COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-6
ARRÊT AU FOND
DU 24 NOVEMBRE 2022
N° 2022/445
N° RG 21/18226
N° Portalis DBVB-V-B7F-BIS6C
E.A.R.L. HARAS [Adresse 11]
Compagnie d’assurance GROUPAMA MEDITERRANEE
C/
[C] [N]
[F] [N]
[S] [B] épouse [N]
[E] [N]
Etablissement CPAM DU VAR
S.A. GENERALI IARD
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
-SELAS LLC ET ASSOCIES
-Me Pascal ZECCHINI
-SELASU CECCALDI STÉPHANE
-SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 08 Décembre 2021 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 18/08653.
APPELANTES
E.A.R.L. HARAS [Adresse 11],
demeurant [Adresse 11]
représentée par Me Pascale PALANDRI de la SELAS LLC ET ASSOCIES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN.
Compagnie d’assurance GROUPAMA MEDITERRANEE 2,
demeurant [Adresse 14]
représentée par Me Pascale PALANDRI de la SELAS LLC ET ASSOCIES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN.
INTIMES
Madame [C] [N]
En la personne de ses parents et représentants légaux, Monsieur et Madame [F] et [S] [N], domiciliés avec elle
né le [Date naissance 1] 2004 à [Localité 10],
demeurant [Adresse 13]
représentée et assistée par Me Pascal ZECCHINI, avocat au barreau de TOULON, postulant et plaidant.
Monsieur [F] [N]
né le [Date naissance 2] 1969 à [Localité 12],
demeurant [Adresse 13]
représenté et assisté par Me Pascal ZECCHINI, avocat au barreau de TOULON, postulant et plaidant.
Madame [S] [B] épouse [N]
Représentante légal de Mademoiselle [C] [N], née le [Date naissance 7] 2004 à [Localité 10] numéro de sécurité sociale [XXXXXXXXXXX05]
née le [Date naissance 4] 1969 à [Localité 10],
demeurant [Adresse 13]
représentée et assistée par Me Pascal ZECCHINI, avocat au barreau de TOULON, postulant et plaidant.
Mademoiselle [E] [N]
née le [Date naissance 3] 1994,
demeurant [Adresse 9]
représentée et assistée par Me Pascal ZECCHINI, avocat au barreau de TOULON, postulant et plaidant.
Etablissement CPAM DU VAR,
demeurant [Adresse 8]
représentée par Me Stéphane CECCALDI de la SELASU CECCALDI STÉPHANE, avocat au barreau de MARSEILLE.
S.A. GENERALI IARD
Poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié ès qualité au siège social sis,
demeurant [Adresse 6]
représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE.
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 12 Octobre 2022 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Madame Anne VELLA, Conseillère, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président
Madame Anne VELLA, Conseillère
Madame Fabienne ALLARD, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Charlotte COMBARET.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Novembre 2022.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Novembre 2022,
Signé par Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président et Madame Charlotte COMBARET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Exposé des faits et de la procédure
Les consorts [N] exposent que le 14 décembre 2013 [C] [N], née le [Date naissance 7] 2004 et alors âgée de neuf ans a été victime d’une chute de cheval alors qu’elle participait à un cours collectif dispensé au sein de la carrière du haras [Adresse 11], propriété de l’EARL [Adresse 11], assurée auprès de Groupama Méditerranée (Groupama) et encadré par Mme [R] [L], monitrice. Elle a été victime d’une fracture du bras gauche ayant nécessité plusieurs opérations chirurgicales.
Ses représentants légaux ont saisi le juge des référés qui par ordonnance du 20 décembre 2017 a désigné le docteur [V] [D] pour évaluer les conséquences médico-légales de la chute. Par ordonnance du 23 mai 2018 et à la demande de l’EARL Haras [Adresse 11] et de Groupama les opérations d’expertise ont été étendues à la société Generali.
L’expert a déposé son rapport définitif le 21 août 2018 en concluant que les séquelles engendrent un déficit fonctionnel permanent de 15%.
Par actes des 5, 6 et 11 décembre 2018, M. [F] [N] et Mme [S] [N], tant à titre personnel, qu’en leur qualité de représentants légaux de leur fille mineure [C] [N], et Mme [E] [N], sa soeur, ont fait assigner l’EARL Haras [Adresse 11] et son assureur Groupama devant le tribunal de grande instance de Draguignan, pour les voir condamner à l’indemniser de leurs préjudices corporels et ce, en présence de la CPAM du Var.
Par acte du 28 juin 2019, l’EARL Haras [Adresse 11] et Groupama ont appelé en la cause la société Generali Iard, assureur de la fédération française d’équitation, aux fins de garantir Groupama de toutes condamnations éventuellement prononcées à son encontre et de voir le jugement à intervenir lui être déclaré opposable.
Les procédures ont été jointes.
Par jugement du 8 décembre 2021, assorti de l’exécution provisoire à hauteur du tiers de la somme principale, le tribunal judiciaire a :
– dit que l’EARL Haras [Adresse 11] est responsable de la chute dont [C] [N] a été victime et qu’elle doit réparer les conséquences de ses blessures ;
– condamné in solidum l’EARL Haras [Adresse 11] et Groupama à payer à M. [F] [N], Mme [S] [N], en leur qualité de représentants légaux de [C] [N] la somme de 409’244,84€ en réparation de ses préjudices avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;
– condamné in solidum l’EARL Haras [Adresse 11] et Groupama à payer à la CPAM du Var la somme de 79’313,24€ au titre des dépenses de santé actuelles et futures avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;
– condamné in solidum l’EARL Haras [Adresse 11] et Groupama à payer à la CPAM du Var la somme de 1066€ au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion, outre celle de 500€ par application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté l’EARL Haras [Adresse 11] et Groupama de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté la société Generali de sa demande de mise hors de cause ;
– condamné in solidum l’EARL Haras [Adresse 11] et Groupama à payer ensemble aux consorts [N] la somme de 3000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné in solidum l’EARL Haras [Adresse 11] et Groupama aux dépens de l’instance y compris les frais d’expertise et d’assistance à expertise.
