Droits des héritiers : 3 juillet 2023 Cour d’appel de Nancy RG n° 22/00652

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Droits des héritiers : 3 juillet 2023 Cour d’appel de Nancy RG n° 22/00652

3 juillet 2023
Cour d’appel de Nancy
RG n°
22/00652

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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COUR D’APPEL DE NANCY

Première Chambre Civile

ARRÊT N° /2023 DU 03 JUILLET 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/00652 – N° Portalis DBVR-V-B7G-E6FG

Décision déférée à la Cour : jugement du tribunal judiciaire de VAL DE BRIEY,

R.G.n°14/00024, en date du 24 février 2022,

APPELANTE :

Madame [A] [I] [S], née [U]

née le 14 octobre 1958 à [Localité 8] (54)

domiciliée [Adresse 2]

Représentée par Me Barbara VASSEUR de la SCP VASSEUR PETIT, avocat au barreau de NANCY, avocat postulant

Plaidant par M Gérard KREMSER, avocat au barreau de BRIEY

INTIMÉS :

Madame [ZP] [K], née [U]

née le 30 octobre 1956 à [Localité 8] (54)

domiciliée [Adresse 1]

Représentée par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, avocat au barreau de NANCY

Madame [N] [Z] [U]

née le 12 avril 1966 à [Localité 8] (54)

domiciliée [Adresse 4]

Représentée par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, avocat au barreau de NANCY

Monsieur [H] [U]

né le 29 avril 1960 à [Localité 8] (54)

domicilié [Adresse 6]

Représenté par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, avocat au barreau de NANCY

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Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à

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COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 15 Mai 2023, en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Président de Chambre,

Monsieur Jean-Louis FIRON, Conseiller,

Madame Mélina BUQUANT, Conseiller, chargée du rapport,

qui en ont délibéré ;

Greffier, lors des débats : Madame Céline PERRIN ;

A l’issue des débats, le Président a annoncé que l’arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 03 Juillet 2023, en application de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 03 Juillet 2023, par Monsieur CHAOUCH, Greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

signé par Madame CUNIN-WEBER, Président, et par Monsieur CHAOUCH, Greffier ;

EXPOSÉ DU LITIGE

[J] [R] veuve [U], née le 24 décembre 1930 à [Localité 9] (Italie) est décédée le 8 mars 2013 à son domicile sis [Adresse 5]. Elle a laissé quatre enfants pour lui succéder :

– Madame [A] [U] épouse [I] [S] (Madame [I] [S]),

– Monsieur [H] [U],

– Madame [N] [Z] [U],

– Madame [ZP] [U] épouse [K] (Madame [K]).

L’actif de la succession comprend notamment un immeuble sis [Adresse 5] à [Localité 7] et des comptes bancaires, ainsi que des biens immobiliers en Italie, qui ont fait l’objet d’un jugement de partage en date du 13 juin 2018 du Tribunal de Sulmona (Italie).

La défunte a disposé de la quotité disponible par deux testaments :

– un testament reçu en la forme authentique par Maître [V], notaire, le 5 avril 1985, par lequel elle excluait sa fille [ZP] du bénéfice de la quotité disponible au profit de son frère et de ses deux soeurs,

– un testament daté du 17 septembre 2008 enregistré par un notaire italien par lequel elle lègue la quotité disponible à sa fille [A].

Par jugement du 8 juin 2015, le tribunal de grande instance de Briey a :

– ordonné l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de [J] [U], existant entre les parties,

– ordonné en conséquence, et à défaut de meilleur accord, la licitation de l’immeuble indivis au prix de 170000 euros, avec possibilité pour le notaire commis de baisser le prix d’un quart,

– désigné Maître [B], notaire à [Localité 7], pour y procéder et Madame Michèle Berain, magistrat, en qualité de juge commis au partage afin de suivre les opérations de liquidation et partage et de faire rapport en cas de difficultés,

– dit n’y avoir lieu en l’état à statuer sur le surplus des prétentions respectives des parties, celles-ci étant prématurées.

Par acte du 8 août 2018, Maître [Y] [X], notaire à [Localité 7], a dressé un procès-verbal de difficulté faute d’avoir trouvé un accord entre les indivisaires en vue de procéder aux opérations de compte, liquidation et partage de la succession de Madame [J] [U].

Par ordonnance du 8 mars 2021, le juge commis du tribunal judiciaire de Briey a autorisé les consorts [U] à vendre l’immeuble sis [Adresse 5] Haut, cadastré section AZ n°[Cadastre 3], d’une contenance de 3 a 20 ca au prix de 160000 euros (frais d’agence de 10000 euros inclus) suivant offre d’achat du 21 janvier 2021.

