Droits des héritiers : 1 août 2023 Cour d’appel de Besançon RG n° 22/00074

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Droits des héritiers : 1 août 2023 Cour d’appel de Besançon RG n° 22/00074

1 août 2023
Cour d’appel de Besançon
RG n°
22/00074

ARRÊT N°

JFL/FA

COUR D’APPEL DE BESANÇON

– 172 501 116 00013 –

ARRÊT DU 01 AOUT 2023

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

Contradictoire

Audience publique

du 09 Mai 2023

N° de rôle : N° RG 22/00074 – N° Portalis DBVG-V-B7G-EO33

S/appel d’une décision

du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de VESOUL

en date du 14 décembre 2021 [RG N° 20/00973]

Code affaire : 28Z

Autres demandes en matière de succession

[T] [Y] C/ [D] [Y]

PARTIES EN CAUSE :

Madame [T] [Y], demeurant [Adresse 1]

Représentée par Me Ludovic PAUTHIER de la SCP DUMONT – PAUTHIER, avocat au barreau de BESANCON

APPELANTE

ET :

Monsieur [D] [Y]

né le 27 Juillet 1961 à [Localité 6] (ALGERIE), de nationalité française,

demeurant [Adresse 4]

Représenté par Me Julien GLAIVE, avocat au barreau de HAUTE-SAONE

INTIMÉ

Lors des débats :

MAGISTRATS RAPPORTEURS : Monsieur M. WACHTER, Président de Chambre, et Monsieur J.F LEVEQUE conformément aux dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile, avec l’accord des Conseils des parties.

GREFFIER : Madame F. ARNOUX Greffier.

Lors du délibéré :

Monsieur M. WACHTER, Président de Chambre a rendu compte conformément à l’article 786 du Code de Procédure Civile aux autres magistrats :

Monsieur J.F LEVEQUE, magistrat rédacteur et Monsieur Cédric SAUNIER conseillers.

L’affaire, plaidée à l’audience du 09 mai 2023 a été mise en délibéré au 01 août 2023. Les parties ont été avisées qu’à cette date l’arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.

**************

Exposé du litige

Sur assignation délivrée le 16 juillet 2020 par Mme [T] [Y] à son frère et cohéritier [D] [Y] aux fins de partage de la succession de leur mère [E] [L] décédée le 29 avril 2018 et aux fins de rapport à la succession de diverses libéralités et primes d’assurances vie dont son frère avait bénéficié selon elle, le tribunal judiciaire de Vesoul, par jugement du 14 décembre 2021, a :

– ordonné l’ouverture du partage ;

– commis pour y procéder Me [C] [K], notaire à [Localité 8] et désigné un juge pour surveiller les opérations ;

– débouté Mme [Y] de sa demande en rapport des actifs suivants : solde des comptes ouverts au Crédit Mutuel Arkéa sous les numéros [XXXXXXXXXX09] et [XXXXXXXXXX02] ; deux sommes de 9 800 euros virées à [D] [Y] en vue de son mariage ; deux sommes de 827 et 3 280 euros payées aux établissements Bret ; ‘contrats d’assurance-vie’ souscrits d’une part le 11 juin 1993 au bénéfice de M. [Y] auprès de CNP Assurances pour des montants de 7 500 et 110 000 euros et d’autre part le 12 novembre 2009 auprès de LCL pour le montant de 80 000 euros ;

– dit que Me [C] [K] devra, en application des articles L. 151 B du livre des procédures fiscales et 1649 ter du code général des impôts, demander à l’administration fiscale la communication des informations détenues par elle afin d’identifier l’ensemble des contrats de capitalisation souscrits par la défunte, aux frais avancés de [T] [Y] ;

– renvoyé pour le surplus les parties devant le notaire liquidateur ;

– débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

– ordonné l’emploi des dépens en frais privilégiés de partage, avec distraction au profit des avocats.

Pour statuer ainsi, le premier juge a retenu

– que si effectivement Me [K] était plutôt le notaire de M. [Y], sa connaissance du dossier dans lequel elle avait déjà réalisé la déclaration fiscale et le projet de partage, de

même que l’impossibilité pour elle d’avantager l’un des héritiers dès lorsqu’elle devra respecter les arbitrages du tribunal, outre la possibilité pour Mme [Y] de se faire assister du notaire de son choix, justifiaient de désigner Me [K] pour poursuivre les opérations ;

– que Mme [Y] ne rapportait pas la preuve qu’aient été omis dans l’actif de la succession les soldes de deux comptes ouverts au Crédit Mutuel Arkéa sous les numéros [XXXXXXXXXX09] et [XXXXXXXXXX02], dont au demeurant elle ne précisait pas le montant ;

