Droits des héritiers : 3 juillet 2023 Cour d’appel de Nancy RG n° 22/01265

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Droits des héritiers : 3 juillet 2023 Cour d’appel de Nancy RG n° 22/01265

3 juillet 2023
Cour d’appel de Nancy
RG n°
22/01265

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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COUR D’APPEL DE NANCY

Première Chambre Civile

ARRÊT N° /2023 DU 03 JUILLET 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/01265 – N° Portalis DBVR-V-B7G-E7QT

Décision déférée à la Cour : jugement du tribunal judiciaire de VERDUN,

R.G.n° 20/00795, en date du 07 avril 2022,

APPELANT :

Monsieur [U] [D]

né le 2 janvier 1947 à [Localité 12] (55)

domicilié [Adresse 1]

Représenté par Me Vincent VAUTRIN de la SELARL LÉGICONSEIL AVOCATS, avocat au barreau de la MEUSE

INTIMÉS :

Madame [O] [E] [N], née [D]

née le 18 novembre 1948 à [Localité 6] (55)

domiciliée [Adresse 5]

Représentée par Me Nadège DUBAUX, avocat au barreau de la MEUSE, substituée par Me Clarisse MOUTON, avocat au barreau de NANCY

Madame [J] [W], née [D]

née le 7 mars 1953 à [Localité 6] (55)

domiciliée [Adresse 3]

Représentée par Me Nadège DUBAUX, avocat au barreau de la MEUSE, substituée par Me Clarisse MOUTON, avocat au barreau de NANCY

Madame [H] [S], née [D]

née le 3 août 1954 à [Localité 11] (55)

domiciliée [Adresse 2]

Représentée par Me Nadège DUBAUX, avocat au barreau de la MEUSE, substituée par Me Clarisse MOUTON, avocat au barreau de NANCY

Monsieur [A] [D]

né le 13 avril 1950 à [Localité 11] (55)

domicilié [Adresse 4]

N’ayant pas constituté avocat bien que la déclaration d’appel lui ait été régulièrement signifiée par acte de Me [Y] [X] dit [X]-[I], Commissaire de justice à

[Localité 7], en date du 19 juillet 2022, transformé en procès-verbal de recherches infructueuses

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Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à

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COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 15 Mai 2023, en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Président de Chambre,

Monsieur Jean-Louis FIRON, Conseiller,

Madame Mélina BUQUANT, Conseiller, chargée du rapport,

qui en ont délibéré ;

Greffier, lors des débats : Madame Céline PERRIN ;

A l’issue des débats, le Président a annoncé que l’arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 03 Juillet 2023, en application de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

ARRÊT : défaut, rendu par mise à disposition publique au greffe le 03 Juillet 2023, par Monsieur CHAOUCH, Greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

signé par Madame CUNIN-WEBER, Président, et par Monsieur CHAOUCH, Greffier ;

EXPOSÉ DU LITIGE

[Z] [C] épouse [D], née le 4 février 1924 à [Localité 10] (Meuse), est décédée le 11 octobre 2016 à [Localité 9] (Meuse).

Son époux [G] [D], né le 2 octobre 1917 à [Localité 8] (Moselle), est décédé le 6 janvier 2020 à [Localité 9] (Meuse).

Ils ont laissé pour leur succéder leurs cinq enfants :

– Madame [O] [N] née [D],

– Madame [J] [W] née [D],

– Madame [H] [S] née [D],

– Monsieur [U] [D],

– Monsieur [A] [D].

