Droits des héritiers : 28 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/08388

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Droits des héritiers : 28 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/08388

28 juin 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
22/08388

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 3 – Chambre 1

ARRET DU 28 JUIN 2023

(n°2023/ , 10 pages)

Numéros d’inscription au répertoire général : N° RG 22/08388 et N° RG 22/09876

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Avril 2022 – Tribunal judiciaire de FONTAINEBLEAU – RG n° 22/00090

APPELANTE dans le dossier RG 22/08388 et INTIMEE dans le dossier RG 22/09876

Madame [M] [O]

née le 20 Février 1956 à [Localité 19]

[Adresse 8],

[Localité 20] – ROYAUME-UNI

représentée par Me Herveline RIDEAU DE LONGCAMP de l’AARPI MRL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0139

ayant pour avocat plaidant Me Camille FERRIE de l’AARPI MRL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0139

INTIME dans le dossier RG 22/08388

Monsieur [W] [O]

né le 04 Juin 1946 à [Localité 17] (86)

[Adresse 3]

[Localité 14]

représenté par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

ayant pour avocat plaidant Me Michel DESILETS, avocat au barreau de VILLEFRANCHE SUR SAONE

INTIMES dans le dossier RG 22/08388 et APPELANTS dans le dossier RG 22/09876

Monsieur [H] [O]

né le 20 Février 1956 à [Localité 19]

[Adresse 10]

[Localité 12]

Monsieur [E] [O]

né le 24 Novembre 1940 à [Localité 17] (86)

[Adresse 11]

[Localité 6]

représentés par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

ayant pour avocat plaidant Me Michel DESILETS, avocat au barreau de VILLEFRANCHE SUR SAONE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 Mai 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Patricia GRASSO, Président, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Patricia GRASSO, Président

Mme Sophie RODRIGUES, Conseiller

Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Patricia GRASSO, Président, et par Mme Emilie POMPON, Greffier.

***

EXPOSE DU LITIGE :

[H] [O] est décédé le 9 août 1984, laissant pour lui succéder son épouse survivante en secondes noces, [G] [U] et ses quatre enfants, MM. [E], [W] et [H] [O] et Mme [M] [O] issus d’une première union mais que [G] [U] a adoptés le 26 Juin 1995.

Le défunt était seul propriétaire d’un ensemble immobilier sis [Adresse 5] à [Localité 18].

Par acte du 25 septembre 2013, M. [W] [O] a vendu par licitation à M. [H] [O] le quart en nue-propriété dudit bien, représentant sa part dans l’indivision.

Ensuite du décès de [G] [U] veuve [O], usufruitière, survenu le 7 septembre 2020, M. [E] [O] et Mme [M] [O] sont alors devenus indivisaires en pleine propriété dans les proportions d’un quart, et M. [H] [O] de la moitié.

[G] [O] est décédée le 7 septembre 2020 à [Localité 16], lieu d’ouverture de la succession, laissée à ses quatre enfants qui sont Mme [M] [O] et MM. [E], [W] et [H] [O].

Par acte sous seing privé en date du 17 septembre 2002, la défunte a légué la totalité de ses biens à ses quatre enfants.

Les parties sont donc également, propriétaires indivis de deux immeubles sis [Adresse 7] et [Adresse 4] à [Localité 13] dépendant de la succession de leur mère.

Par déclaration en date du 24 mars 2010, M. [W] [O] avait été désigné par la défunte comme exécuteur testamentaire.

I) S’agissant des biens dépendant de la succession de la mère [G] [O], par actes d’huissier en date des 14 et 18 janvier 2022, Mme [M] [O] a assigné MM. [E], [W] et [H] [O] devant le président du tribunal judiciaire de Fontainebleau statuant selon la procédure accélérée au fond afin de demander :

-la désignation d’un mandataire successoral qu’il plaira avec le pouvoir d’accomplir les actes de gestion et d’administration nécessaires des biens de la succession, lequel mandataire pourra se faire communiquer tout document utile à la réalisation de sa mission,

-la fixation de la durée de la mission du mandataire successoral ainsi que la rémunération de ce dernier,

-la condamnation de MM. [E], [W] et [H] [O] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que la condamnation des mêmes aux entiers dépens.

