Droits des héritiers : 27 juillet 2023 Cour d’appel de Bourges RG n° 22/00422

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Droits des héritiers : 27 juillet 2023 Cour d’appel de Bourges RG n° 22/00422

27 juillet 2023
Cour d’appel de Bourges
RG n°
22/00422

SM/RP

COPIE OFFICIEUSE

COPIE EXÉCUTOIRE

à :

– la SELARL AGIN-PREPOIGNOT

– la SCP AVOCATS BUSINESS CONSEILS

LE : 27 JUILLET 2023

COUR D’APPEL DE BOURGES

CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 27 JUILLET 2023

N° – Pages

N° RG 22/00422 – N° Portalis DBVD-V-B7G-DOIF

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal Judiciaire de NEVERS en date du 11 Mars 2022

PARTIES EN CAUSE :

I – S.A.S. MAXANCE ASSURANCES agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social :

[Adresse 5]

[Localité 6]

N° SIRET : 439 158 445

Représentée par la SELARL AGIN-PREPOIGNOT, avocat au barreau de NEVERS

timbre fiscal acquitté

APPELANTE suivant déclaration du 15/04/2022

INCIDEMMENT INTIMÉE

II – M. [G] [S]

né le 07 Février 1962 à [Localité 7]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par la SCP AVOCATS BUSINESS CONSEILS, avocat au barreau de BOURGES

timbre fiscal acquitté

INTIMÉ

III- M. [W] [Y]

né le 29 Octobre 1966 à [Localité 4]

[Adresse 9]

[Localité 4]

Représenté par la SELARL ALCIAT-JURIS, avocat au barreau de BOURGES

timbre fiscal acquitté

INTIMÉ

INCIDEMMENT APPELANT

27 JUILLET 2023

N° /2

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Juin 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. PERINETTI, Conseiller chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme CLEMENT Présidente de Chambre

M. PERINETTI Conseiller

Mme CIABRINI Conseillère

***************

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme MAGIS

***************

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

**************

Exposé :

Suivant contrat en date du 6 janvier 2012, [W] [Y] a souscrit auprès de la compagnie d’assurance MGARD un contrat d’assurance automobile n° AUT001146648 pour son véhicule FIAT PUNTO immatriculé [Immatriculation 2], par l’intermédiaire de [G] [S], courtier en assurances en nom propre af’lié à la société de courtage MAXANCE.

Ce contrat prévoyait une garantie personnelle conducteur jusqu’à 350 000 €, la prime annuelle prévue étant de 292,50 €.

Le même jour, un second contrat n° AUT001146696 visant la compagnie d’assurance L’EQUITE et les mêmes courtiers et ne prévoyant pas de garantie personnelle conducteur a été émis, la prime annuelle s’élevant à 219,69 €.

Ce contrat ne comporte pas la signature de [W] [Y].

Le 25 juillet 2019, son père, [H] [Y], qui ne portait pas la ceinture de sécurité, a causé, étant conducteur du véhicule de son fils, un accident de la circulation mortel dans lequel il a également perdu la vie.

A la suite de cet accident, [W] [Y] a sollicité la garantie personnelle conducteur qui lui a été refusée par la société d’assurance l’EQUITE au motif que le contrat en cours à la date des faits ne comprenait pas cette garantie.

Par actes d’huissier de justice délivrés respectivement le 30 octobre 2020 et le 4 novembre 2020, [W] [Y] a saisi le tribunal judiciaire de Nevers d’une action indemnitaire dirigée contre la S.A.R.L. [S] GL ASSURANCES et la S.A.S MAXANCE.

Par jugement rendu le 11 mars 2022, le tribunal judiciaire de Nevers a :

Mis la S.A.R.L. [S] GL ASSURANCES hors de cause,

Condamné la SAS MAXANCE à payer à Monsieur [W] [Y] les sommes suivantes :

– 15.000 euros au titre de son préjudice d’affection,

– 7.692,03 euros TTC au titre des frais d’obsèques,

Débouté Monsieur [W] [Y] de sa demande au titre du préjudice d’affection de feu Monsieur [C] [Y], (son frère, décédé le 12 juin 2020)

Débouté Monsieur [G] [S] et la S.A.R.L. [S] GL ASSURANCES de leur demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

Débouté la S.A.S MAXANCE de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

Condamné la S.A.S MAXANCE à payer à Monsieur [W] [Y] la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,

Condamné la S.A.S MAXANCE aux dépens de l’instance,

Rappelé que la présente décision est exécutoire de plein droit.