Par assignations des 19 novembre 2020 et 25 novembre 2020, Mesdames [O] [N] née [D], [J] [W] née [D] et [H] [S] née [D] ont fait citer Monsieur [U] [D] et Monsieur [A] [D] devant le tribunal judiciaire de Verdun, sur le fondement des articles 815 et suivants du code civil, afin de :

– déclarer leurs demandes recevables et bien fondées,

– ordonner l’ouverture des opérations de compte liquidation partage des successions de [G] [D] et de [Z] [D] née [C] ainsi que de la communauté ayant existé entre eux,

– commettre Monsieur le président de la chambre des notaires de la Meuse, avec faculté de délégation à l’exclusion de la SCP Mancini-Michel, notaire à [Localité 13], pour procéder aux dites opérations,

– ordonner la nomination de tel juge commissaire chargé de surveiller les opérations de compte liquidation partage,

– condamner Monsieur [A] [D] à rapporter à la succession de [G] [D] la somme de 12000 euros,

– débouter Monsieur [U] [D] de sa demande de créance de salaire différé,

– constater que les cinq enfants de [G] [D] ont bénéficié chacun d’avantages à hauteur de 50000 francs, soit 7622,45 euros,

– en conséquence débouter Monsieur [U] [D] de sa demande de rapport par Madame [O] [N] née [D], Madame [J] [W] née [D], Madame [H] [S] née [D] et Monsieur [A] [D] de la somme de 7622,45 euros,

– condamner solidairement Messieurs [U] et [A] [D] à leurverser la somme de 1500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– les condamner solidairement aux entiers dépens.

Par jugement contradictoire du 7 avril 2022, le tribunal judiciaire de Verdun a :

– déclaré irrecevables les fins de non-recevoir tirées de l’absence dans l’assignation de descriptif du patrimoine à partager et du défaut de justificatifs des diligences entreprises en vue de parvenir à un partage amiable,

– déclaré recevable la demande en partage,

– ordonné l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage des successions de Monsieur [G] [D] et de Madame [Z] [D] née [C], ainsi que de la communauté ayant existé entre eux,

– commis Maître [K] [B], notaire à [Localité 13], pour procéder aux opérations de liquidation,

– désigné Monsieur Eric Gallic, vice-président au tribunal judiciaire de Verdun pour surveiller le déroulement des opérations, avec lequel les échanges se feront par lettre simple, adressée en copie par lettre recommandée avec demande d’avis de réception aux avocats des parties,

– rappelé que le notaire commis pourra s’adjoindre si la valeur ou la consistance des biens le justifie un expert choisi d’un commun accord entre les parties ou à défaut désigné par le juge commis,

– étendu la mission de Maître [K] [B] à la consultation des fichiers Ficoba et Ficovie pour le recueil des données concernant l’identification de tout compte bancaire ou postal, ou contrat d’assurance vie ouverts au nom de [G] [D] et [Z] [D] née [C] aux dates qu’il indiquera à l’administration fiscale chargée de la gestion de ce fichier,

– à cet effet ordonné et, au besoin, requis les responsables des fichiers Ficoba et Ficovie, de répondre à toute demande dudit notaire (article L. 143 du livre des procédures fiscales),

– dit qu’il appartiendra aux parties et/ou au notaire commis de déterminer la date de jouissance divise conformément aux dispositions de l’article 829 du code civil,

– rappelé que le notaire désigné dispose d’un délai d’un an à compter de la présente décision pour dresser un état liquidatif qui établit les comptes entre copartageants, la masse partageable, les droits des parties, la composition des lots à répartir,

– rappelé que ce délai sera suspendu en cas de désignation d’un expert et jusqu’à la remise du rapport,

– rappelé que le notaire commis devra convoquer d’office les parties et leurs avocats et pourra solliciter de celles-ci, dans le délai qu’il leur impartit, tout document utile à l’accomplissement de sa mission,

– dit que le notaire commis rendra compte au juge commis des difficultés rencontrées et pourra solliciter de celui-ci toute mesure nécessaire à l’accomplissement de sa mission (injonctions, astreintes, désignation d’un expert en cas de désaccord, désignation d’un représentant à la partie défaillante, conciliation en sa présence devant le juge, vente forcée d’un bien…),

