Droits des héritiers : 10 juillet 2023 Cour d’appel d’Angers RG n° 20/00523

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Droits des héritiers : 10 juillet 2023 Cour d’appel d’Angers RG n° 20/00523

10 juillet 2023
Cour d’appel d’Angers
RG n°
20/00523

COUR D’APPEL

D’ANGERS

1ERE CHAMBRE SECTION B

LP/IM

ARRET N°

AFFAIRE N° RG 20/00523 – N° Portalis DBVP-V-B7E-EU3L

Jugement du 17 Septembre 2019

Tribunal de Grande Instance du [Localité 6]

n° d’inscription au RG de première instance : 17/00274

ARRET DU 10 JUILLET 2023

APPELANTS :

M. [K] [N]

né le 15 Juillet 1965 à [Localité 9]

[Adresse 3]

[Localité 7]

M. [F] [N]

né le 11 Décembre 1967 à [Localité 9]

[Adresse 5]

[Localité 9]

Mme [C] [N]

née le 27 Octobre 1973 à [Localité 9]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Mme [A] [N]

née le 22 Octobre 1966 à [Localité 9]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentés par Me Isabelle BERTHELOT de la SELARL H2C, avocat postulant au barreau d’ANGERS, et par Me Magali LECORNUE, avocat plaidant au barreau du [Localité 6] – N° du dossier 20200085

INTIMEES :

Mme [Y] [J] veuve [N]

née le 22 Février 1960 à [Localité 10]

[Adresse 14]

[Localité 8]

Mme [B] [N]

née le 19 Novembre 1985 à [Localité 6]

[Adresse 12]

[Localité 8]

Représentées par Me Boris MARIE de la SCP MARIE & SOULARD, avocat au barreau du [Localité 6] – N° du dossier 056785

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue publiquement, à l’audience du 11 Mai 2023, Mme PARINGAUX, conseillère, ayant été préalablement entendue en son rapport, devant la Cour composée de :

Mme COURTADE, présidente de chambre

Mme BUJACOUX, conseillère

Mme PARINGAUX, conseillère

qui en ont délibéré

Greffière lors des débats : Mme BOUNABI

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 10 juillet 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Marie-Christine COURTADE, présidente de chambre, et par Florence BOUNABI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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FAITS ET PROCÉDURE

M. [I] [N], né le 28 mars 1940 à [Localité 15] (52), est décédé le 30 avril 2013 au [Localité 6] (72) laissant pour lui succéder, selon l’acte de notoriété établi le 15 avril 2014 par Maître [V], notaire à [Localité 16] (72), ses cinq enfants et sa dernière épouse à savoir :

– M. [K] [N], né le 15 juillet 1965 à [Localité 9] (72)

– Mme [A] [N], née le 22 octobre 1966 à [Localité 9] (72)

– M. [F] [N], né le 11 décembre 1967 à [Localité 9] (72)

– Mme [C] [N], née le 27 octobre 1973 à [Localité 9] (72)

issus de son union avec Mme [R] [U], dissoute par jugement de divorce du 30 mai 1985 ;

– Mme [B] [N], née le 19 novembre 1985 au [Localité 6] (72)

issue de son union avec Mme [Y] [J], née le 22 février 1960 à [Localité 10] (72), son épouse survivante avec laquelle il s’est marié sans contrat de mariage préalable le 24 juillet 1989 à [Localité 17] (72).

Le 3 septembre 1987 Maître [M], notaire à [Localité 9], a reçu l’acte authentique comportant la liquidation et le partage de la communauté ayant existé entre M. [I] [N] et sa première épouse Mme [R] [U] mariés le 25 juin 1964 sous le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts selon contrat de mariage du 24 juin 1964. M. [I] [N] a reçu la somme de 184 716,75 francs (28 150 euros) égale au montant de ses droits.

Le 1er août 1987, M. [I] [N] a créé une exploitation agricole en son nom personnel implantée à [Adresse 13] à [Localité 17], qui a cessé son activité le 31 mars 2000 du fait de son départ à la retraite le 1er avril 2000.

Le 5 février 1999, Maître [D], notaire au [Localité 6], a reçu une donation entre époux aux termes de laquelle Mme [Y] [N] dispose d’une option sur l’une des quotités disponibles en présence d’héritiers réservataires.

Le 18 février 2000, le Centre d’Economie Rurale Sarthe (CER) a réalisé une étude de regroupement de deux exploitations, celle de M. [I] [N], dont son épouse projetait de prendre le relais de l’activité agricole, et celle de M. [W] [H], agriculteur à [Adresse 12] à [Localité 8] (72).

Le 1er juin 2000, Mme [Y] [N] et M. [W] [H] ont créé une société civile, le […] (Groupement Agricole d’Exploitation en Commun) situé à [Adresse 12] à [Localité 8] (72) enregistré au RCS du Mans le 11 juillet 2000, au capital social de 172 000 euros, Mme [Y] [N] apportant à titre onéreux 93 728,84 euros et 86 000 euros à titre pur et simple (matériel et outillage pour 65 171,95 euros, portefeuille agricole pour 4 445,29 euros et stocks pour 16 382,76 euros). Chaque associé détenait 860 parts sociales.

A compter du 31 décembre 2011, suite au retrait de M. [W] [H], Mme [Y] [N], selon procès-verbal d’assemblée générale extraordinaire du 21 février 2012 ,est devenue l’unique associée du […].

Le capital social a été réduit de 172 000 euros à 86 000 euros par annulation (rachat des parts sociales par la société qui les annule) des 860 parts appartenant à M. [W] [H], au prix unitaire de 237,18 euros, soit 203 974,80 euros.