Sur le fondement des articles 1231-1 et suivants du code civil invoqués par les consorts [N], en l’état du lien contractuel existant entre les représentants légaux de [C] [N] et le club équestre, le tribunal a retenu que les circonstances de l’accident se déduisaient de la déclaration de la monitrice Mme [L] et de celle de Mme [U] [G] qui a assisté à la chute et selon lesquelles le cheval qui se trouvait derrière [C] [N] s’est rapproché du sien jusqu’à le bousculer ce qui a entraîné le départ au galop de son cheval et provoqué la chute de l’enfant.
Pour retenir la responsabilité contractuelle du club équestre, il a rappelé que :
– l’équitation est un sport qui présente par nature des risques au regard des comportements des animaux et qu’en conséquence une distance de sécurité entre chaque cheval doit d’évidence être imposée et respectée,
– [C] [N] qui entamait sa seconde année d’équitation n’était certes pas novice mais elle n’était toutefois pas du niveau du ‘galop 1″ si bien qu’elle n’était pas réputée maîtriser le respect des distances de sécurité, des allures au pas et au trot, et a fortiori au galop,
– le moniteur était en charge de faire respecter les exigences de maintien des distances de respect,
– Mme [L], employée du club n’a pas été suffisamment diligente pour remarquer et corriger ce défaut qui a causé la réaction de surprise du cheval et par la suite la chute de [C] [N].
Le tribunal a détaillé ainsi les différents chefs de dommage de la victime directe :
– frais d’assistance à expertise : 840€
– assistance par tierce personne temporaire en fonction d’un taux horaire de 17€ : 3060€
– assistance par tierce personne permanente : 84’590,84€ au titre de la capitalisation
– incidence professionnelle : 250’000€
– déficit fonctionnel temporaire sur une base mensuelle de 810€ : 12’097,35€ somme ramenée au montant sollicité de 8554€,
– souffrances endurées 5/7 : 21’000€
– préjudice esthétique temporaire 2,5/7 : 3000€
– déficit fonctionnel permanent 15 % : 42’000€ somme ramenée au montant sollicité de 34’500€
– préjudice d’agrément au titre de l’arrêt de la pratique de l’équitation et de la gêne dans celle de la danse : 3000€
– préjudice esthétique permanent 2,5/7 au titre de la déformation importante du coude et d’une cicatrice particulièrement inesthétique : 4000€.
Le préjudice global a évalué à 412’544,84€, sous déduction d’une somme de 3300€ versée par la société Generali au titre de dispositions contractuelles et assurancielles et le club d’équitation et son assureur ont été condamnés au paiement de la somme de 409’244,84€.
Une somme de 3000€ a été allouée à chacun des parents de [C] [N] et celle de 1000€ à sa soeur en réparation du préjudice d’affection.
La société Generali n’a pas été mise hors de cause.
Par acte du 25 janvier 2022, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, la compagnie d’assurances Groupama Méditerranée et l’EARL Haras [Adresse 11] ont interjeté appel de cette décision en visant expressément chacune des mentions contenues au dispositif.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 27 septembre 2022.
Prétentions et moyens des parties
Dans leurs conclusions du 7 juin 2022, la société Groupama Méditerranée, et la société d’exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) [Adresse 11] demandent à la cour :
À titre principal de :
‘ réformer le jugement en toutes ses dispositions et notamment en ce qu’il a déclaré la société [Adresse 11] responsable de la chute subie par [C] [N] et tenue à en réparer les conséquences des blessures ;
‘ débouter les consorts [N] de l’ensemble de leurs demandes dans la mesure où le club d’équitation n’a commis aucun manquement contractuel dans la prise en charge de [C] [N] lors de son cours d’équitation du 14 décembre 2018 ;
‘ débouter la CPAM et la société Generali de leurs demandes ;
à titre subsidiaire si la cour devait considérer que la responsabilité du club équestre est engagée de :
‘ réformer le jugement sur toutes les condamnations à paiement et à supporter la charge des dépens dans les termes de son acte d’appel ;
sur le manquement à l’obligation de sécurité
‘ rejeter les demandes des parents de [C] [N] en leur qualité de représentants légaux de leur enfant mineur tendant au versement d’une indemnité au titre des incidences professionnelles, et du déficit fonctionnel permanent ;
‘ rejeter les demandes de M. et Mme [N] et celle de Mme [E] [N] tendant à être indemnisés de leur préjudice personnel ;
‘ fixer l’indemnisation de [C] [N] de la façon suivante :
– assistance par tierce personne temporaire : 2340€
– assistance par tierce personne permanente : 13’383,58€
– déficit fonctionnel temporaire : 6479€
– préjudice esthétique : 3000€
– préjudice d’agrément : 3000€,
‘ ramener l’indemnisation des souffrances endurées et du déficit fonctionnel permanent à de plus justes proportions ;
sur le manquement à l’obligation d’information
‘ fixer la perte de chance de souscrire une assurance à 10 % du montant total des préjudices de [C] [N] ;
en tout état de cause
‘ condamner les consorts [N] in solidum à leur verser la somme de 3000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Elles rappellent que si la monitrice du centre équestre était tenue par une obligation, il s’agit d’une obligation de moyens et non de résultat ce qui conduit à démontrer que Mme [L] n’a pas mis en ‘uvre tous les moyens à sa disposition pour satisfaire à son obligation de prudence et de diligence. Le premier juge a retenu la responsabilité totale du centre équestre au motif qu’un cheval, au cours d’une séance dans un manège, s’est rapproché en quelques secondes et une seule fois d’un cheval situé devant lui. Il a d’ailleurs noté que ce comportement du cheval était inhabituel :
– comment dès lors la monitrice aurait-elle pu anticiper le comportement soudain et imprévisible d’un cheval qui plus est au milieu de chevaux tous en mouvement dans un manège,
– la chute de la cavalière n’est pas directement liée au rapprochement des chevaux, mais à la réaction de surprise du cheval monté par [C] [N] dont il est dit qu’il n’était pas inadapté à son niveau de compétence,
– la distance entre les chevaux dans un manège, est a fortiori plus réduite,
– le simple fait que le cheval qui suivait celui de [C] [N] a pu accidentellement se rapprocher du sien ne peut suffire à admettre une responsabilité pleine et entière du centre équestre,
– reconnaître l’inverse reviendrait à juger que la responsabilité de ce type d’établissement n’est plus de moyen mais de résultat,
– Mme [L] ne pouvait anticiper le galop inattendu du cheval qui suivait celui sur lequel [C] [N] se trouvait, ni la réaction de surprise du cheval qu’elle montait.
