Droits des héritiers : 5 juillet 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/15963

·

·

Droits des héritiers : 5 juillet 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/15963

5 juillet 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
21/15963

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 3 – Chambre 1

ARRET DU 05 JUILLET 2023

(n° 2023/ , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/15963 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEJ3V

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Juillet 2021 – TJ de SENS – RG n° 19/00856

APPELANT

Monsieur [M], [J], [U] [V]

né le 17 Juin 1943 à [Localité 25] (89)

[Adresse 2]

[Localité 24]

représenté par Me Patricia NOGARET de la SCP REVEST-LEQUIN-NOGARET-DE METZ-CROCI-RLNDC, avocat au barreau d’AUXERRE

INTIMEES

Madame [H], [X] [V] épouse [P]

née le 04 Mai 1951 à [Localité 24] (89)

[Adresse 21]

[Localité 23]

Madame [A], [S], [R] [V] épouse [E]

née le 10 Février 1946 à [Localité 24] (89)

[Adresse 3]

[Localité 22]

représentées par Me Marie METZGER, avocat au barreau d’AUXERRE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 Mai 2023, en chambre du conseil, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Sophie RODRIGUES, Conseiller, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Patricia GRASSO, Président

Mme Sophie RODRIGUES, Conseiller

Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Patricia GRASSO, Président, et par Mme Emilie POMPON, Greffier

***

EXPOSE DU LITIGE

[U] [V] est décédé le 5 février 1997 à [Localité 25] (89), laissant pour lui succéder :

– [O] [T], son épouse survivante avec laquelle il était marié sous le régime de la communauté universelle après un changement de régime matrimonial par acte du 12 octobre 1989 homologué par jugement du tribunal de grande instance de Sens du 2 mars 1990,

– leurs trois enfants : M. [M] [V] et Mmes [A] et [H] [V].

[O] [T] a recueilli l’intégralité des biens qui composaient la communauté.

Elle est décédé le 18 mai 2016, laissant pour lui succéder ses trois enfants.

Par testament olographe daté du 9 juin 2000, [O] [T] avait pris les dispositions suivantes :

« Je lègue la quotité disponible de mes biens à mon fils [M] [V], mon pavillon, les hangars et mes terres devront lui revenir entièrement, sauf à régler une soulte à ses s’urs à la valeur de ces biens excédant la quotité disponible ».

Par acte du 13 novembre 2019, Mmes [H] et [A] [V] ont assigné M. [M] [V] devant le tribunal de grande instance de Sens, devenu tribunal judiciaire, aux fins d’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession de leur mère.

Par jugement du 7 juillet 2021, le tribunal judiciaire de Sens a statué dans les termes suivants :

– ordonne l’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de l’indivision successorale existant entre Mme [H] [V], Mme [A] [V] et M. [M] [V],

– désigne Me [W] [L], notaire à [Localité 32], pour procéder à ces opérations et dresser l’acte de partage selon ce qui est tranché par le présent jugement,

– dit que M. [M] [V] est redevable à l’égard de l’indivision, au titre de la jouissance privative de l’immeuble d’habitation situé [Adresse 27] à [Localité 24] (89), cadastrée section B n°[Cadastre 20], [Cadastre 16] et [Cadastre 17], d’une indemnité d’occupation mensuelle, à compter du 18 mai 2016, date d’ouverture de la succession, jusqu’au 26 mars 2018,

– dit que M. [M] [V] est redevable d’une indemnité de même nature, au titre de l’occupation privative des hangars et parcelles agricoles situés dans la même commune, [Adresse 29], cadastrées section B n°[Cadastre 11], [Cadastre 12], [Cadastre 13] et [Cadastre 14], à compter du 18 mai 2016, date d’ouverture de la succession, jusqu’à l’établissement de l’acte de partage définitif,

– dit que la somme de 530 euros payée par M. [M] [V] au titre de l’estimation des biens immobiliers est à la charge de l’indivision,

– déboute Mme [H] [V] et Mme [A] [V] de leur demande aux fins d’organisation d’une mesure d’expertise,

– déboute M. [M] [V] de sa demande tendant à voir mettre à la charge de l’indivision les sommes payées au titre de :

* factures EDF,

* factures société CPE Energies,

* cotisations d’assurance Allianz,

* facture société Art et Menuiserie,

* facture société Rexel,

* facture société Yonnelec,

– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et déboute les parties des demandes réciproquement formées sur ce fondement.

