Sous-traitance : 18 mai 2022 Cour d’appel de Reims RG n° 21/00498

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Sous-traitance : 18 mai 2022 Cour d’appel de Reims RG n° 21/00498
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Arrêt n°

du 18/05/2022

N° RG 21/00498

MLB/FJ

Formule exécutoire le :

à :

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 18 mai 2022

APPELANTE :

d’un jugement rendu le 10 février 2021 par le Conseil de Prud’hommes de REIMS, section Encadrement (n° F 20/00171)

SARL [I]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par la SELARL PELLETIER ASSOCIES, avocats au barreau de REIMS

INTIMÉ :

Monsieur [Z] [G]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par la SCP DUPUIS LACOURT MIGNE, avocats au barreau des ARDENNES

DÉBATS :

En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 mars 2022, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller, et Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller, chargés du rapport, qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 18 mai 2022.

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Madame Christine ROBERT-WARNET, président

Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller

Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller

GREFFIER lors des débats :

Monsieur Francis JOLLY, greffier

ARRÊT :

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Christine ROBERT-WARNET, président, et Monsieur Francis JOLLY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 10 février 2014, l’EURL [I] a embauché Monsieur [Z] [G] en qualité de responsable des opérations à compter du 22 février 2014, avec une reprise d’ancienneté au 19 août 2013.

Il est indiqué que la durée de travail de Monsieur [Z] [G] est de 218 jours travaillés par an.

La convention collective applicable est celle des bureaux d’études techniques.

La SARL [I] et Monsieur [Z] [G] ont signé le 15 février 2017 un avenant au contrat de travail aux termes duquel il était notamment prévu que Monsieur [Z] [G] exerce la fonction de directeur de site responsable des opérations, la convention collective applicable étant celle de la métallurgie de la Marne.

À compter de la signature d’un nouvel avenant le 1er octobre 2017, Monsieur [Z] [G] assurait désormais la fonction de directeur général adjoint.

Le 24 juillet 2018, la SARL [I] convoquait Monsieur [Z] [G] à un entretien préalable à une sanction pouvant aller jusqu’au licenciement et le dispensait de travail à compter de son retour de congé, soit le 1er août 2018, pendant la durée de la procédure.

Le 7 août 2018, la SARL [I] notifiait à Monsieur [Z] [G] son licenciement pour insuffisance professionnelle.

Contestant notamment le bien-fondé de son licenciement, le 5 mars 2020, Monsieur [Z] [G] a saisi le conseil de prud’hommes de Reims de différentes demandes.

Par jugement en date du 10 février 2021, le conseil de prud’hommes a :

– dit qu’il n’y a pas de harcèlement moral,

– dit et jugé que le licenciement de Monsieur [Z] [G] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

en conséquence,

– condamné la SARL [I] à payer à Monsieur [Z] [G] les sommes de :

. 42000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

. 9551,10 euros au titre de la part variable annuelle,

. 955,11 euros au titre des congés payés sur part variable,

. 5500,90 euros au titre de rappel d’heures supplémentaires,

. 550,09 euros au titre des congés payés afférents,

. 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la SARL [I] à rembourser aux organismes intéressés tout ou partie des indemnités de chômage versées à Monsieur [Z] [G], du jour de son licenciement au jour de la décision, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage, selon les dispositions de l’article L. 1235’4 du code du travail,

– débouté les parties de leurs demandes plus amples contraires,

– condamné la SARL [I] aux dépens.

Le 15 mars 2021, la SARL [I] a formé une déclaration d’appel.

Elle a conclu le 15 février 2022.

Dans ses écritures en date du 17 février 2022, Monsieur [Z] [G] demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il a dit qu’il n’y a pas de harcèlement moral et en ce qu’il a condamné la SARL [I] à lui payer les sommes de :

. 42000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

. 9551,10 euros au titre de la part variable annuelle,

. 955,11 euros au titre des congés payés sur part variable,

. 5500,90 euros au titre de rappel d’heures supplémentaires,

. 550,09 euros au titre des congés payés afférents,

et, statuant à nouveau, de :

– dire et juger dépourvu de cause réelle et sérieuse son licenciement,

– dire et juger la SARL [I] coupable de harcèlement moral à son égard,

– dire et juger que la SARL [I] a violé les dispositions de l’avenant du 1er avril 2014 à l’accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail, dans la convention collective des bureaux d’études cabinet d’ingénieur-conseil et société de conseil,

en conséquence,

– condamner la SARL [I] à lui payer les sommes de :

