Droits des héritiers : 25 juillet 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/04767

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Droits des héritiers : 25 juillet 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/04767

25 juillet 2023
Cour d’appel de Versailles
RG n°
21/04767

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

1ère chambre 1ère section

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

Code nac : 28A

DU 25 JUILLET 2023

N° RG 21/04767

N° Portalis DBV3-V-B7F-UVGQ

AFFAIRE :

Consorts [G]

C/

[P], [W] [F]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Janvier 2020 par le Tribunal Judiciaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 17/03488

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

-la SELARL CABINET BOURSIN-JANSSEN,

-Me Stéphanie FOULON BELLONY

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT CINQ JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dont le délibéré a été prorogé le 04 juillet 2023, les parties en ayant été avisées, dans l’affaire entre :

Madame [N], [M] [G] épouse [E]

née le 11 Janvier 1961 à [Localité 25] (MAROC)

de nationalité Française

[Adresse 16]

[Localité 7]

Madame [C], [O] [G] épouse [S]

née le 02 Décembre 1964 à [Localité 25] (MAROC)

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 17] – USA

représentées par Me Virginie JANSSEN de la SELARL CABINET BOURSIN-JANSSEN, avocat postulant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : C.316 – N° du dossier 21070058

Me Sophie JALBY substituant Me Hélène CAPELA de la SELARL COTEG & AZAM ASSOCIES, avocat – barreau de TOULOUSE, vestiaire : 324

APPELANTES

****************

Monsieur [P], [W] [F]

né le 07 Janvier 1042 à [Localité 25] (MAROC)

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 3]

représenté par Me Stéphanie FOULON BELLONY, avocat postulant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 673

Me Christian HUON, avocat – barreau de PARIS, vestiaire : D0973

INTIMÉ

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 13 Avril 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Sixtine DU CREST, Conseiller chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anna MANES, Présidente,

Madame Pascale CARIOU, Conseiller,

Madame Sixtine DU CREST, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,

FAITS ET PROCÉDURE

De l’union de M. [J] [F] et de Mme [C] [Z], sont nés deux enfants :

– Mme [R] [C] [Y] [F], née le 9 novembre 1938 à [Localité 25] (Maroc),

– M. [P] [W] [F], né le 7 janvier 1942 à [Localité 25] (Maroc),

Les époux [F] étaient soumis au régime de la communauté de biens réduite aux acquêts.

Aux termes d’un acte reçu le 5 juillet 1982 par M. [A], notaire à [Localité 21], M. et Mme [F] ont fait donation ensemble, en avancement d’hoirie, à leur fils [P] [F] de lots n° 22, 23, 24 et 25 dépendant d’un ensemble immobilier sis [Adresse 5] à [Localité 21].

Aux termes d’un acte reçu le 13 août 1982 par M. [PW], notaire à [Localité 23], M. et Mme [F] ont fait donation en avancement d’hoirie à leur fille [R] [F] des lots dépendant d’un ensemble immobilier sis [Adresse 9] à [Localité 27], selon la répartition suivante :

biens donnés par M. [J] [F] seul : lots n° 48, 391 et 516 ;

biens donnés par M. et Mme [F], dépendants de la communauté : lot n°237.

M. [J] [F] est décédé le 14 avril 1984, laissant pour lui succéder :

son épouse, Mme [C] [Z], légataire de la plus forte quotité disponible permise entre époux en vertu d’un testament olographe en date du 29 avril 1982,

leurs deux enfants, chacun ayant vocation à recueillir la moitié de la succession en pleine propriété, sous réserve des droits du conjoint survivant.

A la suite de ce décès, ont été établis un acte de notoriété, reçu le 7 mars 1985 par M. [T], notaire à [Localité 23], ainsi qu’une déclaration de succession déposée le 12 septembre 1985.

Il dépendait de la succession de M. [J] [F], outre des liquidités, des droits sur un appartement sis à [Localité 15], la moitié en pleine propriété d’un appartement avec cave sis [Adresse 13] à [Localité 23], et également la moitié en pleine propriété d’un bien immeuble sis à [Localité 18] (Maroc).

Le conjoint survivant ayant opté pour des droits d’un quart en pleine propriété et trois quarts en usufruit dans la succession, Mme [C] [Z] a conservé la jouissance des biens sa vie durant.

Les biens immobiliers sis à [Localité 15] et à [Localité 23] ont été vendus.

Mme [C] [Z], alors domiciliée à [Localité 25] (Maroc), est décédée le 16 février 2012, laissant à sa survivance ses deux enfants nés de son union avec M. [J] [F].

Mme [Z] est décédée en l’état d’un testament authentique reçu par M. [V], notaire à [Localité 25], le 25 juillet 2006, lequel a institué Mme [R] [F] légataire de la quotité disponible.

Un acte de notoriété a été dressé à la suite de ce décès par M. [V], le 17 mai 2013.

Dépendaient notamment de la succession de [C] [Z] veuve [F] des liquidités détenues par des banques à [Localité 19] et à [Localité 25], ainsi que les cinq huitièmes indivis de la maison de [Localité 18] (Maroc).

M. [P] [F] a assigné Mme [R] [F] par acte d’huissier de justice le 26 novembre 2013 devant le tribunal de grande instance de Nanterre aux fins de partage des successions de leurs parents.

Mme [R] [F] est cependant décédée au cours de l’instance, le 29 février 2016.

Ses deux filles, Mmes [N] [G] épouse [E] et [C] [G] épouse [S] ont été appelées dans la cause, et l’instance a pu se poursuivre.

Par un jugement du 19 octobre 2018, le tribunal de grande instance de Nanterre a ordonné la réouverture des débats et a invité les parties à conclure sur :

– la qualification du legs de la quotité disponible consenti par [C] [Z] veuve [F] à sa fille [R] [F], au regard des dispositions des articles 924 et suivants du code civil,

– et consécutivement, la possibilité d’ordonner le partage judiciaire des successions de [J] [F] et de [C] [Z] veuve [F] après avoir produit aux débats tout élément permettant de connaître précisément les droits dont disposait l’épouse survivante dans la succession de son mari et d’ordonner un partage unique sur le fondement de l’article 840-1 du code civil.

Par un jugement contradictoire rendu le 20 janvier 2020, le tribunal judiciaire de Nanterre a :

Ordonné l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage des successions de [J] [F] et de son épouse née [C] [Z], ainsi que préalablement, la liquidation du régime matrimonial ayant existé entre eux ;

Renvoyé à cette fin les parties devant Me [K] [H], de la SELARL [K] [H], Benoit Philippot et Me [D] [I], notaire à [Localité 27] (92), [Adresse 10], www.[014].fr, tel [XXXXXXXX01]. aux tins d’y procéder conformément à l’article 1364 du code de procédure civile et en exécution du présent jugement,

En cas d’empêchement, le notaire désigné pourra être remplacé par simple ordonnance sur requête,

Commis Mme la présidente de la section du droit patrimonial de la famille du pôle famille du tribunal de grande instance de Nanterre (PF3) ou tout autre juge de la même section aux fins de surveiller lesdites opérations et faire rapport en cas de difficultés,

Rappelé qu’il appartient aux parties de concourir loyalement aux opérations du notaire liquidateur désigne, notamment en lui remettant toute pièce utile à l’accomplissement de sa mission,

Dit qu’il appartiendra au notaire liquidateur désigné de rechercher tout élément utile avec le concours des parties, permettant de déterminer la valeur des biens immobiliers et des meubles dépendant de l’actif successoral,

Dit qu’il pourra s’adjoindre à cette fin le sapiteur de son choix et notamment un commissaire-priseur,

Ordonné le rapport des libéralités consenties les 5 juillet et 13 août 1982 respectivement à M. [P] [F] et à Mme [R] [F] aux successions de M. [J] [F] et de Mme [C] [Z] conformément aux dispositions de l’article 860 du code civil,