La Société MAXANCE ASSURANCES a interjeté appel de cette décision par déclaration enregistrée le 15 avril 2022, précisant que son appel est limité au chef de jugement portant sur l’absence de condamnation de [G] [S] bien que le tribunal ait reconnu que ce dernier avait commis une faute dans la motivation de cette décision.

Elle demande à la cour, dans ses dernières écritures notifiées par RPVA le 6 mars 2023, à la lecture desquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile, de :

Vu les articles 1231 et suivants du Code Civil,

– Déclarer la société MAXANCE recevable et bien-fondée en son appel à l’encontre du jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de Nevers le 11 mars 2022 dans un litige l’opposant à Monsieur [W] [Y], la société [S] GL ASSURANCES et Monsieur [G] [S],

Y faisant droit,

– Réformer le jugement déféré en ce qu’il a jugé que la société MAXANCE avait commis une faute en faisant souscrire puis résilier un contrat d’assurance automobile à Monsieur [W] [Y] lors de la signature du contrat d’assurance automobile de son véhicule FIAT PUNTO immatriculé [Immatriculation 2], n°AUT001146648 comportant une garantie personnelle conducteur, puis en le remplaçant par un contrat AUT001146696 ne comportant pas cette garantie conducteur,

– Déclarer Monsieur [W] [Y] irrecevable et mal-fondé en son appel incident à l’encontre du jugement déféré, concernant sa demande au titre du préjudice d’affection pour son frère, M. [C] [Y],

– A cet égard, confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Monsieur [W] [Y] de sa demande d’indemnisation au titre du préjudice d’affection pour son frère,M. [C] [Y],

Pour le surplus, statuant à nouveau,

– Juger que la société MAXANCE n’était pas l’interlocuteur de Monsieur [W] [Y] lors de la souscription du contrat d’assurance automobile, que seule l’agence Monsieur [G] [S], courtier en assurances qui exerçait en nom propre jusqu’au 31.12.2012, a pu établir les besoins et conditions à assurer, et que la société MAXANCE n’a commis aucune faute en terme d’obligation d’information ou de devoir de conseil,

– En conséquence, mettre hors de cause la société MAXANCE,

Subsidiairement,

– Si par extraordinaire ou impossible, la Cour devait confirmer que la responsabilité de la société MAXANCE est engagée, dire et juger que Monsieur [G] [S] devra la garantir et tenir indemne de toute condamnation qui serait éventuellement prononcée à son encontre,

– Débouter Monsieur [G] [S] de sa demande tendant à voir juger cette demande comme étant nouvelle en appel et irrecevable,

– Au contraire, juger que les demandes de la société MAXANCE sont parfaitement recevables et qu’elles tendant aux mêmes fins que les prétentions de premières instances, et qu’elles sont en tous cas la conséquence et le complément nécessaire de celles-ci,

– Plus généralement, débouter Monsieur [G] [S] de toutes ses conclusions, fins et prétentions,

– Condamner Monsieur [G] [S] à rembourser à la société MAXANCE la somme qu’elle a réglée à Monsieur [Y] dans le cadre de l’exécution provisoire de droit du jugement rendu le 11 Mars 2022, à savoir 24.692,03€,

– Condamner solidairement Monsieur [W] [Y] et Monsieur [G] [S] à porter et payer à la société MAXANCE une indemnité de 2500€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamner les mêmes aux entiers dépens avec pour l’avocat soussignée le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

[G] [S], intimé, demande pour sa part à la cour, dans ses dernières écritures en date du 15 mai 2023, à la lecture desquelles il est pareillement renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile, de :

A titre principal,

– Déclarer irrecevable la demande en garantie formulée par la société MAXANCE à l’encontre de Monsieur [G] [S],

– Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société MAXANCE à garantir le préjudice subi par Monsieur [Y],

A titre subsidiaire et jugeant à nouveau,

– Juger que le contrat d’assurance signé comportant la Garantie Personnelle Conducteur est le seul contrat opposable à Monsieur [W] [Y],

– Condamner la société MAXANCE à garantir le préjudice subi par Monsieur [Y],

A titre plus subsidiaire,

– Juger que Monsieur [G] [S] n’a pas commis de faute,

– Débouter la société MAXANCE de toutes ses demandes dirigées à l’encontre de Monsieur [G] [S],