. 60000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 11200 euros au titre du complément de salaire,

. 1120 euros au titre des congés payés y afférents,

. à titre principal, au titre du paiement des heures supplémentaires accomplies jusqu’au 15 février 2017, la somme de 19196 euros outre les congés payés y afférents, et au titre des heures supplémentaires accomplies depuis le 1er mars 2017, la somme de 25097,66 euros outre les congés payés y afférents,

. à titre subsidiaire, la somme de 19000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation des dispositions de l’avenant du 1er avril 2014 à la convention collective des bureaux d’études,

. 10000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

. 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La SARL [I] a de nouveau conclu le 18 février 2022 à 16 h 49.

Dans des écritures en date du 22 février 2022, Monsieur [Z] [G] demande à la cour de rejeter et dire irrecevables les conclusions et pièces que la SARL [I] lui a signifiées le 18 février 2022.

Dans des écritures en date du 23 février 2022, la SARL [I] demande à la cour de rejeter purement et simplement la demande de rejet et d’irrecevabilité de ses conclusions et pièces signifiées le 18 février 2022.

Motifs :

– Sur le rejet des conclusions et pièces signifiées le 18 février 2022 par la SARL [I] :

Monsieur [Z] [G] a répondu le 17 février 2022, au 3ème jeu d’écritures de la SARL [I] qui avait conclu le 15 février 2022, alors même qu’il avait conclu depuis le 3 février 2022.

En concluant le vendredi 18 février 2022 à 16 h 39 et en produisant 5 nouvelles pièces en vue notamment d’établir que Monsieur [Z] [G] exerçait le rôle de RH, alors que la clôture était fixée le lundi 21 février 2022 à 13 h 30, la SARL [I] a placé Monsieur [Z] [G] dans l’impossibilité de répondre à ses écritures et de discuter les pièces, ce qui porte atteinte au principe de la contradiction.

Dans ces conditions, la cour écarte le jeu d’écritures n°4 et les pièces 199 à 203 de la SARL [I].

Au vu de ses écritures en date du 15 février 2022, la SARL [I] demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il a déclaré le licenciement de Monsieur [Z] [G] dépourvu de cause réelle et sérieuse, du chef des condamnations prononcées à son encontre au profit de Monsieur [Z] [G], et du chef de sa condamnation envers les organismes intéressés au titre des indemnités de chômage et aux dépens.

Elle demande à la cour statuant à nouveau, de débouter Monsieur [Z] [G] de ses demandes, et de confirmer le jugement pour le surplus.

À titre subsidiaire, elle lui demande de :

– limiter à 15000 euros le montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– limiter à 1 euro sa condamnation à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées à Monsieur [Z] [G] du jour de son licenciement au jour de la décision dans la limite de six mois d’indemnité de chômage,

– condamner Monsieur [Z] [G] à lui payer la somme de 5000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d’appel,

– condamner Monsieur [Z] [G] aux dépens de première instance et d’appel.

– Sur la nature du licenciement :

Monsieur [Z] [G] soutient que sous couvert d’une insuffisance professionnelle, la SARL [I] lui reproche en réalité des manquements à ses obligations, qu’il s’agit d’un licenciement disciplinaire et que les manquemens qui lui sont reprochés sont prescrits comme étant anciens.

Il est sans effet sur la nature du licenciement que dans son courrier de convocation à entretien préalable, la SARL [I] ait dispensé Monsieur [Z] [G] de travail à compter de son retour de congés le 1er août 2018, tout en le rémunérant dans le cadre d’une mise à pied conservatoire, alors qu’une telle mesure ne constitue pas une sanction.

Il ressort des termes de la lettre de licenciement que les griefs formulés à l’encontre de Monsieur [Z] [G] sont relatifs à une incompétence. En effet, l’employeur écrit déplorer depuis plusieurs mois, un laisser-aller général et croissant de la part de Monsieur [Z] [G], caractérisé par un manque de management de l’équipe, un retard et un manque de rigueur dans les développements, tout comme dans les actions qualité, des retards réguliers dans la réalisation de ses tâches.

C’est à tort dans ces conditions que le conseil de prud’hommes a écarté des griefs comme étant prescrits.

– Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement :

Il convient à titre liminaire de rappeler qu’il suffit à l’employeur d’invoquer le grief d’insuffisance professionnelle, motif matériellement vérifiable, pour que la lettre soit dûment motivée, de sorte que c’est vainement que Monsieur [Z] [G] entend voir écarter les reproches qui lui sont faits au titre de faits non précisément visés dans la lettre de licenciement, pour autant que l’employeur en ait acquis la connaissance avant le licenciement. La SARL [I] n’est donc, dans ces conditions, pas fondée à vouloir reprocher la mauvaise analyse technique faite par Monsieur [Z] [G] relative au dessertissage des embouts de câble de commande en janvier-février 2018, alors que nonobstant les réparations alors préconisées par ce dernier et effectuées, de nouvelles difficultés sont apparues, donnant lieu au rappel de pièces sur 8000 produits. En effet, ces difficultés n’ont été portées à la connaissance de la SARL [I] que postérieurement à l’entretien préalable qui s’est tenu le 2 août 2018 à 9 heures (mail du 2 août à 10 h 20 de la société Secorda et mail du 6 août 2018 adressé à la société Indian Forest Sud) et il n’est pas mentionné dans la lettre de licenciement, la découverte de grief postérieur à l’entretien.

L’activité de la SARL [I] est de rechercher, créer, développer, promouvoir, faire sous-traiter et éventuellement gérer la sous-traitance, faire commercialiser via des réseaux existants des produits nouveaux, notamment dans le domaine du loisir et de la sécurité des personnes, de l’automobile, de l’électroménager ou tout autre domaine.

Dans ce cadre, la SARL [I] vend notamment des clic-it, constitués de longes et de mousquetons antichutes, principalement à des parcs accrobranches. Elle commercialise ainsi le clic-it 25 depuis le début de l’année 2017, appelé KV3 au stade du développement.

Dans le cadre de ses fonctions de directeur général adjoint, il est prévu dans le document annexé à son contrat de travail, qu’outre sa mission générale, Monsieur [Z] [G] a la responsabilité industrielle opérationnelle, la responsabilité des achats et approvisionnements, la responsabilité RH, la responsabilité administrative et services généraux du site et d’autres missions.

Dans le cadre de la responsabilité industrielle opérationnelle, il définit et met en place, manage en direct les moyens humains, matériels et les processus nécessaires pour assurer la fabrication, le contrôle, la formation technique, la maintenance, le support client, la logistique, les achats, l’administration, la gestion des ressources humaines et les développements produits, afin de répondre aux enjeux qualité, coût, délai de l’entreprise. Il assure une qualité irréprochable des produits, services et des développements et met en place un système qualité, en accord avec l’orientation donnée par le PDG.

Monsieur [Z] [G] a été évalué le 29 janvier 2018 sur l’année 2017, par Monsieur [R] [I], gérant de la SARL [I].

Au titre de la qualité, il est relevé des manques de contrôle réception dimensionnel en mai-juin sur le clic-it 25, une non-conformité sur la longueur de la sangle textile A11 non identifiée en contrôle réception qui a entraîné le déchaussement des cables créant un défaut sécurité majeur.

Au titre des objectifs pour l’année 2018, l’objectif qualité est ainsi défini : ‘déployer profondément la culture de la qualité (et sécurité) totale au sein de toute l’équipe. Faire grandir en compétence notamment [W] et [N] pour que chacun mette la qualité à la première place au quotidien. L’objectif est de traquer tout risque d’incident’. L’objectif qualité est ensuite précisé :1/Optimiser les processus et animer le déploiement par un management au quotidien et des réunions régulières. Tous les processus sont écrits, connus, tenus à jour et respectés. (…) 5/Plan d’éradication prioritaire des défauts sécurité avec pour objectif 0 défaut sécurité.

La SARL [I] a acheté en 2015 une machine Keyence (système de mesure dimensionnelle par imagerie) et a recruté un contrôleur qualité, en la personne de Monsieur [E] [V], le 6 février 2017.

De nombreux griefs sont formulés à l’endroit de Monsieur [Z] [G] aux termes de la lettre de licenciement.

Au titre du manque de rigueur dans les actions qualité, il est notamment reproché à Monsieur [Z] [G] une absence totale de contrôle dimensionnel lors de la réception de la plupart des composants (carter, foncet, barillet, bascule, ressorts) du clic-it 25.

