Droits des héritiers : 28 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/00143

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Droits des héritiers : 28 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/00143

28 juin 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
21/00143

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 3 – Chambre 1

ARRET DU 28 JUIN 2023

(n° 2023/ , 13 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/00143 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CC3RJ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Novembre 2020 – Tribunal judiciaire de PARIS – RG n° 19/00227

APPELANT

Monsieur [C], [W] [N]

né le 28 Mars 1949 à [Localité 8] (59)

[Adresse 4]

[Localité 2]

représenté par Me François TEYTAUD de l’AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

ayant pour avocat plaidant Me Marie de PRECIGOUT, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMES

Monsieur [I] [A] [D]

né le 08 Février 1930 à [Localité 5] (MAROC), décédé le 26 Mai 2021 à [Localité 5] (MAROC)

Monsieur [L] [D], en son nom personnel et ès qualités d’ayant-droit de [I] [A] [D]

né le 12 Décembre 1962 à [Localité 5] (MAROC)

[Adresse 9]

[Localité 5] – MAROC

Madame [Z] [D] épouse [K], en son nom personnel et ès qualités d’ayant-droit de [I] [A] [D]

née le 30 Juin 1966 à [Localité 5] (MAROC)

[Adresse 3]

[Localité 1] (SUISSE)

représentés par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS – AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055

ayant pour avocat plaidant Me Tania DUBRET substituant Me Francis CHOURAQUI, avocats au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 28 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Sophie RODRIGUES, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Patricia GRASSO, Président

Mme Sophie RODRIGUES, Conseiller

Mme Isabelle PAULMIEr-CAYOL, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Patricia GRASSO, Président, et par Mme Emilie POMPON, Greffier.

***

EXPOSE DU LITIGE

[W] [J] est décédée à [Localité 5] (Maroc) le 10 août 2017, laissant pour lui succéder:

– [I] [D], son conjoint survivant,

– M. [C] [N], son fils issu d’un premier mariage avec M. [G] [N],

– M. [L] [D] et Mme [Z] [D] (ci-après les consorts [D]) ses enfants nés de son mariage avec [I] [D].

Dans un document intitulé « testament » reçu par des rabbins-notaires devant lesquels [I] [D] et [W] [J] ont comparu à [Localité 5] le 27 avril 1988, il est déclaré qu’en cas de prédécès de l’épouse :

« Tous les biens qui se trouveront au moment de son décès […], biens comprenant : meubles, immeubles, espèces, bijoux et tout ce qui pourrait avoir une valeur quelconque seront dévolus dès aujourd’hui et une heure avant son décès à l’époux [I] [A] sus-nommé [… ]. ‘ Donation faite entre vifs, et connue de tous[…] ».

Par actes d’huissier des 28 décembre 2018 et 3 janvier 2019, M. [C] [N] a assigné [I] [D], M. [L] [D] et Mme [Z] [D] en partage de la succession de [W] [J].

Par jugement du 23 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Paris a notamment :

– dit que les juridictions françaises sont compétentes pour statuer sur les demandes relatives à la succession de [W] [J],

– dit que le tribunal judiciaire de Paris est compétent pour statuer sur les demandes relatives à la succession de [W] [J],

– dit que la loi française est applicable à la succession de [W] [J],

– déclaré l’assignation recevable,

– rejeté la demande d’annulation de la donation de biens à venir du 27 avril 1988 de [W] [J] et M. [I] [D],

– constaté qu’il n’est saisi d’aucune demande de réduction de cette donation,

– rejeté la demande en partage judiciaire de la succession,

– rejeté les demandes d’injonction de produire les pièces nécessaires aux opérations de partage de la succession et du régime matrimonial de [W] [J],

– rejeté la demande tendant à fixer à l’actif successoral des parts sociales de la SA Ets A. [D],

– rejeté la demande d’annulation de la cession prétendument intervenue au cours de l’année 2008 des parts sociales de [W] [J] à la SA Ets A. [D],

– rejeté la demande d’injonction de produire devant le notaire les éléments sociaux de nature à justifier de leur nombre dans le délai d’un mois à compter de la signification de la décision à intervenir sous astreinte,

– ordonné la réouverture des débats sur la demande tendant à constater l’application de la loi française à la liquidation et au partage du régime matrimonial des époux [D]/[J],

– renvoyé l’affaire à l’audience de juge unique du 8 janvier 2021 à 14h00,

– invité les parties à conclure sur l’intérêt du demandeur à agir en détermination de la loi applicable au partage du régime matrimonial,

– rappelé que l’instance se poursuit sur ce seul point qui n’a pas été tranché par la présente décision,

– rejeté les demandes formées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [N] aux dépens,

– dit n’y avoir lieu au prononcé de l’exécution provisoire.

