13 avril 2023 Cour d’appel de Caen RG n° 22/00015

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13 avril 2023 Cour d’appel de Caen RG n° 22/00015

AFFAIRE : N° RG 22/00015

N° Portalis DBVC-V-B7G-G4ZZ

 Code Aff. :

ARRET N°

C.P

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de COUTANCES en date du 09 Décembre 2021 RG n° 19/00035

COUR D’APPEL DE CAEN

1ère chambre sociale

ARRÊT DU 13 AVRIL 2023

APPELANT :

Monsieur [Y] [I]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Laetitia CANTOIS, avocat au barreau de CAEN

INTIMEE :

S.C.E.A. LEVALLOIS RICHARD prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Antoine DE BREK, avocat au barreau de CAEN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme DELAHAYE, Présidente de Chambre,

Mme PONCET, Conseiller, rédacteur

Mme VINOT, Conseiller,

DÉBATS : A l’audience publique du 09 février 2023

GREFFIER : Mme ALAIN

ARRÊT prononcé publiquement contradictoirement le 13 avril 2023 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme DELAHAYE, présidente, et Mme GOULARD, greffier

FAITS ET PROCÉDURE

Selon le contrat écrit signé à cette date, la SCEA Richard Levallois a embauché M. [Y] [I] à compter du 1er février 2019 en qualité de cavalier soigneur. Le contrat prévoyait une période d’essai de deux mois, renouvelable une fois.

Les parties s’accordent pour considérer que le contrat a été rompu le 26 ou 27 mars 2019, chacune attribuant à l’autre l’initiative de cette rupture.

Le 11 juin 2019, M. [I] a saisi le conseil de prud’hommes de Coutances. Faisant valoir que son contrat avait en fait débuté le 7 janvier 2019, il a demandé un rappel de salaire pour le mois de janvier. Il a en outre réclamé un rappel de salaire pour heures supplémentaires, le remboursement de frais professionnels, une indemnité compensatrice de préavis, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour préjudice distinct.

Par jugement du 9 décembre 2021, le conseil de prud’hommes a débouté M. [I] de ses demandes.

M. [I] a interjeté appel du jugement.

Vu le jugement rendu le 9 décembre 2021 par le conseil de prud’hommes de Coutances

Vu les dernières conclusions de M. [I], appelant, communiquées et déposées le 17 janvier 2023, tendant à voir le jugement réformé et à voir la SCEA Richard Levallois condamnée à lui verser des rappels de salaire : 1 379,53€ pour le mois de janvier 2019 outre 207,95€ au titre des congés payés afférents, 1 614,84€ (outre les congés payés afférents) au titre des heures supplémentaires, des remboursements de frais (594€ de frais kilométriques, 219,20€ pour des frais d’hôtel, 80€ pour la licence compétition amateur, 3 470€ d’équipement de travail), 10 413,12€ d’indemnité pour travail dissimulé, 527,48€ d’indemnité compensatrice de préavis, 6 000€ de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 1 738,52€ de dommages et intérêts pour irrégularité de procédure, 1 738,52€ de dommages et intérêts pour préjudice distinct, 1 000€ de dommages et intérêts pour retard dans la délivrance des documents de fin de contrat, 2 500€ en application de l’article 700 du code de procédure civile, tendant à voir la société condamnée à lui remettre, sous astreinte, un bulletin de paie récapitulatif, une attestation Pôle Emploi, un solde de tout compte et un certificat de travail rectifiés

Vu les dernières conclusions de la SCEA Richard Levallois intimée communiquées et déposées le 15 juin 2022, tendant à voir le jugement confirmé et y ajoutant, voir M. [I] condamné à lui verser 2 000€ de dommages et intérêts pour procédure abusive et 4 000€ en application de l’article 700 du code de procédure civile

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 18 janvier 2023

MOTIFS DE LA DÉCISION

1) Sur l’exécution du contrat de travail

1-1) Sur le mois de janvier 2019

M. [I] soutient avoir commencé à travailler le 7 janvier 2019, ce que conteste la SCEA Richard Levallois.

Pour en justifier, il produit des échanges de SMS avec M. [V] qu’il présente comme ‘gérant salarié’ ou ‘gérant de fait’ de la SCEA Richard Levallois et une attestation établie par ce dernier.

Toutefois, M. [V], gérant d’une EARL écurie [G] [V] n’était ni gérant ni salarié de la SCEA Richard Levallois comme en attestent les documents produits par la SCEA Richard Levallois (Kbis de la société et attestation de la société gestionnaire de paie pour la SCEA Richard Levallois) et y a seulement travaillé comme cavalier indépendant.

M. [I] fait valoir qu’il aurait néanmoins agi comme gérant de fait et, à ce titre, lui aurait délivré une attestation et donné des directives.