Selon procès-verbal de comparution du 22 octobre 2020, le juge a constaté qu’aucune conciliation n’était possible entre les parties

Par jugement contradictoire du 24 février 2022, le tribunal judiciaire de Val de Briey a :

– ordonné la licitation du bien situé [Adresse 5] au prix de 150000 euros avec faculté pour le notaire commis de baisser la mise à prix d’un quart,

– dit que le mobilier sera vendu avec l’immeuble à usage d’habitation et qu’à défaut il sera enlevé et évacué aux frais de la succession,

– rejeté la demande d’indemnité d’occupation,

– rejeté la demande relative à l’assurance vie,

– dit que le testament daté du 17 septembre 2018 est valable et applicable à la succession en cause,

– condamné Madame [A] [I] [S] à rapporter la somme de 24490 euros à la succession,

– dit que Madame [A] [I] [S] ne pourra donc prétendre à aucune part sur la somme à rapporter de 24490 euros,

– rejeté la demande de dommages intérêts,

– ordonné le partage conformément au jugement et désigné Maître [X], notaire aux fins de dresser l’acte de partage conforme,

– dit qu’en l’absence d’accord des parties sur les attributions, le notaire procèdera par tirage au sort,

– dit qu’en cas de refus par une partie de signer l’acte de partage établi conformément à l’état liquidatif rectifié et complété, toute partie pourra saisir le juge aux fins d’homologation et que dans ce cas les frais de la procédure pourront être mis à la charge de l’opposant ou du défaillant,

– dit n’y avoir lieu à indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage et supportés par les parties à proportion de leur part dans l’indivision,

– rappelé que les modalités de cet emploi sont incompatibles avec la distraction des dépens au profit du conseil de l’une ou l’autre des parties,

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

Pour statuer ainsi, le tribunal a relevé que Monsieur [H] [U] avait vécu avec sa mère de son vivant et qu’il ne s’agissait donc pas d’une occupation postérieure à l’ouverture de la succession pouvant ouvrir droit à la fixation d’une indemnité d’occupation dans le cadre de la succession. L’occupation gratuite du bien, du vivant du défunt, par l’un de ses héritiers présomptifs, ne peut éventuellement donner lieu au jour de l’ouverture de la succession qu’au rapport de l’avantage indirect en résultant pour celui-ci, ce qui n’était pas sollicité en l’espèce. Sur la demande relative à l’assurance vie, la demande de Madame [I] [S] a été rejetée, en l’absence de pièces.

Sur le testament, le tribunal a jugé que ce dernier, rédigé en Italie, était valable et que les défendeurs ne rapportaient pas la preuve que leur mère était dépourvue de ses facultés intellectuelles lors de la rédaction. Par ailleurs, l’existence d’un testament antérieur ne permettait pas de remettre en cause ce testament dès lors qu’en rédigeant un nouveau testament incompatible avec le premier, la défunte avait révoqué tacitement le testament rédigé le 9 avril 1985. Le tribunal a également considéré que le fait que le testament italien n’ait pas été appliqué dans le cadre de la succession ouverte en Italie concernant des biens situés en Italie était sans effet sur la succession ouverte en France. Il a ainsi retenu que le testament daté du 17 septembre 2018 était valable et applicable à la succession en cause.

Sur la demande reconventionnelle à l’encontre de Madame [I] [S], le tribunal a retenu que s’il était établi que celle-ci avait pris des objets et des meubles dans le domicile de la défunte, en l’absence de précision quant à leur nature ou à leur prix, elle ne pouvait être condamnée à les rapporter à la succession. En revanche, s’agissant des fonds prélevés sur l’assurance-vie et sur le compte de la défunte sans justifier de leur utilisation, il a jugé que la somme 24490 euros devait être rapportée par Madame [I] [S] à la succession. Il a ajouté que le montant des sommes retirées, leur périodicité et l’existence de retraits postérieurs au décès suffisaient à caractériser l’intention frauduleuse de Madame [I] [S] qui avait manifestement cherché à rompre l’égalité du partage au détriment des autres héritiers, caractérisant ainsi le recel successoral sur la somme à rapporter de 24490 euros.

Enfin, la demande de dommages et intérêts de Madame [I] [S] a été rejetée, au motif qu’elle ne justifiait pas de son préjudice.

En dernier lieu, le tribunal a prévu que les dépens seraient employés en frais privilégiés de partage supportés par les parties à proportion de leur part dans l’indivision, et dit n’y avoir lieu à indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 17 mars 2023, Madame [A] [I] [S] née [U] a relevé appel de ce jugement.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d’appel sous la forme électronique le 29 mars 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Madame [I] [S] demande à la cour de :

– déclarer son appel (textuel),

– annuler et subsidiairement infirmer le jugement rendu le 24 février 2022 par le tribunal judiciaire de Val de Briey en ce qu’il :

* rejette la demande d’indemnité d’occupation,

* la condamne à rapporter la somme de 24490 euros à la succession et dit qu’elle ne pourra prétendre à aucune part sur cette somme,

* rejette la demande de dommages et intérêts,

* dit n’y avoir lieu à indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile,

* dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage et supportés par les parties à proportion de leur part dans l’indivision,

Et statuant à nouveau,

– condamner Monsieur [H] [U] à rapporter l’avantage tiré de cette occupation, soit la somme de 20790 euros et en tant que de besoin le condamner à verser cette somme et la somme de 729 euros,