Par déclaration du 22 décembre 2020, M. [N] a interjeté appel de ce jugement en ce qu’il a :

– rejeté la demande d’annulation de la donation de biens à venir du 27 avril 1988 de [W] [J] et [I] [D],

– constaté qu’il n’est saisi d’aucune demande de réduction de cette donation,

– rejeté la demande en partage judiciaire de la succession,

– rejeté les demandes d’injonction de produire les pièces nécessaires aux opérations de partage de la succession et du régime matrimonial de [W] [J],

– rejeté la demande tendant à fixer à l’actif successoral des parts sociales de la SA Ets A. [D],

– rejeté la demande d’annulation de la cession prétendument intervenue au cours de l’année 2008 des parts sociales de [W] [J] à la SA Ets A. [D],

– rejeté la demande d’injonction de produire devant le notaire les éléments sociaux de nature à justifier de leur nombre dans le délai d’un mois à compter de la signification de la décision à intervenir sous astreinte,

– ordonné la réouverture des débats sur la demande tendant à constater l’application de la loi française à la liquidation et au partage du régime matrimonial des époux [D]/[J],

– renvoyé l’affaire à l’audience de juge unique du 8 janvier 2021 à 14h00,

– invité les parties à conclure sur l’intérêt du demandeur à agir en détermination de la loi applicable au partage du régime matrimonial,

– rappelé que l’instance se poursuit sur ce seul point qui n’a pas été tranché par la présente décision,

– rejeté les demandes formées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [N] aux dépens,

– dit n’y avoir lieu au prononcé de l’exécution provisoire.

Parallèlement l’instance s’est poursuivie en première instance et par jugement du 26 février 2021 le tribunal judiciaire de Paris a déclaré irrecevable la demande de M. [N] tendant à constater l’application de la loi française à la liquidation et au partage du régime matrimonial des époux [D]/[J].

M. [C] [N] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 9 avril 2021 enregistrée sous le n°RG 21/06743.

[I] [D] est décédé le 26 mai 2021.

Par ordonnance du 2 novembre 2021, l’interruption de l’instance a été constatée et il a été imparti aux parties un délai de 2 mois pour la reprise éventuelle de l’instance, sous peine de radiation.

Par acte d’huissier du 21 février 2022, M. [C] [N] a assigné en intervention forcée et reprise d’instance les consorts [D].

Le 21 juillet 2022, ces derniers ont constitué avocat en qualité d’intervenants forcés.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 6 février 2023, l’appelant demande à la cour de :

sur l’appel incident des défendeurs :

* sur la juridiction compétente,

– juger qu’il résulte de la combinaison des articles 4 et 10 du règlement européen applicable, ainsi que l’arrêt de la cour de justice de l’union européenne C645/20, que ce sont les juridictions françaises qui sont compétentes pour traiter de la succession de [W] [J],

– juger que la juridiction de céans est compétente,

* sur la loi applicable,

– juger que le règlement européen désigne la loi marocaine comme étant applicable et que cette dernière renvoie expressément au droit français,

* sur la recevabilité de l’assignation,

– déclarer l’assignation parfaitement recevable,

en conséquence,

– confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré les juridictions françaises compétentes au litige et en ce qu’il a déclaré la loi française applicable à ce dernier,

– confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré l’assignation recevable,

– débouter les consorts [D] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

sur l’appel principal :

* sur la donation des biens à venir du 27 avril 1988,

à titre principal,

– juger que le testament donation ne renferme qu’une volonté unilatérale de [I] [D], nonobstant la présence des deux époux,

– infirmant le jugement entrepris, ordonner la liquidation et le partage judiciaire de la succession de [W] [J] selon les règles de la dévolution légale sans considération du testament donation du 27 avril 1988, considérant qu’il ne renferme aucune volonté de la défunte,

à titre subsidiaire,

– juger que le testament donation ne respecte pas les conditions de validité marocaines, par une homologation dudit acte, qui fait l’objet d’un jugement,

– infirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande d’annulation du testament donation ou donation des biens à venir du 27 avril 1988 et en conséquence, annuler le testament-donation ou donation des biens à venir du 27 avril 1988 ou à tout le moins le déclarer irrecevable,

à titre très subsidiaire,

– écarter l’application de la loi de marocaine validant la forme et le fond du « testament donation » du 27 avril 1988 en raison de sa contrariété à l’ordre public international et, en conséquence, écarter le « testament donation » du 27 avril 1988 et ordonner la liquidation et le partage judiciaire de [W] [J] selon les règles de la dévolution légale sans considération du « testament donation » du 27 avril 1988, considérant que son application heurte l’ordre public international français et notamment le principe d’égalité entre les femmes et les hommes,

à titre subsidiaire, sur la demande en réduction de libéralité excessive,

à titre principal,

– juger que la demande de réduction d’une libéralité excessive n’est soumise à aucun formalisme particulier et fait partie intégrante de la demande en liquidation/partage et contestation de libéralités, contenue dans l’assignation,

en conséquence,

– infirmer le jugement et ordonner la réduction du testament-donation ou donation des biens à venir du 27 avril 1988 si ce dernier n’est pas invalidé,

à titre subsidiaire,

– juger que la demande contenue dans les conclusions d’appelant et ne constituant pas une prétention nouvelle au sens de l’article 564 du code de procédure civile est parfaitement recevable,

en conséquence,

– infirmer le jugement et ordonner la réduction du testament-donation,

* sur la liquidation du régime matrimonial,

– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a jugé qu’il n’y avait pas d’indivision, pas de patrimoine à partager et par voie de conséquence aucun intérêt à déterminer le régime matrimonial applicable,