– rappelé que les parties pourront à tout moment abandonner la voie du partage judiciaire et réaliser entre elles un partage amiable, le juge commis étant alors informé sans délai par le notaire commis afin de constater la clôture de la procédure judiciaire,

– rappelé qu’en cas de désaccords des copartageants sur le projet d’état liquidatif dressé par le notaire, ce dernier transmettra sans délai au juge un procès-verbal reprenant les dires des parties, un exposé précis et exhaustif des points d’accord et de désaccord des parties ainsi que le projet d’état liquidatif,

– rappelé que le notaire percevra directement ses émoluments auprès des parties,

– rappelé qu’en cas d’inertie d’un indivisaire, il appartient au notaire commis de solliciter la désignation d’un représentant à celui-ci conformément aux dispositions de l’article 841-1 du code civil,

– débouté Monsieur [A] [D] de sa demande de communication de relevés de compte bancaire,

– dit que Mesdames [H] [S] née [D], [J] [W] née [D], [O] [N] née [D] et Monsieur [A] [D] doivent chacun le rapport à la succession de leur père de la somme de 7622,42 euros au titre du don manuel de 50000 francs,

– dit n’y avoir lieu à rapport par Monsieur [U] [D] de la somme de 7622,42 euros (50000 francs) au titre des avantages reçus en parts de bétail et de mobilier,

– dit que Monsieur [A] [D] sera tenu au rapport de la somme de 10000 euros au titre du chèque du même montant à lui remis le 14 septembre 2006,

– dit que Madame [J] [W] née [D], comme chacun des quatre autres héritiers, sera tenue de rapporter à la succession de Monsieur [G] [D] la somme de 10000 euros reçue au cours de l’année 2018,

– débouté Monsieur [A] [D] de sa demande tendant à voir Madame [J] [W] née [D] condamnée au rapport des sommes de 45000 euros, 20000 euros, 15000 euros et 1000 euros,

– débouté Monsieur [U] [D] de sa demande tendant à se voir reconnaître une créance de salaire différé,

– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’une ou l’autre des parties,

– dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage,

– rappelé le caractère exécutoire de plein droit de la décision.

Pour statuer ainsi, le tribunal a relevé que les prétentions tenant à l’irrecevabilité des assignations en partage auraient dû être présentées au juge de la mise en état, et non devant les juges du fond, et qu’elles étaient en conséquence irrecevables.

Il a rejeté la demande de communication de relevé de compte bancaire du défunt formé par Monsieur [A] [D], au motif que cette demande aurait dû être, elle aussi, formée devant le juge de la mise en état, et qu’au surplus, Monsieur [A] [D] ne justifiait ni, d’une part, s’être vu opposer un refus de la banque de lui communiquer lesdits relevés, ni d’autre part, que Madame [J] [W] née [D] soit en possession des documents réclamés.

Le tribunal a estimé que la complexité des opérations de partage justifiait la désignation d’un notaire.

Sur le rapport des dons manuels, il a considéré que seul le chèque de 10000 euros remis par [G] [D] à son fils, Monsieur [A] [D], devait être rapporté à la succession, dès lors qu’il s’agissait, selon les termes du courrier manuscrit rédigé le 6 août 2015 par le défunt, d’une somme qui devait initialement être remboursée et qui avait ensuite été transformée en avancement d’hoirie. Concernant le deuxième chèque, d’un montant de 2000 euros, le tribunal a jugé qu’aucun élément ne pouvait démontrer sa remise effective à Monsieur [A] [D], et que ce dernier ne pouvait donc être tenu au rapport de cette somme.

