Droits des héritiers : 21 juin 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/04911

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Droits des héritiers : 21 juin 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/04911

21 juin 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
22/04911

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-8

ARRÊT AU FOND

DU 21 JUIN 2023

N° 2023/ 287

N° RG 22/04911

N° Portalis DBVB-V-B7G-BJFKA

[G] [J]

C/

S.A. CREATIS

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Thimothée JOLY

Me Valérie BARDI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juge des contentieux de la protection de NICE en date du 16 Mars 2022

APPELANT

Monsieur [G] [J]

né le [Date naissance 1] 1999 à [Localité 4] (06), demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Thimothée JOLY, membre de la SCP CABINET PIETRA & ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, ayant pour avocat plaidant Me Olivier TAFANELLI, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

S.A. CREATIS

agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège sis [Adresse 3]

représentée par Me Valérie BARDI, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 03 Avril 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Philippe COULANGE, Président

Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère

Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Maria FREDON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Juin 2023.

ARRÊT

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Juin 2023, signé par Monsieur Philippe COULANGE, Président et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE ANTÉRIEURE

Suivant offre acceptée sous signature privée le 13 décembre 2016, la société CREATIS a consenti à Monsieur [S] [J] un prêt de la somme de 45.900 euros destiné à un regroupement de crédits antérieurs, remboursable en 144 mensualités au taux de 4,98 % l’an.

Les échéances ont été régulièrement honorées jusqu’au décès de l’emprunteur survenu le 13 février 2019, celui-ci ayant laissé pour seul héritier son fils [G] [J].

Par courrier du 6 février 2020, la société de crédit a pris contact avec ce dernier afin d’envisager les modalités de remboursement de la dette.

Faute de réponse, elle lui a adressé une mise en demeure le 3 juillet 2020, puis a prononcé la déchéance du terme du prêt par lettre recommandée avec demande d’avis de réception expédiée le 12 août suivant.

Par exploit d’huissier délivré le 9 décembre 2020, la société CREATIS a sommé Monsieur [G] [J] de prendre parti sur la succession de son père en application de l’article 771 du code civil.

Puis elle l’a assigné le 18 décembre 2020 à comparaître devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Nice, afin de l’entendre condamner à lui payer la somme de 43.385,70 euros au titre du solde du prêt, outre les intérêts au taux conventionnel.

Le défendeur a opposé principalement une fin de non recevoir de l’action, au motif que le délai pour prendre parti n’avait pas encore expiré à la date de délivrance de l’assignation. Subsidiairement au fond, il a invoqué l’irrégularité de la déchéance du terme ainsi que le manquement du prêteur à son devoir de conseil, et s’est porté reconventionnellement demandeur d’une somme de 43.000 euros à titre de dommages-intérêts.

Par jugement rendu le 16 mars 2022, dont appel, le tribunal a :

– écarté la fin de non recevoir,

– déclaré irrégulière la déchéance du terme,

– prononcé la résolution judiciaire du contrat en application de l’article 1224 du code civil,

– condamné [G] [J] à payer la somme de 39.760,34 euros avec intérêts au taux de 4,98 % l’an à compter de la décision au titre du capital restant dû, celle de 457,98 euros au titre des mensualités échues, et celle de 1 euro à titre de clause pénale,

– débouté M. [J] de sa demande en dommages-intérêts,

– et condamné le défendeur aux dépens.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses conclusions d’appel notifiées le 1er juillet 2022, Monsieur [G] [J] réitère la fin de non recevoir invoquée devant le premier juge, faisant valoir que l’assignation en paiement lui a été délivrée avant l’expiration du délai de deux mois suivant la sommation de prendre parti et que les héritiers ne sont tenus par les conventions passées par leur auteur qu’à la condition d’avoir accepté purement et simplement sa succession.

Sur le fond, il soutient que la déchéance du terme a été irrégulièrement prononcée dans la mesure où elle n’a pas été précédée d’une mise en demeure de payer les mensualités échues, et que l’établissement de crédit ne rapporte pas la preuve d’un manquement grave à ses obligations justifiant la résolution judiciaire du contrat.

Il fait valoir d’autre part que la société CREATIS a manqué à son obligation de conseil en accordant son concours sans évaluer de manière sérieuse les ressources et charges de l’emprunteur, et que la situation de surendettement dans laquelle se trouvait son père l’aurait conduit à la dépression et au suicide.

