Droits des héritiers : 7 juillet 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 18/00251

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Droits des héritiers : 7 juillet 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 18/00251

7 juillet 2023
Cour d’appel de Montpellier
RG n°
18/00251

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

1re chambre de la famille

ARRET DU 07 JUILLET 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 18/00251 – N° Portalis DBVK-V-B7C-NP4Z

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 28 NOVEMBRE 2017

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PERPIGNAN

N° RG 14/03528

APPELANT :

Monsieur [L] [A] [K] [E]

né le 06 Avril 1945 à [Localité 5] (MAROC)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Mireille CANABY, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, non comparante

INTIMES :

Madame [C] [X]

née le 06 Février 1956 à [Localité 5] (MAROC)

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par Me David DUPETIT de la SCP GIPULO – DUPETIT – MURCIA, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES

(bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro 2018/005475 du 30/05/2018 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Montpellier)

Monsieur [D] [X]

né le 20 Mai 1957 à [Localité 5] (MAROC)

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représenté par Me David DUPETIT de la SCP GIPULO – DUPETIT – MURCIA, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES

Ordonnance de clôture du 25 Avril 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 MAI 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :

Madame Catherine KONSTANTINOVITCH, Présidente de chambre

Madame Nathalie LECLERC-PETIT, Conseillère

Madame Morgane LE DONCHE, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Séverine ROUGY

ARRET :

– Contradictoire ;

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par Madame Catherine KONSTANTINOVITCH, Présidente de chambre, et par Madame Séverine ROUGY, Greffière.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [F] dite [O] [T], veuve en secondes noces d'[Y] [X], est décédée le 21 juillet 2012 à [Localité 6].

Aux termes de l’acte notarié dressé le 6 septembre 2012 par Me [J] [P], notaire à [Localité 6], sa dévolution successorale s’établit comme suit à défaut de disposition testamentaire ou autre à cause de mort connue : la défunte laisse en qualité d’héritiers, chacun pour un tiers, M. [L] [E], son fils issu de sa première union avec M. [R] [E], ainsi que Mme [C] [X] et M. [D] [X], ses enfants issus de sa seconde union avec M. [Y] [X].

Par assignation en date des 26 et 28 août 2014, M. [L] [E] a attrait Mme [C] et M. [D] [X] devant le Tribunal de grande instance de Perpignan aux fins, sur le fondement des articles 843 et suivants et 2003 et suivants du code civil, de voir Mme [C] [X] condamnée à rapporter à la succession de Mme [O] [T] la somme de 107 602,67€ retirée du compte bancaire de la défunte et dire que les fonds seront remis à l’étude de Me [J] [P] pour qu’ils soient partagés, d’entendre dire que Mme [C] [X] sera privée de sa part dans les fonds recelés, d’entendre condamner Mme [C] [X] à lui payer la somme de 3 000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens et de voir déclarer le jugement à intervenir opposable à M. [D] [X].

Par jugement du 27 juin 2017, le tribunal a ordonné la réouverture des débats et invité les parties à présenter leurs explications sur l’irrecevabilité des demandes relevée d’office à défaut de demande en liquidation et partage de la succession de [O] [T] veuve [X].

Par jugement rendu le 28 novembre 2017, le Tribunal de grande instance :

déclarait irrecevable l’action engagée par M. [L] [E] à l’encontre de Mme [C] et M. [D] [X]

condamnait M. [L] [E] à payer à Mme [C] et M. [D] [X] la somme de 3 000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

condamnait M. [L] [E] aux entiers dépens.

*****

M. [L] [E] a relevé appel qu’il a qualifié de total de ce jugement par déclaration au greffe en date du 18 janvier 2018, précisant former appel du chef de l’irrecevabilité de l’action, de la condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de la condamnation aux dépens.