A titre infiniment subsidiaire,

– Juger que la preuve d’un préjudice d’affection subi à hauteur de 40.000 euros n’est pas rapportée,

En conséquence,

– Limiter l’indemnisable du préjudice subi par Monsieur [W] [Y] à la somme de 29.692,03 euros, s’il justifie être le seul héritier de son frère,

– Juger que la franchise contractuelle d’un montant de 530 euros est applicable et doit être déduite des sommes dues,

– Juger que l’absence de port de la ceinture réduit l’indemnité contractuelle due de 50%,

– Juger qu’en raison de la consommation de psychotrope de classe 3, l’exclusion de garantie est opposable et rend nulle toute indemnisation,

– Appliquer un coefficient réducteur s’agissant de l’indemnisation d’une perte de chance,

En toute hypothèse

– Condamner toute partie succombante à payer à Monsieur [G] [S] la somme de 1.500,00€, sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de l’instance.

[W] [Y], intimé à titre principal et appelant à titre incident, demande pour sa part à la cour, dans ses dernières écritures en date du 10 mai 2023, à la lecture desquelles il est pareillement renvoyé pour plus ample exposé des moyens, de :

CONFIRMER le jugement du tribunal judiciaire de Nevers en date du 11 mars 2022 en ce qu’il a :

– condamné la SAS MAXANCE à verser la somme de 15 000 € au titre du préjudice d’affection de Monsieur [W] [Y] et à verser la somme de 7.692 03 € au titre des frais d’obsèques,

– débouté la S.A.S MAXANCE de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– condamné la SAS MAXANCE à payer à Monsieur [W] [Y] la somme de 2.000€ au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile et aux dépens de l’instance ;

REFORMER le jugement en ce qu’il a débouté Monsieur [W] [Y] de sa demande au titre du préjudice d’affection de son frère [C] [Y] ;

JUGER que Monsieur [W] [Y] est habile à se porter seul et unique héritier de Monsieur [C] [Y]

CONDAMNER la SAS MAXANCE à verser une somme de 15.000 € à Monsieur [W] [Y] en réparation du préjudice d’affection de Monsieur [C] [Y]

CONDAMNER la SAS MAXANCE à verser une somme de 4.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à Monsieur [W] [Y]

CONDAMNER la SAS MAXANCE aux entiers dépens d’appel.

Par ordonnance du 6 décembre 2022, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevable devant le conseiller de la mise en état la demande de Monsieur [S] tendant, en application de l’article 564 du code de procédure civile, à voir déclarer irrecevable la demande nouvelle de la société MAXANCE d’être garantie et relevée indemne par lui-même.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 30 mai 2023.

Sur quoi :

I) sur la recevabilité de la demande formée en cause d’appel par la société MAXANCE Assurances tendant à être garantie par Monsieur [S] :

Monsieur [S] reprend, devant la cour, l’argumentaire qu’il avait précédemment développé devant le conseiller de la mise en état ‘ lequel s’était déclaré irrecevable pour statuer sur cette demande par ordonnance du 6 décembre 2022 ci-dessus rappelée ‘ en soutenant que la demande formée à son encontre en cause d’appel par la société MAXANCE tendant à être garantie et relevée indemne de toute condamnation doit être déclarée irrecevable en raison du principe de la prohibition des demandes nouvelles en cause d’appel.

Il sera rappelé, à titre liminaire, que conformément à l’arrêt rendu le 11 octobre 2022 par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation (pourvoi numéro 22-70.010), la fin de non-recevoir tirée de l’article 564 du code de procédure civile relève de la compétence de la cour d’appel.

Selon ce texte, « à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait ».

Au sens de ce texte, la prétention est nouvelle lorsqu’elle diffère de la prétention originaire par son objet ou par les parties concernées ou les qualités de ces dernières.

Toutefois, en application des articles 565,566 et 567 du même code, « les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent », « les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire » et « les demandes reconventionnelles sont également recevables en appel ».

Monsieur [S] fait observer, à cet égard, que la société MAXANCE ne formulait aucune demande à son encontre dans le cadre de ses dernières conclusions de première instance, de sorte que sa demande en garantie formulée en cause d’appel doit être déclarée irrecevable en application des textes précités.

La société MAXANCE réplique, au contraire, que sa demande tend aux mêmes fins que la demande principale, « à savoir faire reconnaître que la faute du courtier d’assurance, interlocuteur direct du client, a été prépondérante dans l’erreur commise lors de la souscription du contrat d’assurance » et qu’elle constitue, en outre, la conséquence et le complément nécessaire des prétentions soumises au premier juge.