Par jugement du 19 avril 2022, le tribunal judiciaire de Fontainebleau a statué dans les termes suivants :

-rejette la demande de Mme [M] [O] tendant à la désignation d’un mandataire successoral,

-condamne Mme [M] [O] à payer à MM. [E], [W] et [H] [O] la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

-laisse les dépens à la charge de Mme [M] [O],

-rejette toutes les demandes plus amples ou contraires.

Mme [M] [O] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 26 avril 2022.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 7 avril 2023, Mme [M] [O], appelante, demande à la cour de :

-infirmer, le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Fontainebleau, le 19 avril 2022 en ce qu’il a :

*rejeté la demande de Mme [M] [O] tendant à la désignation d’un mandataire successoral,

*condamné Mme [M] [O] à payer à MM. [E], [W] et [H] [O] la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

*laissé les dépens à la charge de Mme [M] [O],

*rejeté toutes les demandes plus amples ou contraires,

et, statuant à nouveau,

à titre principal,

-désigner Maître [J] [T], administrateur judiciaire, [Adresse 9], en qualité de mandataire successoral avec le pouvoir d’accomplir les actes de gestion et d’administration nécessaires à l’administration des biens objets de la succession de [G] [O],

à titre subsidiaire,

-désigner tel mandataire successoral qu’il plaira avec le pouvoir d’accomplir les actes de gestion et d’administration nécessaires à l’administration des biens objets de la succession de [G] [O],

en tout état de cause,

-dire que le mandataire successoral pourra se faire communiquer tout document utile à la réalisation de sa mission,

-fixer la durée de la mission,

-fixer la rémunération du mandataire successoral,

-condamner les défendeurs à une somme de 6 000 euros, soit 2 000 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-condamner les défendeurs aux entiers dépens.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 17 avril 2023, MM. [E], [W] et [H] [O], intimés, demandent à la cour de :

-dire et juger mal fondé l’appel de Mme [M] [O],

-la débouter de ses demandes,

-confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Fontainebleau du 19 avril 2022,

y ajoutant,

-condamner Mme [M] [O] à régler à MM. [E], [W] et [H] [O] une somme de 6 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,

-la condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de la Selarl Lexavoue Paris-Versailles.

***

II) Par ailleurs, s’agissant de l’indivision portant sur le bien qui était la propriété de leur père, par acte d’huissier de justice en date des 29 décembre 2021 et 14 janvier 2022, Mme [M] [O] a fait assigner selon la procédure accélérée au fond MM. [W], [E] et [H] [O] devant le président du tribunal judiciaire de Paris sur le fondement de l’article 815-6 du code civil aux fins de voir :

-désigner un administrateur provisoire avec le pouvoir d’accomplir les actes de gestion et d’administration, tant au passif qu’à l’actif, nécessaires à l’administration des biens en indivision,

-fixer la durée de la mission,

-fixer la rémunération de l’administrateur provisoire,

-condamner les défendeurs au paiement d’une somme de 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les condamner aux entiers dépens.

Par jugement selon la procédure accélérée au fond du 7 avril 2022, le tribunal judiciaire de Paris a statué dans les termes suivants :

-désigne Maître [J] [T], administrateur judiciaire, [Adresse 9], en qualité d’administrateur provisoire de l’indivision constituée de Mme [M] [O], et MM. [E] et [H] [O] avec mission de :

*gérer et administrer l’immeuble indivis sis [Adresse 5] à [Localité 18],

*procéder à l’établissement des comptes de l’indivision au titre des trois dernières années, 2019, 2020, 2021, outre l’année en cours, avec la possibilité de s’adjoindre les services d’un expert-comptable dont les frais et honoraires seront mis à la charge de l’indivision,

-dis que la mission est donnée pour une durée de douze mois à compter du présent jugement, qu’elle pourra faire l’objet d’une prorogation par la présente juridiction, saisie selon la procédure accélérée au fond,

-fixe à 1 000 euros la provision à verser directement entre les mains de l’administrateur judiciaire par Mme [M] [O] dans le délai d’un mois à compter de la présente décision sous peine de caducité de la désignation, à valoir sur les frais et sur sa rémunération qui sera fixée conformément au barème en usage dans le ressort du tribunal judiciaire de Paris,

-condamne in solidum MM. [E] et [H] [O] aux entiers dépens de l’instance et à verser à Mme [M] [O] la somme de 1 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

-dis que les frais et les dépens de la mesure d’administration provisoire seront mis à la charge de l’indivision administrée,

-rejette toute autre demande plus ample ou contraire.