Débouté M. [F] de sa demande de rapport à succession au titre d’une donation déguisée concernant la vente par Mme [C] [Z] à sa fille [R] d’une maison située à [Localité 25] au Maroc,

Débouté M. [F] de sa demande de rapport à succession au titre de trois donations déguisées concernant un ensemble immobilier situé à [Localité 24] (Herault),

Débouté M. [F] de ses demandes au titre des recels successoraux,

Débouté M. [F] de sa demande en paiement de dommages et intérêts,

Débouté Mmes [N] et [C] [G] de leurs demandes en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive et pour abus de droit,

Renvoyé l’affaire à l’audience du juge commis du 19 mars 2020 pour retrait du rôle jusqu’à l’établissement de l’acte de partage ou du procès-verbal de dires ou de difficultés sauf observations contraires des parties avant le 17 mars 2020 à 12 heures adressées au juge commis par voie électronique,

Dit qu’en cas de retrait l’affaire pourra être rappelée à tout moment à l’audience du juge commis à la diligence de ce dernier, du notaire désigné, des parties ou de leurs conseils,

Débouté les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Ordonné l’emploi des dépens en frais généraux de partage qui seront supportés par les co-partageants à proportion de leurs droits dans le partage à intervenir,

Rappelé que l’emploi des dépens en frais de partage exclut le bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile,

Ordonné l’exécution provisoire,

Débouté les parties de leurs autres demandes.

Mmes [N] et [C] [G] ont interjeté appel de ce jugement le 23 juillet 2021 à l’encontre de M. [P] [F].

Par dernières conclusions notifiées le 15 avril 2022, Mmes [N] et [C] [G] demandent à la cour, au fondement des articles 815, 840 et suivants, 860 et suivants, 912 et suivants, et 778 du code civil, des articles 1359 et suivants du code de procédure civile et des articles 1382 et 1383 anciens du code civil, dans leur rédaction applicable aux faits de l’espèce, de :

Rejetant toutes conclusions contraires comme étant injustes ou mal fondées,

Sur l’appel principal :

Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nanterre le 20 janvier 2020, sauf en ce qu’il a :

Ordonné le rapport des libéralités consenties les 5 juillet et 13 août 1982 respectivement à M. [P] [F] et à Mme [R] [F] aux successions de M. [J] [F] et de Mme [C] [Z] conformément aux dispositions de l’article 860 du code civil,

Débouté Mmes [N] et [C] [G] de leurs autres demandes au titre du recel successoral portant sur :

la libéralité reçue le 5 juillet 1982 par M. [P] [F],

sur les biens meubles et objets de valeur pris en 2006 dans la maison de [C] [Z] veuve [F] à [Localité 25], au Maroc,

Débouté Mmes [N] et [C] [G] de leurs demandes en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive et pour abus de droit,

Débouté Mmes [N] et [C] [G] de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Ordonné l’emploi des dépens en frais généraux de partage, supportés par les copartageants à proposition de leurs droits dans le partage à intervenir,

Y ajoutant :

Ordonner qu’il soit dressé un inventaire estimatif par tout commissaire-priseur qu’il plaira à la cour de désigner des objets mobiliers enlevés par M. [P] [F] de la maison de Mme [C] [Z] veuve [F] sise à [Localité 25],

Et, statuant à nouveau sur les chefs du jugement réformé :

Ordonner la réunion à la masse de calcul de la quotité disponible de la succession de Mme [C] [Z] veuve [F] de la moitié de la donation d’un bien commun consentie à Mme [R] [F] le 5 juillet 1982 pour sa valeur au jour du décès, selon son état au jour de la donation,

Ordonner la réunion à la masse de calcul de la quotité disponible de la succession de Mme [C] [Z] veuve [F] de la moitié de la donation consentie à M. [P] [F] le 13 août 1982 pour sa valeur réelle au jour de son aliénation, selon son état au jour de la donation, sous réserve d’un remploi de cette valeur dans l’acquisition d’un nouveau bien,

Ordonner le rapport à la succession de M. [J] [F] de la donation de biens propres consentie à Mme [R] [F] le 5 juillet 1982 pour sa valeur au jour du partage, selon son état au jour de la donation, et qu’il soit tenu compte de la privation de jouissance subie par la donataire pendant la durée d’occupation du bien par les donateurs,

Ordonner le rapport à la succession de M. [J] [F] et de Mme [C] [Z] veuve [F] de la donation d’un bien commun consentie à Mme [R] [F] le 5 juillet 1982 pour sa valeur au jour du partage, selon son état au jour de la donation, et qu’il soit tenu compte de la privation de jouissance subie par la donataire pendant la durée d’occupation du bien par les donateurs,

Ordonner le rapport aux successions de M. [J] [F] et de Mme [C] [Z] veuve [F] de la donation consentie à M. [P] [F] le 13 août 1982 pour sa valeur réelle au jour de son aliénation, selon son état au jour de la donation, sous réserve d’un remploi de cette valeur dans l’acquisition d’un nouveau bien,

Constater le divertissement par M. [P] [F] de biens ou droits successoraux dans le but de priver sa cohéritière d’une partie de ses droits,

Constater que les faits de recel portent sur :

le défaut de rapport de la part occultée du prix de vente de l’immeuble objet de la libéralité reçue le 13 août 1982,

le défaut de restitution des biens meubles et objets de valeur appartenant à Mme [Z] veuve [F] présents dans sa maison de [Localité 25] et accaparés par M. [P] [F],

Condamner M. [P] [F] aux peines du recel successoral, et dès lors ordonner qu’il soit privé de tout droit dans les biens détournés ou recelés,

Condamner M. [P] [F] à leur verser la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice subi, considérant le caractère abusif de la procédure,

Condamner M. [P] [F] à leur verser la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice subi, considérant l’abus de droit caractérisé par le refus de consentir à la vente du bien donné à Mme [R] [F] motivé par la volonté de tirer un profit spéculatif de ce refus,

Sur l’appel incident :

Débouter M. [P] [F] de ses demandes, fins et prétentions formées à l’occasion de l’appel incident ;

Et dès lors,

Débouter M. [P] [F] de sa demande tendant à voir constater que Mme [R] [F] aurait bénéficié d’une donation déguisée au titre de la vente de la maison de [Localité 25] (Maroc), qui devrait être rapportée à la succession par les ayants-droit de Mme [R] [F] pour la somme de 150 000 euros sous les peines du recel successoral,

Débouter M. [P] [F] de sa demande tendant à voir constater que Mme [R] [F] aurait bénéficié de trois dons de sommes d’argent d’un montant global de 239 006,47 euros pour le financement d’une opération immobilière, qui devrait être rapportée à la succession par les ayants-droit de Mme [R] [F] pour la somme de 350 000 euros sous les peines du recel successoral,

Débouter M. [P] [F] de sa demande nouvelle tendant à voir constater que Mme [R] [F] a prélevé une somme globale de 19 837,01 euros sur le compte Société Générale de [Localité 19] n° [XXXXXXXXXX011] et sur le compte de la Société Générale de [Localité 20], qui devrait être rapportée à la succession par les ayants-droit de Mme [R] [F] pour son montant sous les peines du recel successoral,

Débouter M. [P] [F] de sa demande tendant à les voir condamnées à lui verser la somme de 60 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel et financier causé,

Débouter M. [P] [F] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

En tout état de cause,

Condamner M. [P] [F] à leur verser la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamner M. [P] [F] aux entiers dépens de première instance et d’appel, dont distraction au profit de l’avocat constitué sur son affirmation de droit, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées le 2 mars 2023, M. [P] [F] demande à la cour, au fondement des articles 14, 15, 815 et suivants, 815-5, 860 et suivants, 778 et suivants, 1469 du code civil, et de l’article 1359 du code de procédure civile, de :

Débouter Mmes [N] [E] et [C] [S] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

Confirmer le jugement en ce qu’il a :

Ordonné L’ouverture des opérations de compte liquidation et partage des successions de M. [J] [F] et de son épouse née [C] [Z] ainsi que préalablement, la liquidation du régime matrimonial ayant existé entre eux,

Renvoyé à cette fin les parties devant M. [K] [H], de la SELARL [K] [H], Benoit Philippot et Me [D] [I], notaire, à [Localité 27] (92), [Adresse 10].www.[014].fr, tel [XXXXXXXX01] aux fins d’y procéder conformément à l’article 1364 du code de procédure civile et en exécution du présent jugement,

En cas d’empêchement, le notaire désigné pourra être remplacé par simple ordonnance rendue sur requête.