– que Mme [Y] n’établissait pas que son frère était le bénéficiaire de la somme de 10 000 euros retirée par la défunte d’un compte bancaire le 30 octobre 2009 ;

– que les deux virements de 9 500 euros effectués au bénéfice de son fils le 10 juin 2010 n’étaient pas rapportables car ils constituaient des frais de noces et cadeaux d’usage au sens de l’article 852 du code civil, et car ils n’étaient pas disproportionnés aux revenus et patrimoine de la donatrice, qui en outre était âgée de 85 ans et avait pris les principales dispositions relatives à la transmission de son patrimoine ;

– que Mme [Y] n’apportait pas la preuve que les somme versées aux établissements Bret constituaient une donation déguisée en faveur de son frère ;

– que le règlement par la défunte, pour 2 600 euros, des frais consécutifs à la donation à son fils de la nue-propriété de la maison de [Localité 10] n’était pas rapportable, dès lors que la demanderesse ne développait aucune argumentation en ce sens et dès lors que, si le paiement des frais par le donateur suit pour chaque donation le caractère de celle-ci, l’avantage indirect qui en résulte ne peut donner lieu à rapport que si l’intention libérale est établie de ce chef, ce qui n’est pas le cas en l’espèce ;

– qu’en matière d’assurance-vie, conformément à l’article L. 132-13 du code des assurances, le capital ou la rente payables au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant, de même que les sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n’aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés.

– que n’était pas établi le caractère manifestement exagéré des primes de 7 500 et 110 000 euros versées le 11 juin 1993 à la souscription de deux assurances-vie par la défunte, alors âgée de 68 ans et dont la situation financière et patrimoniale de l’époque n’est pas indiquée, sauf la propriété d’une maison à [Localité 11] et d’une autre à [Localité 10] ;

– que n’était pas mieux établi le caractère manifestement exagéré de la prime de 80 000 euros, versée le 12 novembre 2009 pour alimenter une nouvelle assurance-vie souscrite le même jour en employant une part du prix de la vente de la maison d'[Localité 11], consentie le 20 août précédent pour 159 000 euros, dès lors que si la défunte, âgée de 84 ans et placée en maison d’accueil pour personnes âgées, ne pouvait guère y chercher un moyen de faire fructifier son épargne, elle avait pu, avec sa retraite mensuelle de 2 000 euros et ses divers autres avoirs, financer son hébergement sans qu’il soit soutenu que son patrimoine ait évolué significativement depuis le paiement de la prime querellée, ce patrimoine présentant le jour de son décès une masse taxable de 296 735 euros.

Mme [Y] a interjeté appel de cette décision par déclaration parvenue au greffe le 13 janvier 2022. L’appel critique expressément tous les chefs de jugement, sauf l’ouverture du partage et les dépens.

Par conclusions transmises le 13 juillet 2022, visant les articles 843 du code civil et L. 132-13 du code des assurances, l’appelante demande à la cour de :

– infirmer le jugement déféré ;

– commettre la chambre interdépartementale des notaires de Franche-Comté pour désigner tel notaire pour procéder au partage et à défaut désigner Me [S] [O] à ses côtés ;

– donner mandat au notaire désigné de demander à l’administration fiscale la communication des informations détenues par celle-ci en application du I de l’article 1649 ter du code général des impôts, afin d’identifier l’ensemble des contrats de capitalisation souscrits par la défunte ;

– ordonner qu’outre la donation de 27 800 euros faite le 12 février 2009 et la donation hors part en nue propriété faite le 8 août 2009 seront rapportées à la succession une donation de 10 000 euros en espèces, deux donations de 9 500 euros chacune le 19 juin 2010, une donation de 827 euros du 24 avril 2017 et une autre de 3 980 euros du 22 mai 2013, ainsi qu’une donation de 2 600 euros ;

– ordonner que les primes versées à compter du 70ème anniversaire de la défunte sur les trois contrats d’assurance-vie LCL n°[XXXXXXXXXX03] et CNP Assurances n° 34331832112 et 96509337916 soient réintégrées dans l’actif successoral, dans une limite de 159 000 euros;

– ordonner que les primes versées à compter du 70ème anniversaire de la défunte sur le contrat d’assurance vie Crédit Lyonnais n°[XXXXXXXXXX05] soient réintégrées à l’actif successoral ;

– ordonner qu’outre les comptes bancaires figurant dans le projet de liquidation partage établi par Me [K] figurent également les comptes Crédit Mutuel Arkéa n°[XXXXXXXXXX09] et [XXXXXXXXXX02] ;

– débouter M. [Y] de toutes demandes, y compris au titre des droits réglés sur les sommes perçues au titre des assurances-vie ;

– le débouter de sa demande tendant à le voir juger créancier de la succession d’une somme de 40 617 euros et de voir inscrire cette somme au passif de la succession ;

– le condamner à lui payer 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’à payer les dépens.