Par déclaration du 26 août 2021, M. [M] [V] a interjeté appel de ce jugement en ce qu’il :

– a dit qu’il est redevable à l’égard de l’indivision, au titre de la jouissance privative de l’immeuble d’habitation situé [Adresse 27] à [Localité 24] (89), cadastrée section B n°[Cadastre 20], [Cadastre 16] et [Cadastre 17], d’une indemnité d’occupation mensuelle du 18 mai 2016 au 26 mars 2018,

– a dit qu’il est redevable d’une indemnité au titre de l’occupation privative des hangars et parcelles agricoles sis [Adresse 29] à [Localité 24] (89), à compter du 18 mai 2016 jusqu’à l’établissement de l’acte de partage définitif,

– l’a débouté du paiement des factures Rexel et Yonnelec.

Il a remis au greffe ses premières conclusions le 29 octobre 2021.

Les intimées ont constitué avocat le 26 octobre 2021.

Par leurs premières conclusions remises au greffe et notifiées le 24 janvier 2022, elles ont formé un appel incident s’agissant du rejet de leur demande d’expertise.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 3 avril 2023, l’appelant demande à la cour de :

– constater qu’il ne disposait pas de la jouissance privative de l’immeuble indivis sis [Adresse 27] à [Localité 24] (89),

en conséquence, réformant le jugement entrepris,

– débouter Mmes [A] et [H] [V] de leur demande de fixation d’une indemnité d’occupation,

– constater que les parcelles cadastrées B [Cadastre 20], B [Cadastre 11] à [Cadastre 17] exceptée [Cadastre 15] étaient comprises dans les baux de l’exploitation agricole,

– constater que les défenderesses avaient néanmoins libre accès à ces parcelles,

– les débouter de leur demande de fixation d’une indemnité d’occupation sur lesdites parcelles,

– dire et juger que les frais d’entretien des biens indivis qu’il a assumés à hauteur de 25 028,79 euros incomberont à l’indivision successorale,

– débouter Mmes [H] et [A] [V] de leur demande d’expertise et de toutes autres demandes,

– condamner Mmes [A] et [H] [V] à lui payer 3 600 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– les condamner aux entiers dépens d’instance.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 14 avril 2023, Mmes [H] et [A] [V], intimées, demandent à la cour de :

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que M. [M] [V] est redevable à l’égard de l’indivision, au titre de la jouissance privative de l’immeuble d’habitation situé [Adresse 27] à [Localité 24], cadastrée section B n°[Cadastre 20] et [Cadastre 17], à compter du 18 mai 2016, date d’ouverture de la succession, jusqu’au 26 mars 2018,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que M. [M] [V] est redevable à l’égard de l’indivision, au titre de la jouissance privative des hangars et parcelles agricoles situés à [Localité 24], cadastrée section B n°[Cadastre 20], [Cadastre 16] et [Cadastre 17], à compter du 18 mai 2016, date d’ouverture de la succession, jusqu’à l’établissement de l’acte de partage définitif,

– débouter M. [M] [V] de ses demandes plus amples et contraires,

– dire que l’appel formé par M. [M] [V] n’a saisi la cour d’appel uniquement des chefs spécifiquement visés aux termes de la déclaration d’appel en date du 26 août 2021,

– dire que la cour d’appel n’est saisie que d’une demande relative au paiement des factures Rexel et Yonnelec,

en conséquence :