– dire qu’il ne pourra prétendre à aucune part sur ces sommes,

– dire et juger les demandes de Monsieur [H] [U] et Mesdames [ZP] et [N] [Z] [U] irrecevables comme se heurtant à l’autorité de la chose jugée et subsidiairement,

– débouter Monsieur [H] [U] et Mesdames [ZP] et [N] [Z] [U] de leurs demandes,

– condamner Monsieur [H] [U] et Mesdames [N] [Z] et [ZP] [U] solidairement à lui régler :

* la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts et

* la somme de 5000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– confirmer pour le surplus la décision dont appel et dire et juger mal fondé l’appel incident en ce qu’il demande l’infirmation du jugement en ce qu’il dit que le testament rédigé en Italie est applicable aux biens situés en France, et en ce qu’il a limité la condamnation de la concluante à rapporter 24490 euros pour la voir condamner à un rapport de 48500 euros et enfin en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile, pour la voir condamnée à ce titre à leur verser 5000 euros,

Y ajoutant,

– condamner Monsieur [H] [U] et Mesdames [N] [Z] et [ZP] [U] solidairement en tous les dépens de première instance et d’appel.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d’appel sous la forme électronique le 22 mars 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Madame [K], Madame [U] et Monsieur [U] demandent à la cour de :

– déclarer recevable mais mal fondé l’appel interjeté par Madame [I] [S],

– le rejeter,

– déclarer en revanche recevable et bien fondé l’appel incident formé par les concluants,

– infirmer le jugement en ce qu’il a dit le testament rédigé en Italie applicable aux biens situés en France,

– dire ce testament de nul effet pour les biens situés en France,

– dire et juger par conséquent que doit s’appliquer à la succession ouverte en France le testament notarié rédigé par Madame [J] [U] le 9 avril 1985,

– réformer le jugement en ce qu’il a limité les sommes dues par Madame [I] [S] du fait de ses détournements à la somme de 24490 euros et statuant à nouveau,

– condamner cette dernière à verser à la succession la somme de 48500 euros et confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a appliqué la sanction du recel,

– infirmer également le jugement en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile au profit des concluants,

– condamner Madame [I] [S] à payer aux concluants la somme de 5000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais non répétibles exposés en première instance,

– confirmer le jugement dont appel pour le surplus,

Y ajoutant,

– déclarer irrecevable et subsidiairement mal fondée la demande de Madame [I] [S] au titre du rapport demandé à Monsieur [H] [U],

– condamner Madame [I] [S] à 5000 euros au titre des frais non répétibles de la procédure d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 4 avril 2023.

L’audience de plaidoirie a été fixée le 15 mai 2023 et le délibéré au 3 juillet 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Vu les dernières conclusions déposées par Madame [I] [S] le 29 mars 2023 et par Madame [K], Madame [U] et Monsieur [U] le 22 mars 2023 et visées par le greffe auxquelles il convient de se référer expressément en application de l’article 455 du code de procédure civile ;

Vu la clôture de l’instruction prononcée par ordonnance du 4 avril 2023 ;

Préalablement, il convient d’indiquer que l’appelant a transmis à la juridiction et à son contradicteur le 13 juin 2023 par la voie électronique un courrier adressé par Monsieur [U] à sa mère ; l’avocat des intimés a rappelé qu’aucune note en délibéré n’avait été autorisée et a demandé de l’écarter des débats.

Selon l’article 802 du code de procédure civile, ‘Après l’ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office’.

Il convient en conséquence de déclarer irrecevable la note adressée le 13 juin 2023 ainsi que la pièce qui l’accompagnait.

* Sur le testament rédigé en Italie le 17 septembre 2008

Madame [A] [I] [S] sollicite l’application du testament rédigé en langue italienne le 17 septembre 2008, qu’elle attribue à sa mère (sa pièce 14, traduction par un interprète assermenté en pièce 2). Elle fait valoir que celui-ci, lui léguant ‘la totalité de la quotité disponible de tous mes biens’ est incompatible avec le précédent testament authentique qu’il révoque donc tacitement.

Les intimés s’y opposent en soulevant :

– que ce testament ne révoque pas le précédent testament authentique par Maître [V], notaire, le 5 avril 1985 et qu’il peut donc, tout au plus, ne s’appliquer qu’aux seuls biens situés en Italie,

– que la présence de la signature de sa fille [A] sur ce testament entache sa validité, rendant le consentement de la testatrice sujet à caution alors qu’elle-même ne disposait pas de toutes ses capacités mentales, eu égard à son état de santé de l’époque,

– que la défunte ne savait ni lire, ni écrire, qu’elle a recopié un texte et qu’elle n’a pas apposé sa signature, ce qui est pourtant une exigence de la loi italienne.

Il ressort du testament que celui-ci a été rédigé comme suit selon la traduction faite : ‘Aujourd’hui 17/9/2008

[W] dans ma maison Moi

[R] [J] [U] née à [Localité 9] le ‘[Adresse 10]’ 24/12/193[les chiffres 0 et 3 sont écrits l’un sur l’autre] en possession des facultés mentales je dispose qu’à ma mort la quote-part disponible de tous mes biens aille à ma fille [A] | [U] [J] [R]’

Le texte manuscrit est suivi de la déclinaison des noms et prénoms de l’appelante, de [D] [E], de [T] [O] et de [P] [G], agrémenté d’un sceau.