Il convient, dès lors, de se référer aux dernières écritures déposées par la société MAXANCE devant le tribunal judiciaire de Nevers le 25 février 2021, lesquelles sont communiquées par Monsieur [S].

Il en résulte que l’appelante avait demandé au premier juge, dans le dispositif de ses dernières écritures, de :

«« Vu les articles 1231 et suivants du code Civil,

– Déclarer Monsieur [W] [[Y]] irrecevable et mal fondé en son action en responsabilité contractuelle dirigée à l’encontre la société MAXANCE, à la suite du décès par accident de son père Monsieur [H] [Y] le 25 juillet 2019,

– En premier lieu, dire et juger que la société MAXANCE n’était pas l’interlocuteur de Monsieur [W] [Y] lors de la souscription du contrat d’assurance automobile de son véhicule FIAT PUNTO immatriculé [Immatriculation 2], que seule l’agence [S] GL ASSURANCE a pu établir ses besoins à assurer, et que la société MAXANCE n’a commis aucune faute de nature contractuelle en terme d’obligation d’information ou de devoir de conseil,

– En conséquence, mettre hors de cause la société MAXANCE,

Subsidiairement,

– Si par extraordinaire ou impossible, le Tribunal jugeait que la responsabilité de la société MAXANCE est engagée, dire et juger que Monsieur [W] [Y] ne pourrait obtenir réparation que d’un préjudice de perte de chance, et rejeter sa demande à hauteur de 47 692,03€,

– Dire et juger l’indemnisation au titre de la garantie personnelle du conducteur aurait été exclue totalement par l’assurance en raison de la consommation de psychotropes au moment de l’accident, ou qu’elle aurait nécessairement été diminuée de moitié pour le défaut de port de la ceinture de sécurité,

– Dire et juger que Monsieur [W] [Y] n’a pas qualité pour agir et pour invoquer un préjudice de perte de chance pour son frère, Monsieur [C] [Y], qui est décédé le 12 juin 2020,

– En tout état de cause, minorer le quantum des dommages et intérêts sollicités par Monsieur [W] [Y] eu égard aux montants généralement alloués par les Juridictions du fond au titre du préjudice d’affection d’un enfant adulte ne vivant plus au foyer pour la perte d’un parent, un parent de surcroit âgé,

– Condamner Monsieur [W] [Y] à porter et payer à la société MAXANCE une indemnité de 2000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

– Condamner le même aux entiers dépens avec pour l’avocat soussignée le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ».

Il en ressort que la société MAXANCE n’avait pas demandé au premier juge d’être garantie et relevée indemne par Monsieur [S] de toute condamnation devant éventuellement être prononcée à son encontre et que, plus largement d’ailleurs, elle n’avait formulé aucune prétention à l’encontre de ce dernier.

La Cour de cassation a, à cet égard, décidé que le droit d’intimer en appel tous ceux qui ont été parties en première instance n’emporte pas celui de présenter des prétentions à l’encontre des parties contre lesquelles l’appelant n’avait pas conclu en première instance (Cass. 1re civ., 18 mars 2003, n° 01-01.073 , Cass. 3e civ., 24 mai 2017, n° 15-27.302).

La demande de garantie formée en cause d’appel apparaît ainsi nouvelle en ce qu’elle diffère des prétentions originaires tant par son objet que par les parties concernées.

L’appelante ne peut donc échapper au principe de l’irrecevabilité des demandes nouvelles en cause d’appel que si elle justifie que la prétention qu’elle soumet à la cour relève de l’une des exceptions à ce principe fixées par les articles 564 à 567 du code de procédure civile précités.

À cet égard, il ne saurait être considéré que la demande de garantie formée à l’encontre de Monsieur [S] :

‘ aurait pour objet d’opposer compensation, de faire écarter les prétentions adverses ou de faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait au sens de l’article 564 de ce code ‘ de telles circonstances n’apparaissant nullement caractérisées en l’espèce

‘ tendrait aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si son fondement juridique est différent au sens de l’article 565 de ce code, dès lors que l’appelante n’avait formulé aucune demande en première instance à l’encontre de Monsieur [S], se bornant à indiquer, dans le dispositif ci-dessus rappelé, que « seule l’agence [S] GL Assurance » avait pu établir les besoins de [W] [Y] lors de la souscription du contrat d’assurance, de sorte que le but poursuivi dans le cadre des prétentions formées en première instance et en appel n’apparaît pas identique

‘ constituerait une demande accessoire, conséquence ou complément nécessaire des prétentions soumises au premier juge au sens de l’article 566 du même code, dès lors que la demande formulée devant la cour n’est pas la suite logique de la demande originaire

‘ constituerait une demande reconventionnelle se rattachant aux prétentions originaires par lien suffisant au sens de l’article 567 du même code, en l’absence de toute prétention formée par Monsieur [S] à l’encontre de la société MAXANCE.