– ordonner, dans le cadre de la liquidation et du partage de la succession de [W] [J], la liquidation-partage du régime matrimonial de [W] [J] et [I] [D] en application de la loi française et plus particulièrement en application des règles régissant le régime participation aux acquêts,

– enjoindre aux intimés de produire l’ensemble des pièces nécessaires aux opérations de liquidation-partage du régime matrimonial des époux [D]/[J] dans un délai de trois semaines à compter des demandes qui seront adressées par le notaire, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter des demandes du notaire,

* sur le partage,

– infirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de partage judiciaire de [W] [J] et conséquence ordonner le partage judiciaire et la liquidation de la succession de [W] [J], designer Me [P] [T], notaire à [Localité 6] (34), ou subsidiairement, tel notaire qu’il plaira au tribunal pour procéder aux opérations de partage,

– ordonner au notaire désigné de convoquer les parties dans un délai de 3 mois à compter de la décision à intervenir,

– commettre un juge chargé de surveiller les opérations de partage,

– enjoindre aux défendeurs de produire l’ensemble des pièces nécessaires aux opérations de liquidation-partage de la succession de feue [W] [J] dans un délai de trois semaines à compter des demandes qui seront adressées par le notaire, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter des demandes du notaire,

* sur les parts sociales de la SA Ets A. [D],

à titre principal,

– infirmer le jugement en ce qu’il a refusé de fixer à l’actif successoral les parts sociales détenues par [W] [J] dans la SA Ets A. [D], en conséquence ordonner que soient fixées à l’actif successoral les parts détenues par [W] [J] dans la SA Ets A.[D] (13),

à titre subsidiaire,

– infirmer le jugement en ce qu’il a refusé d’annuler la cession de parts sociales alléguées par les consorts [D] compte tenu notamment de son incapacité juridique,

et en conséquence,

– annuler la cession de parts sociales alléguées par les consorts [D],

et conséquence,

– ordonner que soient fixées à l’actif successoral, en valeur ou en nature, les parts détenues par [W] [J] dans la SA Ets A. [D],

– en tout état de cause, infirmer le jugement en ce qu’il a refusé d’enjoindre aux consorts [D] de produire devant le notaire désigné les éléments sociaux de nature à justifier de leur nombre dans le délai d’un mois à compter de la signification de la décision à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard et en conséquence enjoindre aux consorts [D] de produire devant le notaire désigné les éléments sociaux de nature à justifier de le nombre de parts sociales détenues par [W] [J] dans la SA Ets A. [D] dans le délai d’un mois à compter de la signification de la décision à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard,

* sur les autres demandes,

– infirmant le jugement entrepris, ordonner l’exécution provisoire intégrale de la décision à intervenir,

– infirmant le jugement entrepris, condamner les consorts [D] aux entiers dépens et ainsi qu’à payer la somme de 10 000 euros à M. [N] en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et y ajoutant,

– condamner les consorts [D] aux entiers dépens dont distraction au profit de Me François Teytaud, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile et ainsi qu’à payer la somme de 10 000 euros à M. [N] en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 21 juillet 2022, les consorts [D] agissant tant en qualité d’intimés que d’intervenants forcés, demandent à la cour de :

à titre principal, sur leur appel incident :

– dire leur appel incident recevable et bien fonde’,

à titre principal,

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

* dit que les juridictions françaises sont compétentes pour statuer sur les demandes relatives à la succession de [W] [J],

* dit que le tribunal judiciaire de Paris est compétent pour statuer sur les demandes relatives à la succession de [W] [J],

* dit que la loi française est applicable à la succession de [W] [J],

et statuant à nouveau :

– se déclarer incompétente pour connaître du présent litige au profit des juridictions marocaines,

– et par conséquent, débouter M. [N] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

à titre subsidiaire,

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré l’assignation recevable,

et statuant à nouveau,

– déclarer irrecevable l’assignation « aux fins de liquidation-partage de succession » de M. [N] du fait de l’inobservation des exigences de l’article 1360 du code de procédure civile,

à titre subsidiaire, sur l’appel principal de M. [N] :

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

* rejeté la demande d’annulation de la donation de biens à venir du 27 avril 1988 de [W] [J] à [I] [D],

* constaté qu’il n’est saisi d’aucune demande de réduction de cette donation,

* rejeté la demande en partage judiciaire de la succession,

* rejeté les demandes d’injonction de produire les pièces nécessaires aux opérations de partage de la succession et du régime matrimonial de [W] [J],

* rejeté la demande tendant à fixer à l’actif successoral des parts sociales de la SA Ets A. [D],

* rejeté la demande d’annulation de la cession prétendument intervenue au cours de l’année 2008 des parts sociales de [W] [J] à la SA Ets A. [D],

* rejeté la demande d’injonction de produire devant le notaire les éléments sociaux de nature à justifier de leur nombre dans le délai d’un mois à compter de la signification de la décision à intervenir sous astreinte,

– débouter M. [N] de toutes ses demandes, fins et conclusions.

dans tous les cas,

– condamner M. [N] à verser à M. [D] et Mme [D] la somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de proce’dure civile, ainsi qu’aux entiers de’pens de l’instance.