Commis Madame la présidente de la section du droit patrimonial de la famille du pôle famille du tribunal de grande instance de Nanterre PF3) ou tout autre juge de la même section aux fins de surveiller lesdites opérations et faire rapport en cas de difficultés,

Rappelé qu’il appartient aux parties de concourir loyalement aux opérations du notaire liquidateur désigné notamment en lui remettant toute pièce utile à l’accomplissement de sa mission,

Dit qu’il appartiendra au notaire liquidateur désigné de rechercher tout élément utile, avec le concours des parties, permettant de déterminer la valeur des biens immobiliers et des meubles dépendant de l’actif successoral,

Dit qu’il pourra s’adjoindre à cette fin le sapiteur de son choix et notamment un commissaire-priseur,

Ordonné le rapport des libéralités consenties les 5 juillet et 13 août 1982 respectivement à M. [P] [F] et à Mme [R] [F] aux successions de M. [J] [F] et de Mme [C] [Z] conformément aux dispositions de l’article 860 du code civil,

Débouté Mmes [N] et [C] [G] de leurs demandes en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive et pour abus de droit,

Renvoyé l’affaire à l’audience du juge commis du 19 Mars 2020 pour retrait du rôle jusqu’à l’établissement de l’acte de partage ou du procès-verbal de dires ou de difficultés, sauf observations contraires des parties avant le 17 mars 2020 à 12 heures adressées au juge commis par voie électronique,

Dit qu’en cas de retrait l’affaire pourra être rappelée à tout moment à l’audience du juge commis à la diligence de ce dernier, du notaire désigné, des parties ou de leurs conseils,

Ordonné l’emploi des dépens en frais généraux de partage, qui seront supportés par les copartageants à proportion de leurs droits dans le partage à intervenir,

Rappelé que l’emploi des dépens en frais de partage exclut le bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile,

Ordonné l’exécution provisoire.

– Infirmer le jugement en ce qu’il a :

Débouté M. [F] de sa demande de rapport à succession au titre d’une donation déguisée concernant la vente par Mme [C] [Z] à sa fille [R] d’une maison située à [Localité 25] au Maroc,

Débouté M. [F] de sa demande de rapport à succession au titre de trois donations déguisées concernant un ensemble immobilier situé à [Localité 24] (34),

Débouté M. [F] de ses demandes au titre des recels successoraux,

Débouté M. [F] de sa demande en paiement de dommages et intérêts,

Débouté les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Débouté les parties de leurs autres demandes.

Statuant à nouveau,

Constater que Mme [R] [F] [PJ] a bénéficié d’une donation déguisée au titre de la vente de maison de [Localité 25] (Maroc),

Dire et juger que Mmes [N] [E] et [C] [S] devront rapporter à la succession la somme de 150 000 euros de ce chef

Dire que Mme [R] [F] [PJ] a commis un recel au titre de cette donation déguisée,

Dire que Mmes [N] [E] et [C] [S] seront privées de tout droit sur cette somme,

Constater que Mme [R] [F] [PJ] a bénéficié de trois dons de somme d’argent d’un montant global de 239 006,47 euros,

Constater que cette somme a permis l’acquisition d’un terrain et l’édification d’un bien immobilier, revendu,

Dire et juger que Mmes [N] [E] et [C] [S] devront rapporter à la succession la somme de 350 000 euros de ce chef,

Dire que Mmes [N] [E] et [C] [S] seront privées de tout droit sur cette somme,

Constater que Mme [R] [F] [PJ] a prélevé une somme globale de 19 837,01 euros sur le Société Générale de [Localité 19] n° [XXXXXXXXXX011] et sur le compte de la Société Générale de [Localité 20],

Dire et juger que Mmes [N] [E] et [C] [S] devront rapporter à la succession la somme de 19 837,01 euros de ce chef,

Dire que Mme [R] [F] [PJ] a commis un recel au titre de ces prélèvements,

Dire que Mmes [N] [E] et [C] [S] seront privées de tout droit sur ces sommes,

Condamner Mmes [N] [E] et [C] [S] à verser à M. [P] [F] la somme de 60 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel et financier causé.

Condamner Mmes [N] [E] et [C] [S] à verser à M. [P] [F] la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Ordonner l’emploi des dépens en frais généraux de partage et dire que chacun des avocats pourra les recouvrer conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La clôture de l’instruction a été ordonnée le 23 mars 2023.

SUR CE, LA COUR,

A titre liminaire

La cour constate que dans leurs écritures, les appelantes, qui viennent aux droits de leur mère [R] [F] (divorcée [PJ]) se nomment tantôt « [N] [S] épouse [E] et [C] [G] épouse [S] », tantôt « [N] [S] épouse [E] et [C] [S] épouse [S] ». La cour considère qu’il s’agit d’erreurs de plume et rétablit l’identité des appelantes comme étant :

[N] [G] épouse [E]

[C] [G] épouse [S].

Elles seront ci-après dénommées « les consorts [G] » ou « Mmes [G] ».

La cour constate encore qu’au dispositif de leurs écritures, Mmes [G] ont interverti les dates des donations du 13 août 1982 et 5 juillet 1982. Il s’agit là encore d’une erreur de plume que la cour rectifiera en prenant en compte que la donation du 5 juillet 1982 a profité à M. [P] [F], et celle du 13 août 1982 a profité à [R] [F].

Par ailleurs, la cour constate des divergences de chiffres entre les demandes formulées au dispositif des conclusions de M. [P] [F] et celles reprises dans les motifs. La cour ne tiendra compte, conformément à l’article 954 du code de procédure civile, que des demandes chiffrées formulées au dispositif des conclusions.

Il résulte des écritures susvisées que le jugement est querellé en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a ordonné les opérations de compte, liquidation et partage, et désigné un notaire et un juge commis. Ces dispositions, non contestées, sont désormais irrévocables.

Sur le calcul du rapport à la succession de la donation du 13 août 1982 reçu par [R] [F]

Moyens des parties

Poursuivant l’infirmation du jugement en ce qu’il a ordonné le rapport des libéralités consenties le 13 août 1982 aux successions d'[J] [F] et de [C] [Z], Mmes [G] demandent à la cour, au fondement des articles 843, 860 (rapport) et 922 (réduction) du code civil, d’ordonner le rapport de cette libéralité (un appartement et un garage) faite à leur mère défunte en tenant compte de deux éléments :

l’« état général très moyen » au jour de la donation et les travaux de rénovation entrepris en 2018 et 2019 par [R] [F] dans l’appartement,

le fait qu’elle n’a pu en jouir véritablement qu’à partir de 1996, car antérieurement ses parents, qui demeuraient au Maroc, y habitaient lorsqu’ils venaient en France.

Elles rappellent tout d’abord qu’en vertu des dispositions testamentaires des défunts, la succession d'[J] [F] est dévolue, en vertu du testament olographe du défunt du 29 avril 1982 :

à hauteur d’un quart en pleine propriété et de trois quarts en usufruit au conjoint survivant, considérant l’option exercée par [C] [Z] de son vivant ;

à hauteur de 3/8èmes en nue-propriété à [P] [F] ;

à hauteur de 3/8èmes en nue-propriété à [R] [F].

