée à [Localité 4] le 26 décembre 2017,

– Désigne Maître [SJ], notaire à [Localité 14] pour y procéder,

– Désigne Mme [U] [Z] en qualité de juge chargé de surveiller les opérations,

– Déclare Mme [TS] [M] coupable de recel successoral,

– Condamne Mme [TS] [M] à rapporter à la succession la somme de 97.233,47 euros (quatre vingt dix sept mille deux cent trente trois euros et quarante sept centimes),

– Déclare Mme [TS] [M] déchue de tout droit sur la somme de 97.233,47 euros (quatre vingt dix sept mille deux cent trente trois euros et quarante sept centimes),

– Condamne Mme [TS] [M] à rapporter à la succession la somme de 20.000 euros (vingt mille euros) au titre des donations consenties par Mme [P] [CU],

– Condamne M. [KH] [M] à rapporter à la succession la somme de 20.000 euros (vingt mille euros) au titre des donations consenties par Mme [P] [CU],

– Ordonne la capitalisation des intérêts,

– Déboute les parties de leurs plus amples demandes,

– Rappelle que le notaire commis devra dresser un état liquidatif établissant les comptes entre copartageants, la masse partageable, les droits des parties et la composition des lots à répartir dans le délai d’un an à compter de sa désignation,

– Dit que ce délai peut être prorogé d’une année au maximum sur requête du notaire ou d’un copartageant,

– Dit qu’en cas de difficultés, le notaire pourra solliciter du juge chargé de surveiller les opérations toute mesure de nature à favoriser le déroulement des opérations,

– Rappelle que le notaire commis pourra s’adjoindre un expert, choisi d’un commun accord par les parties ou à défaut, par le juge chargé du contrôle,

– Dit qu’à défaut d’accord, le notaire devra transmettre un procès-verbal reprenant les dires respectifs des parties ainsi qu’un projet d’état liquidatif,

– Condamne Mme [TS] [M] à verser à M. [E] [M], M. [A] [M], Mme [N] [M] veuve [O], Mme [RB] [M] épouse [BX], M. [I] [T] la somme de 4.000 euros (quatre mille euros) au titre des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

– Condamne Mme [TS] [M] aux dépens incluant ceux de l’instance en référé,

– Condamne Mme [TS] [M] aux frais d’expertise judiciaire taxés à la somme de 3.997,87 (trois mille neuf cent quatre vingt dix sept euros et quatre vingt sept centimes),

– Rappelle que l’exécution provisoire est de droit.

Par déclaration du 28/01/2022 dont la régularité n’est pas contestée, Mme [TS] [M] relevait appel de cette décision. Elle conclut à la réformation partielle de ce jugement et demande à la cour de :

– désigner le Président de la chambre des notaires de Charente Maritime avec faculté de délégation pour qu’il procède aux opérations de comptes, liquidation et partage de la succession de Mme [P] [CU],

– juger qu’elle n’est pas coupable de recel successoral et qu’elle n’est pas débitrice d’une obligation de rapport à la succession de 20.000 euros.

Subsidiairement elle demande la réouverture des opérations d’expertise confiées à M. [R],

A titre infiniment subsidiaire elle demande de juger que les sommes rapportables à la succession par Mme [TS] [M] n’excèdent pas la somme de 72.460,94 euros.

En tout état de cause :

– juger qu’il n’y a pas lieu à capitalisation des intérêts,

– rejeter les prétentions des intimés,

– condamner solidairement M. [A] [M], M. [E] [M], Mme [N] [M] veuve [O], Mme [RB] [M] épouse [BX], M. [I] [T], M. [X] [M] et M. [KH] [M] à lui payer 4.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner solidairement M. [A] [M], M. [E] [M], Mme [N] [M] veuve [O], Mme [RB] [M] épouse [BX], M. [I] [T], M. [X] [M] et M. [KH] [M] au paiement de la somme de 8.724,32 euros correspondant aux sommes qu’elle a acquittées dans le cadre de l’exécution provisoire du jugement.

M. [E] [M], M. [A] [M], Mme [N] [M] veuve [O], Mme [RB] [M] épouse [BX], M. [I] [T] forment un appel incident et demandent à la cour de :

– condamner Mme [TS] [M] à rapporter à la succession la somme complémentaire de 9.000 euros,

– dire que les rapports produiront intérêts à compter du décès du 26/12/2017.

Ils concluent pour le surplus à la confirmation du jugement déféré et à la condamnation de Mme [TS] [M] à leur payer la somme de 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La déclaration d’appel et les conclusions ont été signifiées à M. [KH] [M] le 30/03/2022 et le 20/06/2022 à l’étude de l’huissier.