Il demande en conséquence à la cour d’infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau,

– au principal, de déclarer irrecevable l’action en paiement exercée à son encontre,

– subsidiairement, de débouter la société CREATIS de l’intégralité de ses demandes,

– en toute hypothèse, de la condamner à lui verser la somme de 43.000 euros à titre de dommages-intérêts et celle de 2.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre ses entiers dépens de première instance et d’appel.

Par conclusions en réplique notifiées le 31 août 2022, la société CREATIS soutient que son action est parfaitement recevable dès lors que l’héritier est saisi de plein droit des biens, droits et actions du défunt en application de l’article 724 du code civil, et que [G] [J] a disposé du délai nécessaire pour prendre parti durant le cours de la procédure de première instance.

Elle approuve d’autre part le premier juge d’avoir prononcé la résolution judiciaire du contrat sur le fondement de l’article 1224 du même code, en raison du défaut de paiement des échéances du prêt depuis le mois de février 2020, date de la première demande adressée à l’héritier.

S’agissant enfin de son devoir de mise en garde, elle fait valoir que les éléments communiqués par l’emprunteur pour justifier de sa solvabilité étaient compatibles avec l’engagement souscrit, que le contrat avait pour objet un regroupement de crédits antérieurs et ne créait pas de risque d’endettement nouveau, et qu’il est abusif de lui imputer la responsabilité du suicide de [S] [J].

Elle demande à la cour de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et de condamner l’appelant aux dépens, ainsi qu’au paiement d’une somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 20 mars 2023.

DISCUSSION

Sur le moyen tiré de l’absence d’acceptation de la succession :

Ce moyen ne constitue pas une fin de non recevoir au sens de l’article 122 du code de procédure civile, mais une défense au fond.

En vertu de l’article 724 du code civil, les héritiers sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt à compter de son décès. Il en résulte qu’ils peuvent être poursuivis à tout moment par les créanciers de la succession, sauf à renoncer à celle-ci ou à ne l’accepter qu’à concurrence de l’actif net dans les conditions de formes prévues par la loi.

Les articles 771 et 772 du même code prévoient d’autre part que, passé un délai de quatre mois à compter de l’ouverture de la succession, l’héritier peut être sommé de prendre parti à l’initiative d’un créancier, et que faute de l’avoir fait à l’expiration d’un nouveau délai de deux mois, ou du délai supplémentaire éventuellement accordé en justice, il est réputé acceptant pur et simple.

Or en l’espèce, force est de constater que [G] [J] ne justifie pas, ni même n’allègue, avoir renoncé à la succession de son père ou l’avoir acceptée à concurrence de l’actif net, de sorte qu’il est tenu de répondre de la totalité du passif.

Sur la résolution judiciaire du contrat :

En vertu de l’article 1224 du code civil, la résolution d’un contrat peut être prononcée en justice en cas d’inexécution suffisamment grave des obligations du débiteur.

Au cas présent, il s’avère que [G] [J] n’a procédé à aucun paiement au titre du contrat de prêt, en dépit d’une première demande amiable formulée le 6 février 2020, d’une mise en demeure adressée le 3 juillet suivant, et d’une assignation délivrée le 18 décembre de la même année, de sorte que la résolution prononcée par le premier juge doit être confirmée.

Sur le manquement du prêteur à son devoir de mise en garde :

L’article L 312-14 du code de la consommation dispose que le prêteur est tenu de fournir à l’emprunteur les explications lui permettant de déterminer si le contrat de crédit qui lui est proposé est adapté à ses besoins et à sa situation financière. L’article L 312-16 lui impose également de vérifier la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations.

Ces dispositions sont assorties d’une sanction civile spécifique prévue par l’article L 341-2 du même code, consistant dans la déchéance du droit aux intérêts conventionnels, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge, laquelle permet de réparer le préjudice subi par l’emprunteur résultant de la perte d’une chance de ne pas contracter, et qui ne se cumule pas avec l’octroi de dommages-intérêts.

D’autre part, il apparaît que le contrat de regroupement de crédits souscrit par [S] [J] permettait la reprise de son passif antérieur et son rééchelonnement à des conditions moins onéreuses, sans aggraver sa situation économique ni créer un risque d’endettement nouveau.

Enfin, la seule attestation de Monsieur [R] [H] produite aux débats ne peut suffire à établir que le suicide de l’emprunteur serait imputable à ses difficultés financières.

Le jugement déféré doit donc être encore confirmé en ce qu’il a débouté [G] [J] de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne Monsieur [G] [J] aux dépens d’appel,

Rejette les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT

 


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