La SARL [I] établit qu’un tel contrôle a été mis en place en septembre 2018 (pièces n°50 et 81), soit postérieurement au licenciement de Monsieur [Z] [G] et alors que le produit était en production depuis février 2017.

Les pièces produites par Monsieur [Z] [G] ne sont pas de nature, contrairement à ce qu’il soutient, à faire la preuve qu’un tel contrôle existait déjà avant le mois de septembre 2018, alors qu’il ressort de sa pièce n°28 que le contrôle dimensionnel ne portait alors que sur les loquets et gachettes du KV3 et qu’il ressort de sa pièce n°29 que la procédure de contrôle qualité réception date du 17 octobre 2016 et ne porte pas sur les composants du KV3. C’est le 3 octobre 2018 qu’une procédure contrôle qualité réception, portant notamment sur l’ensemble des composants du KV3, a d’ailleurs été élaborée.

C’est dans ces conditions que plusieurs barillets étaient retournés par les clients à la fin du mois de juillet 2018 (pièces n°106, 108 et 109 de la SARL [I]) sans lien avec des défauts de formation des clients dans l’utilisation des produits, comme le soutient Monsieur [Z] [G], mais résultant de problèmes de non-conformité et en particulier de barillets trop usinés (pièce n°51 de la SARL [I]).

La SARL [I] souligne ainsi qu’aucun contrôle dimensionnel n’est intervenu sur certains composants, alors que 8000 clic-it avaient été livrés dans de nombreux pays.

La SARL [I] reproche encore à Monsieur [Z] [G] des défaillances en termes de management et en particulier un retard important dans la mise à jour d’une fiche de poste et l’absence de formalisation des procédures de développement.

Ainsi, le contrôleur qualité embauché depuis le début de l’année 2017 n’avait pas de fiche de poste et elle sera établie le 24 octobre 2018. A ce titre, il doit être rappelé qu’il devait contrôler et réceptionner les matières premières et les produits sous-traités.

De nombreuses fiches et formalisation de procédure seront mises à jour après le départ de Monsieur [Z] [G] (fiche procédure contrôle qualité réception créée en octobre 2016, mise à jour en octobre-novembre 2018, fiche gestion des non-conformités production créée le 7 juin 2014, mise à jour le 8 novembre 2018) ou créées après son départ (structure développement clic-it, gestion des non-conformités clients, gestion des non-conformités fournisseurs, gestion des plans applicables).

L’ensemble de ces griefs caractérise l’insuffisance professionnelle de Monsieur [Z] [G] constituant une cause réelle et sérieuse de licenciement, de sorte qu’il n’est pas nécessaire d’examiner les autres reproches formés par la SARL [I].

En effet, lors de l’entretien d’évaluation, l’attention de Monsieur [Z] [G] avait été particulièrement attirée sur l’objectif de sécurité, lequel requérait la mise en place de contrôles qualité et de procédures à formaliser.

Il lui avait aussi été précisé que l’accent devait être mis sur le contrôle dimensionnel, ce qu’il n’a fait que très partiellement entre janvier et juillet 2018 pour les composants du clic-it 25, alors qu’il disposait des moyens à ce titre, notamment en terme d’équipement -machine Keyence- et de salarié -contrôleur qualité-.

L’insuffisance professionnelle de Monsieur [Z] [G] a perturbé la bonne marche de l’entreprise en ce que le contrôleur qualité n’a pas pris la pleine mesure de son poste notamment au titre du contrôle géométrique des pièces. Par ailleurs, l’absence de contrôle dimensionnel de certains composants a été à l’origine de retours de pièces et l’absence de procédures formalisées, notamment en matière de structure développement, a été à l’origine de difficultés techniques dans le dossier des poulies C-ZIP livrées au client Aquarock -absence de cotation fonctionnelle des produits et validation du plan ‘bon pour fabrication’ par un ingénieur alors peu expérimenté- (pièces n°67 et 68 de la SARL [I]). De telles difficultés ont par ailleurs généré le mécontentement de clients dans un domaine -les parcs accrobranches- où la sécurité est un sujet très sensible et mobilisé les équipes de la SARL [I] pour se consacrer aux analyses techniques en urgence au lieu de se consacrer au ‘développement du business’, comme celle-ci le fait valoir à juste titre.

Le licenciement de Monsieur [Z] [G] repose donc sur une cause réelle et sérieuse et le jugement doit être infirmé en ce sens.