Elles font valoir que selon une jurisprudence constante les centres équestres ont à l’égard de leurs adhérents une obligation de sécurité de moyens dans la mesure où le cavalier a nécessairement un rôle actif lorsqu’il monte un cheval. Aucune faute ne peut être reprochée au centre équestre puisque :
– l’élève portait une bombe ainsi qu’un gilet de protection,
– la monitrice était expérimentée,
– s’agissant d’un cours collectif elle ne pouvait se trouver aux côtés de chacun des enfants,
– la participation à ce type d’activité présente certains risques,
– [C] [N], si elle n’avait pas trois années d’expérience, n’était pas pour autant novice puisqu’elle suivait des cours d’équitation une fois par semaine depuis plus d’un an,
– elle n’a pas été affectée à un groupe d’un niveau supérieur au sien,
– le cheval qu’elle montait n’était pas inadapté à son niveau, et il n’est pas démontré qu’il aurait été agressif ou nerveux.
S’agissant de l’obligation d’information visée par l’article L. 321-4 du code du sport, la jurisprudence interprète ces dispositions de façon stricte en retenant que seules les associations et les fédérations sportives sont concernées. Or en l’espèce l’EARL Haras [Adresse 11] n’est pas la fédération d’une association sportive mais une exploitation agricole à responsabilité limitée et ces dispositions du code du sport ne lui sont pas opposables. Quoi qu’il en soit le centre équestre a proposé une assurance de personnes aux parents de [C] [N] puisque la licence qui a été délivrée à l’enfant lui a permis de bénéficier d’un contrat d’assurance collective souscrit par le centre équestre auprès de la société Generali et dont les plafonds d’indemnisation ne sont pas dérisoires.
Elles ajoutent que le manquement à l’obligation d’indiquer à l’adhérent la faculté de souscrire des garanties individuelles complémentaires ne peut être reproché qu’aux seules fédérations agréées conformément à l’article L. 321-6 du code du sport. Aucune obligation d’information n’incombait à l’EARL Haras [Adresse 11] alors même qu’une telle information a bien été délivrée aux représentants légaux de l’enfant.
À titre très subsidiaire et sur la liquidation des préjudices elles font valoir les observations suivantes :
– l’assistance par tierce personne temporaire et permanente sera évaluée en fonction d’un coût horaire de 13€
– l’incidence professionnelle a été indemnisée par le premier juge, non pas en considérant la perte de chance d’exercer certaines fonctions, mais au titre de la dévalorisation de [C] [N] sur le marché du travail, la difficulté d’accéder à un certain nombre important de métiers, ou la plus grande difficulté à les exercer. Ce faisant le tribunal n’a pas tenu compte des données du rapport d’expertise dans lequel il est dit que [C] [N] devra éviter une profession trop manuelle avec port de charges et elle sera gênée par l’absence de pronation pour l’utilisation d’un clavier informatique. Dès lors l’expert n’a pas exclu fermement certaines professions ni définitivement l’usage d’un clavier. L’indemnisation à hauteur de 250’000€ est totalement disproportionnée au regard de la jurisprudence habituelle en la matière,
– le déficit fonctionnel temporaire sera indemnisé sur une base mensuelle de 600€,
– les souffrances endurées évaluées à 5/7 ne justifient pas une évaluation à hauteur de 21’000€
– le préjudice esthétique temporaire qui a été léger, sera indemnisé à hauteur de 1000€
– le préjudice esthétique permanent à hauteur de 2000€
– l’indemnisation du déficit fonctionnel temporaire fixé à 15 % sera ramenée à de plus justes proportions.
Les préjudices des victimes par ricochet ne sont pas justifiés et ils apparaissent en tout état de cause surévalués.
Si la cour devait retenir un manquement du club équestre à son obligation d’information, seule une perte de chance de souscrire un contrat pourrait être indemnisée, mesurée à la chance perdue. En l’espèce [C] [N] dispose déjà de l’assurance de la société Generali couvrant son préjudice corporel. Ses parents n’auraient certainement pas contracté d’autres assurances dans la mesure où leur enfant pratiquait l’équitation seulement une fois par semaine pendant une heure et sans participer à des compétitions. La perte de chance ne saurait donc être supérieure à 10 %.
Dans leurs conclusions d’appel incident du 8 juillet 1022, M. [F] [N], Mme [S] [B] épouse [N] en leurs qualités de représentants légaux de [C] [N], M. [F] [N] et Mme [S] [B] épouse [N], ses père et mère à titre personnel et Mme [E] [N], sa soeur demandent à la cour de :
‘ confirmer le jugement en ce qui concerne la responsabilité de l’EARL Haras [Adresse 11] et la garantie de son assureur Groupama sur le fondement de l’inexécution de son obligation de moyen de sécurité renforcée ;
à défaut
‘ confirmer le jugement en ce qui concerne la responsabilité de l’EARL Haras [Adresse 11] et la garantie de son assureur Groupama sur le fondement de l’inexécution de son obligation de conseil ;
En tout état de cause
‘ réformer le jugement sur la liquidation du préjudice de [C] [N] et de ses proches ;
statuant à nouveau
‘ condamner in solidum l’EARL Haras [Adresse 11] et Groupama à payer à M. et Mme [N] en leur qualité de représentants légaux de leur fille [C] [N] les sommes suivantes :
– frais d’assistance expertise : 840€
– assistance par tierce personne temporaire en fonction d’un coût horaire de 20€ : 5940€
– assistance par tierce personne permanente en fonction d’un coût horaire de 20 € : 150’053,28€ résultant de la capitalisation à la consolidation
– incidence professionnelle : 400’000€
– déficit fonctionnel temporaire : 8554€
– souffrances endurées : 21’000€
– préjudice esthétique temporaire : 3000€
– préjudice esthétique permanent : 4500 €
– préjudice d’agrément : 10’000€
– déficit fonctionnel permanent : 42’000€
et donc au total la somme de 645’887,28€,
‘ les condamner in solidum au paiement des sommes suivantes au titre du préjudice d’affection :
– M. [F] [N] : 12’000€
– Mme [S] [N] : 12’000€
– Mme [E] [N] : 6000€
‘ condamner in solidum l’EARL Haras [Adresse 11] et Groupama es qualité et en leur nom personnel à leur verser la somme globale de 6000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens des instances d’appel, de référé de fond, y compris les frais d’expertise.