Les directives dont fait état M. [I] découleraient des SMS qu’il a reçus de M. [V]. Certains de ces SMS peuvent effectivement s’analyser en des directives (demande de venir pour que son niveau d’équitation soit apprécié, mettre au marcheur les chevaux…), toutefois, rien ne permet de les rattacher à l’activité de la SCEA Richard Levallois. En effet, la société fait remarquer que M. [V], dans l’un des premiers messages, fait référence à l’un de ses amis, M. [P], à la recherche d’un cavalier soigneur et évoque, dans un autre message, les chevaux de M. [N] qu’elle n’entraîne pas.

L’attestation visée, établie de manière manuscrite à en-tête de M. [V] avec l’adresse de son écurie, est ainsi rédigée : ‘Je soussigné, [G] [V], gérant du haras de [Localité 4], bien(‘) embaucher [Y] [I] au sein de ma structure comme salarié en cdi. Bien cordialement’. Elle est datée du 16 janvier 2019 et signée par M. [V]. Cette attestation a été établie à la demande de M. [I] qui, le 15 janvier, lui avait écrit : ‘est-ce que vous pouvez me faire une attestation comme quoi je travaille au haras de [Localité 4] demain SVP’ C’est pour le logement, le propriétaire en réclame une…’.

Dans cet écrit, M. [V] se présente, à tort, comme le gérant d’un haras en fait géré par la SCEA Richard Levallois. Toutefois, cette attestation inexacte n’est pas de nature à établir l’existence d’un contrat de travail à compter du 16 janvier avec la SCEA Richard Levallois puisque M. [I] n’apporte aucun élément établissant que M. [V] aurait agi comme le gérant de fait de la SCEA Richard Levallois.

La SCEA Richard Levallois produit en outre les attestations de quatre personnes, trois salariés de la SCEA Richard Levallois collègues de M. [I] et de M. [V] indiquant qu’il a commencé à travailler au haras de [Localité 4] le 1er février 2019.

En conséquence, les éléments produits par le salarié sont insuffisants pour établir qu’il aurait été employé à compter du 7 ou du 16 janvier 2019. Il sera donc débouté de sa demande de rappel de salaire pour le mois de janvier 2019.

1-2) Sur les heures supplémentaires

En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle de heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

M. [I] produit, pour les mois de février et mars 2019, des tableaux mentionnant ses horaires de travail. Cet élément précis permet à la SCEA Richard Levallois de répondre en produisant ses propres éléments.

En réponse, la SCEA Richard Levallois produit, pour ces deux mois, un relevé hebdomadaire des heures travaillées, portant la signature (contestée) de M. [I] pour février, et non signé par le salarié pour mars, mentionnant 39H travaillées chaque semaine. Elle verse également aux débats les attestations de trois salariés collègues de M. [I] et de M. [V] indiquant qu’il travaillait 39H par semaine ‘et pas plus’. L’un des salariés, M. [X] précise : ‘nous avons tous pu constater que ce garçon faisait toujours en sorte de partir très vite quitte à laisser le travail aux autres…’

Même en considérant que M. [I] n’a pas signé le relevé d’heures de février, les attestations versées aux débats par la SCEA Richard Levallois émanant d’autres salariés de l’entreprise à même de constater le temps de travail de leur collègue suffisent à contredire les horaires avancés par M. [I], horaires que n’étaye aucun autre élément.

M. [I] sera en conséquence débouté de sa demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires.

1-3) Sur les frais

‘ Frais d’hôtel

M. [I] demande le remboursement des frais d’hôtel engagés en janvier 2019.

Il sera débouté de cette demande, d’une part parce qu’il n’a pas été retenu qu’il était alors salarié de la SCEA Richard Levallois, d’autre part, parce que, en toute hypothèse, un employeur n’est pas tenu, sauf circonstances particulières, de défrayer son salarié pour ses dépenses de logement ou d’hébergement.

‘ Licence compétition amateur

M. [I] produit un formulaire destiné à obtenir cette licence. Il n’est toutefois pas établi qu’il a effectivement déposé ce formulaire, obtenu cette licence ni payé pour ce faire le prix de 80€ dont il demande le remboursement. Il sera donc débouté de cette demande.

‘ Matériel de travail

M. [I] justifie avoir acheté, le 22 février 2019, une selle pour un montant de 3 470€ dont ont été déduits 2 100€ au titre de la reprise de son ancienne selle. Dans la mesure où il a conservé cette selle après son départ de l’entreprise, il ne pourrait réclamer que la différence (soit 1 470€) correspondant au surcoût occasionné par cet achat.

Toutefois, s’il indique que cet achat a été demandé par l’employeur (ce que ce dernier conteste), il n’en justifie pas et n’établit pas non plus, alors que ce point est également contesté par la SCEA Richard Levallois, qu’il devait utiliser son propre matériel pour travailler et ne pouvait pas utiliser les selles qui étaient, selon la société, à sa disposition.