MM. [E] et [H] [O] ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 19 mai 2022.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 17 avril 2023, MM. [E] et [H] [O], appelants, demandent à la cour de :

-infirmer le jugement rendu le 7 avril 2022 suivant la procédure accélérée au fond par le tribunal judiciaire de Paris en toutes ses dispositions, et notamment déclaration en ce qu’il statue par les chefs suivants :

*désignons Maître [J] [T], administrateur judiciaire, [Adresse 9], tel : [XXXXXXXX01] en qualité d’administrateur provisoire de l’indivision constituée de Mme [M] [O] et MM. [E] et [H] [O] avec mission de :

>gérer et administrer l’immeuble indivis sis [Adresse 5] à [Localité 18],

>procéder à l’établissement des comptes de l’indivision au titre des trois dernières années : 2019, 2020, 2021, outre l’année en cours, avec la possibilité de s’adjoindre les services d’un expert-comptable dont les frais et honoraires seront mis à la charge de l’indivision,

*disons que la mission est donnée pour une durée de douze mois à compter du présent jugement, qu’elle pourra faire l’objet d’une prorogation par la présente juridiction, saisie selon la procédure accélérée au fond,

*fixons à 1 000 euros la provision à verser directement entre les mains de l’administrateur judiciaire par Mme [M] [O] dans le délai d’un mois à compter de la présente décision sous peine de caducité de la désignation, à valoir sur les frais et sur sa rémunération qui sera fixée conformément au barème en usage dans le ressort du tribunal judiciaire de Paris,

*condamnons in solidum MM. [E] et [H] [O] aux entiers dépens de l’instance et à verser à Mme [M] [O] la somme de 1 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

*disons que les frais et les dépens de la mesure d’administration provisoire seront mis à la charge de l’indivision administrée,

*rappelons que le présent jugement est assorti de l’exécution provisoire de droit,

*rejetons toute autre demande plus ample ou contraire (mais uniquement lorsqu’il rejette les demandes de MM. [O]).

statuant à nouveau,

-débouter purement et simplement Mme [M] [O] de sa demande de désignation d’un administrateur judiciaire,

-condamner Mme [M] [O] à régler à MM. [E] et [H] [O] une somme de 6 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,

-la condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de la Selarl Lexavoue Paris-Versailles.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 12 avril 2023, Mme [M] [O], intimée, demande à la cour de :

-confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le président du tribunal judiciaire de Paris le 7 avril 2022,

-débouter MM. [E] et [H] [O] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

et, statuant à nouveau,

-condamner MM. [E] et [H] [O] à une somme de 5 000 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les condamner aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens développés par les parties au soutien de leurs prétentions, il sera renvoyé à leurs écritures susvisées conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 18 avril 2023 dans les deux dossiers.

Les affaires ont a été appelées à l’audience du 17 mai 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Madame [M] [O] a interjeté appel de la décision du président du tribunal judiciaire de Fontainebleau qui a rejeté sa demande de désignation d’un mandataire successoral à la succession de sa mère [G] [O] et Messieurs [E] et [H] [O] ont interjeté appel de la décision du président du tribunal judiciaire de Paris qui a désigné Maître [J] [T], Administrateur Judiciaire, en sa qualité d’administrateur provisoire de l’indivision entre Madame [M] [O] et Messieurs [H] et [E] [O].
Dans un souci d’une bonne administration de la justice, il incombe de joindre les deux instances enrôlées sous les numéros RG 22/08388 et RG 22/09876.

Sur la nomination d’un mandataire successoral

[G] [O] est décédée le 7 septembre 2020, laissant ses quatre enfants pour lui succéder. Sa succession se compose principalement de biens immobiliers :

-la pleine propriété d’un ensemble immobilier au [Adresse 7] à [Localité 13],

-la pleine propriété d’un ensemble immobilier au croisement du [Adresse 7] et du [Adresse 4] à [Localité 13].
Madame [M] [O] a assigné ses frères en ouverture des opérations de compte, liquidation et partage.