Il résulte de ce qui précède que la demande de la société MAXANCE en cause d’appel tendant à être garantie et relevée indemne de toute condamnation par [G] [S] devra être déclarée irrecevable, comme méconnaissant les dispositions de l’article 564 du code de procédure civile précité.

II) sur la demande de la société MAXANCE Assurances tendant à être mise hors de cause en raison de son absence de faute :

L’appelante soutient qu’elle n’a jamais été l’interlocuteur direct de Monsieur [Y] lors de la souscription de son contrat d’assurance automobile et que les opérations de souscription du contrat ont été faites exclusivement par Monsieur [S], son agent local, sans qu’elle ne prenne en aucune façon l’initiative de la souscription ou de la résiliation des contrats.

Elle fait observer que le contrat d’assurance automobile AUT001146648 souscrit par Monsieur [Y] pour son véhicule FIAT Punto immatriculé [Immatriculation 2] le 6 janvier 2012 à 14h53, qui comportait une garantie personnelle conducteur, a été annulé le même jour à 17h14, et remplacé par un contrat AUT00146696, lequel ne comportait pas de garantie personnelle conducteur.

L’appelante en déduit qu’elle est fondée, sans qu’aucune faute ne puisse lui être reprochée, à appliquer les termes du second contrat, et à refuser en conséquence l’application de la garantie du conducteur ensuite du décès accidentel du père de [W] [Y], survenu lors d’un accident de la route le 25 juillet 2019.

Il résulte des pièces versées au dossier que le 6 janvier 2012, [W] [Y] a souscrit auprès de la société MAXANCE un contrat d’assurance concernant son véhicule FIAT Punto immatriculé [Immatriculation 2], précisant que les garanties seraient accordées à compter du même jour à 14h53, et comprenant la « garantie personnelle du conducteur » dans la limite d’un capital de 350 000 €, avec une franchise de 10 % d’incapacité permanente.

Ce contrat, portant la référence AUT001146648, comporte la signature de [W] [Y] précédée de la mention « lu et approuvé » (pièce numéro 1 de son dossier).

Pour refuser de faire application de la garantie personnelle du conducteur ainsi contractuellement prévue, l’appelante soutient que ce contrat d’assurance « a été aussitôt annulé après sa souscription le 6 janvier 2012 pour être remplacé par le contrat AUT00146696 » sans intervention de sa part, lequel, moyennant une prime annuelle d’assurance réduite de 292,50 € à 219,69 €, ne contient plus la garantie personnelle du conducteur.

Il convient pourtant d’observer que ce second contrat, référencé AUT00146696 et produit en pièce numéro 3 du dossier de l’appelante, n’est nullement revêtu de la signature de [W] [Y].

D’autre part, il n’est nullement rapporté la preuve que la résiliation du premier contrat d’assurance serait intervenue à la demande de Monsieur [Y], alors même, au contraire, qu’il résulte de la capture d’écran figurant en pièce numéro 4 du dossier de Monsieur [S] que ce premier contrat a fait l’objet d’une « résiliation grossiste », et non d’une « résiliation assuré », comme cela a été le cas bien plus tard, le 4 août 2019, du contrat d’assurance afférent au véhicule FIAT Punto.

C’est en conséquence à juste titre que le tribunal a retenu qu’en résiliant de sa propre initiative et sans l’accord de son assuré le contrat AUT001146648, incluant une garantie personnelle du conducteur, pour le remplacer par le contrat AUT00146696, qui en était démuni, la société MAXANCE avait commis une faute ayant eu pour effet de priver [W] [Y] de la possibilité d’obtenir la mise en ‘uvre de ladite garantie personnelle du conducteur ensuite du décès accidentel de son père [H] [Y] et a, sur la base des justificatifs qui étaient soumis à son appréciation, condamné l’appelante à verser à Monsieur [Y] les sommes de 7692,03 € au titre des frais d’obsèques, ainsi que 15 000 € au titre du préjudice d’affection.