L’appelante soutient :

– qu’il n’est pas établi que l’une des deux sommes de 9 500 euros virées à [D] [Y] en vue de son mariage était destinée à sa future épouse, ni qu’elles étaient destinées à financer le mariage et à valoir cadeau de mariage ;

– que doivent être réintégrées les primes d’assurances vie versées par la défunte à compter de son 70ème anniversaire sur les deux contrats CNP ouverts en 1993, sur le contrat LCL n°[XXXXXXXXXX03] ouvert en 2009 et sur le contrat Crédit Lyonnais n°[XXXXXXXXXX05], dans la limite toutefois de 159 000 euros, correspondant au prix de vente de la maison d'[Localité 11] qui a été utilisé pour payer les primes litigieuses ;

– que le montant des primes des trois assurances vie souscrites en 1993 et en 2009 est manifestement exagéré et doit être réintégré à la succession, en ce que ces placements correspondaient à une part très importante du patrimoine eu égard aux facultés de l’intéressée, à son âge, à sa situation patrimoniale, à sa situation familiale et à l’inutilité de la souscription ;

– que le total des primes versées s’élève à 197 989,80 euros alors que les liquidités au décès ne s’élevaient qu’à 77 324,01 euros ; que le total des primes représente 47,8 % du patrimoine de sa mère, et même 63 % si on exclut du patrimoine la maison de [Localité 10] qu’elle avait donnée à son fils 

– que ces placements ont été réalisés avec le prix de vente de la maison d'[Localité 11] pour contourner les règles de la dévolution successorale, notamment celles de la réserve héréditaire, afin d’avantager [D] [Y] au détriment de sa soeur, alors que la maison serait restée à l’actif successoral si la maison n’avait pas été vendue ;

– qu’un autre notaire doit être désigné en remplacement de Me [K], notaire de [D] [Y], qui a fait preuve de partialité et d’opacité, et avec qui elle entretient désormais des relations délétères ;

– que le paiement de droits sur les sommes reçues en exécution des contrats d’assurance vie par M. [Y] ne lui ouvre pas droit à créance sur la succession, et qu’au demeurant le montant réclamé est faux, ne s’élevant pas à 40 317 euros mais à 27 693 euros, conformément à la déclaration de succession.

L’intimé, par conclusions transmises le 31 mars 2023, demande à la cour de :

à titre principal,

– confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

– condamner Mme [Y] à lui payer 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’à payer les dépens, dont distraction au profit de Me Julien Glaive, avocat ;

à titre subsidiaire si les primes d’assurances devaient être rapportées ;

– dire qu’il est créancier de la succession à hauteur de 40 617 euros, sauf à parfaire, au titre des droits qu’il a payés sur les sommes perçues au titre des assurances -vie ;

– inscrire cette somme au passif de la succession ;

– statuer ce que de droit sur les dépens.

L’intimé soutient :

– que le notaire désigné n’est pas son notaire, qu’il connaît le dossier, et que Mme [Y] peut s’adjoindre l’assistance du notaire de son choix ;

– que le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de rapport d’une somme de 10 000 euros, aucun moyen ne soutenant l’appel de cette disposition ;

– que le rejet de la demande de rapport de deux sommes de 9 500 euros sera confirmée pour les motifs exactement retenus par le premier juge ;

– que le rejet de la demande de rapport des sommes payées aux établissement Bret sera confirmé en l’absence de tout moyen présenté au soutien de son infirmation ;

– que la prise en charge des frais de donation par le donateur n’est pas considéré par l’administration fiscale comme une donation ;

– que les primes d’assurances litigieuses ne présentaient aucune exagération manifeste au regard des revenus et patrimoine de l’intéressée, cette exagération ne devant pas être appréciée globalement mais prime par prime ;

– que si les primes devaient être réintégrées à la succession, les droits qu’il a payés sur les sommes reçues doivent être pris en considération puisque la succession aura profité du paiement de cette somme, s’agissant de droits et taxes sur un actif successoral, de sorte qu’il sera créancier de la succession à proportion du montant réintégré.

Il est renvoyé aux écritures des parties pour plus ample exposé de leurs moyens de fait et de droit, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

L’instruction a été clôturée le 18 avril 2023. L’affaire a été appelée à l’audience du 9 mai 2023 et mise en délibéré au 1er août 2023.