Ils font valoir que :
– [C] [N] avait une pratique de l’équitation depuis un an et non pas depuis trois ans ce qui signifie qu’elle était totalement débutante alors qu’elle n’avait que neuf ans au moment des faits,
– les circonstances de l’accident résultent du témoignage de Mme [G], mère d’un enfant participant également à la séance de manège,
– l’obligation de moyens qui incombe au club équestre peut être renforcée selon plusieurs paramètres et en particulier :
le jeune âge du participant,
la faible expérience du participant
le caractère dangereux du sport
le contenu de la convention conclue,
– le manquement au respect des règles de sécurité à cheval est établi. Parmi les règles de sécurité les plus élémentaires en équitation lors d’une reprise en manège ou en carrière, les chevaux doivent respecter une distance de sécurité minimale d’environ 1,50 m entre eux et il appartient à l’encadrant de veiller au respect de cette distance, et Mme [L] a manqué à cette obligation,
– la monitrice a mal appréhendé le niveau de [C] [N] puisque ce jour-là elle montait un cheval relativement nerveux et qui s’emportait vite ce qui explique qu’il n’a pas pu être contrôlé lors d’un emballement d’autant plus que sa cavalière n’avait que neuf ans et ne disposait que d’une faible expérience. Pourtant la monitrice dans la déclaration de sinistre a mentionné que [C] avait trois ans d’expérience en équitation ce qui prouve la mauvaise évaluation qu’elle a faite de son élève.
À titre subsidiaire et dans l’hypothèse où le centre équestre serait exonéré de sa responsabilité fondée sur son obligation de sécurité de moyens renforcés, sur le défaut d’information, ils rappellent les dispositions des articles L. 321-4 et L. 321-6 du code du sport.
En l’espèce, le centre équestre est affilié à la fédération française d’équitation qui a souscrit un contrat collectif auprès de Generali. [C] [N] était donc créancière des obligations d’information énoncées dans ces dispositions, mais le centre équestre ne rapporte aucun élément démontrant qu’il a bien exécuté cette obligation d’information. Le manquement à cette obligation engendre une perte de chance d’obtenir une meilleure indemnisation des conséquences dommageables. L’indemnisation proposée par Generali était parfaitement ridicule puisque correspondant à 15 % de 22’000€.
Ils développent plus particulièrement leur demande d’indemnisation du préjudice corporel sur l’incidence professionnelle en relevant que certaines professions, quel que soit leur degré de valorisation sociale, sont désormais totalement impossibles pour [C] et celles qui demeurent possibles ne le seront qu’au prix d’une résilience et d’une organisation à la limite de l’héroïsme. Ses perspectives professionnelles sont assombries dans leur niveau de qualification et elle est donc fondée à solliciter à ce titre la somme de 400’000€.
Le préjudice des victimes par ricochet est constitué par le spectacle de [C] [N] physiquement diminuée et psychologiquement en souffrance dont l’avenir est obéré ce qui constitue une atteinte importante pour ses parents et sa s’ur.
Selon conclusions signifiées le 6 mai 2022, la société Generali iard demande à la cour de :
au visa des dispositions de l’assurance individuelle corporelle souscrite par la fédération française d’équitation auprès de ses services au bénéfice des licenciés de :
‘ réformer le jugement qui l’a déboutée de sa demande de mise hors de cause ;
statuant à nouveau
‘ juger que l’assurance ‘individuelle accident’ est une police d’assurance de prévoyance personnelle n’ayant pas vocation à se substituer au tiers responsable de l’accident ;
‘ juger qu’elle ne saurait être tenue à garantie au-delà des limites contractuelles convenues au terme de ce contrat d’assurance attaché à la licence cavalier ;
‘ ordonner sa mise hors de cause ;
‘ confirmer le jugement qui a condamné l’EARL Haras [Adresse 11] et Groupama à lui verser la somme de 500€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
et y ajoutant
‘ condamner l’EARL Haras [Adresse 11] et Groupama à lui verser la somme de 2000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile s’agissant des frais de la procédure d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens d’appel, distraits au profit de son conseil.
Elle fait valoir qu’elle n’est pas concernée par les débats portés devant la cour et elle s’en remet à justice s’agissant des responsabilités encourues.
Elle maintient sa demande tendant à sa mise hors de cause en rappelant que la fédération française d’équitation a souscrit auprès d’elle un contrat d’assurance groupe ‘responsabilité civile et dommages corporels’ bénéficiant à chacun de ses licenciés comportant une indemnisation forfaitaire limitée, mais également une garantie responsabilité civile dans l’hypothèse où il causerait des dommages dans le cadre de cette activité. Elle n’a jamais méconnu l’application de ces garanties au bénéfice de [C] [N] en procédant à son indemnisation selon protocole d’accord transactionnel du 21 janvier 2019. Il s’agit d’un acte de prévoyance personnelle qui n’a nullement vocation à se substituer au tiers responsable et à son assureur ‘responsabilité civile’ et il n’est pas question qu’elle vienne garantir l’EARL Haras [Adresse 11] et Groupama. Elle est donc étrangère aux débats relatifs à la responsabilité et à ses conséquences.