Sur le rapport par Monsieur [U] [D] des avantages reçus en part de bétail et de mobilier,

les premiers juges ont relevé que le bétail et le mobilier remis l’avaient été à titre de donation en avancement d’hoirie, lorsque [G] [D] avait cessé son activité, et non à titre de rémunération. Ils ont jugé que si le rapport de la valeur des biens donnés à Monsieur [U] [D] était bien dû, l’évaluation de cette donation à la somme de 50000 francs ne pouvait être retenue ; qu’en outre, faute de descriptif des biens donnés, il ne pouvait être procédé à leur évaluation et qu’en conséquence, il ne serait dû le rapport d’aucune somme de ce chef.

Sur la créance de salaire différé revendiquée par Monsieur [U] [D], si le tribunal a estimé que l’inscription de ce dernier à la Mutualité Sociale Agricole (MSA) en qualité d’aide familial se trouvait corroborée par les témoignages produits, suffisamment précis et concordants pour établir qu’il avait bien participé directement et effectivement aux travaux de l’exploitation agricole de son père, Monsieur [U] [D] ne démontrait pas, par les pièces produites, qu’il n’aurait pas été associé aux bénéfices et aux pertes de l’exploitation, ni qu’il n’aurait pas reçu de salaire en argent.

Enfin, sur la demande par Monsieur [A] [D] de rapport par Madame [J] [W] de la somme de 61000 euros, le tribunal a jugé que si Madame [J] [W] était tenue, comme chacun des cinq héritiers, de rapporter à la succession la somme de 10000 euros, perçue en avancement d’hoirie, elle n’avait pas en revanche à rapporter la somme de 45000 euros puisque celle-ci correspondait en réalité à un placement effectué du compte courant du défunt sur son livret B de la caisse d’épargne. De même, les sommes de 20000 et 15000 euros correspondant à des prêts remboursés n’étaient pas soumises au rapport. En dernier lieu, sur le rapport de la somme de 1000 euros qualifiée d’étrennes, les premiers juges ont retenu qu’il appartenait à Monsieur [A] [D] d’apporter la preuve de ses allégations selon lesquelles les deux virements de 500 euros effectués au profit des petits-enfants de [G] [D] ne seraient pas conformes à la volonté de celui-ci, ou que Madame [J] [W] née [D] aurait usé des fonds de son père à des fins personnelles, preuve qu’en l’espèce, il n’avait pas apportée.

Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 1er juin 2022, Monsieur [U] [D] a relevé appel de ce jugement.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d’appel sous la forme électronique le 21 mars 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur [U] [D] demande à la cour, au visa des articles 815 et suivants du code civil, 1360 du code de procédure civile, L. 321-13 et suivants du code rural, de :

– déclarer son appel recevable et bien fondé,

– infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Verdun le 7 avril 2022 en ce qu’il l’a débouté de sa demande de reconnaissance de créance de salaire différé,

Statuant à nouveau,

– dire et juger qu’il est titulaire d’une créance de salaire différé sur la période du 2 janvier 1965 au 28 février 1966 et sur la période du 1er juillet 1967 au 31 décembre 1969 et dire que le montant de cette créance sera calculé par le notaire en charge des opérations de liquidation conformément aux dispositions de l’article L. 321-13 du code rural et de la pêche maritime,

– condamner solidairement Madame [O] [N], Madame [J] [W] et Madame [H] [S] à lui verser la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner solidairement Madame [O] [N], Madame [J] [W] et Madame [H] [S] aux entiers dépens.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d’appel sous la forme électronique le 21 février 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Madame [H] [S], Madame [J] [W] et Madame [O] [N] demandent à la cour de :

– constater que la cour n’est saisie d’aucune demande,

En conséquence,

– confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Verdun en date du 7 avril 2022,

A titre subsidiaire,

– confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Verdun en date du 7 avril 2022,

– condamner Monsieur [D] [U] à leur verser chacune la somme de 1500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– le condamner aux entiers dépens.

Monsieur [A] [D], bien que régulièrement assigné par acte d’huissier remis le 19 juillet 2022 selon les modalités de l’article 659 du code de procédure civile par l’appelant qui lui a signifié selon les mêmes modalités ses premières conclusions le 24 août 2022, n’a pas constitué avocat.