Après le décès de son époux, Mme [Y] [N] a décidé selon procès-verbal d’assemblée générale extraordinaire du 4 octobre 2013 d’arrêter l’activité du […] avec effet au 30 septembre 2013, se nommant liquidateur de la société.

En novembre 2013 le […] a vendu au prix de 288 975,22 euros le matériel de l’entreprise à l’EARL […] située à [Adresse 13] à [Localité 17] dont les deux associés sont Mme [B] [N] et M. [L] [G].

Suivant procès-verbal d’assemblée générale extraordinaire du 24 décembre 2015, le […] a été liquidé avec un total bilan actif et passif de 184 314,31 euros et un résultat déficitaire de 1 367,25 euros, Mme [Y] [J] veuve [N], associée unique, reprenant l’ensemble des dettes et créances.

M. [I] [N] avait également constitué le 4 octobre 2011 le GFA Des Ruaux (Groupement Foncier Agricole) situé à [Adresse 14] à [Localité 8], dans lequel il détenait un compte associé et 18 parts, sa fille Mme [B] [N] et son compagnon M. [X] [E] détenant 81 parts.

Les héritiers de M. [I] [N] ne sont pas parvenus à un partage amiable de la succession.

Par actes d’huissier des 15 et 19 décembre 2016 et du 17 janvier 2017, Mme [Y] [J] veuve [N] et Mme [B] [N] ont fait assigner M. [K] [N], Mme [A] [N], M. [F] [N] et Mme [C] [N] devant le tribunal de grande instance du Mans aux fins de voir :

– ordonner les opérations de compte liquidation et partage dépendantes de la succession de M. [I] [N] ;

– commettre M. le président de la chambre interdépartemental des notaires afin de dresser l’acte constatant le partage ;

– désigner tel juge en application de l’article 1371 du code de procédure civile afin de veiller au bon déroulement des opérations de partage et au respect du délai prévu à l’article 1369 du code de procédure civile ;

– condamner les défendeurs au paiement d’une somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– ordonner l’exécution provisoire ;

– statuer ce que de droit en ce qui concerne les dépens.

Le tribunal de grande instance du Mans a mentionné que les dernières conclusions des demanderesses avaient été signifiées le 27 mai 2019.

Ces conclusions n’ont pas été reprises par le tribunal de grande instance du Mans dans le corps de son jugement, qui a renvoyé à leur lecture. Ces conclusions ne sont pas produites en cause d’appel.

Seules sont versées aux débats des conclusions signifiées le 8 janvier 2019 par Mmes [Y] [N] et [B] [N].

Aux termes de leurs dernières écritures signifiées le 20 mars 2019, qui sont reprises dans le jugement du tribunal de grande instance du Mans, M. [K] [N], Mme [A] [N], M. [F] [N] et Mme [C] [N] ont demandé au tribunal de :

– faire droit à la demande de Mmes [J] et [N] concernant l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de M. [I] [N] ;

– désigner le président de la chambre des notaires de la Sarthe afin d’y procéder ;

– débouter Mme [J] de ses autres demandes ;

Préalablement,

– sommer Mme [Y] [J] d’avoir à dire si elle entend, compte tenu de la donation entre époux en date du 5 février 1999, accepter les quotités disponibles entre époux au jour du décès de M. [I] [N] :

en pleine propriété

en pleine propriété et usufruit

en usufruit seulement

en pleine propriété et nue-propriété des biens meubles et immeubles dépendant de la succession aux termes de la donation entre époux sus énoncée ;

– juger que le […] et par conséquent les parts sociales étaient des biens propres de M. [I] [N] ;

Par conséquent,

– juger que la liquidation et la vente des actifs du […] ne sont pas opposables aux défendeurs ;

– désigner un expert judiciaire avec pour mission d’estimer la valeur des parts sociales du […] et la valeur des parts sociales du GFA Des Ruaux au jour le plus proche du partage ;

– condamner Mme [J] à rapporter à la succession du défunt la somme correspondant à la valeur réelle des parts du […] telles qu’estimées à dire d’expert judiciaire au moment de son appropriation par la défenderesse ;

A défaut d’expertise,

– juger que Mme [J] devra rapport à la succession de M. [I] [N] de la somme de 183 114,31 euros ;

– dire que la somme de 176 830 euros correspondant à une seule partie du matériel, constitue un propre de M. [I] [N] et, en conséquence, juger que Mme [J] devra rapport à la succession de M. [I] [N] ladite somme ;

Compte tenu du recel successoral,

– juger que Mme [J] n’aura aucun droit sur ces deux sommes alors rapportables à la succession du défunt ;

– ordonner à Mmes [Y] [J] et [B] [N] de justifier du financement des parts sociales du GFA Des Ruaux ;

– condamner Mme [Y] [J] à leur payer la somme de 5 000 euros au titre de dommages et intérêts ;

– condamner Mmes [Y] [J] et [B] [N] à payer à M. [F] [N], M. [K] [N], Mme [C] [N] et Mme [A] [N] la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Par jugement du 17 septembre 2019, le tribunal de grande instance du Mans a :

– ordonné l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage tant de la communauté ayant existé entre M. [I] [N] et Mme [Y] [J] que de la succession de M. [I] [N] ;

– commet à cet effet la SELARL [T] prise en la personne de maître [T], notaire à [Localité 11] ;

– désigné en qualité de juge commissaire désigné par le tableau de roulement du tribunal pour suivre les opérations et faire rapport en cas de difficulté ;

– ordonné à Mme [Y] [J] de faire connaître au notaire commis dans le délai de trois mois à compter du prononcé du jugement la quotité pour laquelle elle entend opter en vertu de la donation entre époux dont elle bénéficie ;

– dit que Mme [J] veuve [N] devra rapporter à l’indivision post-communautaire la somme de 183 114,31 euros ;

– dit que les 18 parts du GFA des Ruaux détenues par M. [N] seront portées à l’actif de l’indivision post-communautaire ;

– rejeté toute autre demande des parties ;

– ordonné l’exécution provisoire ;

– ordonné l’emploi des dépens en frais privilégiés de partage et débouté les parties de leurs demandes respectives en paiement d’une indemnité en vertu de l’article 700 du code de procédure civile.