Par ailleurs, la défunte possédait l’usufruit de l’ensemble immobilier sis [Adresse 5] à [Localité 18] et suite à son décès et à la cession de ses droits par Monsieur [W] [O] à Monsieur [H] [O], ce bien appartient à :

– Madame [M] [O] à concurrence d’un quart en pleine propriété

– Monsieur [E] [O], à concurrence d’un quart en pleine propriété

– Monsieur [H] [O], à concurrence de la moitié en pleine propriété.

Les biens immobiliers dépendant de sa succession de [G] [O] sont sous la gestion de Monsieur [W] [O] parce que la défunte l’a désigné comme exécuteur testamentaire le 24 mars 2010 et le bien immobilier indivis, hors succession de la mère, situé au [Adresse 5] [Localité 18] est aussi sous la gestion temporaire de Monsieur [W] [O] parce qu’il dispose d’une procuration à lui consentie le 25 septembre 2020.

Madame [M] [O] fait valoir qu’il existe une inertie et une faute de gestion de certains héritiers sur les biens immobiliers de la succession de [G] [O] et une opposition d’intérêts entre eux et une mésentente.

Elle soutient d’une part que les loyers issus de la location des biens sis [Adresse 7] ne sont pas perçus par la succession mais sont déposés sur un compte privé ouvert au nom de Monsieur [W] [O] qui n’hésite pas à utiliser ces fonds pour ses dépenses personnelles, d’autre part que contrairement aux règles légales encadrant l’indivision, ses accord et avis en tant qu’indivisaire ne sont jamais sollicités, ses frères préférant la mettre devant le fait accompli et ne lui communiquant que des documents parcellaires voire inexistants, aussi que des coûts financiers inutiles sont supportés par l’indivision, notamment en ce qui concerne les assurances des lots loués et enfin qu’aucune évaluation par des professionnels n’a été établie de façon contradictoire et sérieuse sur les biens immobiliers.

Messieurs [H], [E] et [W] [O] répondent que mandat a été donné à Monsieur [W] [O], qui gère les biens depuis longtemps, en rendant régulièrement des comptes aux intéressés et sans qu’aucun créancier ne vienne s’en plaindre et qu’un seul héritier cherche querelle aux trois autres.

Il soutiennent que la situation successorale n’est nullement complexe et n’est pas sous le risque d’un quelconque péril et que s’il existe une divergence d’opinion entre les eux et leur s’ur, il ne s’agit pas d’un conflit d’intérêt successoral.

L’article 813-1 du code civil dispose que le juge peut désigner toute personne qualifiée, physique ou morale, en qualité de mandataire successoral, à l’effet d’administrer provisoirement la succession en raison de l’inertie, de la carence ou de la faute d’un ou de plusieurs héritiers dans cette administration, de leur mésentente, d’une opposition d’intérêts entre eux ou de la complexité de la situation successorale.

La demande est formée par un héritier […].

Le président du tribunal judiciaire de Fontainebleau, bien qu’ayant relevé l’existence d’une mésentente entre les parties, a estimé que ce n’était pas une raison suffisante pour faire droit à la demande de Madame [M] [O], dans la mesure où la gestion de l’indivision n’était pas bloquée et où il n’y avait pas de péril.

En l’espèce, il est constant que les loyers perçus des deux indivisions ont été versés ensemble sur un même compte ouvert au nom de Monsieur [W] [O], non indivisaire dans la seconde indivision, auquel il avait seul accès et dans lequel il mêlait ses dépenses personnelles et professionnelles ou puisait pour faire face à des problèmes personnels de liquidité notamment pour l’acquisition d’un véhicule.

Cette ouverture de compte n’avait été acceptée par Madame [M] [O] qu’à titre temporaire et n’a pu être régularisée par suite de la mésentente entre les parties.

En cours de procédure, Monsieur [W] [O] a ouvert un second compte spécifique à l’indivision successorale.