Pour un plus ample exposé des moyens développés par les parties au soutien de leurs prétentions, il sera renvoyé à leurs écritures susvisées conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 mars 2023.

L’affaire a été appelée à l’audience du 28 mars 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la compétence internationale pour statuer sur la succession de [W] [J]

Les consorts [D] soulèvent l’incompétence des juridictions françaises pour statuer sur les demandes relatives à la succession de leur mère en se fondant sur les articles 20 et 21 du règlement n° 650/2012 du 4 juillet 2012 au motif que [W] [J] résidait au Maroc depuis plusieurs années et qu’il s’agit du pays avec lequel sa situation au moment de son décès présentait les liens les plus étroits, de sorte que la liquidation et le partage de sa succession seraient régis par le droit marocain.

Ils se prévalent en outre d’un privilège marocain de nationalité selon lequel lorsqu’une situation implique un ressortissant marocain, en l’espèce [I] [D], il doit être fait application du droit marocain. Ils en déduisent que les juridictions françaises ne sont pas compétentes pour statuer sur la succession de [W] [J].

M. [N], qui souligne la distinction entre la question de la compétence internationale et celle de la loi applicable au litige, soutient, sur le fondement de l’article 10 du règlement n° 650/2012 du 4 juillet 2012, que les juridictions françaises sont compétentes puisque [W] [J] était de nationalité française et que certains biens dépendant de sa succession se trouvent en France.

Le premier juge a retenu la compétence des juridictions françaises pour statuer sur l’ensemble de la succession de [W] [J] en précisant qu’il n’était pas contesté que celle-ci était de nationalité française et qu’elle était propriétaire au moment de son décès de parts de sociétés civiles immobilières immatriculées à [Localité 7].

Il est acquis et non discuté que [W] [J] étant décédée le 10 août 2017, il revient à la cour de céans, juridiction française saisie du litige, de faire application du règlement n°650/2012 du 4 juillet 2012 « relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions, et l’acceptation et l’exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d’un certificat successoral européen ». Ce règlement est, comme son intitulé l’indique, relatif en particulier à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière successorale, chacune de ces questions faisant l’objet d’un chapitre distinct.

Les règles régissant la compétence internationale d’une part et l’application de la loi d’un Etat au litige de l’autre ne se confondent pas.

Par ailleurs, la question de la compétence doit être traitée avant celle de la loi applicable, puisque les règles régissant cette dernière, ou le résultat de leur application, peuvent varier en fonction de la juridiction qui la traite.

Par conséquent, c’est par une erreur méthodologique de droit international privé que les intimés commencent par exciper de l’application de la loi marocaine à la succession de leur mère pour en déduire une incompétence du juge français.

S’agissant de la compétence, le chapitre II du règlement précité comporte les articles 4 à 19 et prévoit notamment, aux termes de l’article 4 relatif à la compétence générale, que « sont compétentes pour statuer sur l’ensemble d’une succession les juridictions de l’État membre dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès ».

Il est acquis en l’espèce que [W] [J] avait sa résidence habituelle au Maroc lors de son décès de sorte que ce texte ne permet pas de fonder la compétence du juge français.

Cependant, selon l’article 10, qui détaille les compétences subsidiaires :

« 1. Lorsque la résidence habituelle du défunt au moment du décès n’est pas située dans un État membre, les juridictions de l’État membre dans lequel sont situés des biens successoraux sont néanmoins compétentes pour statuer sur l’ensemble de la succession dans la mesure où :

a) le défunt possédait la nationalité de cet État membre au moment du décès; ou, à défaut,

b) le défunt avait sa résidence habituelle antérieure dans cet État membre, pour autant que, au moment de la saisine de la juridiction, il ne se soit pas écoulé plus de cinq ans depuis le changement de cette résidence habituelle.

2. Lorsque aucune juridiction d’un État membre n’est compétente en vertu du paragraphe 1, les juridictions de l’État membre dans lequel sont situés des biens successoraux sont néanmoins compétentes pour statuer sur ces biens. »

Il résulte de l’arrêt rendu par la Cour de justice de l’Union européenne le 4 avril 2022 (affaire C645/20) que cet article 10, paragraphe 1, sous a), doit être interprété en ce sens qu’une juridiction d’un État membre doit relever d’office sa compétence au titre de la règle de compétence subsidiaire prévue à cette disposition lorsque, ayant été saisie sur le fondement de la règle de compétence générale établie à l’article 4 de ce règlement, elle constate qu’elle n’est pas compétente au titre de cette dernière disposition.

Il en découle que, nonobstant le constat que le juge français n’est pas compétent au titre de l’article 4 du règlement précité, il convient de vérifier si les critères de l’article 10 ne lui attribuent pas cette compétence.

En l’espèce, la nationalité française de [W] [J] n’est pas plus discutée en appel qu’en première instance.