Le procès-verbal d’ouverture et opérations de comptes liquidation de la communauté et succession de M. [I] [N] en date du 6 décembre 2019 dressé par maître [O], notaire membre de la SELARL [T] et associés, mentionne que Mme [Y] [J] veuve [N] a fait connaître son choix au titre de ses droits de conjoint survivant bénéficiaire d’une institution contractuelle, à savoir qu’elle optait pour un quart en pleine propriété et trois quarts en usufruit des biens mobiliers et immobiliers composant la succession sans exception ni réserve.

Selon déclaration reçue au greffe de la cour d’appel d’Angers le 31 mars 2020, M. [K] [N], Mme [A] [N], M. [F] [N] et Mme [C] [N] ont interjeté appel de cette décision en ce que le premier juge a : ‘ordonné l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage tant de la communauté ayant existé entre M. [I] [N] et Mme [Y] [J] que de la succession de M. [I] [N] -commis à cet effet la SELARL [T] prise en la personne de Maître [T], notaire à [Localité 11]- désigné en qualité de juge commissaire désigné par le tableau de roulement du tribunal pour suivre les opérations et faire rapport en cas de difficulté – ordonné à Mme [Y] [J] de faire connaître au notaire commis dans le délai de trois mois à compter du prononcé du jugement la quotité pour laquelle elle entend opter en vertu de la donation entre époux dont elle bénéficie – dit que Mme [J] veuve [N] devra rapporter à l’indivision post-communautaire la somme de 183 114,31 euros – dit que les 18 parts du GFA Des Ruaux détenues par M. [N] seront portées à l’actif de l’indivision post-communautaire – rejeté toute autre demande des parties – ordonné l’exécution provisoire – ordonné l’emploi des dépens en frais privilégiés de partage et débouté les parties de leurs demandes respectives en paiement d’une indemnité en vertu de l’article 700 du code de procédure civile. Les appelants produisent toutes les pièces de première instance et produiront en appel toutes pièces utiles complémentaires à la défense de leurs intérêts’.

Mmes [Y] [N] et [B] [N] ont constitué avocat commun le 2 juin 2020.

Les appelants ont communiqué leurs conclusions aux intimées le 29 juin 2020.

L’ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 2 mai 2023 et l’affaire a été fixée pour plaidoiries à l’audience du 11 mai 2023.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 1er septembre 2022, M. [K] [N], Mme [A] [N], M. [F] [N] et Mme [C] [N] demandent à la présente juridiction de :

– préalablement débouter Mme [J] de sa demande tendant à voir déclarer irrecevable la demande de récompense formée par M. [K] [N], M. [F] [N], Mme [C] [N] et Mme [A] [N] ;

– déclarer M. [K] [N], M. [F] [N], Mme [C] [N] et Mme [A] [N] recevables, en tous cas, fondés en toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a ordonné l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage tant de la communauté ayant existé entre M. [I] [N] et Mme [Y] [J] que de la succession de M. [I] [N] ;

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a commis à cet effet la SELARL [T], prise en la personne de Maître [T] notaire à [Localité 11] (72) ;

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a désigné, en qualité de juge commissaire désigné par le tableau de roulement pour suivre les opérations et faire rapport en cas de difficulté ;

Infirmer le jugement entrepris en ses dispositions leur faisant grief et statuant à nouveau :

– juger que le […] a été constitué à l’aide de biens propres de M. [I] [N] et, en conséquence, dire que les parts sociales détenues par Mme [Y] [J] au sein de ce […] constituaient des propres de M. [I] [N] ;

– en conséquence, ordonner le rapport, par Mme [Y] [J], à la succession de M. [I] [N], de la somme correspondant à la valeur réelle des parts du […] ;

A titre subsidiaire ,sur ce point, si le caractère propre à M. [I] [N] des parts du […] n’était pas retenu, juger que les parts détenues par Mme [Y] [J] ont été constituées à l’aide de fonds propres de M. [I] [N] et que la communauté formée par M. [I] [N] et Mme [J] devra récompense à la succession de ce dernier sur la base de leur valeur réelle ;

– en outre, juger, à titre principal, que la liquidation du […] et la cession d’actifs subséquente sont inopposables à M. [K] [N], M. [F] [N], Mme [C] [N] et Mme [A] [N] ;

à titre subsidiaire, sur ce point, si la dissolution du […] et la cession d’actifs subséquente n’étaient pas déclarées inopposables à M. [K] [N], M. [F] [N], Mme [C] [N] et Mme [A] [N], condamner Mme [Y] [N] à en rapporter le prix, soit 183 314 euros, à la succession de M. [I] [N], dés lors qu’il sera acté du caractère propre des dites parts ;

à titre infiniment subsidiaire, juger que Mme [Y] [J] devra en rapporter le prix, soit 183 314 euros, à l’indivision post-communautaire [N]-[J] s’il était acté du caractère commun des dites parts ;

– juger que la somme de 176 830 euros, correspondant à une seule partie du prix matériel (sic) constitue un propre de M. [I] [N] et en conséquence, ordonner à Mme [Y] [J] d’en rapporter le montant à la succession de M. [I] [N] ;