Quant à la succession de [C] [Z], elle est dévolue, en vertu du testament authentique du 25 juillet 2006 :

à hauteur de 2/3 en pleine propriété à [R] [F], instituée légataire universelle dans la succession de sa mère, correspondant à sa part de réserve augmentée de la quotité disponible ;

à hauteur d’1/3 en pleine propriété à [P] [F], correspondant à sa part de réserve individuelle.

En premier lieu, les appelantes soutiennent qu’en instituant [R] [F] légataire universelle, [C] [Z] a voulu rétablir un certain équilibre entre ses enfants, M. [P] [F] ayant profité d’opération immobilières sur le patrimoine de ses parents du vivant de ceux-ci.

Elles expliquent qu’au jour de la donation, le bien était évalué, comme celui donné à M. [P] [F], à 400 000 francs (60 979,60 euros). Elles produisent trois autres estimations :

la première de l’agence du Val d’Or en 1999 évalue le bien entre 213 000 et 221 000 euros ;

la deuxième du notaire en 2017 à 440 000 euros ;

la troisième de l’agence du Val d’Or en 2020 a estimé le bien entre 580 000 et 600 000 euros, outre la chambre de service évaluée entre 40 000 et 50 000 euros.

Elles font valoir que le notaire, en charge des opérations de partage de [R] [F], a constaté en 2016 le très mauvais état de l’appartement, l’absence de cuisine aménagée, la salle de bain modeste, une installation électrique dangereuse et une plomberie avec des fuites. Elles insistent que le fait que les travaux ont consisté en une véritable amélioration du bien (création d’une salle de bain moderne, installation d’une cuisine équipée, fermeture de la loggia et création d’un jardin d’hiver’) pour un montant de 97 000 euros et produisent des factures.

Elles en déduisent que le bien n’a pas pu connaître une augmentation de sa valeur entre 2017 et 2020 de près de 200 000 euros par la seule évaluation du marché, mais grâce aux travaux réalisés.

Elles produisent un rapport d’expertise du 27 décembre 2021 de la chambre des notaires de Paris selon lequel le bien peut être estimé à ce jour, en l’état de la donation (soit à rénover avec la loggia ouverte et non chauffée), à une somme de l’ordre de 442 000 euros, outre la chambre de service pour 45 000 euros (soit une valeur totale de 487 000 euros).

Considérant que la plus-value apportée au bien par l’activité du donataire ne doit profiter qu’à ce dernier, et non à son cohéritier, elles font valoir que le rapport au titre de cette libéralité dans la succession d'[J] [F] ne saurait être supérieur à 474 500 euros, et à 12 500 euros dans la succession de [C] [Z].

En second lieu, elles soutiennent qu’il convient de tenir compte de la privation de jouissance temporaire du bien par [R] [F] leur mère, entre 1982 et 1996. Elles expliquent qu'[J] [F] et [C] [Z], qui demeuraient à [Localité 25], ont occupé l’appartement de [Localité 27] lors de leurs retours en France jusqu’en 1996, et y étaient résidents fiscaux français. Elles ajoutent qu’ils se comportaient comme des usufruitiers : payant les factures d’eau, d’électricité et les taxes locales. Elles précisent qu’à partir de 1996, leur mère a récupéré la pleine jouissance du bien qui a pu être loué à des tiers. Elles soutiennent que lorsque leur mère a voulu vendre ce bien, M. [P] [F] s’y est opposé.

M. [P] [F] réplique que cette libéralité doit être rapportée à la succession pour un montant de 637 500 euros, augmentée de 2% eu égard à la hausse du marché depuis l’estimation de 2020, soit à la somme de 650 250 euros au titre de la succession d'[J] [F] et de 12 648 euros au titre de la succession de [C] [Z].

Il fait valoir que dans le cadre des opérations, les parties ont produit des avis de valeur conformes, estimant l’appartement à 580 000-590 000 euros et la chambre de service à 55 000-60 000 euros, soit une somme globale de 650 000 euros. Il précise que cette somme doit faire l’objet d’un rapport pour la totalité dans la succession d'[J] [F]. S’agissant du garage (lot 237), il considère qu’il doit être rapporté à la succession de [C] [Z] et à celle d'[J] [F] pour un montant de 50 000 euros au total (la moitié pour chaque succession).

Il conteste s’être opposé à la vente du bien immobilier et indique que seule la vente du lot 391 (la chambre de service n°35) a été envisagée.

Il conteste également qu'[J] [F] et [C] [Z] aient exercé un usufruit de fait sur l’appartement, et à supposer qu’un usufruit temporaire ait existé (ce qu’il conteste), il indique que ce dernier s’est éteint avec le décès des donateurs. Il s’appuie sur une attestation de M. [X] [PJ] (ex-mari de [R] [F]) qui décrit cet appartement comme un appartement de passage pour de courts séjours, lorsque lui et [R] [F] ou ses beaux-parents se rendaient en région parisienne. L’intimé ajoute qu'[J] [F] et [C] [Z] n’ont jamais été résidents en France. Selon lui, le seul fait que les factures soient au nom de « [F] » ne permet pas d’établir une jouissance de l’appartement par les grands-parents, factures qui démontrent, selon lui, que l’appartement était pas ou peu occupé jusqu’à sa location en 1996.

Il conteste que les travaux entrepris aient consisté en une véritable amélioration du bien, mais considère qu’il s’agissait d’un rattrapage d’entretien non effectué au fil des ans. Il insiste sur le fait que le bail signé le 29 septembre 1996 comporte la mention cochée « logement conforme aux normes définies par le décret n°87-149 du 06/03/1987 » et ne fait état d’aucune réserve pour une quelconque vétusté. Selon lui, la plomberie n’était pas vétuste et la salle de bains parfaitement opérationnelle. S’appuyant sur le fait qu’aucun document relatif à une augmentation de taxe foncière n’a été produit, il soutient que la loggia de 14,48 mètres carrés était déjà intégrée à la surface de l’appartement. Il en déduit que les travaux n’ont apporté aucune plus-value au bien.

Appréciation de la cour

L’article 843 du code civil dispose que tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l’actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu’il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu’ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale.

Les legs faits à un héritier sont réputés faits hors part successorale, à moins que le testateur n’ait exprimé la volonté contraire, auquel cas le légataire ne peut réclamer son legs qu’en moins prenant.

L’article 860 du même code précise que le rapport est dû de la valeur du bien donné à l’époque du partage, d’après son état à l’époque de la donation.

Si le bien a été aliéné avant le partage, on tient compte de la valeur qu’il avait à l’époque de l’aliénation. Si un nouveau bien a été subrogé au bien aliéné, on tient compte de la valeur de ce nouveau bien à l’époque du partage, d’après son état à l’époque de l’acquisition. Toutefois, si la dépréciation du nouveau bien était, en raison de sa nature, inéluctable au jour de son acquisition, il n’est pas tenu compte de la subrogation.

Le tout sauf stipulation contraire dans l’acte de donation.

S’il résulte d’une telle stipulation que la valeur sujette à rapport est inférieure à la valeur du bien déterminé selon les règles d’évaluation prévues par l’article 922, cette différence forme un avantage indirect acquis au donataire hors part successorale.

Ainsi, pour déterminer le montant à rapporter à la masse successorale, il convient de déterminer la valeur du bien à l’époque du partage sur la base de son état à la date de la donation.

En l’espèce, M. [P] [F] estime que le bien immobilier sis à [Localité 27] donné à sa s’ur doit être rapporté à hauteur de 650 250 euros à la succession d'[J] [F] et de 12 648 euros à la succession de [C] [Z]. Les appelantes considèrent quant à elles que le rapport ne saurait être supérieur à 474 500 euros à la succession d'[J] [F], et à 12 500 euros à la succession de [C] [Z].