En conséquence, il sera débouté de sa demande à ce titre.

‘ Déplacements professionnels

M. [I] indique avoir dû se rendre, chaque jour, soit 50 fois au cours de la relation de travail, à 9km du siège de l’entreprise pour monter certains chevaux accueillis dans des boxes à la Rougerie et réclame donc le remboursement des frais engagés, sur la base de 0,66€/km.

La SCEA Richard Levallois soutient, quant à elle, qu’il a uniquement travaillé à l’écurie de [Adresse 5] et n’a pas eu à se déplacer.

M. [I] à qui incombe cette preuve en’établissant pas avoir dû se déplacer dans le cadre de son travail pour la SCEA Richard Levallois sera débouté de cette demande .

2) Sur la rupture du contrat de travail

Le contrat de travail conclu entre les parties prévoit une période d’essai de deux mois. Cette période d’essai expirait le 31 mars 2019.

Au moment où le contrat a été rompu, le 26 ou 27 mars selon les parties, cette période d’essai était toujours en cours.

À supposer que le contrat ait été rompu à l’initiative de la SCEA Richard Levallois, comme le soutient M. [I] il ne pourrait pas, en toute hypothèse, obtenir de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse mais pourrait seulement prétendre, le cas échéant, à une indemnité compensatrice pour non respect du délai de prévenance.

M. [I] indique avoir été ‘licencié’ verbalement le 27 mars. Il n’apporte aucun élément en justifiant.

La SCEA Richard Levallois soutient, quant à elle, que c’est M. [I] qui est parti le 26 mars et que le contrat a ainsi été rompu à son initiative. Elle produit plusieurs attestations en ce sens.

Mme [T], salariée, indique que, le 26 mars, M. [I] s’est énervé, a déclaré que les conditions de travail ne lui convenaient pas, a décidé de quitter l’entreprise sur le champ et ‘à cet effet (…) a donné sa démission oralement à M. [W] [X]’.

M. [X] écrit que, très énervé ,M. [I] a décidé de quitter l’écurie sur un coup de tête à 9H le 26 mars avant la fin de sa période d’essai.

M. [J] écrit qu’il est parti le 26 mars après une altercation verbale avec M. [X]

M. [V] écrit que le 26 mars, il n’a pas supporté les reproches faits par M. [X], s’est mis en colère et est parti sur le champ.

M. [I] a donc abandonné son poste le 26 mars et il est constant qu’il ne l’a jamais repris. Le 1er avril 2019, il a écrit à son employeur pour lui demander le paiement des sommes lui restant dues, l’envoi des ‘documents’ et a demandé quand il pourrait venir récupérer le matériel laissé sur place. Ce courrier établit qu’il considérait bien le contrat comme rompu.

Étant à l’initiative d’une rupture immédiate de la période d’essai, il n’est pas fondé à obtenir paiement d’une indemnité compensatrice pour non respect du délai de prévenance ni de dommages et intérêts pour les conditions vexatoires de rupture du contrat de travail.

Il sera donc débouté de l’ensemble de ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail.

3) Sur le travail dissimulé

M. [I] a fondé sa demande d’indemnité à ce titre sur l’existence d’une période travaillée en janvier 2019 sans être déclarée et sur la réalisation d’heures supplémentaires non mentionnées sur les bulletins de paie.

La réalité de ces deux faits n’étant pas établie, M. [I] sera débouté de sa demande à ce titre.

4) Sur les points annexes

‘ M. [I] sollicite des dommages et intérêts pour retard dans la remise des documents de fin de contrat. Son employeur lui a toutefois adressé, le 3 avril 2019, un courrier recommandé l’informant qu’elle tenait à sa disposition, au bureau, ses documents de fin de contrat. Le salarié n’établit pas que son employeur, qui n’était pas tenu de lui envoyer ces documents, aurait omis, contrairement à ce qu’il indique dans cette lettre, de tenir ces documents à disposition. Il sera donc débouté de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

Il sera également débouté de sa demande tendant à obtenir la remise de documents de fin de contrat rectifiés, le présent arrêt n’induisant aucune rectification à opérer.

‘ Agir en justice constitue un droit qui ne dégénère en abus qu’en cas de mauvaise foi ou d’erreur équipollente au dol, non établies en l’espèce. La SCEA Richard Levallois sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

Il n’apparaît pas inéquitable de laisser à sa charge ses frais irrépétibles.

DÉCISION

PAR CES MOTIFS, LA COUR,

– Confirme le jugement

– Y ajoutant

– Déboute la SCEA Richard Levallois de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et de sa demande en application de l’article 700 du code de procédure civile

– Condamne M. [I] aux entiers dépens d’appel

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

E. GOULARD L. DELAHAYE

 


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