– juger que la somme réelle de vente du matériel est de 261 250 euros et que celui-ci constitue un bien propre de M. [I] [N] et en conséquence, ordonner à Mme [Y] [J] d’en rapporter le montant à la succession de M. [I] [N] ;

à titre subsidiaire sur ce point, dire que Mme [Y] [J] devra rapporter la somme de 261 250 euros à l’indivision post-communautaire [N]-[J] ;

– déclarer Mme [Y] [J] coupable de recel successoral, et en conséquence, juger que cette dernière n’aura aucun droit sur ces trois sommes rapportables ;

– juger que les 18 parts du GFA Des Ruaux seront rapportées à l’actif de l’indivision post-communautaire [N]-[J] ;

– sommer Mme [Y] [J] de justifier de ses apports et de leur provenance dans le cadre de la création du […] ;

– condamner Mme [Y] [J] et Mme [B] [N] à payer à M. [K] [N], M. [F] [N], Mme [C] [N] et Mme [A] [N] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

– condamner Mme [Y] [J] et Mme [B] [N] à payer à M. [K] [N], M. [F] [N], Mme [C] [N] et Mme [A] [N] la somme de 6 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner Mme [Y] [J] et Mme [B] [N] aux entiers dépens de première instance et d’appel et accorder, en ce qui concerne ces derniers, à la SELARL H2C, le droit prévu à l’article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 20 mars 2023, Mme [Y] [J] veuve [N] et Mme [B] [N] demandent à la présente juridiction de :

– déclarer irrecevable comme nouvelle la demande tendant à dire que la communauté formée par M. [I] [N] et Mme [Y] [J] devra récompense à la succession sur la base de la valeur réelle des parts du […] ;

Vu l’article 910-1 du code de procédure civile,

– dire que la cour n’est saisie que des prétentions figurant au dispositif des conclusions des appelants du 20 juin 2020 ;

– juger que la cour n’est pas saisie du rapport d’une somme de 261 250 euros et de l’application du recel à cette somme ;

Vu l’article 815 du code civil, vu l’article 1361 du code de procédure civile,

– confirmer le jugement du 17 septembre 2019 ;

– condamner in solidum [K] [N], [F] [N], [C] [N] et [A] [N] au paiement d’une somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– statuer ce que de droit en ce qui concerne les dépens.

Pour un exposé plus ample des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions sus visées en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité des demandes des appelants

Mmes [Y] [J] veuve [N] et [B] [N] demandent que la demande adverse tendant à dire que la communauté formée par M. [I] [N] et Mme [Y] [J] devra récompense à la succession sur la base de la valeur réelle des parts du […] soit déclarée irrecevable comme nouvelle.

Elles exposent que le tribunal de grande instance du Mans a écarté la prétention des consorts [N] qui soutenaient que le […], bien que constitué avant le mariage des époux [N]-[J], serait un bien propre relevant : ‘que les consorts [N], qui prétendent que les actifs de l’exploitation agricole de leur père ont été apportés au […], ne revendiquent pas de récompense due à la succession par la communauté qui aurait tiré profit de biens propres’.

Et qu’ainsi les appelants forment une demande nouvelle en cause d’appel, qui ne figure pas dans le dispositif de leurs dernières conclusions du 20 mars 2019, consistant à revendiquer un droit à récompense due par la communauté égal à la valeur réelle des parts du […] du moins pour la partie appartenant à Mme [J]. Mmes [Y] [J] veuve [N] et [B] [N] considèrent que la prétention nouvelle ne tend pas aux mêmes fins que celles formées initialement comme soutenue par les appelants.

Les intimées au visa de l’article 910-1 du code de procédure civile concluent également aux fins qu’il soit dit que la cour n’est saisie que des prétentions figurant au dispositif des conclusions des appelants du 20 juin 2020 qui seules déterminent l’objet du litige conformément aux articles 905-2, 908 et 910 du même code. Elles soutiennent que les conclusions des appelants du 1er septembre 2022 contiennent à la fois des demandes nouvelles et additionnelles aux premières conclusions d’appel, puisqu’il est demandé un rapport à la succession à hauteur de 261 250 euros, demande ni formée en première instance ni même dans les premières conclusions d’appelants, ainsi qu’à titre subsidiaire le rapport de cette somme à l’indivision avec application de la peine du recel.

M. [K] [N], Mme [A] [N], M. [F] [N] et Mme [C] [N] demandent que les intimées soient déboutées de leur demande tendant à voir déclarée irrecevable leur demande de récompense. Ils soutiennent au visa de l’article 563 du code de procédure civile que cette demande de récompense n’est pas nouvelle puisqu’elle tend bel et bien aux mêmes fins que celle présentée en première instance de voir condamner Mme [J] à rapporter à la succession du défunt la somme correspondant à la valeur réelle des parts du […].

Les appelants n’ont pas conclu sur la demande adverse fondée sur l’article 910-1 du code de procédure civile.

Sur ce,

L’avis d’orientation du 8 juin 2020 a avisé les parties de ce que l’affaire était orientée par le président de chambre en circuit long en application des dispositions de l’article 904-1 du code de procédure civile.

L’article 910-1 du code de procédure civile énonce que : ‘Les conclusions exigées par les articles 905-2 et 908 à 910 sont celles, adressées à la cour qui sont remises au greffe et notifiées dans les délais prévus par ces textes et qui déterminent l’objet du litige’.

L’article 910-4 du code de procédure civile dispose que : ‘A peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910 l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. L’irrecevabilité peut également être invoquée par les parties contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures. Néanmoins et sans préjudice de l’alinéa 2 de l’article 783, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait’.