Si à l’époque de la donation les lots objets de la donation du 13 août 1982 étaient estimés à 60 979,60 euros (pièce 71 des appelantes), leur valeur a cru par la suite pour atteindre :

– 1,4 millions de francs en 1999 (pièce 46 des appelantes),

– 440 000 euros en 2017 (évaluation du notaire ayant rédigé l’attestation immobilière après le décès de [R] [F] : pièce 73 et évaluation de l’agence du Val d’Or : pièce 75 des appelantes),

– entre 580 000 et 600 000 euros en 2020 (outre 40 et 50 000 euros pour la chambre de service) (pièce 74 des appelantes : appartement « entièrement rénové »).

En outre, l’estimation de [Localité 23] Notaire Services effectuée en décembre 2021 évalue le bien, dans son état en octobre 2016, à 570 000 euros (pièce 79).

M. [P] [F] produit une estimation du 5 décembre 2020 de l’agence Synélite Immobilier entre 580 000 et 590 000 euros, outre 55 à 60 000 euros pour la chambre de service (pièce 20 de l’intimé).

Il n’est pas contesté qu’entre 1982, date de la donation, et 2012, date du décès de [C] [Z], il n’a pas été procédé à des travaux de rénovation dans l’appartement. Ce dernier a néanmoins pu être loué à partir de 1996 et pendant plusieurs années (pièce 20 de l’intimé). Dans le contrat de bail, il est décrit comme étant « conforme aux normes définies par le décret n°87-149 du 6 mars 1987 » (pièce 20 de l’intimé), c’est-à-dire conforme aux conditions minimales de confort et d’habitabilité. L’appartement n’était donc pas, au jour de la donation, dans un état de vétusté tel qu’il ne pouvait pas être habité.

La lettre du 4 mars 2020 de M. [OK], notaire à [Localité 22], ayant rédigé l’attestation immobilière de 2017, qui décrit un état quasiment insalubre de l’appartement, ne correspond donc pas à la description de l’état du bien au jour de la donation, mais à son état trente-cinq ans plus tard alors qu’aucuns travaux d’entretien n’a été entrepris (pièce 76 des appelantes).

Il ressort par ailleurs des factures de travaux versés par les appelantes que les travaux entrepris en 2018-2019 pour un montant de 97 140 euros ont consisté non pas en la rénovation totale de l’appartement, mais en des travaux d’amélioration (réfection de l’installation électrique, de la tuyauterie et du chauffage, du parquet, réfection de la salle de bains et de la cuisine notamment, fermeture de la loggia) qui ont nécessairement accru la valeur de l’appartement.

Il résulte de ces éléments :

que l’évaluation de l’agence du Val d’Or de 2020 et l’évaluation de l’agence Synélite Immobilier du 5 décembre 2020, postérieures aux travaux, ne doivent pas être prises en compte puisqu’elles ne correspondent pas à la valeur du bien dans son état au jour de la donation ;

que l’évaluation de 2017 de M. [OK], notaire à [Localité 22], effectuée dans un appartement « en très mauvais état » sans qu’aucun entretien n’ait été effectué trente-cinq ans après la donation, ne correspond pas non plus à la valeur du bien dans l’état où il se trouvait au jour de la donation, puisqu’au jour de la donation, l’appartement était habitable.

En revanche, il convient de tenir compte de l’estimation de [Localité 23] Notaire Service qui après visite de l’appartement (à l’exception de la chambre de service et du garage) et comparaison avec des biens vendus dans la même résidence, estime le bien, en se plaçant en octobre 2016, « avec des travaux de rénovation à prévoir et une loggia ouverte » – c’est-à-dire à la date la plus proche du partage, dans un état correct, habitable mais améliorable, correspondant à l’état dans lequel il se trouvait au jour de la donation ‘ à 570 000 euros. Cette évaluation est conforme aux dispositions de l’article 860 précité.

Par ailleurs, contrairement à ce que prétendent les appelantes, les trois factures d’électricité entre mars 94 et avril 95 (pièces 59 à 61) – sur lesquelles apparaissent une consommation d’ailleurs très faible – et les quatre avis de taxes foncières et d’habitation de 1991, 1992 et 1993 au nom de M. [J] [F], ne suffisent pas à établir un usufruit ou, à tout le moins, un usage fréquent de l’appartement par les parents de [R] [F] (pièces 62 à 65 des appelantes). Et à supposer que l’usufruit invoqué ait été caractérisé, il se serait éteint au jour du décès des donateurs (1984 et 2012). Cette autorisation d’accès et d’usage laissée à ses parents correspondait à la volonté de [R] [F], qui était libre, compte tenu du bon état de l’appartement, de le louer, de le prêter ponctuellement ou de l’utiliser. Cette usage ponctuel de l’appartement par [J] et [C] [F] n’était pas de nature à priver leur fille de la possibilité d’en jouir et est, de ce fait, sans incidence sur le rapport dû à la succession.

Par conséquent, le jugement sera infirmé en ce qu’il a ordonné le rapport de la libéralité consentie le 13 août 1982 à Mme [R] [F] aux successions de M. [J] [F] et de Mme [C] [Z] conformément aux dispositions de l’article 860 du code civil.

Il sera ordonné le rapport par les appelantes, pour moitié chacune, des sommes suivantes (soit un total de 570 000 euros) :

557 500 euros pour l’appartement, la cave et la chambre de service, à la succession d'[J] [F] ;

12 500 euros pour le garage à la succession d'[J] [F] et [C] [Z].

Sur le calcul du rapport à la succession de la donation du 5 juillet 1982 reçue par M. [P] [F] et sur le recel successoral

Moyens des parties

Poursuivant l’infirmation du jugement en ce qu’il a ordonné le rapport des libéralités consenties le 5 juillet 1982 aux successions d'[J] [F] d’une part, et de [C] [Z] d’autre part, Mmes [G] demandent à la cour d’ordonner le rapport de cette libéralité faite à leur oncle pour un montant qui ne saurait être inférieur à 210 000 euros (soit 105 000 euros à rapporter pour chacune des successions).

Elles demandent en outre à la cour, au fondement de l’article 778 du code civil, de considérer que M. [P] [F] a commis un recel successoral en s’appropriant de façon occulte une partie du prix de vente du bien sis [Adresse 5] à [Localité 21], de sorte qu’il doit être privé de tout droit sur la partie de la valeur du bien dissimulé, qui sera réintégrée à la masse à partager et ne bénéficiera qu’aux ayants-droit de [R] [F] divorcée [PJ].

Elles font valoir que les lots transmis à M. [P] [F] – deux chambres individuelles au 5ème étage, un appartement de cinq pièces au 5ème étage, et un appartement d’une pièce au 5ème étage, ont été réunis en un seul lot et vendus le 27 février 2001 au prix de 128 057 euros. Elles soutiennent que ce prix ne correspond pas au prix du bien au jour de son aliénation et que M. [P] [F], professionnel de l’immobilier, a en réalité dissimulé une partie du prix de vente qu’il a effectivement perçu. Mme [N] [G] épouse [E] atteste qu’alors âgée de 20 ans et étudiante à [Localité 21], son oncle lui a confié une enveloppe d’argent liquide à aller déposer à la banque (pièce 45).

Elles produisent un rapport d’expertise du 3 septembre 2021 qui a estimé que la valeur vénale du bien immobilier, dans l’état où il se trouvait le 27 février 2001, libre de toute occupation, pouvait être fixée à 210 000 euros.

Elles ajoutent que M. [P] [F] n’a jamais justifié du remploi des sommes versées.