La déclaration d’appel et les conclusions ont été signifiées à M. [X] [M] le 20/03/2022 à sa personne et le 14/06/2022 à l’étude de l’huissier.

Ils n’ont pas constitué avocat.

Vu les dernières conclusions de l’appelante en date du 22/04/2022 ;

Vu les dernières conclusions des intimés en date du 2/06/2022 ;

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 12/04/2023.

SUR QUOI

Mme [P] [CU] née le 7 mai 1931 à [Localité 4] est décédée le 26 décembre 2017 à [Localité 4].

Son époux, M. [Y] [M], né le 24 janvier 1919 est pré-décédé à [Localité 4] le 22 octobre 1982.

Me [F], notaire, était chargé des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de Mme [P] [CU].

Celle-ci a laissé pour lui succéder les parties à la présente procédure : ses enfants nés de son union avec M. [M] et son fils M. [I] [T] né de son union avec M. [K] [T] dont elle a divorcé le 06 février 1957.

Les consorts [M] avant l’engagement de la présente procédure au fond ont fait assigner en référé Mme [TS] [M] par exploit du 7 février 2019 afin qu’elle soit condamnée sous astreinte de 100,00 euros par jour de retard à la reddition des comptes depuis le 12 novembre 2009 (date d’entrée en maison de retraite) sur les comptes de feu Mme [P] [CU] et que soit ordonnée une expertise judiciaire afin de connaître les mouvements d’écritures sur ses comptes bancaires.

Par ordonnance du 12 mars 2019, le tribunal de grande instance de La Rochelle a ordonné une expertise confiée à [KT] [S] afin notamment de décrire l’évolution des avoirs de Mme [P] [CU] dans les années ayant précédé son décès et depuis son entrée en maison de retraite le 12 novembre 2009 et en particulier les sommes et valeurs qui ont pu être perçues par la concluante et tout autre héritier.

Le tribunal a rejeté la demande en reddition de compte qui avait été formulée par les demandeurs, cette prétention se heurtant à une contestation sérieuse.

M. [KT] [S] a été remplacé par M. [V] [R] qui, après avoir réuni les parties le 03 juillet 2019, a déposé son rapport définitif le 30 juillet 2020.

Par exploit du 02 décembre 2020, M. [E] [M], M. [A] [M] , Mme [N] [M] veuve [O], Mme [RB] [M] épouse [BX], M. [I] [T] ont fait assigner M. [X] [M], M. [KH] [M] et Mme [TS] [M] aux fins précitées.

SUR LA DÉSIGNATION DU NOTAIRE

Mme [TS] [M] s’oppose à la désignation de Me [SJ] car celui-ci est parti à la retraite.

M. [E] [M], M. [A] [M] , Mme [N] [M] veuve [O], Mme [RB] [M] épouse [BX], M. [I] [T] n’ont pas conclu de ce chef.

Il sera donc fait droit à l’appel de Mme [TS] [M] sur ce point.

SUR LE RAPPORT A LA SUCCESSION

Mme [P] [CU] invalide, a été placée en maison de retraite le 12/11/2009 alors qu’elle était âgée de 78 ans.

Elle possédait deux maisons qui ont été vendues de son vivant l’une pour la somme de 150.000 euros et l’autre pour la somme de 113.750 euros. Total : 263.750 euros.

Elle percevait une pension de retraite mensuelle de 795 euros. Elle a perçu pendant son séjour à la maison de retraite : 77.081 euros (795 x 97).

Le montant des dépenses de sa maison de retraite étaient de 2.134,97 euros par mois ce qui a représenté de son vivant une dépense globale de 207.092 euros (2.134,97 X 97).

Il ressort du rapport de l’expert [R] que selon Maître [SJ] la succession de Mme [P] [CU] est composée comme suit :

– Actif :

o Des comptes bancaires détenus à la Caisse d’Epargne Aquitaine Poitou-Charentes pour un total au jour du décès de 24.772,53 euros,

o Des terrains sis à [Localité 4].

– Le passif :

o Taxe foncière 2018 d’un montant de 39 euros,

o Redevance 2018 pour remembrement d’un montant de 15,53 euros.

L’expert indique ‘ que les mouvements observés sur le compte chèque Caisse d’Epargne de Mme [P] [CU] mettent en évidence, qu’alors qu’elle était en maison de retraite une utilisation intensive de ce compte a été faite par Mme [TS] [M]. Il a constaté :

– de nombreux retraits d’espèces,

– l’émission de nombreux chèques,

– de nombreux règlements par carte bancaire notamment auprès de magasins de sport ou de bricolage, bureau de tabac.