Dans le dispositif de leurs conclusions du 29 juin 2020 les appelants ont demandé l’infirmation du jugement entrepris en ses dispositions leur faisant grief dans les mêmes termes que ceux repris dans le dispositif de leurs dernières conclusions du 1er septembre 2022 augmentant seulement le quantum de la somme dont il est demandé le rapport à la succession passant de 176 830 euros à 261 250 euros avec application des peines du recel successoral.

Or les dernières conclusions des appelants ont répondu à celles des intimées du 7 septembre 2020 et à la production de leurs pièces, en particulier celle numérotée 29 l’exercice fiscal du […] de l’année 2013, qui les ont amenés à retenir que la valeur globale du […] était de 444 564 euros correspondant au produit de la vente du matériel, 261 250 euros, ainsi qu’au boni de liquidation.

Les prétentions des appelants destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses sont donc recevables.

L’article 563 du code de procédure civile énonce que : ‘Pour justifier en appel les prétentions qu’elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves’.

Les dernières conclusions de M. [K] [N], Mme [A] [N], M. [F] [N] et Mme [C] [N] devant le tribunal de grande instance du Mans en date du 20 mars 2019, reprises par la juridiction dans le corps de son jugement et qui sont produites aux débats, font apparaître qu’ils ont revendiqué le rapport à la succession de M. [I] [N] par Mme [Y] [J] de la somme correspondant à la valeur réelle des parts du […].

En formant, à titre subsidiaire, pour le cas où le caractère propre au défunt des parts du […] ne serait pas retenu, une demande de récompense par la communauté formée par les époux [N]-[J] à la succession sur la base de leur valeur réelle, les appelants ne font que d’invoquer un moyen nouveau, tendant au même but qu’en première instance, sans former une demande nouvelle.

Les intimées seront par suite déboutées de leurs demandes.

Sur les rapports à la succession et à l’indivision post-communautaire

L’article 843 du code civil énonce que : ‘Tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l’actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu’il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons faits par le défunt, à moins qu’ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale. Les legs faits à un héritier sont réputés faits hors part successorale, à moins que le testateur n’ait exprimé la volonté contraire, auquel cas le légataire ne peut réclamer son legs qu’en moins prenant’.

Il appartient à celui qui sollicite le rapport à la succession d’une libéralité consentie par le de cujus, d’établir la preuve du dépouillement irrévocable de l’auteur réalisé dans l’intention de gratifier le cohéritier.

L’article 1401 du code civil dispose que : ‘ La communauté se compose activement des acquêts faits par les époux ensemble ou séparément durant le mariage, et provenant tant de leur industrie personnelle que des économies faites sur les fruits et revenus de leurs biens propres’.

L’article 1467 du code civil dispose que : ‘La communauté dissoute, chacun des époux reprend ceux des biens qui n’étaient point entrés en communauté, s’ils existent en nature, ou les biens qui y ont été subrogés. Il y a lieu ensuite à la liquidation de la masse commune, active et passive’.

L’article 1470 du code civil dispose que : ‘Si, balance faite, le compte présente un solde en faveur de la communauté, l’époux en rapporte le montant à la masse commune’.

L’article 1832-2 du code civil énonce que : ‘Un époux ne peut, sous la sanction prévue à l’article 1427, employer des biens communs pour faire un apport à une société ou acquérir des parts sociales non négociables sans que son conjoint en ait été averti et sans qu’il en soit justifié dans l’acte.

La qualité d’associé est reconnue à celui des époux qui fait l’apport ou réalise l’acquisition.

La qualité d’associé est également reconnue, pour la moitié des parts souscrites ou acquises, au conjoint qui a notifié à la société son intention d’être personnellement associé. Lorsqu’il notifie son intention lors de l’apport ou de l’acquisition, l’acceptation ou l’agrément des associés vaut pour les deux époux. Si cette notification est postérieure à l’apport ou à l’acquisition, les clauses d’agrément prévues à cet effet par les statuts sont opposables au conjoint ; lors de la délibération sur l’agrément, l’époux associé ne participe pas au vote et ses parts ne sont pas prises en compte pour le calcul du quorum de la majorité.

Les dispositions du présent article ne sont applicables que dans les sociétés dont les parts ne sont pas négociables et seulement jusqu’à la dissolution de la communauté’.

Le décès de l’un des époux emporte dissolution de la communauté et dissolution du mariage.

Cette dissolution du mariage par décès donne lieu à une double indivision : une indivision post-communautaire résultant de la dissolution de la communauté et une indivision successorale entre héritiers.

Sur le […]

M. [K] [N], Mme [A] [N], M. [F] [N] et Mme [C] [N] demandent à titre principal qu’il soit jugé que le […] a été constitué à l’aide de biens propres de M. [I] [N] et qu’en conséquence les parts sociales que détenait Mme [Y] [J] veuve [N] constituaient des propres de son époux, dont elle doit le rapport à la succession du défunt, à hauteur de la valeur réelle des parts du […]. Ils demandent également que la liquidation du […] et la cession d’actifs subséquente leur soient déclarées inopposables.

Les appelants demandent que la somme réelle de vente du matériel de 261 250 euros, propre du défunt, soit rapportée à la succession de M. [I] [N]. Enfin ils demandent que Mme [Y] [J] veuve [N] soit sommée de justifier de ses apports et de leur provenance dans le cadre de la création du […].