En revanche, alors que l’appelant soutient que certains biens relevant de sa succession sont situés en France, en particulier des parts des SCI Paola KF et Karinelly ainsi que les meubles garnissant les biens immobiliers dont ces SCI sont propriétaires, les intimés font désormais valoir qu’en vertu de la clause du « testament » du 27 avril 1988 prévoyant, en cas de prédécès de l’épouse que tous ses biens seront dévolus une heure avant son décès à son époux, [I] [A], conduit à ce qu’au moment précis du décès de [W] [J], celle-ci n’était plus propriétaire d’aucun bien en France.

Dans la mesure où l’appelant conteste la validité de l’acte du 27 avril 1988 dans le cadre de son appel principal, il faut se prononcer au préalable sur cette question de fond.

Sur la validité de l’acte du 27 avril 1988

L’appelant analyse cet acte comme un pacte successoral ou une donation au dernier vivant hors contrat de mariage. Il en conteste la régularité tant formelle que substantielle.

Sur la forme, il fait valoir que l’acte est régi par la loi successorale de [W] [J] en 1988, à savoir la loi française ou la loi marocaine selon les critères de l’article 1er de la convention de La Haye du 5 octobre 1961 et l’article 25 du règlement n°650/2012 du 4 juillet 2012, et par la loi successorale de [I] [D] à la même date, et qu’au regard de la loi française applicable à la succession de [W] [J], une libéralité, qu’elle soit consentie entre vifs ou à cause de mort, n’est « recevable » qu’à la condition qu’elle manifeste la volonté de son auteur alors que l’acte du 27 avril 1988 ne renferme selon lui qu’une volonté unilatérale de [I] [D], nonobstant la présence des deux époux, et non la volonté de la défunte.

Sur le fond, l’appelant admet que la validité de l’acte doit s’apprécier au regard de la loi présentant avec lui les liens les plus étroits et ne remet pas en cause l’application retenue en conséquence par le premier juge du statut personnel hébraïque marocain. Il produit un certificat de coutume faisant état d’une exigence d’homologation de l’acte par le tribunal rabbinique, qui ne constitue pas une simple formalité mais une condition de validité. Alors que le premier juge a retenu que cette exigence est satisfaite en l’espèce puisque la traduction certifiée conforme de l’acte porte la mention de la signature par le président du tribunal rabbinique de [Localité 5], M. [N] considère que cette motivation procède d’une confusion entre dépôt et homologation et qu’à défaut de preuve d’une telle homologation, qui ne peut selon lui résulter que d’un jugement postérieur au décès du premier époux, il y a lieu de juger, puisque la charge de la preuve pèse sur ceux qui se prévalent de l’acte, qu’il n’est pas établi que l’acte respecte les condition de validité nécessaires.

A titre subsidiaire, l’appelant demande que l’acte du 27 avril 1988 soit « écarté » en raison de sa contrariété à l’ordre public international français au motif que seule la volonté de [I] [D] aurait été recueillie et non celle de [W] [J] de sorte que l’époux aurait consenti seul à une donation à son profit des biens de cette dernière, aux lieu et place de celle-ci.

Les intimés, qui qualifient l’acte du 27 avril 1988 de « testament donation », le rattachent à la matière contractuelle régie par l’autonomie de la volonté, pour en soumettre la validité à la loi choisie par les parties, que ce soit en vertu de la loi marocaine ou de la loi française. Ils en déduisent que [W] [J] et [I] [D] ayant choisi de faire établir l’acte au Maroc, devant un rabbin notaire, sous l’empire de la loi marocaine, ont nécessairement entendu le soumettre à celle-ci. Ils précisent que le droit marocain ne fixe pas de limite aux donations entre vifs, s’agissant du bénéficiaire, qui peut être un héritier, ou de l’étendue de la donation, le donateur pouvant disposer de son vivant, à titre gratuit, de la totalité de ses biens en faveur de la personne de son choix.

Ils soulignent que, comme l’a releve’ le tribunal, la loi française admet également la donation de biens à venir entre époux.

Indépendamment des qualifications retenues, les parties reconnaissent que l’acte du 27 avril 1988 avait pour objet d’opérer une donation réciproque au bénéfice de l’un des époux en cas de prédécès de l’autre. Il s’agit bien d’un « acte volontaire de transfert en vertu d’une disposition à cause de mort » entrant dans le champ d’application du règlement n°650/2012 du 4 juillet 2012 au regard de la définition donnée à l’article 3, a) de cet instrument.

La qualification de « pacte successoral » utilisée par l’appelant, est incohérente avec son moyen selon lequel l’acte du 27 avril 1988 ne porte pas la manifestation de la volonté de [W] [J] mais seulement celle de [I] [D]. L’article 3, b) du règlement précité définit le pacte successoral comme « un accord, y compris un accord résultant de testaments mutuels, qui confère, modifie ou retire, avec ou sans contre-prestation, des droits dans la succession future d’une ou de plusieurs personnes parties au pacte ».