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 4 avril 2023.

L’audience de plaidoirie a été fixée le 15 mai 2023 et le délibéré au 3 juillet 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Vu les dernières conclusions déposées par Monsieur [U] [D] le 21 mars 2023 et par Madame [H] [S] née [D], Madame [J] [W] née [D], Madame [O] [N] née [D] le 21 février 2023 et visées par le greffe auxquelles il convient de se référer expressément en application de l’article 455 du code de procédure civile ;

Vu la clôture de l’instruction prononcée par ordonnance du 4 avril 2023 ;

* Sur la recevabilité de Monsieur [U] [D] à demander à la cour ‘dire et juger qu’il est titulaire d’une créance de salaire différé sur la période du 2 janvier 1965 au 28 février 1966 et sur la période du 1er juillet 1967 au 31 décembre 1969 et dire que le montant de cette créance sera calculé par le notaire en charge des opérations de liquidation conformément aux dispositions de l’article L. 321-13 du code rural et de la pêche maritime’

Les intimés considèrent que l’appelant – qui demande à la cour de ‘dire et juger qu’il est titulaire d’une créance de salaire différé’ – ne forme aucune prétention dans le dispositif de ses conclusions d’appel et qu’en conséquence, la cour ne peut que confirmer le jugement.

Une prétention au sens de l’article 4 du code de procédure civile s’analyse en une demande ayant pour objet de changer l’ordre juridique existant entre les parties au litige. La formulation dans le dispositif de demandes tendant à ‘dire et juger que’ ou ‘constater’ ne constituent pas des prétentions sur lesquelles la juridiction doit statuer s’il ne s’agit que de la reprise de moyens, qui ne tendent pas à modifier la situation respective des parties, sauf l’hypothèse où la loi impose au juge de constater l’existence d’un fait dans le dispositif de sa décision.

En demandant à la cour de ‘dire et juger qu’il est titulaire d’une créance de salaire différé sur la période du 2 janvier 1965 au 28 février 1966 et sur la période du 1er juillet 1967 au 31 décembre 1969 et dire que le montant de cette créance sera calculé par le notaire en charge des opérations de liquidation conformément aux dispositions de l’article L. 321-13 du code rural et de la pêche maritime’, Monsieur [U] [D] ne formalise pas un rappel des moyens, mais saisit la cour d’une prétention au sens de l’article 4 du code de procédure civile tendant d’une part à imposer, dans le règlement de la succession de son père, le fait qu’il bénéficie d’une créance de salaire différée et ainsi à définir les règles à appliquer au partage et, d’autre part, à enjoindre au notaire commis de procéder au chiffrage de sa créance sur la succession au cours des opérations de liquidation et de partage par le notaire commis. En effet, ces demandes formulées dans le cadre d’un partage successoral ne peuvent tendre qu’à la reconnaissance de l’existence des créances invoquées, dont il incombe à la cour de dire si elle sont ou non fondées, en sorte que le notaire commis soit en mesure de faire le compte entre les héritiers, sans qu’il soit possible de prononcer une condamnation à la charge de l’autre héritier.

Il convient en conséquence de rejeter l’irrecevabilité soulevée.

** Sur la créance de salaire différé

En application des dispositions de l’article L. 321-13 et L. 321-17 du code rural et de la pêche maritime, les enfants qui, âgés de plus de 18 ans, ont participé effectivement à l’exploitation agricole de leur auteur, sans être associés aux bénéfices ni aux pertes et qui n’ont pas reçu de salaire en argent en contrepartie de leur collaboration, sont réputés légalement bénéficiaires d’un contrat de travail à salaire différé et détiennent contre la succession du de cujus une créance de salaire différé.

Il incombe au demandeur d’une créance de salaire différé de rapporter la preuve de ce qu’il a participé à l’exploitation agricole de son auteur et de ce que son travail a été accompli sans avoir reçu de salaire en argent, ni avoir été associé aux bénéfices ou aux pertes.