Ils soutiennent que leur père, qui a perçu en 1987 la somme de 184 716,75 euros après la liquidation du régime matrimonial qui a existé avec leur mère Mme [R] [U], a créé le 1er août 1987 une exploitation agricole, en son nom personnel, dont il était le seul propriétaire et deux ans avant son remariage avec Mme [J], grâce aux fonds provenant du partage et avec son matériel et son outillage. Les appelants expliquent que lors de son départ à la retraite en 2000 M. [I] [N] a transformé son ancienne exploitation en […] en y apportant le matériel, l’outillage, le portefeuille agricole, le stock et qu’ainsi il a été créé à partir de son patrimoine propre sans apport de son épouse, Mme [J], qui ne démontre pas avoir disposé de fonds à cette époque, hormis un gain du loto perçu en 1985.

Ils relèvent que dans l’étude en vue du regroupement des exploitations de M. [I] [N] et de M. [W] [H], effectuée en février 2000, il est clairement mentionné que les deux mettront en commun leur matériel et que chacun apportera une part égale dans la société, soit 500 000 francs, tandis qu’il est indiqué que Mme [J] travaille à l’extérieur par intérim, et non à une exploitation comme elle le prétend.

Par ailleurs dans le dernier bilan d’exploitation de l’ancienne exploitation agricole de M. [I] [N] pour l’exercice d’août 1999 au 31 mai 2000 le comptable a confirmé l’existence de cette transmission d’exploitation.

M. [K] [N], Mme [A] [N], M. [F] [N] et Mme [C] [N] considèrent que les 860 parts du […] que détenait leur belle-mère, qui ont été vendues le 30 septembre 2013 à l’EARL […] pour un prix de 288 975,22 euros, appartenaient à la communauté [N]-[J] et par voie d’extension à l’indivision post-communautaire ainsi qu’à l’indivision successorale du défunt, de sorte que Mme [J] veuve [N] ne pouvait se passer de leur accord, sinon pour vendre, au moins quant à la valeur de la vente.

Qu’en agissant ainsi, elle a délibérément entendu avantager sa fille [B], associée avec son conjoint de l’EARL […], au détriment de sa fratrie consanguine, en vendant à un prix modique ses parts alors que quelques mois auparavant, lors du départ du […] de M. [W] [H], la valeur globale de l’entreprise était évaluée à 407 949,60 euros.

Les appelants observent que Mme [Y] [J] veuve [N] a procédé à la liquidation du […] en deux temps, vendant d’abord des éléments de matériels pour 264 437 euros, ayant déclaré un bénéfice pour l’exercice 2013 de 261 250 euros, puis a liquidé la société conservant à son seul profit le boni de liquidation de 183 314 euros, ce qui permet de retenir que la valeur globale du bien était de 444 564 euros (261 250 euros + 183 314 euros).

Mmes [Y] [J] veuve [N] et [B] [N] demandent la confirmation du jugement.

Elles arguent de ce que lorsque Mme [J] a vécu avec M. [I] [N] ce dernier n’avait aucun patrimoine, alors que Mme [J] disposait d’un gain gagné au loto de 128 351 francs, qu’elle a mis en commun pour l’achat de matériel agricole, permettant à son compagnon de débuter son activité agricole personnelle en 1987, avant la liquidation de la communauté formée avec son ex épouse Mme [U].

Lors du départ à la retraite de M. [I] [N] en 2000, les époux ont décidé de céder le matériel agricole de l’exploitation de M. [N] au […], pour 310 000 et 689 500 francs, créé après la réalisation d’une étude par le CER de la Sarthe entre Mme [J], qui avait une activité agricole depuis le 1er août 1999, et un autre exploitant agricole, M. [H].

Les intimées expliquent que le […] a été créé également grâce à la souscription de trois prêts bancaires, à l’apport d’avances sur cultures, matériels par Mme [J], et qu’ainsi il doit être considéré qu’il constitue une entité différente de l’ancienne exploitation de M. [I] [N].

Mmes [J] veuve [N] et [B] [N] indiquent que les parts du […] constituaient donc un actif de communauté au sens de l’article 1401 du code civil, Mme [J] et M. [N] s’étant mariés le 24 juillet 1989, la valeur du matériel acheté avant le mariage ne pouvant être celle retenue en 2000, aussi la somme de 183 114,31 euros dépend de l’indivision post-communautaire et non de la seule succession du défunt.

Elles soutiennent que suite à la liquidation amiable du […] décidée le 30 septembre 2013, la somme de 183 114,31 euros correspond au total du bilan au 31 décembre 2015 comme cela résulte du procès-verbal d’assemblée générale du 24 décembre 2015, et que la somme de 176 830 euros correspond au matériel acheté par le […], financé par les trois prêts bancaires.

Les prétentions adverses tendent donc à obtenir deux paiements, celui de la valeur de l’exploitation de leur père en 2000 puis celle de l’année 2015, dans le cadre d’un droit à récompense éventuelle et non d’un rapport.

Or les appelants ne produisent aucune pièce démontrant la consistance du droit à récompense.

Mmes [Y] [J] veuve [N] et [B] [N] rappellent que M. [I] [N] n’était pas associé dans le […] et que son épouse, en sa qualité d’associée unique à compter du départ de M. [W] [H] en 2011 et de liquidateur, était seule habilitée à céder les actifs à l’EARL […], indépendamment du statut d’héritiers des consorts [N].

Sur ce,

M. [I] [N] et Mme [Y] [J] se sont mariés le 24 juillet 1989 sans contrat de mariage, donc sous le régime de la communauté.

Lors de la création du […] le 1er juin 2000 , M. [I] [N], comme établi par ses statuts enregistrés le 11 juillet 200 par le greffe du tribunal de commerce du Mans, n’a pas souhaité se voir conférer la qualité d’associé pour la moitié des parts souscrites comme autorisé par l’article 1832-2 alinéa 3 du code civil.

Les apports effectués par Mme [J] épouse [N] sont donc réputés avoir été faits au moyen des actifs de communauté.