Les dernières écritures de l’appelant ont été déposées le 10 février 2022 et celles des intimés le 11 avril 2023.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 25 avril 2023.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [L] [E], dans le dispositif de ses dernières écritures en date du 10 février 2022 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, demande à la cour, au visa des articles 843 et suivants, 2003 et suivants, 889 et 892 du code civil, de réformer le jugement déféré des chefs critiqués par sa déclaration d’appel, et statuant à nouveau :

déclarer recevable l’action en partage complémentaire de la succession de Mme [O] [T] sur le fondement de l’article 892 du code civil

en tant que de besoin, déclarer recevable l’action en complément de part engagée par lui

dire et juger que le recel successoral est constitué

désigner pour procéder au partage complémentaire Me [J] [P], notaire associé à [Localité 6]

condamner Mme [C] [X] à rapporter à la succession de Mme [O] [T] la somme de 93 945,11€ retirée du compte bancaire de cette dernière

dire que les fonds seront remis à l’étude de Me [J] [P] pour qu’ils soient partagés

dire que Mme [C] [X] sera privée de sa part dans les fonds recelés

déclarer Mme [C] [X] et M. [D] [X] mal fondés en leur appel incident

débouter Mme [C] [X] et M. [D] [X] de l’intégralité de leurs demandes

condamner Mme [C] [X] à lui payer une indemnité de 5 000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

condamner Mme [C] [X] aux entiers dépens de la procédure d’appel avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP SCPA DONNADIEU-BRIHI-REDON-CLARET-CANABY-ARIES.

Mme [C] et M. [D] [X], dans le dispositif de leurs dernières écritures auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, demandent à la cour, au visa des articles 840, 892, 1993, 2224, 778, 852, 843 et 894 du code civil et de l’article 1360 du code de procédure civile, de :

* A titre principal :

juger que M. [L] [E] n’est pas fondé à solliciter un partage complémentaire pour la réintégration de prétendues donations indirectes dont aurait profité Mme [C] [X], ces biens ne constituant pas des biens indivis au sens de l’article 892 du Code Civil,

juger que l’assignation introductive d’instance délivrée à la requête de M. [L] [E] ne contient pas les prescriptions exigées à peine d’irrecevabilité par l’article 1360 du Code Civil, notamment en ce qu’elle ne contient aucune proposition concrète de partage et n’a été précédée d’aucune proposition de partage amiable

prononcer l’irrecevabilité de l’action de M. [L] [E]

débouter M. [L] [E] de l’ensemble de ses demandes, moyens, fins et prétentions

* A titre subsidiaire dans l’hypothèse où la Cour considèrerait l’action de M. [E] comme recevable :

‘sur la demande de reddition de comptes présentée par M. [E] :

juger que la preuve que les opérations qualifiées de suspectes ou de litigieuses par M. [L] [E] effectuées sur le compte bancaire de Mme [O] [T] l’auraient été dans le cadre de la procuration dont bénéficiaient ses enfants, n’est aucunement établie au cas d’espèce

juger que Mme [C] [X] n’a pas à rendre compte d’opérations effectuées sur le compte bancaire de Mme [O] [T] en dehors du cadre de la procuration bancaire

débouter M. [L] [E] de ses demandes fondées sur l’article 1993 du code civil

plus subsidiairement sur cette question, dire et juger que les opérations antérieures au 26 août 2009 sont prescrites

‘sur la demande de rapport à la succession présentée par M. [E] :

juger qu’il n’existe aucune présomption que les opérations qualifiées de suspectes par M. [L] [E] effectuées sur le compte bancaire de Mme [O] [T], puissent s’interpréter en des donations directes ou indirectes au bénéfice de Mme [C] [X]

juger que les dépenses personnelles effectuées par Mme [O] [T] à l’aide de ses revenus ne peuvent donner lieu à rapport à la succession

juger que les paiements effectués par Mme [O] [T] pour les besoins de son entretien de son logement et de son alimentation durant la vie commune avec sa fille Mme [C] [X] ne constituent pas des libéralités rapportables à la succession

juger que les prêts d’argent réalisés par Mme [O] [T] au profit de Mme [C] [X] ont été remboursés avant le décès, et ne constituent pas une libéralité au sens de l’article 894 du code civil faute d’intention libérale

juger que Mme [O] [T] avait un intérêt personnel au financement du véhicule Peugeot 307 nécessaire pour assurer ses déplacements, et que ce paiement ne procède pas d’une intention libérale

débouter M. [L] [E] de sa demande de rapport à succession

‘sur la demande afférente au recel successoral :

juger que la preuve d’une intention frauduleuse de Mme [C] [X] n’est aucunement établie

débouter M. [L] [E] de sa demande d’application du recel successoral prévu par l’article 778 du Code Civil