Le total des mouvements observés sur ce compte entre le 3/01/2011 et le 18/12/2017 s’élève à plus de 100.000 euros .’

Il ressort des déclarations de Mme [TS] [M] devant l’expert :

‘- que 20.000 euros lui ont été donnés par sa mère, (4 chèques),

– que 9.000 euros lui ont été donnés par sa mère (2 chèques),

– qu’elle était titulaire d’une procuration, tous les mouvements bancaires observés ont été de son chef,

– que certaines sommes ont été utilisées pour des besoins personnel,

– qu’elle a consacré sa vie à sa mère depuis ses 18 ans.

L’expert indique également en réponse aux dires de Me [L] que :

‘ lors de la réunion d’expertise il a été acté que Mme [P] [CU] a consenti plusieurs donations à ses enfants et petits-enfants récapitulées comme suit :

– donation à M. [KH] [M] : 20.000 euros,

– donation à Mme [TS] [M] : 20.000 euros en quatre chèques,

– donation à M. [B] [J] : 9.000 euros en juin 2014, deux chèques.

Sur ce point, l’expert a ensuite modifié son dire en indiquant que ces 9.000 euros ont été perçus par Mme [TS] [M] en sorte que le rapport à succession qu’elle doit au titre d’une donation est de 29.000 euros .’

Les intimés font la preuve de mouvements sur les comptes Caisse d’Epargne de Mme [P] [CU] à hauteur de 100.153,47 euros sur son compte chèques et de 26.080 euros sur ses comptes sur livret soit au total 126.233,47 euros.

29.000 euros sont justifiés par des donations.

Les intimés demandent donc à Mme [TS] [M] de rapporter à la succession la somme de 97.233,47 euros.

Mme [TS] [M] avait procuration sur les comptes de sa mère. Il repose en application de 1993 du code civil une obligation de reddition des comptes par Mme [TS] [M].

Il est en outre précisé que :

– elle a reconnu que tous les mouvements bancaires observés l’ont été de son chef,

– elle a reconnu avoir utilisé des fonds pour ses besoins personnels.

Pour s’opposer aux demandes des intimés, Mme [TS] [M] fait valoir qu’elle produit en pièce 12 l’intégralité de ses relevés de compte par clé USB afin de démontrer qu’elle n’a pas été bénéficiaire de la générosité de sa mère.

La cour relève tout d’abord qu’elle a eu tout le loisir de verser ces éléments à l’expert, ce qu’elle n’a pas fait, celui-ci ayant même observé ‘ qu’entre la réunion d’expertise et le dépôt du rapport aucun élément ne lui a été communiqué par Mme [TS] [M] ‘. Mais surtout, ce ne sont pas ses comptes personnels qui intéressent la cour mais la justification des sommes qu’elle a retirées en espèces, par chèque ou par carte bancaire des comptes de sa mère : l’examen de ses comptes personnels ne permet pas en tout état de cause de justifier du fait qu’elle a utilisé au bénéfice de sa mère les sommes dont il lui est demandé le rapport, sauf la donation de la somme de 29.000 euros, en plusieurs chèques à son nom, qui sont un autre débat.

En second lieu Mme [TS] [M] indique qu’il convient de déduire de la somme retenue par le premier juge les 24.772 euros de liquidités figurant à l’actif de la succession.

La cour relève que ces 24.772 euros ne figurent pas au nombre des sommes non justifiées : ils le sont, puisqu’ils figurent à l’actif disponible. Il n’y a donc pas lieu de les déduire.

Enfin Mme [TS] [M] indique que la somme mensuelle qui a été prélevée si l’on enlève les 20.000 euros de donation à M. [KH] [M] et si on ne retient que 72.460 euros de prélèvements en ce qui la concerne représente 546 euros par mois, soit une somme compatible avec les frais non rapportables au visa de l’article 852 du code civil.

Mais la cour relève que ce n’est pas la somme de 52.460 euros qui a été détournée par elle mais celle de 97.233 euros, ce qui représente 1.002 euros par mois. C’est une somme considérable, comme l’est d’ailleurs la somme de 546 euros par mois, rapportée à la modeste pension de retraite perçue pas Mme [P] [CU] de 795 euros. Et quoi qu’il en soit du montant obtenu, Mme [TS] [M] a reconnu être à l’origine de ces retraits, qui ne s’expliquent pas par les besoins de sa mère, mais le plus souvent par des dépenses sans rapport avec les besoins d’une personne invalide : bricolage, bureau de tabac, articles de sport…ces frais sont sans rapport avec ceux de l’article 852 du code civil.