M. [P] [F] conteste avoir procédé à un « dessous de table » et avoir remployé les fonds. Il n’accorde aucune valeur probante à l’attestation versée par les appelantes, arguant qu’à l’époque sa nièce avait 40 ans et non pas 20 ans et demeurait à [Localité 7]. Il fait valoir que le prix ‘ 128 057,17 euros le 27 février 2001 – est sincère et véritable, et correspondait à la vente de plusieurs chambres de service partiellement regroupées, à rénover et situées au 4ème étage sans ascenseur. Il ajoute que si le prix avait manqué de sincérité, le notaire aurait refusé de recevoir l’acte. Il conteste l’expertise produite par les appelantes, d’une part en ce que l’expert n’a pas visité le bien et d’autre part, en ce que ce dernier part du principe que le bien a été rénové ce qui est, selon lui, inexact. Il considère donc que la somme de 128 057,17 euros devra être rapportée pour moitié dans chaque succession.

Appréciation de la cour

L’article 778 du code civil dispose que, sans préjudice de dommages et intérêts, l’héritier qui a recelé des biens ou des droits d’une succession ou dissimulé l’existence d’un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation de l’actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés. En outre, lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l’héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir prétendre à aucune part. Enfin, l’héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont il a eu la jouissance depuis l’ouverture de la succession.

La Cour de cassation précise que le recel est constitué de toute fraude commise sciemment par un héritier dans le but de rompre l’égalité du partage, quels que soient les moyens employés pour y parvenir. Celui qui invoque l’existence d’un recel successoral doit rapporter la preuve par tout moyen de l’élément matériel du recel et de cet élément moral que constitue la volonté de rompre l’égalité du partage. Toutefois, le repentir actif est exclusif du recel si tant est que la restitution ou la révélation soit postérieure au décès, spontanée et antérieure aux poursuites.

En l’espèce, il résulte de l’acte de donation du 5 juillet 1982 qu’ont été donnés à M. [P] [F] par ses parents un appartement de cinq pièces, un appartement d’une pièce et deux chambres individuelles situés au 5ème étage d’un immeuble sis [Adresse 5] à [Localité 21]. Ce bien a été vendu à la SCI Anatole II au prix de 128 057,17 euros le 27 février 2001 (pièces 5 et 7 de l’intimé, pièce 72 des appelantes).

Les appelantes allèguent que ce prix était largement inférieur au prix du marché et qu’il se serait accompagné d’un « dessous de table » encaissé par leur oncle.

Cependant, force est de constater qu’elle n’apporte aucune preuve tangible au soutien de ce qu’elles allèguent.

Mme [N] [E] verse au débat une attestation dans laquelle elle prétend que, alors qu’elle avait une vingtaine d’années et était étudiante à [Localité 21], son oncle lui avait confié une somme d’argent en liquide à remettre sur ses comptes bancaires, correspondant à un dessous de table versé dans le but de payer moins de frais de notaire au moment de la vente de l’appartement du [Adresse 5] à [Localité 21]. Cette attestation, qui n’est corroborée par aucun autre élément de preuve, est dénuée de force probante.

Au surplus, Le témoignage ainsi versé au débat ne paraît pas sérieux dès lors qu’il contient des inexactitudes et imprécisions flagrantes : en premier lieu, Mme [N] [E] y explique qu’elle était « alors âgée d’une vingtaine d’année et étudiante à [Localité 21] », alors qu’à la date de la vente, elle était âgée de 40 ans (comme étant née en 1961) ; en deuxièmes lieu, elle ne précise rien quant au montant de la somme remise et à l’établissement bancaire concerné. Cette attestation est, par conséquent, insuffisante à démontrer les faits allégués (pièce 45 des appelantes).

Par ailleurs, le rapport d’expertise versé par les appelantes qui évalue le bien, à la date de son aliénation le 27 février 2001, à 210 000 euros, a une force probante toute relative dans la mesure où cette expertise, non contradictoire, s’est déroulée sans visite du bien (pièce 80 des appelantes).

Les appelantes soulignent qu’en 1999, [R] [F] a fait évaluer son bien à 213 500 euros, lorsque celui de son frère a été vendu deux ans plus tard au prix de 128 057,17 euros. Il ne peut cependant pas être déduit de cette différence une sous-estimation certaine du bien de M. [P] [F] lors de sa vente, l’évolution, croissante à l’époque, du marché de l’immobilier n’étant pas la même en Ile-de-France et en province.

En outre, Mmes [G] ne démontrent pas davantage le remploi qu’elles allèguent, de sorte que la cour ne peut pas tenir compte de la valeur du bien subrogé au jour du partage.

Par conséquent, le jugement sera infirmé en ce qu’il a ordonné le rapport de la libéralité consentie le 5 juillet 1982 à M. [P] [F] aux successions de M. [J] [F] et de Mme [C] [Z] conformément aux dispositions de l’article 860 du code civil.

Il sera ordonné le rapport par l’intimé de la somme de 128 057,17 euros à la succession d'[J] [F] et [C] [Z] (la moitié de cette somme dans chaque succession). Mmes [G] seront déboutées de leur demande au titre du recel successoral

Sur les faits de recel successoral concernant les biens meubles et objets de valeur de la maison de [Localité 25]

Moyens des parties

Mmes [G] demandent à la cour, au fondement de l’article 778 du code civil, que M. [P] [F] soit privé de tout droit, en raison d’un recel successoral, sur la valeur des biens meubles (mobilier, tableaux, tapis persans) de la maison de [C] [Z], située [Adresse 12] à [Localité 25], que cette dernière a vendue à sa fille en 2005.

S’appuyant sur le principe selon lequel « nul ne peut se constituer de preuve à soi-même », M. [P] [F] conteste avoir récupérer des meubles, en indiquant que depuis le 6 mai 2003, date de la « vente » (sic) de la maison à [R] [F], il ne pouvait y accéder librement et que sa mère, alors âgée de 90 ans, qui ne quittait pas sa maison de retraite n’a pas pu constater la disparition des objets.

Appréciation de la cour

Au soutien de leur demande, Mmes [G] produisent une lettre signée à [Localité 25] le 6 juillet 2006 (six ans avant son décès) par leur grand-mère « en toute possession de [ses] moyens », dans laquelle cette dernière liste les objets dont son fils « a pris possession à [son] insu et qu’il a fait expédier en France » (pièce 41 des appelantes).

Cette seule lettre, qui démontre que cette soustraction, à supposer qu’elle ait eu lieu, a été portée à la connaissance de [C] [Z], de sorte qu’elle ne suffit pas à établir un recel successoral, d’autant que cette dernière n’en fait pas précisément état dans son testament du 25 juillet 2006 (pièce 4 de l’intimé).

Les appelantes seront donc déboutées de leur demande au titre du recel successoral et le jugement sera confirmé sur ce point sur ce point.

Sur la demande reconventionnelle de recel successoral au titre de la maison à [Localité 25] (150 000 euros)

Moyens des parties

M. [P] [F] fait valoir que le prix de vente n’a jamais été payé par sa s’ur à leur mère (150 000 euros) et qu’il est impossible de rapporter la preuve d’une absence de paiement, de sorte qu’il ne doit pas être tenu compte du jugement du 11 février 2019 du tribunal de première instance de Rabat. Il ajoute que [R] [F], demeurant à l’étranger, n’aurait pu payer ce prix que par transfert bancaire qu’elle aurait pu en théorie justifier. Il en déduit que ses nièces doivent rapporter 150 000 euros à la succession et être privées de tout droit sur cette somme.

Mmes [G] contestent que la vente de cette maison ait constitué une donation déguisée et font valoir que par jugement du 11 février 2019, le tribunal de première instance de Rabat a débouté M. [P] [F] de sa demande d’annulation de la vente, faute pour lui de démontrer la fictivité de l’acte ni la « prétendue absence de paiement du prix ».