En l’état de ses conclusions signifiées le 5 avril 2022, la caisse primaire d’assurance-maladie du Var demande à la cour de :
‘ lui donner acte qu’elle s’en rapporte à la sagesse de la cour sur la responsabilité de l’EARL Haras [Adresse 11] et de son assureur la compagnie Groupama Méditerranée dans la survenance de l’accident dont a été victime la mineure [C] [N] ;
‘ juger qu’elle justifie de l’ensemble des prestations définitives comportant des frais de santé, la perte de revenus, délivré à son assurée sociale, Mme [N] qu’elle a pris en charge au titre de la législation sur l’assurance-maladie pour le compte de ce dernier en relation avec le dommage, et qui s’élèvent à la somme de 79’313,24€ ;
‘ dans l’hypothèse où la cour confirmerait le jugement sur la responsabilité de l’EARL Haras [Adresse 11] et de Groupama, le confirmer également sur la condamnation à remboursement de la totalité des débours dont elle a fait l’avance sous intérêts au taux légal et donc la somme de 79’313,24€ ;
‘ le confirmer également sur la condamnation au montant de la somme de 1066 au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion dans son montant fixé par arrêté du 20 décembre 2017 ;
‘ condamner in solidum le cas échéant l’EARL Haras [Adresse 11] et Groupama aux entiers dépens de l’instance ;
‘ les condamner in solidum à lui verser la somme de 1500€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Ces débours correspondent à des prestations en nature au titre des dépenses de santé actuelles pour 46.028,46€ et à des frais futurs pour 33.284,78€.
L’arrêt sera contradictoire conformément aux dispositions de l’article 467 du code de procédure civile.
Motifs de la décision
Sur la responsabilité contractuelle
Aucune des parties ne conteste la relation contractuelle qui a lié les parents de [C] [N] au centre équestre, de sorte que la responsabilité de celui-ci vis à vis de l’enfant et de ses parents, ne peut être recherchée que sur le fondement de l’article 1147 du code civil, applicable au moment de la chute, devenu l’article 1231-1 du code civil qui énonce que la partie envers laquelle les obligations du contrat n’ont pas été exécutées ou l’ont été de façon imparfaite, est en droit de demander des dommages-intérêts.
Il n’est pas discuté que le contrat a porté sur des cours collectifs d’équitation auxquels [C] [N] participait depuis le mois de septembre 2012, soit depuis quatorze mois lorsque la chute s’est produite à l’occasion d’une reprise d’équitation en manège.
Sur le fondement contractuel précité, en tant que professionnel prestataire de services des cours d’équitation dispensés, le centre équestre est tenu d’une obligation générale de sécurité s’analysant en une obligation de moyens, qui lui impose, s’agissant de jeunes enfants de fournir des chevaux adaptés à la taille des enfants, de caractère docile et habitués à être montés par des personnes différentes, ainsi que tout le matériel de sécurité du cavalier, et plus généralement de veiller à l’observation des régles de sécurité. La charge de la preuve de ce que le centre équestre a manqué à ses obligations repose sur la victime. Par ailleurs le centre est tenu d’une obligation de conseil portant sur les consignes de sécurité à observer pendant le cours et en l’espèce pendant une reprise en manège, c’est-à-dire dans un espace clos et délimité ou plusieurs élèves montés sur leurs chevaux évoluent. La charge de la preuve que les consignes ont été dispensées et les normes de sécurité ont été respectées incombe au centre équestre.
Le fait que [C] [N] a monté un cheval adapté à sa taille, qu’elle disposait de tout le matériel de sécurité nécessaire à un cavalier, et que le caractère de son cheval était adapté à la pratique du manège n’est pas discuté en l’espèce.
La question qui se pose est celle des consignes de sécurité dispensées aux jeunes cavaliers par la monitrice dans le cadre d’une reprise en manège, et de savoir si elle a veillé au strict respect des règles de sécurité dans le cadre d’une activité sportive présentant des risques étant toutefois rappelé qu’un animal, aussi docile soit-il, peut avoir des réactions imprévisibles.
Le seul témoignage objectif repose sur celui de Mme [G] qui a expliqué qu’elle est la maman d’une fillette qui pratiquait l’équitation dans ce centre à l’époque, et que le jour des faits, elle regardait les enfants qui évoluaient sur leurs chevaux dans le manège. Elle a relaté que le cheval situé juste derrière celui de [C] s’en est approché de très près, l’a bousculé. Cela a eu pour conséquence de faire peur au cheval de [C], qui en réaction s’est énervé et est parti au galop, ce qui a fait chuter [C] de son cheval.
Les éléments produits par le centre équestre sont sommaires s’agissant des circonstances qui ont entouré la chute, puisque seule est versée aux débats la déclaration de sinistre qu’il a renseignée en indiquant notamment que [C] portait un gilet de protection et un casque, qu’elle pratiquait l’équitation une fois par semaine et qu’elle avait trois ans d’expérience dans cette activité de sport et de loisirs.
Toutes ces données sont exactes hormis le fait que lorsqu’elle a été victime d’une chute [C] [N] alors âgée de neuf ans, pratiquait l’équitation depuis le mois de septembre 2012 c’est-à-dire depuis quatorze mois, et qu’elle n’avait acquis aucun degré validé d’équitation, ce qui n’est pas contesté par les parties, et qui conduit à admettre que son niveau d’expérience était faible.
Pour apprécier si le cours d’équitation a été donné dans de bonnes conditions de sécurité, le centre équestre ne produit aucun élément sur la densité de la fréquentation de ce cours, et plus précisément sur la configuration du manège pour en apprécier les dimensions, la liste des participants, leur nombre, leurs âges et leurs niveaux d’équitation respectifs. Ces données ont une incidence sur l’analyse de la responsabilité contractuelle du centre équestre puisque selon l’unique témoignage fourni, le cheval qui suivait [C] s’est approchée de très près de celui qu’elle montait, ce qui permet de considérer que les cavaliers, et au moins [C] [N] et le cavalier qui la suivait n’étaient pas à une distance suffisamment raisonnable l’un de l’autre juste avant que les faits ne se produisent. Ce seul fait conduit à retenir que la monitrice a manqué à l’obligation de sécurité qui lui incombait consistant à faire en sorte que les chevaux et leurs cavaliers respectent une distance minimale de sécurité de façon à limiter les contacts entre eux et un départ inopiné au galop, comme cela a été le cas et qui a provoqué la chute de l’enfant et les blessures sérieuses dont elle a été victime.
En conséquence il y a lieu de dire que le centre équestre a engagé sa responsabilité contractuelle et qu’il est tenu in solidum avec son assureur Groupama d’indemniser la victime de l’intégralité des conséquences dommageables qu’elle a subies.