La décision déférée sera donc confirmée en ce qu’elle a condamné Mme [TS] [M] à rapporter à la succession de sa mère la somme de 97.233,47 euros.

SUR LE RECEL

Il résulte des dispositions de l’article 778 du code civil que sans préjudice de dommages et intérêts, l’héritier qui a recelé des biens ou des droits d’une succession ou dissimulé l’existence d’un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l’actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés.

Les droits revenant à l’héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux de l’auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier.

Lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l’héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir y prétendre à aucune part.

L’héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont il a eu la jouissance depuis l’ouverture de la succession.

La sanction du recel successoral suppose d’abord que celui qui la demande et celui contre laquelle elle est dirigée aient la qualité d’héritier, et ensuite que celui-ci soit appelé à un partage successoral puisque le recel successoral est une atteinte à l’égalité du partage.

Tel est bien le cas.

Le recel implique un élément matériel : le procédé frauduleux et un élément intentionnel, à savoir l’existence d’un détournement matériel soutenu par la volonté de rompre l’égalité du partage.

* l’élément matériel

L’élément matériel est établi par la dissimulation par Mme [TS] [M] des sommes prélevées sur le compte de sa mère. Les héritiers ont dû l’assigner, puis ont été contraints de faire procéder à une expertise pour que les sommes indûment prélevées par Mme [TS] [M] sur le compte de Mme [P] [CU] puissent être identifiées.

* l’élément intentionnel

Cet élément résulte de l’intention par Mme [TS] [M] de rompre l’égalité du partage en prélevant des sommes considérables sur les comptes de sa mère, sommes qui représentent 1.000 euros par mois pendant des années, sans informer quiconque de ces retraits, puis en les contestant puisque y compris, en cause d’appel, Mme [TS] [M] conteste les prélèvements qui lui sont imputés.

Pour contester cette sanction, Mme [TS] [M] fait valoir qu’elle démontre que sa présence auprès de sa mère était constante : elle venait voir sa mère tous les jours, lui faisait ses courses, fleurissait sa chambre. Les professionnels de la maison de santé attestent de ce que son dévouement et sa présence auprès de sa mère ont égayé tout son séjour.

La cour relève que l’attitude de Mme [TS] [M] ainsi décrite justifierait de la part de sa mère une gratification ainsi qu’il sera constaté lorsque la cour examinera ce chef de demande. En revanche, son comportement à l’égard de sa mère ne peut justifier qu’elle ait chaque mois prélevé sur son compte une somme supérieure à ses revenus mensuels dans son seul intérêt à elle, ni que ces prélèvements aient été dissimulés aux autres héritiers, contrairement à la donation.

C’est donc à bon droit que le premier juge constatant que l’élément matériel et l’élément intentionnel du recel étant constitués a déchu Mme [TS] [M] de ses droits sur les sommes prélevées.

SUR LES DONATIONS

La condamnation de M. [KH] [M] à rapporter à la succession la somme de 20.000 euros ne fait pas l’objet de critique.

* la donation de 20.000 euros

Il n’est pas contesté que Mme [TS] [M] a reçu de sa mère donation de la somme de 20.000 euros en quatre chèques.

Il est justifié par Mme [TS] [M] d’un investissement auprès de sa mère dépassant le devoir filial.

– Mme [H] atteste que’ Mme [TS] [M] venait rendre visite à sa maman tous les jours et veillait à ce qu’elle ne manque de rien’,

– Mme [W] qui rendait visite à Mme [P] [CU] de temps à autre indique ‘ que sa fille Mme [TS] [M] venait la voir, s’occupait d’elle, lui apportait un repas car le souper de la maison de retraite ne lui disait rien (comme elle le disait). [TS] lui faisait ses courses, de la nourriture, des desserts, elle aimait être entourée de fleurs. Mme [TS] [M] me disait toujours ‘ heureusement que [TS] est là, elle fait tout pour moi’,

– Mme [CI], fille de la voisine de chambre de Mme [TS] [M] atteste ‘ que tous les soirs on se retrouvait dans la chambre de Mme [P] [CU]. Elle me remontait le moral après que j’ai vu ma maman … sa fille lui ramenait toujours quelque chose pour manger, cela lui redonnait de l’appétit… nous avons passé toutes les trois tous les soirs de bons moments pendant des années’,

– Mme [D] fille d’une autre voisine de chambre de Mme [TS] [M] atteste’ avoir vu sa fille Mme [TS] [M] qui lui apportait de la nourriture très souvent, des fleurs, des graines pour les oiseaux…’,