La défunte était de nationalité Italienne (titre de séjour figurant sous côte 118 de l’appelante) et elle a ainsi valablement pu rédiger un testament en Italie, soumis à la loi italienne.

Le fait qu’un jugement a été rendu le 13 juin 2018 du Tribunal de Sulmona en Italie faisant application de ce testament pour partage des biens de la défunte se trouvant en Italie n’est pas de nature à faire obstacle à la possibilité des intimés d’en contester la validité, dès lors que ce point n’a pas été soumis au juge italien dans cette procédure où ceux-ci étaient défaillants.

Selon l’article 602 du code civil italien, le testament olographe doit être écrit en entier, daté et signé de la main du testateur. La signature doit être placée à la fin des dispositions. Même si elle n’est pas faite en indiquant le nom et le prénom, elle est néanmoins valable lorsqu’elle désigne avec certitude la personne du testateur.

L’article 609 de ce code précise que le testament est nul lorsqu’il manque l’écriture autographe ou la signature dans le cas d’un testament olographe.

L’article 620 du même code fixe les formalités de publication du testament olographe, en précisant que quiconque est en possession d’un testament olographe doit le présenter à un notaire pour sa publication, dès qu’il a connaissance du décès du testateur. Le notaire procède à la publication du testament en présence de deux témoins, en rédigeant procès-verbal ou il décrit l’état du testament, en reproduit le contenu et mentionne son ouverture, s’il a été présenté scellé. Le procès-verbal est signé par la personne qui présente le testament, les témoins et le notaire. Le procès-verbal est accompagné du papier sur lequel le testament est écrit, signé sur chaque demi-feuille par le notaire et les témoins.

Ainsi, le fait que le testament porte les signatures de Madame [A] [I] [S] (qui a présenté le testament), de [D] [E], de [T] [O] (témoins) et de [P] [G] (notaire qui a procédé à sa publication) n’est pas de nature à atteindre sa régularité, puisque ces signatures y ont été apposées en application de ce texte lors de la rédaction du procès-verbal du notaire et non, comme le soutiennent les intimés, lorsqu’il a été rédigé.

Il convient de s’interroger sur l’existence d’une signature de la défunte sur le document, ce qui est contesté par les intimés.

À la fin du texte, figure, non une signature stylisée comme cela est habituel en France, mais la mention manuscrite de l’état civil de celle-ci. Au regard des autres signatures figurant en bas du document, il apparaît qu’il s’agit de la manière habituelle d’apposer sa signature en Italie. En outre, il sera observé que la défunte avait l’habitude pour signer en France d’inscrire son nom marital, y ajoutant parfois son prénom (cf pièce 36 et 38 – désignations de la personne de confiance du 19 janvier et 17 février 2012 ainsi que 70 – demande de rachat contrat d’assurance vie). Enfin, la mention de son identité est séparée du reste du texte par un trait vertical.

Il apparaît ainsi que le document porte, après les dispositions testamentaires, la signature de la défunte.

S’agissant de la volonté de la défunte, les intimés versent uniquement un certificat médical du 10 octobre 2005 aux termes duquel elle présentait ‘une altération importante de son état de santé qui est susceptible de se dégrader en cas de contrainte, d’événements’.

Ils versent également un certificat de 2012 faisant état de consultation en fin d’année 2011 à l’occasion de laquelle un cancer a été mis en évidence, sans faire de remarque quelconque sur ses capacités mentales.

Ces pièces sont insuffisantes à démontrer que la défunte ne disposait pas des capacités intellectuelles en 2008 lui permettant d’exprimer une volonté éclairée et d’agir avec discernement, d’autant plus que l’appelante verse aux débats un certificat du médecin traitant de la de cujus qui atteste n’avoir jamais constaté d’élément pouvant évoquer des troubles du discernement ou de la cohérence, ainsi que différents certificats des établissements qui l’ont régulièrement accueillis en convalescence entre mai 2005 et 2012, notamment en 2008, qui n’ont jamais relevé le moindre affaiblissement de ses capacités mentales. Enfin, quand bien même elle aurait recopié un texte – Madame [I] [S] contestant que sa mère était illettrée, ce que les intimés n’établissent pas -, l’appelante produit des attestations d’un avocat qui précise que la défunte l’avait consulté pour connaître les modalités afin de favoriser sa fille [A] (pièce 13 et sa traduction en pièce 19), ce qui correspond au contenu du testament, démontant ainsi que celui-ci reflétait bien sa volonté éclairée.

Les intimés réclament l’application pour les biens situés en France du testament authentique reçu par un notaire français le 5 avril 1985, ce à quoi s’oppose l’appelante, qui conclut à la confirmation du jugement qui a retenu l’application du testament du 17 septembre 2008 (sous réserve de l’erreur matérielle qui entache le dispositif qui vise l’année 2018 et qu’il conviendra de rectifier, les parties se référant clairement dans leur écriture au testament rédigé le 17 septembre 20089) à la succession.