Ainsi, deux comptes ont été ouverts au sein du Crédit agricole :

– le compte n° [XXXXXXXXXX02] qui concerne l’indivision successorale

– le compte n° [XXXXXXXXXX015] qui concerne l’indivision hors succession de [G] [O] sur le bien sis [Adresse 5].

Néanmoins, il s’agit toujours de deux comptes personnels ouverts au seul nom de Monsieur [W] [O] et il a arbitrairement réparti les fonds entre les deux comptes.

Il apparaît que Monsieur [W] [O] refuse de communiquer les relevés qu’il estime être de son compte « privé » et qu’il a écrit par mail à ses frères et s’ur que « je vous rappelle que les comptes sont à mon nom et que c’est un délit si vous communiquez à toute personne une copie des relevés sans mon autorisation. Bien entendu, si vous communiquait (sic)une copie de ces relevés, je serai dans l’obligation de porter plainte ».

C’est à tort que le premier juge, après avoir relevé qu’ « il est certain que ce mode de perception des loyers et charges n’est pas une garantie de transparence pour l’ensemble des indivisaires et peut être source de confusion », n’en a pas tiré les conséquences, notamment si le décès de Monsieur [W] [O] venait à survenir.

Monsieur [W] [O] décide seul des virements qu’il consent à effectuer au profit de ses co-indivisaires.

Le bail commercial portant sur le bien sis [Adresse 7], conclu avec la société FNCP, a été imposé à Madame [M] [O] sans qu’elle ait été consultée sur ses modalités et sans qu’elle ait eu la possibilité d’émettre un avis alors que la conclusion ou le renouvellement des baux commerciaux nécessitent l’accord de l’ensemble des indivisaires, et non uniquement la majorité des 2/3.

Alors que Madame [M] [O] a constaté qu’il existait plus d’assurances que de biens loués et notamment que deux assurances avaient été souscrites pour le locataire Monsieur [K], Monsieur [W] [O] a été dans l’incapacité de clarifier la situation.

Enfin, les consorts [O] sont assujettis à un redressement fiscal, le bien sis [Adresse 7] ayant été sous-évalué dans la déclaration de succession et n’ayant jamais fait l’objet d’une évaluation par un professionnel.

Dans l’indivision successorale née au décès de [G] [U], Madame [M] [O] possède 25 %, et Messieurs [E], [W] ,[W] et [H] [O] possèdent ensemble 75 %, la situation de Madame [M][O] n’étant pas différente de celle de ses frères et si les titulaires de plus des deux tiers des droits indivis peuvent administrer les biens dans l’intérêt de tous, ils ne peuvent disposer sans l’accord de l’indivisaire minoritaire et les comptes entre les deux indivisions ne peuvent être mêlés sans aucune garantie et mettre le partage successoral en péril.

Alors que Monsieur [W] [O], a dans un courrier au notaire le 29 août 2022, indiqué qu’il « ne désire plus assurer la gestion comptable de la succession [O] » et sollicité du notaire de le faire à sa place, les graves fautes de gestion relevées jointes aux désaccord persistants et évidents entre les indivisaires suffisent à justifier, par infirmation du jugement, la nomination d’un mandataire successoral.

Sur la nomination d’un administrateur provisoire de l’indivision sur l’ensemble immobilier sis [Adresse 5] à [Localité 18]

L’article 815-6 du code civil qui prévoit :

« Le président du tribunal judiciaire peut prescrire ou autoriser toutes les mesures urgentes que requiert l’intérêt commun.

Il peut, notamment, autoriser un indivisaire à percevoir des débiteurs de l’indivision ou des

dépositaires de fonds indivis une provision destinée à faire face aux besoins urgents, en prescrivant, au besoin, les conditions de l’emploi. Cette autorisation n’entraîne pas prise de qualité pour le conjoint survivant ou pour l’héritier.

Il peut également soit désigner un indivisaire comme administrateur en l’obligeant s’il y a lieu à donner caution, soit nommer un séquestre. Les articles 1873-5 à 1873-9 du présent code s’appliquent en tant que de raison aux pouvoirs et aux obligations de l’administrateur, s’ils ne sont autrement définis par le juge. »

Il est rappelé que Monsieur [W] [O] n’a pas ici qualité d’indivisaire.