Appréciation de la cour

Il est patent que l’absence de paiement d’un prix ne peut être prouvée. Il est également constant que les appelantes ne versent aux débats aucun document de nature à établir le transfert de 1,5 millions de dirhams de leur mère à leur grand-mère en 2005 lors de la vente présumée de la maison sise [Adresse 12] à [Localité 25]. La cour ne dispose par conséquent d’aucun élément sur le paiement du prix.

Elle ne dispose que du jugement du 11 février 2009 du tribunal de première instance de Rabat rendu après saisine de M. [P] [F].

Il résulte de ce jugement que M. [P] [F] a d’abord invoqué la faiblesse du prix, avant d’invoquer le caractère de donation déguisée pour faire annuler le contrat de vente de la maison. N’ayant pu prouver le caractère fictif de l’acte de vente, il a été débouté de sa demande (pièce 42 des appelantes).

Il ressort des motifs du jugement que cette vente a eu lieu devant notaire (Maître [U] [B], notaire à [Localité 25]) « moyennant un prix global de 1.500.000.00 dirhams ».

Ainsi, sauf à établir que le notaire a été complice d’une donation déguisée, ce qui n’est pas évoqué et encore moins démontré, il est de l’obligation du notaire de s’être assuré du paiement du prix et de l’effectivité de la vente. La cour considère donc, en l’état du peu d’éléments dont elle dispose, que le contrat de vente n’a pas caché une donation déguisée.

Dès lors, le caractère de donation déguisée de la vente de la maison sise [Adresse 12] à [Localité 25], par [C] [Z] à sa fille [R] [F], n’est pas démontrée. M. [P] [F] sera donc débouté de sa demande et le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la demande reconventionnelle de recel successoral au titre de trois dons de sommes d’argent à hauteur de 239 006,47 euros dont le rapport, à hauteur de 350 000 euros, est demandé

Moyens des parties

Poursuivant l’infirmation du jugement qui l’a débouté de sa demande, M. [P] [F] fait valoir que sa s’ur a perçu trois versements le 31 août 1987 (137 024,11 euros), le 23 mars 1988 (64 462,17 euros) et le 27 février 1989 (39 336 euros) (soit au total 239 006,47 euros), en provenance de comptes ouverts à la banque Barclays France à [Localité 19] au nom de [C] [Z], après le versement sur ces comptes des fonds de la succession de son mari défunt. Il précise que le terrain acheté à [Localité 24] le 26 février 1988 au prix de 55 644 euros, sur lequel a été édifiée une villa, a été payé par lui, sur ses fonds personnels, et par sa s’ur, avec les fonds obtenus grâce à ces virements bancaires. Il précise que le compte ouvert à la BNP par sa s’ur a été alimenté par un portefeuille de titres de la banque Barclays de [Localité 19], dépendant de la succession d'[J] [F], sur laquelle [C] [Z] disposait d’un droit d’usufruit. Il s’agissait donc, selon lui, de fonds successoraux, et non de fonds appartenant à [R] [F].

Il indique que le bien immobilier a été revendu le 29 juin 2006 au prix de 700 000 euros. Il en déduit que les appelantes doivent rapporter 350 000 euros à la succession d'[J] et [C] [Z] et être privées de tout droit sur cette somme, s’agissant, selon lui, d’un recel successoral.

Mmes [G] répliquent que l’opération immobilière réalisée à [Localité 24] (Herault) a pu être réalisée grâce à la vente d’un portefeuille d’actions indivis dont il se chargeait de la gestion « au profit de tous », ces fonds étaient conservés sur un compte ouvert au nom de [R] [F] divorcée [PJ] sur lequel M. [P] [F] avait procuration.

Appréciation de la cour

En l’espèce, il ressort des relevés de comptes et des pièces de la banque Barclays de [Localité 19] produits par M. [P] [F] que le compte est ouvert au nom de « Madame [NY] [F] (i.e. [C] [NY] [Z] veuve [F]) c.o M. [P] [F] [Adresse 26] [Localité 8] » (pièces 9, 10 et 11 de l’intimé). M. [P] [F], destinataire de ce courrier au même titre que sa mère, était parfaitement informé des mouvements du compte, puisqu’il en recevait les relevés (sa mère était alors domiciliée à [Localité 25]). Il ne saurait dès lors prétendre qu’il est victime d’un recel successoral et que ces mouvements bancaires lui ont été cachés.

C’est par d’exacts motifs, précis et circonstanciés, adoptés par la cour, que les premiers juges ont déduit du courriel du 16 septembre 2002 adressé par M. [P] [F] à sa s’ur (pièce 37 des appelantes) et du courrier qu’il a adressé à Maître [L] le 13 décembre 2004 (pièce 66 des appelantes) qu’en réalité, les fonds du compte titres ouvert à la Barclays de [Localité 19] provenaient de la succession d'[J] [F] et ont alimenté un compte ouvert à la BNP au nom de [R] [F] épouse [PJ] (compte non résident n°09555428) sur lequel M. [P] [F] avait procuration. L’achat du terrain et la construction de la villa à [Localité 24], le tout indivis entre le frère et la s’ur, ont été financés par ces fonds et ont profité tant à [R] [F] qu’à M. [P] [F], tous deux propriétaires indivis pour moitié en pleine propriété. D’après l’acte notarié du 29 juin 2006, ce bien a finalement été vendu, chacun vendant la moitié indivise du bien en pleine propriété, au prix de 700 000 euros (pièce 40 des appelantes). Sur les 700 000 euros versés, 100 000 euros ont été séquestrés d’un commun accord compte tenu d’un litige opposant les vendeurs sur la répartition du prix.

Faute de démontrer une dissimulation et une rupture dans l’égalité du partage, c’est donc à bon droit que M. [P] [F] a été débouté de sa demande de rapport à la succession de la totalité des fonds transférés sur le compte BNP à hauteur de 239 006,47 euros et de sa demande au titre du recel successoral. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la demande reconventionnelle de recel successoral au titre de prélèvements bancaires sur le compte Société générale de [Localité 19] appartenant à [C] [Z] (19 837,01 euros)

Moyens des parties

M. [P] [F] soutient, pour la première fois en cause d’appel, que sa s’ur a prélevé les sommes au crédit du compte de sa mère, dès le lendemain de son décès et jusqu’à épuisement des sommes. Il indique qu’une partie des fonds a été versés sur un compte AMFIE (coopérative financière des fonctionnaires internationaux, dont faisait partie le mari de Mme [E]). Il soutient que les pièces communiquées par les appelantes ne démontrent nullement un paiement de sorte qu’elles doivent rapporter 19 837,01 euros et doivent être sanctionnées au titre du recel dans la mesure où leur mère n’a jamais fait état de ces versements.

Mmes [G] contestent tout recel successoral sur cette somme. Elles font valoir que M. [P] [F] connaissait parfaitement l’existence de ce compte, comme il connaissait l’existence de tous les comptes de sa mère dont il a assuré longtemps la gestion. Elles expliquent que leur mère, [R] [F], qui avait procuration sur ce compte, a transféré par commodité après le décès de sa mère le solde de ce compte bancaire sur son propre compte et sur un compte à l’AMFIE. Elles expliquent que les fonds transférés ayant appartenu à [C] [Z] (19 837,01 euros) ont permis de payer un trop perçu de pension de retraite à hauteur de 11 387 euros, de sorte que seule la différence, 8 450,01 euros, qui n’a jamais été cachée à M. [P] [F], doit être réintégrée à la masse successorale.

Appréciation de la cour

En l’espèce, les appelantes produisent l’avis d’émission d’un titre de perception du 18 février 2013 en raison d’un trop-perçu de six échéances de pension de retraite postérieures au décès de leur mère (entre avril et septembre 2012) et une mise en demeure d’avoir à payer la somme majorée de 11 387 euros émise le 26 février 2015 par la direction générale des finances publiques (pièces 81 et 82). Les appelantes indiquent qu’il n’a pas été possible de récupérer la trace du paiement auprès de la banque compte tenu de son ancienneté.