L’article 1035 du code civil français dispose que ‘Les testaments ne pourront être révoqués, en tout ou partie, que par un testament postérieur, ou par un acte devant notaires portant déclaration du changement de volonté’. L’article 1036 ajoute que ‘Les testaments postérieurs qui ne révoqueront pas d’une manière expresse les précédents, n’annuleront, dans ceux-ci, que celles des dispositions y contenues qui se trouveront incompatibles avec les nouvelles, ou qui seront contraires’.

Par le testament reçu par Maître [V] le 9 avril 1985, [J] [R] veuve [U] a disposé au profit de Madame [S], Monsieur [U] et Madame [U], ‘chacun pour un tiers, de la pleine propriété de la quotité disponible au jour de mon décès de tous les biens qui composeront ma succession, sans aucune exception ni réserve’.

Le testament rédigé postérieurement le 17 septembre 2008 ne porte pas révocation expresse de ce testament authentique.

Pour autant, ils portent tous les deux sur l’intégralité de la quotité disponible des biens de la défunte, le testament Italien n’étant pas limité aux biens se trouvant en Italie puisqu’il se réfère à ‘la quote-part disponible de tous mes biens’.

Les dispositions du second testament sont incompatibles avec les dispositions du testament authentique qui désignent, pour bénéficier à hauteur d’un tiers chacun des biens composant la quotité disponible, Monsieur [U] et Madame [U] et qui limite les droits de Madame [I] [S] à un tiers de la quotité disponible. Dès lors, les dispositions du testament authentique sont intégralement incompatibles avec celles du testament postérieur.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement qui a dit que le testament du 17 septembre 2008 s’appliquait à la succession.

** Sur les sommes réclamées à Monsieur [H] [U] au titre de son hébergement par sa mère

Monsieur [U] ayant été hébergé entre février 2010 et juillet 2012 par sa mère, l’appelante sollicite la condamnation de son frère à ‘rapporter l’avantage tiré de cette occupation et le condamner à verser cette somme, soit la somme de 20790 euros’.

Les intimés soulèvent l’irrecevabilité de cette demande qui serait selon eux nouvelle puisque l’appelante réclamait devant le premier juge une indemnité d’occupation et non le rapport d’une somme.

Néanmoins, selon l’article 563 du code de procédure civile, ‘pour justifier en appel les prétentions qu’elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves’.

Or il résulte des énonciations du jugement contesté que l’appelante a sollicité la condamnation de Monsieur [U] au paiement d’une indemnité d’occupation de 20790 euros pour avoir vécu au domicile de sa mère entre février 2010 et juillet 2012.

Il s’agit donc de la même prétention que celle présentée à hauteur de cour, Madame [I] [S] ayant uniquement proposé, comme elle a la possibilité de le faire, un nouveau fondement juridique pour soutenir sa demande, en substituant au règlement d’une indemnité d’occupation le rapport d’une donation.

Il sera en outre rappelé qu’en matière de succession, toutes les parties étant respectivement demanderesse et défenderesse quant à l’établissement de l’actif et du passif, toute demande doit être considérée comme une défense à une prétention adverse et ne constitue donc pas une demande nouvelle.

Madame [I] [S] fait valoir que son frère avait acquiescé à sa demande comme consigné dans le procès-verbal de difficulté du 8 août 2018 ainsi que lors de la conciliation judiciaire du 23 octobre 2020.

Le procès-verbal de conciliation du 23 octobre 2023 énonce : ‘Sur l’indemnité d’occupation, les parties restent sur leurs positions respectives, il n’y a pas de conciliation possible’. En outre, le magistrat a relevé le défaut de conciliation et a renvoyé l’affaire à la mise en état.

Le procès-verbal de difficultés du 8 août 2018 relève pour sa part ‘Ainsi que cela a été indiqué ci dessus, Monsieur [H] [U] a été condamné aux termes du jugement en date du 8 juin 2015 à verser une indemnité d’occupation au profit de l’indivision pour la période de février 2010 à juillet 2012. Toutefois les consorts [U] ne sont pas d’accord sur le montant’.

Il s’avère en outre que si le jugement de 2015 traite dans ses motifs de la demande d’indemnité d’occupation, en revanche, le dispositif ne statue pas sur la demande : après avoir ordonné l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession et la licitation d’un bien immobilier, il indique au contraire ‘dit n’y avoir lieu en l’état de statuer sur le surplus des prétentions respectives des parties, celles-ci étant prématurées’. Seule cette disposition est revêtue de l’autorité de la chose jugée de telle sorte qu’aucune indemnité d’occupation n’a été mise à la charge de Monsieur [U] par ce jugement au contraire de ce qui est consigné dans le procès-verbal du notaire. À défaut de condamnation ou d’aveu judiciaire, Monsieur [U] peut contester la somme qui lui est réclamée.

Aux termes des dispositions de l’article 843 alinéa 1er du code civil, tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l’actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu’il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu’ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale.