Motifs de la décision

Sur la désignation du notaire

Les relations devenues difficiles entre Mme [Y] et Me [K] et la perte de confiance définitive par la première pour la seconde, telles que révélées par les échanges de courriers et les interventions de son avocat, de son propre notaire et de la chambre des notaires, qui se sont succédés au cours des années 2018 à 2023, quelles qu’en soient les causes, obligent à regarder le maintien du notaire désigné par le premier juge comme défavorable à la bonne fin des opérations de partage, même si Mme [Y] y était assistée de son propre notaire. En conséquence, infirmant le jugement en ce qu’il a commis pour procéder au partage Me [C] [K], notaire à [Localité 8], la cour commettra le président la chambre interdépartementale des notaires de Franche-Comté pour désigner tel notaire qui lui plaira pour procéder au partage.

Sur le solde des comptes ouverts au Crédit Mutuel Arkéa

Le solde à la date du décès des comptes ouverts au nom de la défunte à l’agence Crédit Mutuel sous les numéros [XXXXXXXXXX09] et [XXXXXXXXXX02], de même que le solde de tous les comptes ouverts à son nom, appartient au patrimoine de la défunte et doivent donc être pris en compte pour l’établissement de la masse successorale. Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu’il a débouté Mme [Y] de sa demande en ‘rapport’ (sic) du solde de deux comptes ouverts au Crédit Mutuel Arkéa sous les numéros [XXXXXXXXXX09] et [XXXXXXXXXX02], et la cour ordonnera que le solde de ces comptes à la date du décès figure au patrimoine successoral.

Sur le rapport d’une somme de 10 000 euros

Le premier juge a omis de statuer sur la demande en rapport d’une somme de 10 000 euros provenant d’un retrait bancaire effectué le 30 octobre 2009 et prétendument donnée par la défunte à son fils [D], bien qu’il en ait motivé le rejet en retenant que la destination des fonds n’était pas établie.

L’appelante ne fournissant pas la preuve que cette somme avait bénéficié à son frère, la cour, qui ne peut confirmer un chef de jugement omis comme le demande M. [Y], ajoutera au jugement pour débouter Mme [Y] de sa demande en rapport d’une somme de 10 000 euros retirée par la défunte d’un compte bancaire le 30 octobre 2009.

Sur le rapport de deux sommes de 9 500 euros virées à [D] [Y] en vue de son mariage 

Adoptant les motifs par lesquels le premier juge a exactement retenu que les deux sommes de 9 500 euros virées à [D] [Y] le 10 juin 2010 n’étaient pas rapportables car elles constituaient au sens de l’article 852 du code civil des frais de noces et cadeaux d’usage pour son prochain mariage, auquel ils pouvaient être préalables et qui restaient proportionnés aux revenus et patrimoine de la donatrice, la cour confirmera le jugement en de qu’il a débouté Mme [Y] de sa demande tendant au rapport de ces sommes.

Sur le rapport de deux sommes de 827 et 3 280 euros payées aux établissements Bret 

Sera confirmé le débouté de la demande en rapport de deux sommes de 827 et 3 280 euros payées aux établissements Bret, au soutien de la critique duquel Mme [Y] ne présente aucun moyen devant la cour.

Sur la somme de 2 600 euros

Contrairement à ce qu’a retenu le premier juge dans ses motifs, le règlement par la défunte, pour 2 600 euros et à la place du donataire, des frais consécutifs à la donation faite à son fils de la nue-propriété d’une maison de [Localité 10], constitue pour cet héritier, en l’absence de toute contrepartie invoquée par celui-ci, un avantage reçu du défunt au sens de l’article 843 du code civil et doit en conséquence être rapporté, peu important que par ailleurs la législation fiscale puisse ne pas considérer cet avantage comme une donation taxable.

Le premier juge ayant toutefois omis de statuer de ce chef, la cour ajoutera au jugement, pour condamner M. [Y] à rapporter à la succession la somme de 2 600 euros.

Sur le rapport des primes d’assurance-vie

L’article L. 132-13 du code des assurances dispose que les règles du rapport ne s’appliquent pas aux sommes versées par le contractant à une assurance-vie à titre de primes, à moins que celles-ci n’aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés. Le caractère manifestement exagéré des primes versées par le défunt s’apprécie séparément pour chaque

prime dont le rapport est demandé, au regard de ce qu’étaient à la date du paiement les ressources et patrimoine de l’assuré, ainsi qu’au regard de l’utilité qu’avait pour lui l’opération.