– débouter M. [M] [V] de sa demande tendant à « dire et juger que les frais d’entretien des biens indivis assumés par M. [M] [V] à hauteur de 25 028,79 euros incomberont à l’indivision successorale »,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [M] [V] de sa demande tendant à voir mettre à la charge de l’indivision successorale la somme de 25 028,79 euros, qui comprend notamment les sommes payées au titre des factures Yonnelec et Rexel,

– dire que la somme de 240 euros payée par Mme [H] [V] au titre de l’estimation du bien immobilier dépendant de l’indivision successorale est à la charge de l’indivision,

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il les a déboutées de leur demande tendant à voir organiser une expertise judiciaire,

en conséquence :

– ordonner une expertise immobilière des biens immobiliers dépendant de la succession d'[O] [V],

– désigner tel expert immobilier qu’il plaira à la cour de commettre pour réaliser cette expertise,

– dire que l’expert donnera son avis sur la valeur des biens immobiliers dépendant de la succession d'[O] [V] :

* cadastrés B n°[Cadastre 20], [Cadastre 16], [Cadastre 17], [Adresse 27] à [Localité 24],

* cadastrés B n° [Cadastre 11], [Cadastre 12], [Cadastre 13], [Cadastre 14] [Adresse 29],

* cadastrés A n°[Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 9], [Cadastre 10], [Cadastre 19] et [Cadastre 18] [Adresse 28],

* cadastré C n°[Cadastre 1] [Adresse 30] à [Localité 24]

* et la parcelle cadastré WB [Cadastre 4] [Adresse 31] à [Localité 26],

– dire que l’expert fixera la valeur de l’indemnité d’occupation due par M. [M] [V] en contrepartie de son occupation des parcelles situées à [Adresse 27], cadastrées section B n°[Cadastre 20], [Cadastre 16], [Cadastre 17], [Cadastre 11], [Cadastre 12], [Cadastre 13] et [Cadastre 14],

– dire que l’expert devra donner son avis sur les possibilités de partage en nature, eu égard aux droits des parties, et dans l’affirmative sur la composition des lots,

– dire que cet expert devra déposer son rapport dans tel délai à déterminer par la cour,

– condamner M. [M] [V] à leur payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [M] [V] aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Marie Metzger, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des moyens développés par les parties au soutien de leurs prétentions, il sera renvoyé à leurs écritures susvisées conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 18 avril 2023.

L’affaire a été appelée à l’audience du 9 mai 2023.

Selon avis du même jour, la cour a sollicité les observations des parties quant à l’incidence du legs résultant du testament du 9 juin 2000 sur l’existence d’une indivision successorale portant sur la maison, les hangars et les terres agricoles de la défunte, et par conséquent sur les prétentions à indemnités d’occupation et à créance afférentes à ces biens.

Par note en délibéré du 16 mai 2023, M. [M] [V] fait valoir que le legs de la quotité disponible s’analyse comme un legs universel et souligne que, conformément à l’article 1014 du code civil, le legs donne au légataire, du jour du décès du testateur, un droit à la chose léguée de sorte qu’il n’existe pas d’indivision entre le légataire universel et les héritiers réservataires. Il demande en conséquence à la cour, « réformant le jugement entrepris », de :

– débouter ses s’urs de leur demande de fixation d’une indemnité d’occupation sur les biens objets du legs,

– constater que les parcelles cadastrées B [Cadastre 20], B [Cadastre 11] à [Cadastre 17] exceptée [Cadastre 15] étaient comprises dans les baux de l’exploitation agricole,

– dire et juger que les frais d’entretien des biens indivis non compris dans le legs et qu’il a assumés incomberont à l’indivision successorale,

– débouter Mmes [A] et [H] [V] de leur demande d’expertise et de toutes autres demandes.

– les condamner à lui payer à 3 600 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens d’instance.