L’article 860 du code civil précise que le rapport est dû de la valeur du bien donné à l’époque du partage, d’après son état à l’époque de la donation.

L’occupation gratuite d’un immeuble peut constituer un avantage indirect soumis à rapport si celui qui réclame le rapport établit l’intention libérale.

Or l’appelante n’évoque pas l’intention qui aurait animé sa mère lorsqu’elle a hébergé son fils et elle ne verse aucune pièce établissant l’intention libérale de la défunte – alors même que celui-ci verse des pièces rapportant qu’il aidait en contrepartie sa mère qui occupait le bien avec lui -, de telle sorte qu’il convient de confirmer le jugement qui l’a débouté de sa prétention au titre de l’indemnité d’occupation et, y ajoutant, de la débouter de sa même demande formée au titre d’un rapport à succession et de celle au titre du recel successoral.

*** Sur la demande de rapport de la somme de 729 euros

L’appelante sollicite que son frère soit condamné à rapporter et privé de droit sur la somme de 729 euros que sa mère aurait payée pour des frais d’avocat lui incombant.

Elle verse à l’appui la photographie d’un talon de chèque mentionnant la somme de 729 euros réglée le 20 mai 2006 ayant pour objet ‘Titi avocat’ (pièce 76). La pièce produite ne permet pas de déterminer le compte sur lequel le chèque aurait été tiré – notamment qu’il s’agissait d’un compte de la défunte – et aucune pièce n’est versée démontrant l’encaissement de ce chèque.

Ainsi la preuve de la donation indirecte alléguée par l’appelante n’est pas démontrée.

Il convient en conséquence de débouter Madame [I] [S] de sa demande au titre du rapport et du recel de cette somme.

**** Sur la demande de recel successoral contre Madame [I] [S]

Sur l’irrecevabilité opposée à la demande des intimées en raison de l’autorité de la chose jugée attachée au jugement du 8 juin 2015, il sera observé que ce jugement a sursis sur les demandes au titre du recel formées contre Madame [I] [S], de telle sorte que le moyen n’est pas fondé.

Aux termes de l’article 778 du code civil, ‘ l’héritier qui a recélé des biens ou droits d’une succession ou dissimulé l’existence d’un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l’actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés (…) Lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l’héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir prétendre à aucune part. L’héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recélés dont il a eu jouissance depuis l’ouverture de la succession’.

Il est constant que l’existence du recel relève de l’appréciation souveraine des juges du fond ; il comporte un élément matériel et un élément intentionnel, le premier résultant de la dissimulation ou de la soustraction d’un bien, le second de son caractère intentionnel ayant pour objet de rompre l’égalité du partage, soit qu’il divertisse les effets de la succession en se les appropriant indûment, soit qu’il les recèle en dissimulant sa possession dans les circonstances où légalement il serait tenu de la déclarer.

Il ressort des éléments aux débats qu’à compter du 3 septembre 2012, la défunte a retiré la procuration sur son compte ouvert auprès de la banque postale faite au profit de son fils et que seule Madame [I] [S] disposait alors d’une procuration.

Il ressort des éléments aux débats que la de cujus, à l’exception de quelques prélèvements (EDF, téléphonie), faisait quelques chèques en nombre très limité et réglait principalement ses dépenses en espèces. Les extraits de compte versés aux débats montrent :

– qu’entre 2010 et le retrait de la procuration à son fils, elle effectuait un retrait mensuel en moyenne de 1000 euros – s’élevant parfois à 1300 euros ou 1500 euros et plus ponctuellement à 500 euros ; deux prélèvements plus importants de 2000 et 3000 euros figurent aux relevés de juillet 2012 ;

– qu’elle percevait alors une pension mensuelle de la Cram devenue Carsat de 910 euros, outre des pensions complémentaires trimestrielles Ireco, Ircem d’environ 1000 euros ainsi que des virements réguliers d’assurances (CNP d’un peu plus de 400 euros selon une fréquence a priori trimestrielle),

– qu’elle disposait d’une épargne sur ses différents comptes et livrets ouverts à la banque postale s’élevant à environ 24000 euros au 28 mai 2010, à 26000 euros au 17 décembre 2010, 23000 euros au 29 décembre 2011, de 21000 euros au 7 septembre 2012,

– que ce montant d’épargne a été porté à 38000 euros au 28 décembre 2012 (si la production des relevés de compte n’étant que partielle ne permettant pas d’avoir connaissance de l’origine de cette augmentation d’épargne, il ressort des autres pièces que la défunte a procédé à un rachat partielle d’assurance vie à hauteur de 10000 euros en août 2012),

– que des mouvements inhabituels vont alors figurer sur les extraits de compte, notamment des prélèvements d’espèces de montants plus importants (pour le mois de mars 2013, un retrait de 500 euros le 4 mars, puis deux retraits le 8 mars de 500 et 2000 euros ; retrait de 5000 euros le 11 janvier 2013), des virements au profit de Madame [I] [S] (2000 euros le 11 janvier 2013, 2000 euros le 30 janvier 2013, 2000 euros le 8 mars 2013 soit le jour du décès). Il figure également le débit d’un chèque de 3300 euros en mars 2013 qui a servi à régler une provision aux pompes funèbres générales,

– qu’au 9 avril 2013, l’épargne s’élevait à environ 21000 euros.