Il ressort de la traduction fournie que l’acte, intitulé testament, que les époux ont tous deux comparu devant des rabbins-notaires de [Localité 5]. La confession « non israëlite » de [W] [J] est précisée d’emblée, avant l’exposé des déclarations de [I] [D] seul portant sur les dispositions prévues en cas de prédécès de l’époux et en cas de prédécès de l’épouse. Suit notamment un paragraphe où « les époux précités déclarent que, toute leur vie durant, ils se réservent le droit le plus absolu de continuer de disposer librement de leurs biens et d’en faire tout ce que bon leur semblera. En conséquence, ils peuvent abroger le présent acte, tout ou partie, en augmenter la teneur ou en diminuer selon leur bonne volonté. »

Cette rédaction montre le caractère commun de l’acte et de la volonté exprimée, nonobstant la mention de la transcription des déclarations de [I] [D] seul, qui s’explique, au regard du critère religieux dont découle le régime juridique appliqué, à savoir le statut hébraïque marocain, par la confession juive du seul époux.

Le règlement n°650/2012 du 4 juillet 2012 prévoit, au troisième paragraphe de son article 25 que les parties au pacte successoral peuvent choisir la loi régissant leur pacte successoral, quant à sa recevabilité, sa validité au fond et ses effets contraignants entre les parties, y compris en ce qui concerne les conditions de sa dissolution.

En l’espèce, il n’est pas allégué que [W] [J] et [I] [D] aient opéré un tel choix.

A défaut, il convient de se référer aux dispositions suivantes du deuxième paragraphe de l’article 25 du règlement précité, sur lequel l’appelant lui-même se fonde :

« Un pacte successoral qui concerne la succession de plusieurs personnes n’est recevable que s’il l’est en vertu de chacune des lois qui, conformément au présent règlement, aurait régi la succession de chacune des personnes concernées si elles étaient décédées le jour où le pacte a été conclu.

Un pacte successoral qui est recevable en vertu du premier alinéa est régi, quant à sa validité au fond et à ses effets contraignants entre les parties, y compris en ce qui concerne les conditions de sa dissolution, par celle des lois visées au premier alinéa avec laquelle il présente les liens les plus étroits. »

Il n’est pas plus contesté devant la cour que devant le premier juge que la succession de [I] [D] relevait des règles du statut personnel hébraïque marocain, comme en atteste le notaire marocain consulté par M. [C] [N], et que ce statut n’interdit pas que des dispositions testamentaires puissent être prises au profit d’une personne qui n’est pas de confession juive. La recevabilité du pacte successoral au regard du droit marocain, à savoir le statut hébraïque local, n’est d’ailleurs pas discutée.

A supposer même que la loi française soit la loi qui, conformément au règlement, aurait régi la succession de [W] [J] à la date de l’acte soit au 27 avril 1988, il est constant que celle-ci connaît la donation de biens à venir entre époux, communément appelée « donation au dernier vivant » de sorte que l’acte serait également recevable au regard de la loi française.

Par conséquent, l’acte du 27 avril 1988 est recevable au sens du premier alinéa du deuxième paragraphe de l’article 25 du règlement n°650/2012 du 4 juillet 2012.

Quant à sa validité au fond et à ses effets contraignants entre les parties, l’appelant indique lui-même qu’il n’est pas contesté qu’ils doivent s’apprécier au regard de la loi présentant les liens les plus étroits avec l’acte. Comme l’a retenu le tribunal sans être critiqué sur ce point non plus par l’appelant, la loi marocaine est manifestement celle avec laquelle l’acte présente les liens les plus étroits puisqu’il a été établi au Maroc, devant des rabbins-notaires locaux.

M. [C] [N] se fonde alors sur le certificat de coutume établi à sa demande par Me [U] [V] [B], notaire à [Localité 5], le 23 septembre 2020. Il en résulte « qu’un testament établi par un juif marocain ne sera valable qu’après son homologation par la chambre rabbinique près du tribunal de première instance de [Localité 5]. Cette procédure n’étant pas une simple formalité, les juges rabbins apprécient le contenu de l’acte, le fond et sa forme, avant de se prononcer sur son homologation. »

Les intimés ne produisent aucune pièce de nature à contester cette analyse juridique.

Le premier juge, ayant constaté que la traduction certifiée conforme du testament porte la mention de la signature par le président du tribunal rabbinique de [Localité 5], a jugé que l’exigence d’homologation était donc satisfaite, et que l’acte était bien valable également sur le fond.

L’appelant soutient que le premier juge a ainsi confondu une preuve du dépôt du testament auprès du rabbin notaire rédacteur de l’acte avec la preuve attendue de son homologation, laquelle, selon lui, suppose le prononcé d’un jugement postérieurement au décès de [W] [J]. Il excipe d’une décision française rendue dans une affaire similaire (Civ. 1ère 21 novembre 2012, 10-17.365 et 10-30.845) et d’une nouvelle consultation de Me [B].

La cour constate que la traduction fournie dans la même version non contestée par chacune des parties mentionne d’une part la signature de deux rabbins-notaires et d’autre part après les mots « Vu authentique les signatures ci-dessus », la signature du président du tribunal rabbinique de [Localité 5] suivie de l’empreinte du sceau de cette juridiction, visible sur la copie de l’exemplaire original également produite. Dans ces conditions, aucune confusion ne peut être opérée entre le justificatif du dépôt de l’acte, découlant de la signature des deux rabbins-notaires, et celui d’une démarche distincte, ultérieure, soumise au président du tribunal rabbinique qui, au vu des explications des parties, ne peut correspondre qu’à l’homologation.