Mme [J] veuve [N] justifie avoir perçu de la loterie nationale le 13 mai 1985 un chèque de 128 351 francs, soit environ 19 565 euros, ainsi qu’avoir exercé elle-même l’activité agricole de son époux, sous le statut d’exploitante individuelle, située à [Adresse 13] à [Localité 17] du 1er août 1999 au 31 mai 2000, avec un bilan actif-passif de 1 730 euros.

Le bilan des apports figurant dans les statuts du […] fait apparaître que M. [I] [N] a cédé du matériel au […] pour un montant total de 999 500 francs, soit environ 15 236 euros, mais également que le […] a souscrit trois prêts bancaires de 300 000 euros et de 310 000 euros auprès du Crédit Mutuel et de 310 000 francs auprès du Crédit Agricole, soit un total de prêts de 920 000 francs, soit 140 243 euros, pour lesquels les deux associés, Mme [J] épouse [N] et M. [W] [H], se sont endettés. Mme [J] épouse [N] a apporté à titre onéreux 93 728,84 euros et à titre pur et simple 86 000 euros (matériel et outillage pour 65 171,95 euros, portefeuille agricole pour 4 445,29 euros et stocks pour 16 382,76 euros). Le capital social étant de 172 000 euros, chaque associé détenant 860 parts sociales.

Il n’est par suite pas établi que le […] ait été créé par les seuls actifs propres de M. [I] [N], en particulier ceux provenant de la liquidation de son premier mariage et qu’il n’aurait constitué que la continuité de sa précédente exploitation en son nom personnel, ce sans qu’il soit nécessaire que Mme [Y] [J] veuve [N] soit sommée de justifier du financement de ses parts.

D’ailleurs le commentaire fait par le comptable qui a établi le dernier bilan de l’exploitation agricole de M. [I] [N] d’août 1999 au 31 mai 2000 évoque une transmission entre époux mais relative à cette exploitation reprise par Mme [J] épouse [N], mais pas avec le […].

Le jugement contesté de ce chef sera confirmé.

Le procès-verbal d’assemblée générale extraordinaire du 4 octobre 2013 établit que Mme [Y] [J] devenue veuve de M. [I] [N] a décidé, en sa qualité d’associée unique, de dissoudre de manière anticipée le […], en exerçant les fonctions de liquidateur.

L’expert-comptable du […] pour l’exercice de l’année 2013 a mentionné un résultat d’exploitation de 615 685 euros, et ce en dépit de la cession d’éléments d’actifs pour 264 437 euros.

Or le procès-verbal de l’assemblée générale du 21 février 2012 dressé suite au départ de M. [W] [H] indique que ses droits étaient évalués à 203 974,80 euros, ainsi qu’une créance en compte courant de 55 056,55 euros, soit un total de 259 031,35 euros dont le […] était débiteur envers lui, par la réduction du capital social opérée par annulation des parts de M. [H].

Cette réduction ayant provoqué une perte comptable de 117 974,80 euros reportée sur l’exercice en cours.

L’exercice comptable de l’année 2013 fait mention d’un résultat d’exploitation de 15 685 euros nonobstant les produits exceptionnels résultant du produit de cession d’éléments d’actif pour 264 437 euros, or le compte associé de Mme [Y] [J] veuve [N] était débiteur à l’égard du […] de 46 374,07 euros le 30 avril 2013.

Il est par suite économiquement justifié qu’à l’issue des opérations de liquidation du […] les droits de Mme [J] veuve [N] aient été inférieurs au montant des actifs, après compensation, sans que les appelants ne rapportent la preuve de manoeuvres d’appauvrissement sciemment élaborées par Mme [Y] [J] veuve [N].

Aussi c’est à bon droit que le premier juge a dit que Mme [Y] [J] veuve [N] devrait rapporter non à la succession de M. [I] [N] mais porter à l’indivision post-communautaire des époux [N]-[J] la somme de 183 114,31 euros.

A compter du 31 décembre 2011, Mme [Y] [J] épouse [N] est régulièrement devenue l’unique associée du […], suite au retrait de M. [W] [H], conformément au procès-verbal d’assemblée générale extraordinaire du 21 février 2012.

Son époux n’était pas associé dans le […], et nonobstant le caractère commun des parts de Mme [Y] [J] épouse [N], M. [I] [N] comme ses héritiers n’avaient aucune qualité pour intervenir ou être sollicités dans la prise des décisions relatives à cette société civile autonome.

La liquidation et la vente des actifs du […] sont donc opposables aux consorts [N] et le jugement contesté de ce chef sera confirmé.

Sur le GFA Des Ruaux

M. [K] [N], Mme [A] [N], M. [F] [N] et Mme [C] [N] demandent que les 18 parts du GFA Des Ruaux appartenant à M. [I] [N] soient rapportées à l’actif de l’indivision post-communautaire.

Ils arguent de ce que leur père, au vu de la lettre du cabinet comptable CER France, détenait un compte associé de 59 203 euros à la date de son décès le 30 avril 2013, et que comme leur soeur Mme [B] [N] et son compagnon M. [E], qui détenaient 81 parts dans le GFA, ont procédé à la vente des actifs, sans solliciter les appelants en leur qualités d’ayants droits de M. [I] [N], cette somme doit être rapportée à la succession du défunt.

Mmes [Y] [J] veuve [N] et [B] [N] demandent la confirmation du jugement.

Elles estiment que le notaire en charge des opérations de liquidation compte et partage est en mesure de procéder à l’évaluation des parts de M. [I] [N] qui seront intégrées dans le cadre de la succession.

Sur ce,

Le GFA Des Ruaux a été créé le 4 octobre 2011, M. [I] [N] y détenait un compte associé de 59 203 euros et 18 parts au jour de son décès.