– M. [TG], aide soignant de la maison de retraite de Mme [P] [CU] atteste ‘ parmi tous les résidents, Mme [P] [CU] est l’une des rares à avoir un membre de sa famille en l’occurrence sa fille [TS], si présente, lui rendant visite tous les soirs pour lui apporter un repas ‘ maison’. Soucieuse de son bien être elle répondait à ses demandes’,

– M. [KH], directeur de la maison de retraite de Mme [P] [CU] atteste ‘ très attentionnée pour sa maman Mme [TS] [M] lui rendait visite tous les jours. Mme [P] [CU] attendait sa visite avec impatience. Sa fille lui apportait des gourmandises, des fleurs, des plats cuisinés… Mme [TS] [M] était sa personne ressource. Elle l’était aussi pour l’équipe soignante… elle était disponible, à l’écoute pour sa maman…’.

Une donation rémunératoire suppose un service rendu excédant l’obligation de soins reposant sur tout enfant à l’égard de son parent, mais aussi un appauvrissement pour l’enfant et un enrichissement corrélatif du parent.

Il est constant que l’investissement de Mme [TS] [M] auprès de sa mère a excédé l’obligation de soins reposant sur elle, ce temps passé auprès de sa mère, chaque jour, les présents apportés, y compris la nourriture apportée l’ont été gratuitement puisque toutes les sommes prélevées par Mme [TS] [M] et non justifiées sont rapportables. Elles ont constitué un enrichissement corrélatif de Mme [P] [CU] qui a bénéficié de ces présents et de tous les achats participant à son cadre de vie : graines et nichoirs pour les oiseaux, fleurs…

Il sera donc fait droit à la demande de Mme [TS] [M] de considérer cette donation comme rémunératoire. Elle ne fera donc pas l’objet de rapport.

* la somme de 9.000 euros

Il ressort du rapport d’expertise que 9.000 euros ont été donnés par chèque à M. [B] [J] en juin 2014, en deux chèques. Mme [TS] [M] n’a pas à en rapporter la preuve puisque c’est l’expert qui l’a indiqué en réponse au premier dire du conseil des intimés : ‘ lors de la réunion d’expertise il a été acté que Mme [P] [CU] a consenti plusieurs donations à ses enfants et petits-enfants … donation à M. [B] [J] (9.000 euros en juin 2014 – deux chèques).

Cette somme a permis au petit-fils de Mme [P] [CU] de payer diverses condamnations pénales.

Puis à la suite du deuxième dire du conseil des intimés au sujet de ces 9.000 euros, l’expert a modifié son rapport d’expertise pour indiquer que Mme [P] [CU] avait fait l’objet de donations à hauteur de 29.000 euros.

Ce n’est pas à Mme [TS] [M] de rapporter la preuve du bénéficiaire des deux chèques, mais aux intimés, qui le contestent de le faire.

La cour ignore quel était le nom porté sur ces deux chèques, qui était le signataire des chèques, car dans un premier temps l’expert a dit que c’était M. [B] [J], pour ensuite dire qu’il avait bénéficié à Mme [TS] [M].

La preuve du nom du bénéficiaire du chèque ou du signataire des chèques incombe aux intimés, cette preuve n’est pas rapportée puisque l’expert a émis deux hypothèses.

La décision du premier juge de débouter les parties de leur demande de rapport de la somme de 9.000 euros sera donc confirmée.

SUR LA CAPITALISATION

Aux termes de l’article 1342-2 du code civil les intérêts échus, dus au moins pour une année entière produisent intérêt si le contrat le prévoit ou si une décision de justice le précise.

Le juge n’a aucun pouvoir d’appréciation sur ce chef de demande la capitalisation est de droit lorsque l’intérêt est dû pour une année entière.

La décision déférée sera donc confirmée de ce chef.

Chaque partie succombe partiellement dans ses prétentions, et conservera la charge de ses propres dépens.

L’équité ne justifie pas qu’il soit fait droit aux demandes en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Au fond,

Statuant dans les limites de l’appel,

Infirme le jugement déféré du chef de la donation de 20.000 euros à Mme [TS] [M],

Et statuant à nouveau sur le chef infirmé,

Dit que la donation de 20.000 euros faite par Mme [P] [CU] à Mme [TS] [M] est une donation rémunératoire et ne fera pas l’objet de rapport à la succession,

Confirme le jugement déféré pour le surplus,

Y ajoutant,

Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens,

Déboute les parties de leur demande en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Autorise les avocats de la cause à recouvrer les dépens conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Dominique NOLET, Président et par Diane MADRANGE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

D. MADRANGE D. NOLET

 


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