* A titre d’appel incident :

condamner M. [L] [E] à rapporter à la succession le tableau attribué à [Z] [N] qui était présent au domicile de Mme [O] [T]

dire et juger que ce tableau devra faire l’objet d’une évaluation à la diligence du Notaire en charge du règlement de la succession, en vue de son intégration dans un complément de partage

* En toute hypothèse :

recevoir l’appel incident de Mme [C] [X]

dire et juger que les soins et l’assistance apportés par Mme [C] [X] à sa mère Mme [O] [T] du 5 octobre 2005 au 4 juin 2012 ont excédé les exigences de la piété filiale et justifient l’allocation d’une indemnité à charge des autres co-héritiers

dire et juger que l’indemnité globale due à Mme [C] [X] peut être évaluée à une somme de 87 624€ au titre de l’aide et l’assistance apportées à Mme [O] [T] excédant les exigences de la piété filiale

condamner M. [L] [E] à payer à Mme [C] [X] la somme de 43 812€ correspondant à sa quote-part dans cette dette successorale

condamner M. [L] [E] à payer à Mme [C] [X] et M. « [Y] » (sic) [X] une indemnité de 3 000€ pour procédure abusive,

condamner M. [L] [E] à payer à M. [D] [X] la somme de 3 000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

condamner M. [L] [E] à payer à Mme [C] [X] la somme de 2 000€ sur le fondement de l’article 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’Aide Juridictionnelle, en réservant à Me David DUPETIT , Avocat associé de la SCP P. GIPULO & D. DUPETIT, le bénéfice des dispositions de l’article 37, al. 2, de la même loi

condamner M. [L] [E] aux entiers dépens de première instance et d’appel.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures précitées pour l’exposé exhaustif des moyens des parties.

*****

SUR QUOI LA COUR

* Effet dévolutif de l’appel

L’étendue de l’appel est déterminée par la déclaration d’appel et peut être élargie par l’appel incident ou provoqué (articles 562 et 901 4° du code de procédure civile) alors que l’objet du litige est déterminé par les conclusions des parties (article 910-4 du code de procédure civile). L’objet du litige ne peut s’inscrire que dans ce qui est dévolu à la cour et les conclusions ne peuvent étendre le champ de l’appel.

Tenant l’appel principal et l’appel incident, la cour est saisie des chefs suivants : la recevabilité de l’action, en cas de recevabilité prononcée par la Cour, les demandes respectives de rapport à la succession formées par les deux parties, de recel successoral formée par M. [L] [E], de désignation d’un notaire pour procéder au partage complémentaire, et en toute hypothèse, l’indemnité pour aide et assistance, l’indemnité pour procédure abusive, outre les frais et dépens.

* La recevabilité des pièces non visées au bordereau

L’article 954 al 1er du code de procédure civile prévoit qu’un bordereau récapitulatif des pièces invoquées à l’appui de chaque prétention doit être annexé aux conclusions.

L’article 132 du même code prévoit que la partie qui fait état d’une pièce s’oblige à la communiquer spontanément à toute autre partie à l’instance.

De ce fait, lesdites pièces doivent être mentionnées dans le bordereau récapitulatif annexé aux dernières conclusions.

En l’espèce, l’appelant produit à son dossier des pièces relatives à un tableau d'[Z] [N] qui ne sont pas numérotées et ne figurent pas au bordereau récapitulatif. L’effectivité de leur communication à la partie adverse n’étant pas garantie, elles sont déclarées irrecevables.

* La recevabilité de l’action

– Le premier juge a retenu qu’un partage amiable de la succession est intervenu au mois d’octobre 2012 après que M. [L] [E] a été directement destinataire des relevés de compte de la défunte au mois de septembre 2012 transmis par les co-partageants, que ce partage amiable s’imposait aux co-partageants qui y avaient valablement consenti et ne pouvait être remis en cause qu’en cas de fraude aux droits des créanciers ou de nullité pour violence, dol, erreur sur la quotité des droits des co-partageants ou sur la propriété des biens compris dans la masse partageable, ou de rescision pour lésion.