Dans le dispositif de leurs dernières conclusions du 1er septembre 2022 les appelants ne demandent le rapport à l’actif de l’indivision post-communautaire que des 18 parts du GFA Des Ruaux, sans former de demande concernant le compte courant associé de leur père.

Le tribunal de grande instance du Mans a décidé que les 18 parts du GFA Des Ruaux seraient portées à l’actif de l’indivision post-communautaire.

La demande formée par les appelants est donc sans objet.

Sur le recel successoral

Aux termes des dispositions de l’article 778 du code civil : ‘sans préjudice de dommages et intérêts, l’héritier qui a recelé des biens ou des droits d’une succession ou dissimulé l’existence d’un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession,nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence d le’actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens dans les biens ou les droits détournés ou recélés. Les droits revenant à l’héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux de l’auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recélés par ce dernier.

Lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l’héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir y prétendre à aucune part.

L’héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recélés dont il a eu le jouissance depuis l’ouverture de la succession’.

Selon la cour de cassation constitue le recel ‘ toute manoeuvre dolosive, toute fraude commise sciemment qui a pour but de rompre l’égalité du partage, quels que soient les moyens employés pour y parvenir’. Il suppose la réunion d’un élément matériel, c’est à dire un fait positif, et d’un élément intentionnel ressortant de la conscience du caractère répréhensible de l’acte. La preuve incombe à l’héritier qui argue du recel.

Le recel n’est constitué que si la donation est rapportable ou réductible car en cas contraire, elle ne préjudicie pas aux autres héritiers.

En outre, il est indifférent que le recel ait été préparé avant l’ouverture de la succession dès lors qu’il s’est prolongé après, l’accord éventuel du de cujus étant indifférent. Seul le repentir actif peut écarter la sanction du recel. Enfin, lors d’un partage, le recel peut être invoqué pour la première fois en cause d’appel sans que la demande soit qualifiée de tardive.

M. [K] [N], Mme [A] [N], M. [F] [N] et Mme [C] [N] demandent que Mme [Y] [J] veuve [N] soit déclarée coupable de recel successoral et qu’en conséquence elle ne puisse avoir aucun droit sur les sommes rapportables en lien avec le […].

Ils soutiennent que l’intimée, qui ne pouvait pour le moins ignorer que le […] n’appartenait pas à la communauté, s’est abstenue de remettre spontanément le prix de vente du matériel de 261 250 euros et le boni de liquidation de 183 314 euros, et qu’elle a délibérément procédé à la cession des actifs du […] à son profit et celui de sa fille, au détriment de la succession, ce qui constitue un recel.

Mmes [Y] [J] veuve [N] et [B] [N] concluent à la confirmation du jugement. Elles arguent de ce que les conditions posées par l’article 778 du code civil ne sont pas remplies dans la mesure où le défunt n’avait pas la qualité d’associé dans le […] tout comme Mme [H], l’épouse de l’autre associé initial, M. [W] [H].

Sur ce,

Les appelants ont été déboutés de leur demande de rapport à la succession de M. [I] [N].

Par conséquent il n’y a aucune somme d’argent sur laquelle est susceptible de porter le recel successoral.

Aussi il n’y a pas lieu de faire application de la peine du recel successoral à l’égard de Mme [Y] [J] veuve [N], et le jugement contesté de ce chef sera confirmé.

Sur la demande de dommages et intérêts

L’article 1240 du code civil énonce que : ‘Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer’.

M. [K] [N], Mme [A] [N], M. [F] [N] et Mme [C] [N] demandent que les intimées soient condamnées à leur payer une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral occasionné par leur comportement qui les a particulièrement affectés en ce qu’elles ont ‘renié’ leur statut d’héritier.

Mmes [Y] [J] veuve [N] et [B] [N] concluent au débouté de la demande adverse dénuée de fondement.

Sur ce,

Il n’est pas démontré que Mme [Y] [J] veuve [N] et sa fille Mme [B] [N] auraient par leurs comportements commis une faute civile susceptible d’engendrer un préjudice moral à leurs co-héritiers dont elles auraient tenté de nier la qualité depuis le décès de M. [I] [N].

Le jugement qui a rejeté la demande de dommages et intérêts des consorts [N] sera confirmé.

Sur les frais et dépens

Compte tenu de la décision rendue en première instance, c’est à bon droit que M. [K] [N], Mme [A] [N], M. [F] [N] et Mme [C] [N] ont été déboutés de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et qu’il a été décidé que les dépens seraient employés en frais privilégiés de partage.

Le jugement contesté de ces chefs sera confirmé.

Les appelants qui succombent en appel seront condamnés in solidum à verser à Mmes [Y] [J] veuve [N] et [B] [N] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et seront condamnés aux dépens. Ils seront déboutés de leur demande au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour,

DÉBOUTE Mmes [Y] [J] veuve [N] et [B] [N] de leurs demandes tendant à déclarer irrecevables le dispositif des conclusions adverses du 1er septembre 2022 et la demande de récompense par la communauté des époux [N]-[J] à la succession de M. [I] [N] ;

CONFIRME le jugement rendu le 17 septembre 2019 par le tribunal de grande instance du Mans en toutes ses dispositions contestées ;

DÉBOUTE M. [K] [N], Mme [A] [N], M. [F] [N] et Mme [C] [N] de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum M. [K] [N], Mme [A] [N], M. [F] [N] et Mme [C] [N] à verser à Mmes [Y] [J] veuve [N] et [B] [N] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [K] [N], Mme [A] [N], M. [F] [N] et Mme [C] [N] aux dépens d’appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

F. BOUNABI M.C. COURTADE

 


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