Par note en délibéré du 22 mai 2023, Mmes [A] et [H] [V] contestent la qualification de legs universel excipée par leur frère en affirmant que le legs consenti par leur mère porte sur « le pavillon, les hangars et les terres » mais exclut les autres biens de sa succession, notamment les économies de sorte qu’il doit être qualifié de legs à titre particulier et que M. [M] [V] se trouve donc en indivision avec ses s’urs, héritières réservataires. Elles ajoutent que, si, en application des dispositions de l’article 1014 alinéa 1, la transmission de la propriété de la chose léguée s’opère de plein droit au jour du décès du disposant, M. [M] [V], bénéficiaire du legs portant sur « le pavillon, les hangars et les terres », ne bénéficie d’aucune créance à l’encontre de l’indivision successorale. Elles insistent sur la nécessité d’une expertise pour calculer la « soulte » leur revenant.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes d’indemnités d’occupation

Aux termes de l’article 815-9 alinéa 2 du code civil, l’indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d’une indemnité d’occupation.

L’application de ce texte présuppose que la chose pour laquelle une indemnité d’occupation est sollicité soit indivise.

En l’espèce, les demandes d’indemnités d’occupation portent d’une part sur la maison d’habitation situé [Adresse 27] à [Localité 24] (89), cadastrée section B n°[Cadastre 20], [Cadastre 16] et [Cadastre 17], et d’autre part les hangars et parcelles agricoles situés dans la même commune, [Adresse 29], cadastrées section B n°[Cadastre 11], [Cadastre 12], [Cadastre 13] et [Cadastre 14].

Dans son testament, [O] [T] a imposé l’attribution de tous ces immeubles à son fils, héritier réservataire et par ailleurs légataire de la quotité disponible.

En effet il y a lieu de rappeler que, par son testament olographe du 9 juin 2000, [O] [T] a légué à son fils, M. [M] [V], la quotité disponible de ses biens, en précisant par une mention complémentaire que son pavillon, les hangars et les terres devraient « lui revenir entièrement, sauf à régler une soulte à ses s’urs à la valeur de ces biens excédant la quotité disponible ».

Cette précision, qui implique que les biens non cités, à savoir ceux de nature mobilière, n’aient pas vocation quant à eux à être entièrement attribués à M. [M] [V], exclut en l’espèce que le legs de la quotité disponible soit qualifié de legs universel. Le testament du 9 juin 2000 opère alors un double legs au profit de M. [M] [V] : à la fois un legs sur la quotité disponible entendu en l’espèce comme un legs à titre universel et un legs particulier, pour partie inclus dans le précédent, portant sur des biens identifiés, qui constituaient le patrimoine immobilier de la défunte.

Aux termes de l’article 1014 du code civil, tout legs pur et simple donnera au légataire, du jour du décès du testateur, un droit à la chose léguée, droit transmissible à ses héritiers ou ayants cause ; néanmoins le légataire particulier ne pourra se mettre en possession de la chose léguée, ni en prétendre les fruits ou intérêts, qu’à compter du jour de sa demande en délivrance ou du jour auquel cette délivrance lui aurait été volontairement consentie.

Toutefois, chacun des héritiers légitimes étant saisi de plein droit de l’universalité de l’hérédité en application de l’article 724 du code civil (Civ. 1ère, 24 novembre 1969), il est, en vertu de cette saisine légale, en possession de toute l’hérédité.

Ainsi, il résulte de la combinaison des articles 724, 1014 et 815-9 du code civil que l’héritier réservataire légataire, disposant de la jouissance immédiate du bien légué en vertu de la saisine légale, ne peut être condamné à verser une indemnité d’occupation à l’indivision pour jouissance privative du bien (Civ. 1re, 2 juin 1987) puisqu’il peut prétendre à la jouissance du bien légué à compter du jour du décès, et que cette jouissance est exclusive de toute indemnité au profit de l’indivision pour l’occupation du bien légué.