Les comptes rendus des réunions de travail du 3 juillet 2020 et du 20 septembre 2021 avec le notaire produits par l’intimé démontrent que ces transferts n’ont pas été portés à la connaissance du notaire, et que les parties étaient toutes d’accord pour que ce dernier interroge le fichier FICOBA et la banque Société générale à [Localité 20]. Les appelantes devaient également justifier du paiement par leur mère du trop-perçu des pensions de retraites (pièces 22 et 23 de l’intimé). Par courriel du 11 février 2021, M. [I], notaire en charge de la succession d'[J] [F] et [C] [Z], a informé les parties de ce qu’il venait de recevoir les relevés du compte n°[XXXXXXXXXX02] de la Société générale de [Localité 20] pour la période du 16 février 2012 à 2020 (pièce 27 de l’intimé).

Il résulte de l’examen de ces relevés que [R] [F] a systématiquement viré à son profit ou au profit d’un compte AMFIE les pensions de retraite versées par erreur sur le compte de [C] [Z] postérieurement au décès de cette dernière. La banque a même averti [R] [F] dans une lettre du 21 janvier 2014, lorsque le solde du compte était à 0 euro, que ces fonds devaient revenir à la succession et non à elle seule (pièce 27 de l’intimé). Cette lettre était adressée à « Mme [R] [PJ], chez M. et Mme [E] ».

Les appelantes affirment que M. [P] [F] était informé de ces transferts de fonds et des mouvements sur le compte de sa mère, sans pour autant nullement établir ce qu’elles allèguent.

Il résulte au contraire de ces pièces que M. [P] [F] n’a découvert ces transferts de fonds que grâce au courriel du notaire du 11 février 2021, transferts dont le notaire en charge de la succession n’avait pas non plus été informé.

Il est donc établi que ces transferts de fonds ont été dissimulés à M. [P] [F], dans l’intention de rompre l’égalité du partage.

Par conséquent, les appelantes devront, chacune pour moitié, rapporté à la masse successorale la somme de 19 837,01 euros et elles seront privées de tout droit sur cette somme en application de l’article 778 du code de procédure civile.

Sur la demande d’indemnisation à hauteur de 15 000 euros des consorts [G] en réparation du caractère abusif de la procédure

Moyens des parties

Poursuivant l’infirmation du jugement en ce qu’il les a déboutées de leur demande, Mmes [G] font valoir que M. [P] [F] a assigné sa s’ur alors qu’elle ne s’opposait pas au partage successoral, de sorte que la procédure est selon elle abusive. Elles sollicitent au fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile, une indemnisation de 15 000 euros.

M. [P] [F] conteste avoir commis une faute et indique que Mmes [G] ont interjeté appel, sans en avertir le notaire en charge des opérations de partage.

Appréciation de la cour

L’article 32-1 du code de procédure civile dispose que celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

Toute faute faisant dégénérer en abus le droit d’agir en justice ouvre droit à réparation.

En l’espèce, il appartient aux appelantes de démontrer une faute de la part de M. [P] [F] ayant fait dégénérer en abus son droit d’agir en justice dont découlerait directement un préjudice qu’elles auraient subi. Force est de constater qu’elles ne démontrent pas l’existence d’une telle faute commise par l’intimé qui a usé des voies de droit pour faire valoir ses prétentions en première instance, sans que soit caractérisé l’usage abusif de ce droit, et qui n’a pas interjeté appel.

La demande de dommages et intérêts de Mmes [G] sera donc rejetées et le jugement, sur ce point, sera confirmé.

Sur la demande d’indemnisation à hauteur de 50 000 euros des consorts [G] en réparation de l’abus de droit tiré du refus de consentir à la vente du bien de [Localité 27]

Moyens des parties

Poursuivant l’infirmation du jugement en ce qu’il les a déboutées de leur demande, Mmes [G] soutiennent au fondement de l’article 1382 ancien du code civil, que contrairement à leur mère qui a accepté de participer à l’acte permettant à M. [P] [F] de vendre le bien de [Localité 21], ce dernier s’est opposé à la vente du bien de [Localité 27] par [R] [F] en 2005. Elles considèrent que cette opposition était stratégique et spéculative, lui permettant ainsi de voir sa part successorale augmenter au fil des années. Elles sollicitent la réparation de cet abus de droit à hauteur de 50 000 euros.

M. [P] [F] conteste avoir commis une faute, arguant que seule la vente du lot 391 avait été un temps envisagé. Il ajoute que ni la faute ni un préjudice ne sont justifiés.

Appréciation de la cour

Il résulte des productions des appelantes que seule était envisagée la vente d’une chambre individuelle (lot 391) et que M. [P] [F] a refusé d’être présent à l’acte compte tenu du litige relatif à la répartition du prix de la vente du bien en indivision à [Localité 24] (pièces 47 et 56 des appelantes). Le caractère « stratégique » ou « spéculatif » de ce refus ne transparaît nullement de ces pièces, mais est motivé par une litige entre les parties porté par [R] [F] devant la juridiction de [Localité 21]. Il s’ensuit qu’aucun abus de droit n’est démontré.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté Mmes [G] de leur demande.

Sur la demande reconventionnelle d’indemnisation à hauteur de 60 000 euros

Moyens des parties

M. [P] [F] sollicite que lui soit alloué 60 000 euros en raison de l’attitude dilatoire des appelantes qui ont selon lui menti à plusieurs reprises, ne se sont pas rendues disponibles auprès du notaire, pour faire avancer les opérations de partage et n’ont pas informé ce dernier de leur appel.

Mmes [G] s’opposent à cette demande « exorbitante », considérant que le préjudice allégué n’est justifié ni dans son principe ni dans son montant.

Appréciation de la cour

M. [P] [F], qui n’explicite pas le fondement juridique de sa demande et ne démontre ni la faute ni le préjudice qu’il allègue, sera débouté de sa demande.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles exposés en première instance.

Partie perdante pour une plus large part, Mmes [G] seront condamnés aux dépens d’appel.

L’équité commande de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,

INFIRME le jugement en ce qu’il a ordonné le rapport des libéralités consenties les 5 juillet et 13 août 1982 respectivement à M. [P] [F] et Mme [R] [F] aux successions d'[J] [F] et Mme [C] [Z] conformément aux dispositions de l’article 860 du code civil ;

Le CONFIRME pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

ORDONNE le rapport par Mme [N] [G] épouse [E] et Mme [C] [G] épouse [S], pour moitié chacune, des sommes suivantes :

– 557 500 euros à la succession d'[J] [F] au titre de la donation du 13 août 1982 des lots n° 48, 391 et 516 sis [Adresse 9] à [Localité 27] ;

– 12 500 euros pour le lot n°237 (garage) à la succession d'[J] [F] et de [C] [Z] ;

ORDONNE le rapport par M. [P] [F] de la somme de 128 057,17 euros à la succession d'[J] [F] et de [C] [Z] (la moitié de cette somme dans chaque succession), au titre de la donation du 5 juillet 1982 des lots n°22, 23, 24 et 25 sis [Adresse 5] à [Localité 21] ;

REJETTE la demande de Mme [N] [G] épouse [E] et de Mme [C] [G] épouse [S] au titre du recel successoral concernant la vente et le remploi du bien objet de la donation du 5 juillet 1982 sis [Adresse 5] à [Localité 21] ;

ORDONNE le rapport par Mme [N] [G] épouse [E] et de Mme [C] [G] épouse [S], chacune pour moitié, de la somme de 19 837,01 euros à la succession d'[J] [F] et de [C] [Z] ;

DIT qu’elles seront privées de tout droit sur cette somme en application de l’article 778 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum Mme [N] [G] épouse [E] et de Mme [C] [G] épouse [S] aux dépens d’appel ;

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE toutes autres demandes.

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

– signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,

 


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