Sur le relevé et la garantie
La société Generali intervient en vertu d’un contrat d’assurance groupe ‘responsabilité civile et dommages corporels’ souscrit par la fédération française d’équitation et bénéficiant à chacun de ses assurés. Ce contrat couvre l’indemnisation des dommages corporels occasionnés aux cavaliers licenciés, ainsi que leur responsabilité civile dans lhypothèse où ils seraient à l’origine de dommages causés à des tiers dans le cadre de cette activité, et dans les donctions fixées aux dispositions contractuelles.
Il s’agit comme le soutient à juste titre la société Generali, et alors que les tiers responsables n’établissent pas autre chose, d’un contrat de prévoyance personnelle qui n’a aucune vocation à se substituer au tiers responsable et à son assureur responsabilité civile.
Il convient en conséquence de débouter le centre équestre et son assureur la société Groupama de leur demande tendant à les voir relever et les garantir des condamnations prononcées contre eux.
La somme de 3300€ que la société Generali a versée aux parents de [C] [N], en leur qualité de représentants légaux, et en application du contrat souscrit par la fédération française d’équitation vient en déduction des sommes qui sont allouées à la victime, et sa présence nécessaire aux débats ne conduit pas à la mettre hors de cause.
Sur le préjudice corporel
L’expert, le docteur [V] [D], indique que [C] [N] a présenté une fracture déplacée du condyle externe de l’humérus gauche opéré en urgence, mais dont la fracture s’est déplacée sous plâtre ce qui a nécessité plusieurs hospitalisations, interventions et séances de rééducation et qu’elle conserve comme séquelles une déformation inesthétique du coude gauche, une mobilité du coude gauche réduite, et une force de serrage réduite à gauche.
Il conclut à :
– un déficit fonctionnel temporaire total du :
14 décembre 2013 au 16 décembre 2013
29 janvier 2014 au 30 janvier 2014
4 février 2014 au 7 février 2014
1er juillet 2014 au 2 juillet 2014
16 février 2015 au 19 juin 2015
– un déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 30% du :
17 décembre 2013 au 28 janvier 2014
31 janvier 2014 au 3 février 2014
8 février 2014 au 30 juin 2014
– un déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 20% du 20 juin 2015 au 27 décembre 2016,
– un déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 15 % du 28 décembre 2016 au 17 mai 2018,
– un besoin en aide humaine temporaire de trois heures par semaine pendant la période de déficit fonctionnel temporaire partiel à 30 %,
– une consolidation au 18 mai 2018
– pas de conséquences sur ses études
– des souffrances endurées de 5/7
– un préjudice esthétique temporaire de 2,5/7
– un déficit fonctionnel permanent de 15 %
– un besoin en aide humaine à titre viager pour le lavage des cheveux
– des soins postérieurs la consolidation pour récupérer la pronation pourrait être éventuellement demandée par la victime,
– incidence professionnelle : les séquelles interdisent une activité professionnelle manuelle et des difficultés majeures à utiliser un clavier d’ordinateur
– un préjudice esthétique permanent de 2,5/7
– un préjudice d’agrément au titre de l’arrêt de l’équitation et de la gêne dans la pratique de la danse.
Son rapport constitue une base valable d’évaluation du préjudice corporel subi à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l’âge de la victime, née le [Date naissance 7] 2004, âgée de 9 ans au moment de l’accident est de 13 ans à la date de consolidation, afin d’assurer sa réparation intégrale et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s’exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’ils ont pris en charge, à l’exclusion de ceux à caractère personnel sauf s’ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.
Préjudices patrimoniaux
temporaires (avant consolidation)
– Dépenses de santé actuelles 46.028,46€
Ce poste est constitué des frais médicaux et pharmaceutiques, frais de transport, massages, appareillage pris en charge par la CPAM soit 46.028,46€, la victime n’invoquant aucun frais de cette nature restés à sa charge.
– Frais divers 840€
Le montant alloué par le premier juge à hauteur de 840€ n’est pas discuté.
– Assistance de tierce personne 5346€
La nécessité de la présence auprès de [C] [N] d’une tierce personne à titre temporaire n’est pas contestée dans son principe ni son étendue pour l’aider dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, suppléer sa perte d’autonomie mais elle reste discutée dans son coût.
L’expert précise, en effet, qu’elle a eu besoin d’une aide humaine temporaire de trois heures par semaine pendant la période de déficit fonctionnel temporaire partiel à 30 %.
En application du principe de la réparation intégrale et quelles que soient les modalités choisies par la victime, le tiers responsable est tenu d’indemniser le recours à cette aide humaine indispensable qui ne saurait être réduit en cas d’aide familiale ni subordonné à la production des justificatifs des dépenses effectuées. Eu égard à la nature de l’aide requise et du handicap qu’elle est destinée à compenser, des tarifs d’aide à domicile en vigueur dans la région, l’indemnisation se fera sur la base d’un taux horaire moyen de 18 €.
Le tiers responsable ne conteste pas le volume horaire.
L ‘indemnité de tierce personne s’établit sur une durée de 99 semaines à la somme de 5346€ (99s x 3h x 18€).
Préjudices patrimoniaux
permanents (après consolidation)
– Dépenses de santé futures 33’284,78€
Ce poste vise les frais hospitaliers, médicaux, paramédicaux, pharmaceutiques et assimilés, même occasionnels mais médicalement prévisibles, rendus nécessaires par l’état pathologique de la victime après la consolidation et incluent les frais liés soit à l’installation de prothèses soit à la pose d’appareillages spécifiques nécessaires afin de suppléer le handicap physiologique. Il est constitué des frais futurs prévus par l’organisme social à hauteur de 33’284,78€.
– Incidence professionnelle 150.000€
Ce chef de dommage a pour objet d’indemniser non la perte de revenus liée à l’invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d’une chance professionnelle ou de l’augmentation de la pénibilité de l’emploi qu’elle occupe imputable au dommage, ou encore l’obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d’une autre en raison de la survenance de son handicap.
L’expert a considéré que les séquelles interdisent une activité professionnelle manuelle et des difficultés majeures à utiliser un clavier d’ordinateur.