Par conséquent, il y a lieu d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit M. [M] [V] redevable à l’égard de l’indivision à compter du 18 mai 2016 d’une indemnité d’occupation au titre de la jouissance privative de l’immeuble d’habitation situé [Adresse 27] à [Localité 24] (89), et d’une indemnité au titre de l’occupation privative des hangars et parcelles agricoles sis [Adresse 29] à [Localité 24] (89), et statuant à nouveau, de débouter Mmes [A] et [H] [V] de leurs demandes d’indemnités d’occupation.

Sur les demandes relatives aux factures réglées par M. [M] [V]

A titre liminaire, il y a lieu de rappeler qu’en vertu de l’article 562 du code de procédure civile, l’appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

Dès lors, eu égard aux termes circonscrits de la déclaration d’appel, et à défaut d’appel incident sur ce point, il faut constater que l’effet dévolutif n’a opéré, s’agissant du chef de dispositif du jugement entrepris ayant débouté M. [M] [V] de sa demande tendant à voir mettre à la charge de l’indivision les sommes payées au titre des factures EDF, des factures de la société CPE Energies, des cotisations d’assurance Allianz, de la facture de la société Art et Menuiserie, de la facture de la société Rexel, et de la facture de la société Yonnelec que pour ces deux dernières.

La cour ne saurait statuer sur la demande de l’appelant portant sur les autres factures. Il n’y a pas même lieu de l’en débouter comme le sollicitent les intimées.

M. [M] [V] fonde sa prétention concernant la facture de la société Rexel et la facture de la société Yonnelec sur l’article 815-13 du code civil.

Ce texte dispose que lorsqu’un indivisaire a amélioré à ses frais l’état d’un bien indivis, il doit en être tenu compte selon l’équité eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l’aliénation, ou que lorsqu’un indivisaire a effectué des dépenses nécessaires à la conservation des biens indivis, sur ses deniers personnels, même sans amélioration du bien, il doit en être tenu compte selon l’équité.

Or, comme précédemment, il résulte de la combinaison des articles 724 et 1014 du code civil qu’en sa double qualité d’héritier réservataire et de légataire de la maison pour la conservation de laquelle il prétend que ces dépenses ont été exposées, M. [M] [V] a bénéficié de l’entièreté de son droit sur le bien légué dès l’ouverture de la succession ; ce bien n’a donc jamais fait partie de l’indivision successorale.

Il ne saurait dès lors être fait application de l’article 815-13 du code civil pour faire droit à la demande de M. [M] [V].

Par conséquent, en substituant ce motif à ceux du premier juge, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [M] [V] de sa demande tendant à voir mettre à la charge de l’indivision les sommes payées au titre des factures Rexel et Yonnelec.

Sur la demande de Mmes [H] et [A] [V] au titre d’une dépense d’estimation

Mmes [H] et [A] [V] se prévalent du fait que le juge de première instance a inscrit à la charge de l’indivision la somme de 530 euros payée par M. [M] [V] pour l’estimation des biens immobiliers pour demander que le coût de l’estimation qu’elles ont fait faire le 17 décembre 2021, pour un prix de 240 euros, soit également mis à la charge de l’indivision.

M. [M] [V] n’a pas conclu sur ce point.

Il sera d’abord constaté que cette demande reconventionnelle des intimées, nouvelle en appel, ne se rattache pas à une prétention soumise à la cour puisque le chef de dispositif du jugement entrepris ayant dit que la somme de 530 euros payée par M. [M] [V] au titre de l’estimation des biens immobiliers est à la charge de l’indivision ne lui a pas été dévolu.

Ensuite, le premier juge a fondé sa décision sur les dispositions de l’article 815-10 du code civil lesquelles supposent une indivision dont il a déjà été indiqué qu’elle n’existe pas pour les biens immobiliers ayant appartenu à la défunte.

Il convient donc de débouter les intimées de leur prétention.

Sur la demande d’expertise

Selon les articles 143, 144, 232 du code de procédure civile, le juge peut, à la demande des parties ou d’office ordonner une mesure d’instruction légalement admissible sur les faits dont dépend la solution du litige, et y commettre toute personne de son choix. Selon l’article 1362 du code de procédure civile, une telle mesure d’instruction peut être ordonnée pour procéder à l’estimation des biens composant la succession.