Messieurs [E] et [H] [O] font valoir qu’ils ne remettent pas en cause la gestion de leur frère [W], que l’indivision est gérée par décision des 3/4 des indivisaires et est in bonis, que le conflit décrit par leur s’ur [M] est un conflit entre elle et ses trois frères, mais qui ne se répercute pas sur la gestion en bon père de famille des biens indivis.

Mme [M] [O] reprend ses arguments sur les comptes bancaires et fait valoir que l’accès au bien lui est refusé de même que la copie des baux que Monsieur [W] [O] communique dans le même temps au groupe Nexity sans son accord.

Outre la difficulté ci-dessus décrite relative à l’ouverture d’un compte puis de deux comptes distincts mais au nom personnel de Monsieur [W] [O], alors qu’il est extérieur à l’indivision, et au fonctionnement chaotique, il est relevé qu’il a été envisagé de confier la gestion du bien indivis à la société Nexity à laquelle Monsieur [W] [O] a transmis l’ensemble des documents relatifs à la gestion alors que Madame [M] [O] avait refusé de signer le mandat.

C’est à juste titre que le premier juge a retenu que ces circonstances démontraient que Monsieur [W] [O] consent à se démettre de la gestion de l’indivision et à tout le moins vient illustrer l’hostilité manifestée à l’égard de Madame [M] [O] ainsi qu’elle le soutient.

Madame [M] [O] est maintenue complètement à l’écart de la gestion de ce bien indivis, accaparée par Monsieur [W] [O], alors même qu’il ne fait plus partie de l’indivision et qu’elle ne lui a pas donné mandat pour la représenter puisque si elle a signé une procuration de gestion le 25 septembre 2020 (soit moins de 20 jours après le décès), elle a expressément révoqué sa procuration, par mail en date du 22 octobre 2020.

Par des motifs que la cour reprend totalement, le premier juge a à bon droit retenu l’existence d’un désaccord persistant qui prévaut entre les indivisaires et qui est de nature à mettre en péril les intérêts de l’indivision et à justifier l’intervention d’un administrateur provisoire tiers neutre et indépendant.

Le jugement sera donc confirmé.

Sur les demandes accessoires

L’équité commande de faire droit à la demande de Madame [M] [O] présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ; Messieurs [H], [E] et [W] [O] sont condamnés à lui verser à ce titre la somme visée au dispositif de la présente décision et doivent supporter les dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement par décision contradictoire et en dernier ressort,

Ordonne la jonction des instances enrôlées sous les numéros RG 22/08388 et RG 22/09876 :

Infirme le jugement rendu par le président du tribunal judiciaire de Fontainebleau le 19 avril 2022, en toutes ses dispositions dévolues à la cour ;

Y substituant,

Désigne Maître [J] [T], administrateur judiciaire, [Adresse 9],

[Localité 13], tel : [XXXXXXXX01] en qualité de mandataire successoral avec le pouvoir d’accomplir les actes de gestion et d’administration nécessaires à l’administration des biens objets de la succession de [G] [O] ;

– procéder à l’établissement des comptes de l’indivision au titre des quatre dernières années 2019, 2020,202l et 2022 outre l’année en cours, avec la possibilité de s’adjoindre les services d’un expert-comptable dont les frais et honoraires seront mis à la charge de l’indivision ;

Dit que la mission est donnée pour une durée de douze mois à compter du présent arrêt et qu’elle pourra faire l’objet d’une prorogation par le président du tribunal judiciaire de Fontainebleau saisi selon la procédure accélérée au fond ;

Fixe à 1 000 euros la provision verser directement entre les mains du mandataire successoral par Madame [M] [O] dans le délai d’un mois à compter de l’arrêt sous peine de caducité de la désignation, à valoir sur les frais et sur sa rémunération qui sera fixée conformément au barème en usage dans le ressort du tribunal judiciaire de Fontainebleau ;

Confirme en toutes ses dispositions dévolues à la cour le jugement rendu par le président du tribunal judiciaire de Paris le 7 avril 2022 ;

Condamne in solidum Messieurs [H], [E] et [W] [O] à payer à Madame [M] [O] une indemnité de 6 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum Messieurs [H], [E] et [W] [O] aux dépens de l’appel.

Le Greffier, Le Président,

 


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