Par voie de conséquence, le jugement doit être infirmé en ce qu’il a condamné la SARL [I] à payer à Monsieur [Z] [G] des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, celui-ci devant être débouté de sa demande à ce titre.

– Sur les heures supplémentaires :

Les premiers juges ont accueilli partiellement la demande de Monsieur [Z] [G] au titre des heures supplémentaires du 10 juillet au 10 octobre 2017.

Monsieur [Z] [G] demande à la cour de porter la condamnation de la SARL [I] au titre des heures supplémentaires à la somme de 19196 euros du 1er décembre 2015 au 15 février 2017 et à celle de 25097,66 euros du 1er mars 2017 au 7 août 2018, outre les congés payés y afférents, tandis que la SARL [I] conclut au rejet d’une telle demande.

Monsieur [Z] [G] fait exactement valoir que la convention de forfait sur la première période en cause est nulle en ce que les dispositions de l’avenant du 1er avril 2014 à l’accord du 22 juin 1999 n’ont pas été respectées, et que sur la deuxième période, elle est privée d’effet en l’absence de contrôle de la charge de travail et de l’amplitude du travail.

En toute hypothèse, la SARL [I] ne conteste pas qu’aucune convention de forfait n’était applicable dans la relation contractuelle qui la liait à Monsieur [Z] [G], dès lors qu’elle conteste tout au plus l’accomplissement par Monsieur [Z] [G] d’heures supplémentaires.

C’est donc la durée légale du travail qui est applicable à la relation de travail entre Monsieur [Z] [G] et la SARL [I], et toute heure effectuée au-delà de 35 heures constitue une heure supplémentaire.

S’il résulte des dispositions de l’article L.3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties et que si l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de présenter des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Monsieur [Z] [G] indique qu’il travaillait au minimum 45 heures par semaine.

Il produit des attestations de salariés : Monsieur [N] [K], responsable gestion de production, écrit que les horaires de travail de Monsieur [Z] [G] dépassaient les 45 heures par semaine, Monsieur [E] [V] [T], opérateur qualité indiquant qu’il ‘n’hésitait pas à travailler tard le soir, que ce soit au bureau ou même à domicile’.

Monsieur [Z] [G] satisfait donc au vu de ces éléments à la preuve qui lui incombe et il appartient dès lors à la SARL [I] d’y répondre utilement ce qu’elle ne fait pas. Elle lui oppose tout au plus, et vainement, qu’il n’a pas réclamé d’heures supplémentaires à l’issue de leur entretien du 13 juillet 2017, dans son mail du 18 juillet 2017, ou à l’occasion des envois à KPMG chaque mois des éléments nécessaires à l’établissement des bulletins de paie pour tous les salariés de la SARL [I], alors même qu’il mentionnait des heures supplémentaires effectuées par certains de ses collègues. En effet, Monsieur [Z] [G] n’avait pas à agir de la sorte au regard de la durée de son travail décomptée en jours.

Au vu de ces éléments et sur la base de 10 heures supplémentaires par semaine, la cour évalue le rappel de salaires :

– du 1er décembre 2015 au 15 février 2017 à la somme de 19196 euros, outre les congés payés y afférents,

– du 1er mars 2017 au 1er août 2018 à la somme de 23070,88 euros, outre les congés payés y afférents,

que la SARL [I] doit être condamnée à payer à Monsieur [Z] [G].

Le jugement doit être infirmé en ce sens.

– Sur le harcèlement moral :

Monsieur [Z] [G] a été débouté en première instance de sa demande de dommages-intérêts au titre d’un harcèlement moral, reprenant cette demande à hauteur d’appel, tandis que la SARL [I] conteste tout fait de harcèlement moral.

En application des articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L.1152-2 du code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Monsieur [Z] [G] prétend avoir subi des pressions, des manoeuvres de déstabilisation et de la suspicion de la part du gérant de la SARL [I], au travers tout au plus de 3 faits.

S’il est exact que le gérant de la SARL [I] a appelé Monsieur [Z] [G] via Skype le 6 février 2018, trois fois à quelques minutes d’écart, de tels appels s’inscrivaient dans un contexte où il tentait de joindre, en vain, le bureau pour effectuer un changement de vol.

Le gérant de la SARL [I] a refusé à Monsieur [Z] [G] une demi-journée de congé pour se rendre aux obsèques de sa grand-mère en avril 2017, au retour de ses congés.