La décision dont appel devra donc être confirmée de ces chefs.

III) sur l’appel incident formé par [W] [Y] au titre du préjudice d’affection de son frère feu [C] [Y] :

En application du premier alinéa de l’article 724 du Code civil, les héritiers désignés par la loi sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt.

Selon l’attestation de dévolution successorale rédigée par Maître [U], notaire à la [Localité 4] (pièce numéro 16 du dossier de [W] [Y]), « la dévolution successorale [de [H] [Y]] s’établit comme suit : 1) [C] [Y] (‘) 2) [W] [Y] (‘) ».

Il résulte par ailleurs de l’acte de décès numéro 575 établi par l’officier d’État civil de la ville de [Localité 8] (pièce numéro 17 du même dossier) que [C] [Y] est décédé le 12 juin 2020, c’est-à-dire postérieurement à l’accident du 25 juillet 2019 au cours duquel son père [H] [Y] est décédé.

L’acte de notoriété établi par le même notaire le 18 août 2020 ensuite du décès de [C] [Y] (pièce numéro 18) énonce que « Monsieur [W] [Y] est habile à se dire et porter seul et unique héritier de Monsieur [C] [Y] son frère susnommé ».

C’est en conséquence à juste titre que [W] [Y], qui justifie ainsi qu’il est le seul héritier de son frère [C] décédé sans postérité, soutient que les droits de son frère, s’agissant notamment de l’action dont ce dernier disposait en réparation de son préjudice d’affection du fait du décès accidentel de son père, lui ont été transmis, en sa qualité d’unique héritier, au jour du décès le 12 juin 2020, peu important qu’il n’ait pas été statué, avant cette date, sur la liquidation des dommages-intérêts ainsi sollicités.

Au vu de l’attestation successorale du 18 août 2020, produite en cause d’appel et qui n’avait pas été soumise à l’appréciation du premier juge, il y aura donc lieu de réformer la décision en ce qu’elle a rejeté la demande d’indemnisation formée au titre du préjudice d’affection subi par feu [C] [Y], et de condamner, ainsi, la société MAXANCE à verser à [W] [Y], en sa qualité d’héritier de son frère [C] [Y], la somme de 15 000 € au titre du préjudice d’affection subi par ce dernier ensuite du décès de [H] [Y] survenu le 25 juillet 2019.

IV) sur les autres demandes :

Compte tenu de ce qui précède, il convient de débouter la société MAXANCE de sa demande tendant à la condamnation de [G] [S] à lui rembourser la somme qu’elle a réglée à [W] [Y] dans le cadre de l’exécution provisoire afférente au jugement dont appel.

Les entiers dépens d’appel seront laissés à la charge de la société MAXANCE, qui succombe en ses demandes.

L’équité commandera par ailleurs de condamner cette dernière à verser à [W] [Y] une indemnité de 1500 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles que celui-ci a dû exposer devant la cour.

Aucune considération d’équité ne commande, en revanche, de faire application desdites dispositions au profit de [G] [S].

Par ces motifs :

La cour

‘ Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a débouté [W] [Y] de sa demande tendant à la condamnation de la société MAXANCE Assurances à l’indemniser du préjudice d’affection subi par feu [C] [Y]

Et, statuant à nouveau sur ce seul chef réformé

‘ Condamne la société MAXANCE Assurances à verser à [W] [Y], en sa qualité d’héritier de son frère [C] [Y], la somme de 15 000 € au titre du préjudice d’affection subi par ce dernier ensuite du décès de [H] [Y] survenu le 25 juillet 2019

Y ajoutant

‘ Déclare irrecevable la demande de la société MAXANCE Assurances tendant à être garantie et relevée indemne par [G] [S] de toute condamnation prononcée à son encontre

‘ Déboute la société MAXANCE Assurances de sa demande tendant à la condamnation de [G] [S] à lui rembourser la somme qu’elle a réglée à [W] [Y] dans le cadre de l’exécution provisoire du jugement rendu le 11 mars 2022 par le tribunal judiciaire de Nevers

‘ Condamne la société MAXANCE Assurances à verser à [W] [Y] la somme de 1500 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

‘ Déboute les parties de leurs autres demandes, plus amples ou contraires

‘ Dit que les entiers dépens d’appel seront à la charge de la société MAXANCE Assurances.

L’arrêt a été signé par O. CLEMENT, Présidente, et par S. MAGIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,

S. MAGIS O. CLEMENT

 


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