Au demeurant, ni la lecture de l’arrêt de la Cour de cassation précité ni même celle des pourvois, dans leur version produite par M. [C] [N], ne fait ressortir une obligation d’homologation par jugement du testament établi en vertu du droit marocain puisque le pourvoi n°J 10-30.845 énonce seulement, dans le cadre du premier moyen de cassation soulevé que « le jugement rabbinique du tribunal de première instance de Casablanca du 15 août 1978 a, après avoir énoncé que la lecture du testament litigieux avait été faite au ‘conseil d'[F] [X].. et aux deux filles [H] [M]… [X]… et [R] [O]… [X]…’ qui avaient ensemble sans la moindre contestation, homologué cet acte », le pluriel de l’auxiliaire avoir ne pouvant renvoyer au jugement rabbinique du tribunal de première instance de Casablanca, d’autant que l’adverbe « ensemble » qui suit renvoie nécessairement à plusieurs personnes, qui serait un sujet singulier, lequel a en revanche « déclaré que l’ensemble de la succession du défunt ([Y] [X]…) (revenait) à la veuve [S] X’», statuant ainsi sur la dévolution successorale, et « qu'[F] [X]… n’est pas fondé en sa prétention de voir annuler ledit testament pour ce motif », statuant manifestement sur une demande en annulation de testament.

En revanche, la lettre de Me [B] datée du 31 janvier 2023 venant compléter sa consultation précédente précise en effet que « le testament établi par un marocain de confession juive est homologué par un jugement rendu par les juges de la chambre rabbinique près le tribunal de première instance de Casablanca. » et ajoute que « Dans la pratique après le décès une demande accompagnée de l’acte de décès, du testament, et des pièces d’identité des héritiers est déposée auprès de ladite chambre rabbinique ; un jugement est ensuite rendu contenant la dévolution successorale et les parts revenant à chaque héritier ». Néanmoins, cette consultation complémentaire ne vient nullement exclure qu’en l’espèce, l’apposition de la signature du président du tribunal rabbinique et de l’empreinte du sceau de cette juridiction suffise à établir qu’une telle homologation a bien eu lieu, nonobstant le défaut de production du jugement.

Par conséquent, l’appelant échoue à rapporter la preuve d’une cause de nullité, d’irrecevabilité ou d’inopposabilité de l’acte du 27 avril 1988.

Par ailleurs, il a déjà été retenu qu’il ressort de la rédaction de cet acte, et en particulier du paragraphe où figurent une déclaration des deux époux et non du seul [I] [D], qu’il caractérise suffisamment l’expression de la volonté de [W] [J], bien qu’il soit précédemment indiqué que [I] [D] seul déclare ce qui est transcrit ensuite. Le moyen de l’appelant selon lequel l’acte aux termes duquel l’époux a consenti seul, aux lieu et place de l’épouse, à une donation des biens de cette dernière à son profit heurterait l’ordre public international français est donc rejeté.

Enfin, il sera rappelé que le droit français admet les donations entre époux au dernier vivant.

Par conséquent, l’acte du 27 avril 1988 étant amené à produire ses effets, tous les biens de [W] [J] ont été dévolus une heure avant son décès à son conjoint survivant, de sorte qu’au moment de son décès, celle-ci n’était plus propriétaire d’aucun bien, notamment en France.

Dès lors, les juridictions françaises ne sont pas celles « de l’État membre dans lequel sont situés des biens successoraux » conformément à l’hypothèse de l’article 10 du règlement n°650/2012 du 4 juillet 2012 ; leur compétence ne peut donc être fondée sur ce texte.

M. [C] [N] ne se prévaut pas d’un autre chef de compétence, tiré par exemple du forum necessitatis de l’article 11 du règlement.

Selon l’article 15 du règlement, la juridiction d’un État membre saisie d’une affaire de succession pour laquelle elle n’est pas compétente en vertu du règlement se déclare d’office incompétente.

Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu’il a dit que les juridictions françaises et singulièrement le tribunal judiciaire de Paris sont compétentes pour statuer sur les demandes relatives, et l’incompétence du juge français sera constatée sans qu’il y ait lieu de renvoyer vers les juridictions marocaines puisque l’article 81 du code de procédure civile dispose que, lorsque le juge estime que l’affaire relève de la compétence d’une juridiction répressive, administrative, arbitrale ou étrangère, il renvoie seulement les parties à mieux se pourvoir.

Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur la recevabilité de l’assignation, la loi applicable à la succession de [W] [J] ni sur les prétentions relatives à cette succession, y compris la demande en réduction nouvellement formée par M. [C] [N].

Le jugement entrepris sera ainsi également infirmé en ce qu’il a :

– dit que la loi française est applicable à la succession de [W] [J],

– déclaré l’assignation recevable,

– rejeté la demande d’annulation de la donation de biens à venir du 27 avril 1988 de [W] [J] et [I] [D],

– constaté qu’il n’est saisi d’aucune demande de réduction de cette donation,

– rejeté la demande en partage judiciaire de la succession,

– rejeté les demandes d’injonction de produire les pièces nécessaires aux opérations de partage de la succession et du régime matrimonial de [W] [J],

– rejeté la demande tendant à fixer à l’actif successoral des parts sociales de la SA Ets A. [D],

– rejeté la demande d’annulation de la cession prétendument intervenue au cours de l’année 2008 des parts sociales de [W] [J] à la SA Ets A. [D],

– rejeté la demande d’injonction de produire devant le notaire les éléments sociaux de nature à justifier de leur nombre dans le délai d’un mois à compter de la signification de la décision à intervenir sous astreinte.