Cet avis doit être complété par les éléments cliniques qu’il a relevés dans son rapport et en page 8 où il a écrit que [C] est droitière et qu’elle présente une déformation inesthétique du coude gauche, une réduction de la mobilité du coude gauche, une force de serrage un peu réduite de la main gauche, alors que la mobilité de la main qui présente une légère amyotrophie des intrinsèques, est complète.
Les consorts [N] sollicite une indemnisation forfaitaire à hauteur de 400’000€ au titre d’une perte de chance d’accéder à tous les métiers, une dévalorisation, et une pénibilité accrue, alors que [C] était âgée de 13 ans à la consolidation.
Il est dit et non contesté que [C] [N] est une bonne élève et qu’aujourd’hui âgé de 17 ans et 11 mois, elle envisage de poursuivre ses études au-delà du baccalauréat, ce qui compatible avec son bon niveau scolaire. Comme cela est mis en exergue par les écritures de ses représentants légaux, les séquelles qu’elle présente lui ferment la porte des métiers requérant une précision manuelle, comme par exemple celle de chirurgienne qu’elle cite mais aussi musicienne, sportive, danseuse etc… et l’accès à la profession d’architecte, si elle venait à s’orienter vers elle, lui serait rendu plus difficile mais pas impossible, en l’état des avancées technologiques et informatiques actuelles privilégiant les dictées vocales dont les jeunes sont particulièrement friands et rompus à la pratique, outre les développements des logiciels de réalisation virtuelle requérant fort peu de manipulation/manutention. Il convient en effet de souligner qu’elle est droitière et que son membre supérieur droit est parfaitement valide et que fort heureusement elle a gardé la mobilité complète de sa main gauche, ce qui lui laisse encore de larges opportunités. Cet ensemble conduit à admettre que [C] [N] a perdu une chance professionnelle d’exercer certains métiers de précision mais venant aussi limiter le panel de ses choix qui a priori s’annonçait très large.
Cette perte de chance avérée conduit à convenir aussi qu’elle s’expose à une dévalorisation, sur le marché du travail, même si elle est modérée.
Il n’est par ailleurs pas contestable que quel que soit le métier qu’elle exercera, elle subira une pénibilité accrue en raison des séquelles qu’elle conserve associées à des dolorisations.
En raison du très jeune âge de la victime à la date de la consolidation et en considérant ces paramètres multiples qui affectent une vie professionnelle qui n’est, à ce jour, qu’en devenir, et en dépit de la conservation d’une large capacité physiologique et intellectuelle, la cour évalue à 150.000€ l’indemnisation de ce poste de préjudice, et qui intègre la perte de revenus à laquelle elle serait confrontée, sur les métiers qui lui sont désormais rendus inaccessibles.
– Assistance de tierce personne 46.247,89€
L’expert précise, que [C] [N] a besoin d’une aide humaine familial à titre permanent pour le lavage des cheveux, mais sans indiquer son volume horaire.
Les consorts [N] estime que ce besoin s’établit à deux heures par semaine à raison d’un lavage un jour sur deux.
Si le principe d’un besoin en aide humaine à titre viager doit être retenu, le volume avancé par les consorts [N] reviendrait à admettre une durée de quarante minutes pour chaque lavage de cheveux ce qui apparaît déraisonnable d’autant plus que le rythme soutenu revendiqué de trois lavages par semaines ne résulte d’aucune nécessité démontrée. Toutefois les tiers responsables proposent de retenir un besoin de 45 minutes par semaine pour trois lavages par semaine et sur 52 semaines annuelles, conformément à la demande des consorts [N], soit 39h par an.
En application du principe de la réparation intégrale et quelles que soient les modalités choisies par la victime, le tiers responsable est tenu d’indemniser le recours à cette aide humaine indispensable qui ne saurait être réduit en cas d’aide familiale ni subordonné à la production des justificatifs des dépenses effectuées. Eu égard à la nature de l’aide requise et du handicap qu’elle est destinée à compenser, des tarifs d’aide à domicile en vigueur dans la région, l’indemnisation se fera sur la base d’un taux horaire moyen de 18 €.
L ‘indemnité de tierce personne s’établit :
– pour la période écoulée de la consolidation acquise le 18 mai 2018 jusqu’au prononcé du présent arrêt le 24 novembre 2022, et donc sur 233,85 semaines (233,85s x 45mn = 10523,25 ou 175h39) la somme de 3157,02€ (175,39h x 18€),
– pour la période écoulé, en fonction d’un besoin annuelle de 702€ (39h x 18€) et d’un euro de rente viager de 61,383, issu de la Gazette du Palais 2020, pour une jeune fille âgée de 17 ans à la présente liquidation, taux d’intérêt 0,30% la somme de 43.090,87€ (702€ x 61,383),
et donc au total celle de 46.247,89€ (3157,02€ + 43.090,87€).
Préjudices extra-patrimoniaux
temporaires (avant consolidation)
– Déficit fonctionnel temporaire 8554€
Ce poste inclut la perte de la qualité de la vie et des joies usuelles de l’existence et le préjudice d’agrément et le préjudice sexuel pendant l’incapacité temporaire.
Il doit être réparé sur la base d’environ 800€ par mois, eu égard à la nature des troubles et de la gêne subie, et conformément à la demande de la victime soit :
– déficit fonctionnel temporaire total de 15 jours : 400€
– déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 30 % de 416 jours : 3328€
– déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 20 % de 548 jours : 2922,66€
– déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 10 % de 497 jours : 1988€
et au total la somme de 8638,66€ ramenée à 8554€ pour rester dans les limites de la demande.
– Souffrances endurées 21’000€
Ce poste prend en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime en raison du traumatisme initial, des interventions chirurgicales que son état a nécessitées, outre des séances de rééducation ; évalué à 5/7 par l’expert, il justifie l’octroi d’une indemnité de 21’000€ conformément à la demande de la victime.
– Préjudice esthétique temporaire 2500€
Ce poste a été admis par l’expert et chiffré à 2,5/7, au titre d’une immobilisation du membre supérieur gauche par un plâtre puis une atelle du 14 décembre 2013 jusqu’au 19 juin 2015, et donc sur 19 mois, ce qui justifie l’allocation d’une somme de 2500€.
permanents (après consolidation)
– Déficit fonctionnel permanent 42.000€
Ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l’atteinte anatomo-physiologique à laquelle s’ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d’existence personnelles, familiales et sociales.