Il convient de se référer au jugement qui a établi une liste très précise des retraits d’espèces effectués par Madame [I] [S] sur le compte de la défunte, ainsi que des chèques débités. Il convient de retenir la motivation du jugement à l’exception des mouvements suivants :

– les retraits de 1500 euros du 29 décembre 2011, 500 euros du 13 février 2012, de 1500 euros le 2 mars 2012, de 1000 euros le 16 avril 2012, de 1500 euros le 3 mai 2012, de 300 euros le 3 septembre 2012, de 1000 euros le 25 octobre 2012, de 300 euros du 7 février 2013 : ces retraits ont certes été effectués par Madame [I] [S], mais ils correspondent aux habitudes de vie de la défunte qui retirerait une somme d’argent de cet ordre pour régler ses dépenses de la vie courante. En effet, il ressort des multiples attestations versées aux débats, corroborées par les relevés de comptes, que la défunte les réglait en espèces (dépenses alimentaires, coiffeur, esthéticienne …) et aucun autre retrait ne figure aux périodes en question sur les relevés bancaires, de telle sorte qu’il est ainsi établi que l’argent retiré a été utilisé par la défunte pour son propre compte ;

Il n’y a pas lieu non plus de retenir, au contraire du jugement, le retrait de 5000 euros effectué le 11 janvier 2013, en effet, il ressort du bordereau qu’il a été signé par la défunte qui a donc reçu des espèces et il n’est pas rapporté la preuve qu’elle a ensuite remis les fonds à sa fille ;

En revanche, l’utilisation par la défunte des fonds retirés sur son compte ne peut pas être retenue pour le retrait de 500 euros du 26 mars 2012 (précédent retrait de 1500 euros dans le mois) ; ni pour les retraits de 2000 euros du 5 juillet 2012 et de 3000 euros du 12 juillet suivant au regard de leur caractère rapproché et de leur montant élevé inhabituel, sous la réserve de la somme de 1210 euros légitimement retenue par le premier juge dans la mesure où il est justifié d’une facture italienne adressée à la défunte du 23 juillet 2012 de ce montant pour un transport suite à un séisme ; ni pour les retraits de 1500 euros du 24 décembre 2012, de 1100 euros du 31 décembre 2012, de 500 euros du 21 janvier 2013, 1000 euros le 16 février 2013, au regard de l’importance des montants et de leurs dates rapprochées – étant précisé que l’achat contemporain aux retraits d’une literie pour environ 600 euros selon facture versée ne justifie pas de l’importance des retraits effectués et que la défunte avait retiré 5000 euros le 11 janvier 2013 ;

Le premier juge a également retenu à juste titre le rapport des retraits de 2500 euros effectués par l’appelante après le décès de sa mère, qu’il convient de retenir à ce niveau ;

– à hauteur d’appel, l’appelante justifie que le chèque de 3300 euros débité après le décès a réglé l’acompte dû aux pompes funèbres générales pour les obsèques d'[J] [U] ; ce montant n’a donc pas à être rapporté ;

– le premier juge n’a pas retenu le virement fait sur le compte de Madame [I] [S] de 2000 euros du 28 janvier 2013, au motif que son auteur n’était pas connu. Néanmoins, soit c’est celle-ci qui a procédé au virement sur son compte, soit il s’agit de sa mère, les deux seules personnes à pouvoir effectuer cette opération. S’il s’agit de la deuxième hypothèse, il n’est rapporté la preuve d’aucune contre-partie et la volonté de la défunte de gratifier sa fille résulte des pièces du dossier (testament italien, attestation d'[M] [F]), de telle sorte que l’intention libérale de la défunte est démontrée. Il s’ensuit que contrairement à ce qui a été retenu par le premier juge, Madame [I] [S] doit rapporter cette somme, dans une hypothèse comme dans l’autre ;

– le premier juge n’a également pas retenu les virements de 2000 euros effectués le 8 mars 2013, le jour du décès (survenu à 3 h 30 du matin), au profit de Mesdames [L] et [C] [I] [S], les filles de l’appelante. La défunte n’ayant pas pu effectuer ces deux virements, seule Madame [I] [S] a pu les faire. Les circonstances excluant toute volonté de la défunte de gratifier ses petites filles, il est ainsi caractérisé que Madame [I] [S], qui a par ailleurs effectué d’importants retraits sur le compte de la défunte le jour même, a ainsi diverti des fonds de la succession et qu’elle doit être tenue de rapporter cette somme.

S’agissant des autres sommes versées au profit des filles de l’appelante par des chèques ou des virements antérieurs au décès, il n’apparaît pas que Madame [I] [S] a signé ses mouvements, les montants apparaissent conformes au patrimoine de la défunte au regard de cadeaux d’usage et c’est à juste titre que le premier juge n’a pas retenu le rapport de ces sommes à la charge de Madame [I] [S] qui ne les avaient pas perçues.