Il a estimé que le partage complémentaire sollicité sur le fondement de l’article 892 du code civil en cas d’omission d’un bien indivis, d’une part, ne pouvait être invoqué dans l’objectif de remettre en cause un partage amiable, et d’autre part, s’entendait de l’omission d’une chose certaine et déterminée dans la liquidation de la succession, et que dès lors le rapport par un co-héritier de donations directes ou indirectes reçues du défunt ne relevait pas d’un partage complémentaire à défaut de caractère certain et déterminé.

Il a enfin relevé que l’acte introductif d’instance ne comportait pas de descriptif sommaire du patrimoine à partager et ne précisait pas les intentions du demandeur quant à la répartition des biens ainsi que les diligences entreprises en vue de parvenir à un partage complémentaire amiable, qui n’avait été sollicité que postérieurement au jugement du 27 juin 2017.

– Au soutien de son appel, M. [L] [E] soutient que sa demande de partage complémentaire ne remet pas en cause le partage déjà effectué. Il estime que le partage complémentaire tend à réparer l’omission d’un bien dans le partage, ce bien pouvant avoir la nature du rapport à la succession des donations perçues par un co-héritier. Il fait valoir qu’il n’a pu analyser les comptes de sa mère que postérieurement au partage, et a ainsi découvert que Mme [C] [X] avait bénéficié du vivant de leur mère d’une somme totale de 93 945,11 euros.

Il ajoute être également fondé à invoquer les dispositions relatives à l’action en complément de part dès lors qu’il n’a perçu que 1621,85 euros comme les autres héritiers alors qu’il a été privé d’un tiers de la somme de 93 945,11 euros retirée du compte de sa mère. Il fait enfin valoir que son assignation en partage et ses conclusions de première instance précisent ses demandes et donc ses intentions ainsi que les diligences entreprises pour parvenir à un partage amiable dès lors que son conseil avait transmis des lettres recommandées aux autres héritiers, la réponse de Mme [C] [X] ne laissant place à aucune possibilité de règlement amiable. Il estime qu’il n’avait pas à préciser le calcul de la réserve attribuée à chaque héritier en tenant compte de la demande de rapport dont le tribunal était saisi, ni à procéder au calcul des parts de chacun, l’article 1360 n’exigeant qu’un descriptif sommaire du patrimoine à partager.

– En réplique, Mme [C] et M. [D] [X] font valoir que la demande de partage amiable complémentaire est irrecevable dès lors qu’elle suppose l’omission d’un bien indivis lors du partage amiable alors qu’en l’espèce, d’une part, M. [E] ne justifie d’aucune omission dès lors qu’il disposait des relevés de comptes bancaires de leur mère avant le partage, et d’autre part, sa demande de rapport à la succession correspond à une éventuelle créance de la succession envers un héritier n’ayant pas la nature d’un bien indivis.

Ils soutiennent qu’une action visant à rapporter à la succession des éléments d’actifs tels que des donations indirectes ne peut être mise en ‘uvre indépendamment d’une action en partage successoral sur le fondement de l’article 840 du code civil, qui en l’espèce n’a pas été diligentée par M. [E], ce dernier sollicitant dans ses dernières conclusions un partage complémentaire sur le fondement de l’article 892 du code civil, sans réunir d’ailleurs les conditions légales d’un tel partage complémentaire.

Ils ajoutent que l’assignation introductive d’instance délivrée par M. [E] ne satisfait pas aux exigences de l’article 1360 du code de procédure civile et en particulier, n’apporte aucune précision quant aux droits de chacun dans la succession alors même que le rapport des donations indirectes alléguées par celui-ci suppose la démonstration d’une atteinte à la réserve.

– Réponse de la cour

L’article 835 al 1er du code civil relatif au partage amiable dispose que si tous les indivisaires sont présents et capables, le partage peut intervenir dans la forme et selon les modalités choisies par les parties.

L’article 840 du même code indique que le partage est fait en justice lorsque l’un des indivisaires refuse de consentir au partage amiable.

En application de ces articles, le partage amiable, comme judiciaire, ne se conçoit qu’en présence d’une indivision.