Il est caractérisé par une déformation inesthétique du coude gauche, une mobilité du coude gauche réduite, et une force de serrage réduite à gauche, ce qui conduit à un taux de 15 % justifiant une indemnité de 42.000€ pour une jeune fille âgée de 13 ans à la consolidation.
– Préjudice esthétique 4000€
Ce poste de dommage cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l’apparence physique
Évalué à 2 /7 au titre de cicatrices, il doit être indemnisé à hauteur de 4000€.
– Préjudice d’agrément 8000€
Ce poste de dommage vise exclusivement l’impossibilité ou la difficulté pour la victime à poursuivre la pratique d’une activité spécifique sportive ou de loisir.
[C] [N] justifie ne plus pouvoir pratiquer certaines activités sportives auxquelles elle s’adonnait régulièrement avant l’accident, à savoir l’équitation dont il est établit que c’est à l’occasion de la pratique de cette activité depuis plusieurs mois, qu’elle a été victime d’une chute, et de la gêne pour la danse, ce qui justifie l’octroi d’une indemnité de 8000€, ce montant prenant en compte d’une part son jeune âge mais aussi la possibilité pour elle de s’orienter vers d’autres activités sportives adaptées à ses séquelles.
Le préjudice corporel global subi par [C] [N] s’établit ainsi à la somme de 367.801,13€ soit, après imputation des débours de la CPAM (79’313,24€), une somme de 288.487,89€, dont il convient de déduire le montant versé par la société Generali à hauteur de 3300€, soit une somme de 285.187,89€ lui revenant qui, en application de l’article 1231-7 du code civil, porte intérêts au taux légal à compter du prononcé du prononcé du présent arrêt soit le 24 novembre 2022.
Sur l’indemnisation des victimes indirectes
L’histoire de la prise en charge des blessures dont [C] [N] a été victime alors qu’elle n’avait que neuf ans, démontre que son entourage, et plus précisément ses père et mère ont été confrontés à des complications et à plusieurs interventions chirurgicales que leur fille a dû subir, ce qui a sans contestation possible générer un préjudice moral et d’affection qui justifie pour chacun l’octroi d’une somme de 3.000€. Sa soeur [E] [N] de dix ans l’aînée de [C] a également subi ce préjudice, ce qui conduit à lui allouer une somme de 1000€.
Sur le défaut d’information
Cette demande est devenue sans objet en l’état de l’indemnisation des préjudices subis par [C] [N] selon les règles du droit commun et alors que les consorts [N] ne démontrent pas qu’une garantie contractuelle collective aurait conduit à une meilleure indemnisation.
Sur les demandes de la CPAM
Les sommes allouées par le jugement à la CPAM au titre de ses débours pour 79.313,24€, de l’indemnité forfaitaire de gestion pour 1066€ sont confirmées.
Sur la rectification de l’omission de statuer
En application de l’article 462 du code de procédure civile les erreurs et omissions matérielles qui affectent une décision même passée en force de chose jugée, peuvent toujours être réparée par la juridiction qui l’a rendue.
En vertu de l’article 463 du code de procédure civile, la juridiction qui a omis de statuer sur un chef de demande peut également compléter la décision sans porter atteinte à la chose jugée quant aux autres chefs, sauf à rétablir s’il y a lieu, le véritable exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.
La lecture du jugement révèle que le premier juge, qui dans ses motivations a alloué la somme de 3000€ à chacun des père et mère de [C] [N] et 1000€ à sa soeur [E] [N], a omis en son dispositif d’en reprendre la condamnation à paiement. Il convient de rectifier cette omission de statuer.
Sur les demandes annexes
Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles alloués à la CPAM et à la victime sont confirmées.
La société Groupama, et l’ EARL Haras [Adresse 11] qui succombent partiellement dans leurs prétentions et qui sont tenues à indemnisation supporteront la charge des entiers dépens d’appel. L’équité ne commande pas de leur allouer une somme au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
L’équité justifie d’allouer à la CPAM la somme de 800€ et à la société Generali celle de 1000€ au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.
En revanche, elle ne justifie pas d’allouer aux consorts [N] une indemnité sollicitée sur le même fondement.
Par ces motifs
La Cour,
– Rectifie le dispositif du jugement ;
– Dit qu’il convient d’ajouter au dispositif du jugement rendu le 8 décembre 2021 par le tribunal judiciaire de Draguignan le paragraphe suivant :
‘Condamne in solidum la société Groupama, et l’ EARL Haras [Adresse 11] à payer à M. [N] et à Mme [N] et à chacun la somme de 3000€ et à [E] [N] celle de 1000 € en réparation de leur préjudice d’affection ;’
– Confirme le jugement,
hormis sur le montant de l’indemnisation de la victime et les sommes lui revenant,
Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,
– Fixe le préjudice corporel global de [C] [N] à la somme de 367.801,13€ ;
– Dit que l’indemnité revenant à cette victime s’établit à 285.187,89€ ;
– Condamne in solidum la société Groupama, et l’ EARL Haras [Adresse 11] à payer à M. [F] [N] et Mme [S] [B] épouse [N] en leurs qualités de représentants légaux de [C] [N] la somme de 285.187,89€, sauf à déduire les provisions versées, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du prononcé du présent arrêt soit le 24 novembre 2022 ;
– Condamne in solidum la société Groupama, et l’ EARL Haras [Adresse 11] à payer à la CPAM la somme de 800€ par application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel ;
– Condamne in solidum la société Groupama, et l’ EARL Haras [Adresse 11] à payer à la société Generali la somme de 1000€ par application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel ;
– Déboute la société Groupama et l’ EARL Haras [Adresse 11] d’une part et M. [F] [N], Mme [S] [B] épouse [N] en leurs qualités de représentants légaux de [C] [N], et à titre personnel et Mme [E] [N] d’autre part de leurs demandes au titre de leurs propres frais irrépétibles exposés en appel ;
– Condamne in solidum la société Groupama, et l’ EARL [Adresse 11] aux entiers dépens d’appel et accorde aux avocats qui en ont fait la demande, le bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile.
Le greffier Le président