Le 13 juillet 2018, lors de la journée d’équipe, Monsieur [Z] [G] n’a pas été convié par Monsieur [R] [I], comme les autres salariés, à partager l’apéritif durant son discours.

Monsieur [Z] [G] produit encore un courrier d’un médecin généraliste qui écrit tout au plus que celui-ci lui a déclaré le 28 mars 2018 présenter des troubles du sommeil et une baisse de l’humeur.

Les deux faits d’avril 2017 et de juillet 2018, isolés et espacés dans le temps, et une simple déclaration de Monsieur [Z] [G] à un médecin, pris dans leur ensemble, ne laissent pas présumer des agissements de harcèlement moral.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu’il a débouté Monsieur [Z] [G] de sa demande à ce titre.

– Sur le rappel de salaire au titre de la rémunération variable :

Les premiers juges ont condamné la SARL [I] à payer à Monsieur [Z] [G] la somme de 9551,10 euros, outre les congés payés y afférents, au titre de la part variable annuelle de rémunération au prorata du temps passé au sein de la SARL [I] au titre de l’année 2018.

Monsieur [Z] [G] demande à la cour de condamner la SARL [I] à lui payer la somme de 11200 euros, outre les congés payés y afférents, correspondant à l’intégralité de la prime telle que reprise au titre des objectifs fixés dans son entretien d’évaluation du 29 janvier 2018.

La SARL [I] conclut à raison à l’infirmation d’une telle disposition et au rejet de la demande de Monsieur [Z] [G] à ce titre.

En effet, Monsieur [Z] [G] ne peut prétendre au paiement de la part variable de sa rémunération dans son intégralité, que s’il est établi qu’il avait rempli à la date de son licenciement les objectifs qui lui avaient été fixés.

Or, la SARL [I] a procédé dans le cadre de la procédure d’appel à son évaluation en page 63 de ses écritures, retenant que les objectifs fixés n’ont pas été atteints, sans que celui-ci ne la discute.

Au vu de cette évaluation et alors même que Monsieur [Z] [G] a été licencié pour insuffisance professionnelle, c’est à tort que les premiers juges ont accueilli Monsieur [Z] [G] en sa demande, même partiellement.

Dans ces conditions, Monsieur [Z] [G] doit être débouté de sa demande à ce titre et le jugement doit être infirmé en ce sens.

********

Dès lors qu’il a été retenu que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, le jugement doit être infirmé du chef de la condamnation prononcée à l’encontre de la SARL [I] sur le fondement de l’article L.1235-4 du code du travail.

Le jugement doit être confirmé du chef des dépens et de l’indemnité de procédure allouée à Monsieur [Z] [G].

La SARL [I] doit être condamnée aux dépens d’appel, déboutée de sa demande d’indemnité de procédure au titre des deux instances et condamnée en équité à payer à Monsieur [Z] [G] au titre de ses frais irrépétibles d’appel la somme de 1000 euros.

Par ces motifs :

La cour, statuant contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Déclare irrecevables les écritures n°4 de la SARL [I] en date du 18 février 2022 et les pièces n°199 à 203 ;

Infirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a débouté Monsieur [Z] [G] de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral, en ce qu’il a condamné la SARL [I] à payer à Monsieur [Z] [G] la somme de 2000 euros au titre de ses frais irrépétibles et en ce qu’il l’a condamnée aux dépens ;

Le confirme de ces chefs ;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant :

Dit que le licenciement de Monsieur [Z] [G] repose sur une cause réelle et sérieuse ;

Déboute Monsieur [Z] [G] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la SARL [I] à payer à Monsieur [Z] [G] les sommes de :

– 19 196 euros au titre des heures supplémentaires du 1er décembre 2015 au 15 février 2017 et 1 919,60 euros au titre des congés payés y afférents ;

– 23 070,88 euros au titre des heures supplémentaires du 1er mars 2017 au 1er août 2018 et 2 307,08 euros au titre des congés payés y afférents ;

Déboute Monsieur [Z] [G] de sa demande au titre de la part variable de rémunération et des congés payés y afférents ;

Dit que les conditions d’application de l’article L.1235-4 du code du travail ne sont pas réunies ;

Condamne la SARL [I] à payer à Monsieur [Z] [G] la somme de 1 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d’appel ;

Déboute la SARL [I] de sa demande d’indemnité de procédure au titre des deux instances ;

Condamne la SARL [I] aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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