Comme l’a également relevé le premier juge, il n’y a pas lieu de tenir compte de la facture italienne de 2015, postérieure au décès et émise au seul nom de l’appelante.

Comme cela a été précisé s’agissant du virement du 28 janvier 2013, soit Madame [I] [S] a agi sans l’aval de sa mère et a ainsi détourné les fonds visés ; soit elle avait l’aval de sa mère, les circonstances relevées justifient qu’elle a bénéficié des sommes prélevées sur le compte de sa mère qui avait manifesté sa volonté de la gratifier au détriment de ses frère et soeurs. Elle doit en conséquence le rapport de ces sommes.

Au regard de ce qui précède, il convient d’infirmer le jugement et de limiter à 14890 euros le montant que Madame [I] [S] sera condamnée à rapporter à la succession (500 euros + 2000 euros + 3000 euros – 1210 euros + 1500 euros + 1100 euros + 500 euros + 1000 euros + 2500 euros + 2000 euros + 2000 euros).

Celle-ci s’est servi de la procuration dont elle bénéficiait pour prélever et même détourner des sommes à son profit avant et après le décès de sa mère, puis elle n’a pas fait état des sommes qu’elle aurait dû rapporter. Il est ainsi caractérisé le fait qu’elle a tenté de porter atteinte à l’égalité du partage au détriment de son frère et de ses soeurs. Les éléments intentionnels et matériels du recel étant établis, elle sera en conséquence privée de tout droit sur cette somme.

***** Sur la demande de dommages-intérêts de Madame [I] [S]

Vu l’article 1240 du code civil,

L’appelante réclame la condamnation de Monsieur [U] et de Mesdames [U] et [K] à lui verser la somme de 5000 euros en indemnisation du préjudice qu’elle allègue avoir subi du fait de la résistance qu’ils lui ont opposée à la vente du bien immobilier dépendant de la succession française et du fait que la maison a été vidée de ses meubles par ceux-ci.

Madame [I] [S] ne rapporte pas la preuve que ses frère et soeurs ont vidé la maison de ses meubles. S’agissant de l’opposition manifestée pendant plusieurs mois à la vente, le refus de ses co-héritiers s’explique par leur volonté de faire prendre en compte le rapport de sommes qu’ils lui réclamaient dans le règlement de la succession et, dans ce contexte, leur opposition ne revêt pas un caractère fautif.

En outre, l’appelante ne démontre pas le préjudice qui en serait résulté pour elle.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement qui l’a déboutée de sa demande.

****** Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a employé les dépens en frais privilégiés de partage et dit n’y avoir lieu à indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Madame [I] [S] succombe dans l’essentiel de son recours et, si les montants sont réduits, elle est condamnée à rapporter à la succession une somme importante sur laquelle elle est privée de droits, elle sera en conséquence condamnée aux dépens d’appel ainsi qu’à payer aux intimés une somme totale qu’il est équitable de fixer à 2500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

Déclare irrecevable la note adressée par l’appelant le 13 juin 2023 ainsi que la pièce qui l’accompagnait ;

Rectifie le jugement rendu le 24 février 2022 en ce qu’il a dit que ‘le testament daté du 17/09/2018 est valable et applicable à la succession en cause’ et y substitue le libellé exact suivant : ‘le testament du 17 septembre 2008 est valable et applicable à la succession en cause’ ;

Confirme le jugement en ce qu’il a :

– dit, après rectification d’erreur matérielle, que le testament du 17 septembre 2008 est valable et applicable à la succession en cause,

– rejeté la demande d’indemnité d’occupation,

– rejeté la demande de dommages-intérêts,

– statué sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile ;

L’infirme en ce qu’il a condamné Madame [A] [U] épouse [I] [S] à rapporter à la succession la somme de 24490 euros et l’a privée de sa part sur cette somme ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare recevables les demandes formées au titre du rapport et du recel contre Monsieur [H] [U] ;

Rejette les demandes tendant à voir Monsieur [H] [U] condamné à rapporter à la succession la somme de 20790 euros liée à l’occupation du domicile de sa mère et la somme de 729 euros et privé de toute part sur celles-ci,

Déclare recevables les demandes formées au titre du rapport et du recel contre Madame [A] [U] épouse [I] [S] ;

Dit que Madame [A] [U] épouse [I] [S] devra ramener à la succession la somme de 14890 euros (QUATORZE MILLE HUIT CENT QUATRE-VINGT-DIX EUROS), sans pouvoir y prétendre à aucune part, compte-tenu du recel ;

Condamne Madame [A] [U] épouse [I] [S] aux dépens d’appel ;

Condamne Madame [A] [U] épouse [I] [S] à payer à Madame [ZP] [U] épouse [K], Madame [N] [Z] [U] et Monsieur [H] [U] la somme totale de 2500 euros (DEUX MILLE CINQ CENTS EUROS) au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Madame CUNIN-WEBER, Présidente de la première chambre civile de la Cour d’Appel de NANCY, et par Monsieur CHAOUCH, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Signé : A. CHAOUCH Signé : N. CUNIN-WEBER

Minute en seize pages.

 


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