En l’espèce, il est constant qu’un partage amiable était déjà intervenu entre les parties au mois d’octobre 2012, soit avant l’assignation, mettant ainsi fin à l’indivision.

Les demandes en rapport d’une libéralité dont aurait bénéficié un héritier et en application du recel successoral ne peuvent être formées qu’à l’occasion d’une action en partage judiciaire, une telle action ne peut plus être engagée lorsque les parties, ayant déjà procédé au partage amiable de la succession, ne sont plus en indivision (1re civ 6 novembre 2019 pourvoi 18-24.332).

Ainsi, les demandes de rapport et en recel successoral formées par M. [E] postérieurement au partage amiable n’étaient pas recevables.

Le premier juge a par ailleurs relevé à juste titre que M. [E] n’a pas engagé d’action en nullité du partage amiable ni agi en complément de part, et que le partage amiable est intervenu après que M. [L] [E] a été directement destinataire des relevés de compte de la défunte au mois de septembre 2012 transmis par les co-partageants.

Ce n’est que postérieurement à la décision du 27 juin 2017 par laquelle le premier juge a soulevé d’office l’irrecevabilité encourue de l’action de M. [E] et demandé aux parties de conclure sur l’irrecevabilité que ce dernier a qualifié sa demande de rapport de demande de partage complémentaire.

L’article 892 du code civil prévoit une action en partage complémentaire portant sur le bien indivis omis de la masse partageable.

Cette action vise l’omission d’un bien omis de la masse partageable et non l’omission d’un droit allégué à un rapport qu’un des héritiers a fait le choix de ne pas réclamer avant de consentir à un partage amiable. Ainsi, une demande de rapport n’est pas assimilable à un bien indivis omis au sens de l’article 892 du code civil.

Enfin, M. [E] ayant été destinataire des relevés de compte de la défunte, il était en mesure de s’opposer au partage amiable en temps utile s’il l’avait estimé nécessaire.

Par conséquent, la décision déférée ayant à juste titre déclaré l’action irrecevable, est confirmée.

* La demande relative au tableau attribué à [Z] [N]

Les intimés précisent dans leurs conclusions former une demande de rapport à ce titre uniquement dans l’hypothèse où la demande de rapport formée par M. [E] serait déclarée recevable. La cour ayant en l’espèce confirmé la décision déférée s’agissant de l’irrecevabilité de l’action de M. [E], la demande des intimés relative au tableau visé devient sans objet.

* L’indemnité au titre des soins et de l’assistance

– Le premier juge a déclaré irrecevable l’action engagée par M. [L] [E] et n’a pas statué sur la demande d’indemnité pour aide et assistance formée par Mme [C] [X].

– Au soutien de son appel incident, Mme [C] [X] expose que cette demande est sans rapport avec le partage, ne saurait être affectée par l’irrecevabilité des demandes de M. [E], et doit donc être examinée par la Cour.

Elle fait valoir qu’elle a accueilli sa mère à son domicile du 5 octobre 2005 au 4 juin 2012, que sa mère était atteinte d’un syndrôme dépressif lorsqu’elle l’a accueillie et que les soins et le cadre de vie qu’elle lui a apporté lui ont permis de retrouver une excellente santé, jusqu’à son accident cérébral. Elle ajoute que suite à la dégradation de l’état de santé de sa mère, elle a dû renoncer à un travail dans une société étrangère pour s’occuper d’elle, privilégiant un emploi à proximité qui la contraignait toutefois à des déplacements. Elle conteste avoir tiré un quelconque profit financier de la présence de sa mère, indiquant avoir elle-même contribué pour un montant de 80 442,54 euros aux dépenses liées à leur vie commune.

– En réplique, M. [E] fait valoir que sa mère a assumé l’intégralité des dépenses d’entretien et participé aux charges du logement chez sa fille, laquelle a pu continuer à travailler, ne s’est pas appauvrie. Il ajoute que leur mère qui disposait d’une épargne de 166 516 euros lorsqu’elle a été accueillie au domicile de sa fille, ne disposait plus que d’une épargne de 110 944 euros à son décès, et ce alors qu’elle percevait une retraite de 1939 euros par mois.