Mme [Y] limite sa demande au rapport des primes versées par la défunte, sur des assurances-vies dont son fils était bénéficiaire, à compter du 70ème anniversaire de celle-ci, c’est à dire à compter du 30 juillet 1995, et ce dans la limite de 159 000 euros, montant qui correspond au prix d’une maison sise à [Localité 11] vendue le 20 août 2009.

Les primes concernées se composent ainsi d’une prime de 80 000 euros versée le 12 novembre 2009 sur un contrat souscrit le même jour, et de deux versements de 30 000 et 50 000 euros effectués également le même jour sur une assurance vie préalablement souscrite le 11 juin 1993, le total des primes versées le 12 novembre 2009 s’élevant ainsi à 160 000 euros.

A cette date, [E] [L] était âgée de 84 ans. Mettant ses affaires en ordre, elle avait donné à son fils la nue-propriété de la maison qu’elle possédait à [Localité 10] (70), vendu la maison qu’elle habitait à [Localité 11] pour entrer dans une maison de retraite à [Localité 7] (70), rédigé un testament en faveur de son fils et versé les primes litigieuses sur des assurances-vie dont il était bénéficiaire. Elle percevait une pension de retraite mensuelle supérieure à 2 000 euros qui lui permettait de faire face au coût de la maison de retraite et disposait encore de capitaux dont le montant à la date litigieuse ne peut être évalué, sauf à retenir qu’il était suffisamment élevé pour que, malgré les autres avantages ultérieurement consentis à son fils, notamment avant son mariage, il lui reste à son décès survenu huit années plus tard, un actif net de 77 665, 07 euros. Au regard de ces éléments, le versement du prix de vente de la maison sur les contrats d’assurance-vie, qui permettait de faire fructifier la somme et d’en disposer en cas de nécessité sans pour autant absorber toute l’épargne de l’intéressée ni compromettre le financement de sa vie courante, n’apparaît pas manifestement exagéré.

Mme [Y] n’établit pas que d’autres primes aient été versées sur un contrat d’assurance vie Crédit Lyonnais n°[XXXXXXXXXX05].

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a débouté Mme [Y] de sa demande de rapport formée au titre des primes versées sur les contrats d’assurance-vie à compter du 70ème anniversaire de la défunte, c’est à dire dans une limite de 159 000 euros, mais il sera infirmé en ce qu’il rejette une demande de rapport au titre d’autres primes versées avant le 70ème anniversaire de la défunte, qui ne lui était pas présentée,

Sur la mission d’information fiscale du notaire

A la demande des deux parties, le jugement sera confirmé en ce qu’il a dit que le notaire devra, en application des articles L. 151 B du livre des procédures fiscales et 1649 ter du code général des impôts, demander à l’administration fiscale la communication des informations détenues par elle afin d’identifier l’ensemble des contrats de capitalisation souscrits par la défunte, aux frais avancés de [T] [Y], sauf à préciser que cette mission incombera non plus à Me [K] mais au notaire qui sera désigné en exécution du présent arrêt.

Par ces motifs

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme partiellement le jugement rendu entre les parties le 14 décembre 2021 par le tribunal judiciaire de Vesoul en ce qu’il a :

– commis pour procéder au partage Me [C] [K], notaire à [Localité 8],

– débouté Mme [Y] de sa demande en ‘rapport’ du solde de deux comptes ouverts au Crédit Mutuel Arkéa sous les numéros [XXXXXXXXXX09] et [XXXXXXXXXX02],

– rejeté une demande de rapport au titre de primes d’assurance vie versées avant le 70ème anniversaire de la défunte ;

Confirme le surplus des chefs de jugement déférés ;

statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Commet le président de la chambre interdépartementale des notaires de Franche-Comté pour désigner tel notaire qui lui plaira pour procéder au partage ;

Ordonne que figure au patrimoine de la succession le solde de deux comptes ouverts au Crédit Mutuel Arkéa sous les numéros [XXXXXXXXXX09] et [XXXXXXXXXX02] ;

Déboute Mme [Y] de sa demande en rapport d’une somme de 10 000 euros retirée par la défunte d’un compte bancaire le 30 octobre 2009 ;

Condamne M. [Y] à rapporter à la succession la somme de 2 600 euros  au titre de frais de donation payés par sa mère ;

Précise que la mission confiée au notaire par le premier juge incombera non plus à Me [K] mais au notaire qui sera désigné en exécution du présent arrêt ;

Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile ;

Les condamne chacune à la moitié des dépens d’appel, qui seront employés en frais privilégiés de partage, avec distraction au profit des avocats qui l’ont demandé.

Ledit arrêt a été signé par M. Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Fabienne Arnoux, greffier.

La greffière Le président de chambre

 


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