Pour rejeter la demande d’expertise immobilière sollicitée par Mmes [H] et [A] [V], le juge de première instance a retenu que la valeur des immeubles est déterminable au vu des éléments du dossier. Ainsi, s’agissant de l’ensemble immobilier attenant à l’immeuble d’habitation, il a relevé que l’estimation du notaire commis est circonstanciée, et qu’elle n’a pas été réalisée sur les seules déclarations de M. [M] [V] mais au vu d’un avis de valeur émis le 29 juin 2016 par l’agence Blin Immobilier, et s’agissant de la parcelle située à [Adresse 28], il a jugé que les demanderesses ne rapportaient pas la preuve de ce que la parcelle aurait été sous-évaluée au regard des éléments de comparaison apportés.

Devant la cour, Mmes [H] et [A] [V] maintiennent que l’estimation de la maison à 130 000 euros a été réalisée sur la base des seules déclarations de leur frère. Elles mettent en exergue les discordances des différentes évaluations, en particulier pour la parcelle située à [Adresse 28]. Elles soulignent qu’en première instance, leur frère ne s’opposait pas à la mesure sollicitée.

M. [M] [V] affirme qu’il était convenu devant notaire que, pour départager les avis de valeur contradictoire, une estimation serait sollicitée de la SAFER, et que celle-ci étant réalisée, il n’y a pas lieu de désigner un expert.

Alors qu’il n’a pas été sollicitée du conseiller de la mise en état une mesure d’instruction, il ne revient pas à la cour, appelée à statuer au fond, et non avant-dire-droit, hors du cadre particulier des référés ou des requêtes, d’ordonner une expertise.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté la demande à cette fin.

Au demeurant, il y a lieu de rappeler que le notaire commis, s’il n’est pas en mesure de procéder lui-même à l’évaluation, peut s’adjoindre directement un expert en vertu de l’article 1365 alinéa 3 du code de procédure civile.

Sur les frais et dépens

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

Il convient, eu égard à la nature du litige, de dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage et supportés par les parties à proportion de leurs droits dans le partage.

A défaut de condamnation d’une partie aux dépens, il ne saurait être fait application ni de l’article 699 du code de procédure civile ni de l’article 700 du même code.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement prononcé le 7 juillet 2021 par le tribunal judiciaire de Sens en ce qu’il a :

– dit que M. [M] [V] est redevable à l’égard de l’indivision, au titre de la jouissance privative de l’immeuble d’habitation situé [Adresse 27] à [Localité 24] (89), cadastrée section B n°[Cadastre 20], [Cadastre 16] et [Cadastre 17], d’une indemnité d’occupation mensuelle, à compter du 18 mai 2016, date d’ouverture de la succession, jusqu’au 26 mars 2018,

– dit que M. [M] [V] est redevable d’une indemnité de même nature, au titre de l’occupation privative des hangars et parcelles agricoles situés dans la même commune, [Adresse 29], cadastrées section B n°[Cadastre 11], [Cadastre 12], [Cadastre 13] et [Cadastre 14], à compter du 18 mai 2016, date d’ouverture de la succession, jusqu’à l’établissement de l’acte de partage définitif ;

Statuant à nouveau,

Déboute Mmes [H] et [A] [V] de leurs demandes d’indemnités d’occupation ;

Confirme le jugement prononcé le 7 juillet 2021 par le tribunal judiciaire de Sens en tous ses autres chefs de dispositif dévolus à la cour ;

Y ajoutant,

Déboute Mmes [H] et [A] [V] de leur demande tendant à voir dire que la somme de 240 euros payée par Mme [H] [V] au titre de l’estimation du bien immobilier dépendant de l’indivision successorale est à la charge de l’indivision ;

Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage et supportés par les parties à proportion de leurs droits dans le partage ;

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 699 du code de procédure civile ;

Rejette les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x