En l’espèce, il ressort du relevé de la MSA que Monsieur [U] [D] a été déclaré comme aidant familial du 2 janvier 1965 au 28 février 1966 puis du 1er juillet 1967 au 31 décembre 1969, sans avoir acquis de point, ce qui implique qu’aucun versement de salaire n’a été déclaré.

Cette attestation est corroborée par les nombreux témoignages et pièces versées aux débats selon lesquelles il a bien collaboré à l’exploitation de son père, comme le premier juge l’a justement retenu par motifs qu’il convient d’adopter.

Il verse en outre plusieurs pièces qui établissent qu’il n’a perçu aucune contrepartie financière, en particulier l’attestation de son ami d’enfance Monsieur [P] [F], de celle de Monsieur [R] [M], de son épouse Madame [H] [D], le relevé de sa banque dont il ressort qu’il a ouvert son premier compte sur livret le 16 août 1970 et surtout l’attestation de son frère Monsieur [A] [D] qui affirme, tout comme les autres témoins, que Monsieur [U] [D] n’a jamais été rémunéré quand il était aidant familial.

L’appelant rapporte ainsi la preuve qu’il a travaillé sur l’exploitation de ses parents sans être rémunéré, ni être intéressé aux résultats de l’exploitation.

Il apparaît qu’à partir de 1970, il s’est établi en reprenant une partie de l’exploitation de ses parents, il justifie ainsi des conditions qui lui ont permis de s’installer. S’il a reçu une aide de ses parents à cette occasion, cela n’établit pas qu’il a perçu une contre partie pendant ses années de travail antérieures sur l’exploitation de son père.

Il convient en conséquent d’infirmer le jugement et de dire d’une part que Monsieur [U] [D] détient sur la succession de [G] [D] une créance de salaire différé pour les périodes du 2 janvier 1965 au 28 février 1966 et du 1er juillet 1967 au 31 décembre 1969 et d’autre part que le notaire commis en tiendra compte dans ses opérations.

*** Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Il convient de condamner Madame [H] [S], Madame [J] [W] et Madame [O] [N], qui succombent dans leur opposition à voir fixer une créance de salaire différé au profit de leur frère, aux dépens d’appel.

Elles seront condamnées à verser à Monsieur [U] [D] une somme qu’il est équitable de fixer à 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant par arrêt rendu par défaut prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

Rejette le moyen tiré de l’absence de saisine de la cour faute de prétentions figurant dans le dispositif des dernières conclusions de Monsieur [U] [D] au titre de sa créance de salaire différé,

Infirme le jugement rendu le 7 avril 2022 par le tribunal judiciaire de Verdun en ce qu’il a débouté Monsieur [U] [D] de sa demande de salaire différé,

Dit que Monsieur [U] [D] est titulaire sur la succession de [G] [D] d’une créance de salaire différé sur la période du 2 janvier 1965 au 28 février 1966 et sur la période du 1er juillet 1967 au 31 décembre 1969,

Dit que le notaire commis procédera aux opérations de compte, liquidation et partage de la succession de [G] [D] en tenant compte de cette créance calculée conformément aux dispositions de l’article L. 321-13 du code rural et de la pêche maritime,

Y ajoutant,

Condamne Madame [H] [S], Madame [J] [W] et Madame [O] [N] aux dépens d’appel,

Condamne Madame [H] [S], Madame [J] [W] et Madame [O] [N] à Monsieur [U] [D] la somme de 1500 euros (MILLE CINQ CENTS EUROS) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Madame CUNIN-WEBER, Présidente de la première chambre civile de la Cour d’Appel de NANCY, et par Monsieur CHAOUCH, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Signé : A. CHAOUCH Signé : N. CUNIN-WEBER.

Minute en dix pages.

 


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