– Réponse de la cour

En application de l’article 1303 du code civil, celui qui bénéficie d’un enrichissement injustifié au détriment d’autrui doit, à celui qui s’en trouve appauvri, une indemnité égale à la moindre des deux valeurs de l’enrichissement et de l’appauvrissement.

L’enfant peut obtenir une indemnité pour aide et assistance apportées dans la mesure où, ayant excédé les exigences de la piété filiale, les prestations librement fournies ont réalisé un appauvrissement pour l’enfant et un enrichissement corrélatif des parents.

En l’espèce, le fait pour Mme [X] d’avoir accueilli sa mère à son domicile pendant plusieurs années et d’avoir ainsi veillé sur elle lorsqu’elle était présente excède en effet les exigences de la piété filiale. Pour autant, Mme [X], qui a poursuivi son activité professionnelle, indique qu’il a été fait régulièrement appel à des « dames de compagnies », et ne produit aucune pièce pour justifier qu’elle a renoncé à un emploi plus rémunérateur à l’étranger pour s’occuper de sa mère. Elle indique elle-même qu’elle percevait un salaire de 3847 euros par mois, qu’elle a développé son activité professionnelle lorsque ses emplois salariés ont cessé, et que sa mère versait dans un premier temps 600 euros puis 800 euros afin de contribuer aux frais de logement.

Ainsi, en l’absence de démonstration d’un appauvrissement de Mme [C] [X], la demande d’indemnité au titre des soins et de l’assistance est rejetée.

* L’indemnité pour procédure abusive

– Au soutien de sa demande, Mme [C] [X] indique que M. [E] était régulièrement informé des conditions d’accueil de leur mère à son domicile, s’est désintéressé du sort de celle-ci jusqu’à son décès, et a reçu l’ensemble des justificatifs concernant les revenus et dépenses de leur mère suite au décès de celle-ci. Elle ajoute qu’elle a été contrainte d’effectuer des recherches fastidieuses dans les comptes en raison de la procédure engagée par M. [E].

– En réplique, M. [E] fait valoir qu’il appartenait à Mme [C] [X] de rendre compte spontanément de sa gestion et soutient qu’elle a été dans l’incapacité de justifier de nombreuses dépenses.

– Réponse de la cour

L’article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

L’article 1241 du même code précise que chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou son imprudence.

En l’espèce, le seul fait que les demandes de M. [E] ont été déclarées irrecevables ne suffit pas à justifier une indemnisation dès lors qu’il n’est pas rapporté la preuve d’un abus par celui-ci de son droit d’agir en justice. Les recherches effectuées par Mme [X] dans les comptes de sa mère ont été rendues nécessaires pour défendre ses propres intérêts comme pour répondre aux demandes de M. [E].

Par conséquent, la demande d’indemnité pour procédure abusive est rejetée.

* Les frais et dépens

M. [L] [E], partie perdante en première instance comme en appel, a été condamné à juste titre en première instance aux dépens et au versement de la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Il sera également condamné aux dépens en cause d’appel. L’équité commande par ailleurs de le condamner à verser la somme de 1000 euros à M. [D] [X] au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’au conseil de Mme [C] [X] au titre de l’article 37, al. 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’Aide Juridictionnelle.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

DÉCLARE irrecevables les pièces dépourvues de numéro produites par l’appelant.

CONFIRME la décision déférée en toutes ses dispositions critiquées,

Y ajoutant,

CONSTATE que la demande relative au tableau attribué à [Z] [N] est sans objet,

DÉBOUTE Mme [C] [X] de sa demande d’indemnité au titre des soins et de l’assistance,

DÉBOUTE Mme [C] [X] et M. [D] [X] de leur demande d’indemnité au titre d’un abus de procédure,

CONDAMNE M. [L] [E] aux entiers dépens en cause d’appel, lesquels seront recouvrés selon les dispositions relatives à l’aide juridictionnelle dont Mme [C] [X] est bénéficiaire,

CONDAMNE M. [L] [E] à verser la somme de 1000 euros à M. [D] [X] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [L] [E] à verser la somme de 1000 euros à Me David DUPETIT, Avocat associé de la SCP P. GIPULO & D. DUPETIT, conseil de Mme [C] [X] au titre de l’article 37, al. 2, de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridictionnelle.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

SR/MLD

 


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