Sur la liquidation du régime matrimonial

Aux termes de sa déclaration d’appel, l’appelant poursuit l’infirmation du jugement entrepris en ce qu’il a :

– ordonné la réouverture des débats sur la demande tendant à constater l’application de la loi française à la liquidation et au partage du régime matrimonial des époux [D]/[J],

– renvoyé l’affaire à l’audience de juge unique du 8 janvier 2021 à 14h00,

– invité les parties à conclure sur l’intérêt du demandeur à agir en détermination de la loi applicable au partage du régime matrimonial,

– rappelé que l’instance se poursuit sur ce seul point qui n’a pas été tranché par la présente décision.

Cependant, la décision de réouverture des débats est une mesure d’administration judiciaire qui ne peut faire l’objet d’aucun recours.

Aux termes du dispositif de ses conclusions, il demande à la cour d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a jugé qu’il n’y avait pas d’indivision, pas de patrimoine à partager et par voie de conséquence aucun intérêt à déterminer le régime matrimonial applicable.

Or le constat d’une absence d’indivision et donc de partage à réaliser constitue un motif du jugement entrepris pour ordonner la réouverture des débats.

C’est par un jugement distinct du jugement entrepris et postérieur, en date du 26 février 2021 que la demande de M. [C] [N] tendant à constater l’application de la loi française à la liquidation et au partage du régime matrimonial des époux [D]/[J] a été déclarée irrecevable pour défaut d’intérêt à agir. M. [C] [N] en a d’ailleurs interjeté appel.

La demande d’infirmation précitée, comme les demandes subséquentes d’ordonner, dans le cadre de la liquidation et du partage de la succession de [W] [J], la liquidation-partage du régime matrimonial de [W] [J] et [I] [D] en application de la loi française et plus particulièrement en application des règles régissant le régime de participation aux acquêts et d’enjoindre aux intimés de produire l’ensemble des pièces nécessaires aux opérations de liquidation-partage du régime matrimonial des époux [D]/[J] sous astreinte seront déclarées irrecevables en ce qu’elles sont formées dans le cadre de la présente instance.

Sur les frais et dépens

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

Il convient, en application de cette disposition, de condamner l’appelant aux dépens.

Il ne saurait dès lors être fait application de l’article 699 du code de procédure civile au profit de son avocat.

Enfin, l’équité commande de ne pas faire application, au profit de l’une ou l’autre des parties, de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement prononcé le 23 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu’il a :

– dit que les juridictions françaises sont compétentes pour statuer sur les demandes relatives à la succession de [W] [J],

– dit que le tribunal judiciaire de Paris est compétent pour statuer sur les demandes relatives à la succession de [W] [J],

– dit que la loi française est applicable à la succession de [W] [J],

– déclaré l’assignation recevable,

– rejeté la demande d’annulation de la donation de biens à venir du 27 avril 1988 de [W] [J] et [I] [D],

– constaté qu’il n’est saisi d’aucune demande de réduction de cette donation,

– rejeté la demande en partage judiciaire de la succession,

– rejeté les demandes d’injonction de produire les pièces nécessaires aux opérations de partage de la succession et du régime matrimonial de [W] [J],

– rejeté la demande tendant à fixer à l’actif successoral des parts sociales de la SA Ets A. [D],

– rejeté la demande d’annulation de la cession prétendument intervenue au cours de l’année 2008 des parts sociales de [W] [J] à la SA Ets A. [D],

– rejeté la demande d’injonction de produire devant le notaire les éléments sociaux de nature à justifier de leur nombre dans le délai d’un mois à compter de la signification de la décision à intervenir sous astreinte,

Statuant à nouveau,

Dit que les juridictions françaises ne sont pas compétentes pour statuer sur les demandes relatives à la succession de [W] [J] ;

Renvoie les parties à mieux se pourvoir ;

Y ajoutant,

Dit n’y avoir lieu à statuer sur la demande en réduction formée par M. [C] [N] ;

Déclare irrecevables les demandes de M. [C] [N] tendant à voir :

– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a jugé qu’il n’y avait pas d’indivision, pas de patrimoine à partager et par voie de conséquence aucun intérêt à déterminer le régime matrimonial applicable,

– ordonner, dans le cadre de la liquidation et du partage de la succession de [W] [J], la liquidation-partage du régime matrimonial de [W] [J] et [I] [D] en application de la loi française et plus particulièrement en application des règles régissant le régime participation aux acquêts,

– enjoindre aux intimés de produire l’ensemble des pièces nécessaires aux opérations de liquidation-partage du régime matrimonial des époux [D]/[J] dans un délai de trois semaines à compter des demandes qui seront adressées par le notaire, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter des demandes du notaire ;

Condamne M. [C] [N] aux dépens ;

Rejette les demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,

 


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