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Grosses délivrées aux parties le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 15
ORDONNANCE DU 18 MAI 2022
(n°22 , 19 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 21/01648 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CC7VN
Décision déférée : Ordonnance rendue le 05 janvier 2021 (n°7/2021) par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de PARIS
Nature de la décision : Contradictoire
Nous, Elisabeth IENNE-BERTHELOT, Conseillère à la Cour d’appel de PARIS, déléguée par le Premier Président de ladite Cour pour exercer les attributions résultant de l’article L16B du Livre des procédures fiscales, modifié par l’article 164 de la loi n°2008-776 du 04 août 2008 ;
assistée de Véronique COUVET, greffier lors des débats et de la mise à disposition ;
Après avoir appelé à l’audience publique du 16 mars 2022 :
SOCIETE DAVIDSON SI S.A.S.
Prise en la personne de son Président en exercice
Immatriculée au RCS de Nanterre sous le n° 501 450 084
Élisant domicile au cabinet de Me Delphine RAVON
[Adresse 5]
[Localité 8]
Monsieur [V] [P]
né le [Date naissance 2] 1975 à [Localité 10]
Élisant domicile au cabinet de Me Delphine RAVON
[Adresse 5]
[Localité 8]
Monsieur [H] [D]
né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 12]
Élisant domicile au cabinet de Me Delphine RAVON
[Adresse 5]
[Localité 8]
représentés par Maître Delphine RAVON, avocat au barreau de PARIS, toque : C2263 et Maître Ève OBADIA, avocat au barreau de PARIS, toque : C 1371
APPELANTS
et
LA DIRECTION NATIONALE D’ENQUETES FISCALES
[Adresse 6]
[Localité 9]
Représentée par Me Jean DI FRANCESCO de la SCP URBINO ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0137
INTIMÉE
Et après avoir entendu publiquement, à notre audience du 16 mars 2022, les conseils des appelants et le conseil de l’intimée ;
Les débats ayant été clôturés avec l’indication que l’affaire était mise en délibéré au 18 Mai 2022 pour mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
Avons rendu l’ordonnance ci-après :
Le 5 janvier 2021 le juge des libertés et de la détention (ci-après JLD) du Tribunal Judiciaire (ci-après TJ) de PARIS a rendu, en application de l’article L. 16B du livre des procédures fiscales (ci-après LPF), une ordonnance (n°7/2021) à l’encontre de :
la SAS DAVIDSON SI, représentée par M [H] [D], dont le siège social est sis [Adresse 4], et qui a pour activité principale ‘ingénierie, études techniques’.
L’ordonnance autorisait des opérations de visite et saisie dans les lieux suivants:
-locaux et dépendances sis [Adresse 3], présumés être occupés par M. [H] [D] et/ou la SAS BSM INVEST et/ou la SAS NOA INVEST et/ou la SAS DANIEL INVEST et/ou le FONDS DE DOTATION ISABELLE [D] ;
-locaux et dépendances sis [Adresse 7], présumés être occupés par M. [V] [P].
L’autorisation de visite et saisie des lieux susmentionnés était délivrée aux motifs que la société SAS DAVIDSON SI serait présumée avoir réduit son imposition ou bénéficié d’une créance indue sur l’État en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles et/ou en passant ou faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est prescrite par le Code général des impôts (ci-après CGI).
Et ainsi serait présumée s’être soustraite et/ou se soustraire à l’établissement et au paiement des impôts sur les bénéfices et de la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA), en se livrant à des achats ou des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le Code général des impôts (articles 54 et 209-I pour l’IS et 244 quater B pour le crédit d’impôt pour dépenses de recherche).
L’ordonnance était accompagnée de 127 pièces annexées à la requête.
Il ressortait des éléments du dossier que le groupe DAVIDSON est un groupe international composé de 25 sociétés qui exerce une activité de consulting. Il met à disposition de ses clients ses propres salariés/consultants pour des missions.
Suite à une réorganisation en 2020, le groupe est maintenant animé par la société tête de groupe DAVIDSON NG et a pour actionnaires principaux M. [V] [P] et M. [H] [D].
Il serait également établi que la SAS DAVIDSON CONSULTING exercerait une activité de conseil en management et expertise technologique dans le domaine informatique pour laquelle elle disposerait de locaux à [Localité 11] (92) et à [Localité 13] (78).
Par ailleurs, cette société, signataire de contrats de prestations de services en matière de conseil, confierait à sa filiale, la SAS DAVIDSON SI, la réalisation des prestations et servirait d’interface entre les clients et sa filiale.
Dès lors, la SAS DAVIDSON SI facturerait des prestations à la SAS DAVIDSON CONSULTING qui elle-même facturerait les prestations au client final.
Il apparaîtrait que la SAS DAVIDSON Si, détenue à 100% par la SAS DAVIDSON PARIS, elle-même détenue par DAVIDSON CONSULTING, exercerait une activité dans le domaine de l’ingénierie et des études techniques dans la région ILE-DE-FRANCE.
En outre, elle réaliserait un chiffre d’affaires important (ex. 18 192 285 € en 2018, 20 536 457 € en 2019) composé exclusivement de prestations de services et disposerait des moyens humains nécessaires à la réalisation de son activité (ex. 112 et 116 salariés déclarés, respectivement, en 2018 et 2019, dont pour la plupart des ingénieurs et consultants).
D’autres recherches laisseraient apparaître que la SAS DAVIDSON SI aurait imputé des crédits d’impôt en faveur de la recherche (CIR) sur l’impôt sur les sociétés dû au titre des exercices 2015, 2016, 2017 et 2018; détiendrait une créance sur le Trésor de 484 633 € relative au crédit d’impôt recherche au titre de l’exercice 2015; ferait actuellement l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur les déclarations relatives aux crédits d’impôt en faveur de la recherche sur les exercices 2015, 2016, 2017 et 2018.
Selon les services fiscaux, dans le cadre de son activité, la SAS DAVIDSON SI aurait élaboré des dossiers de crédits d’impôt en faveur de la recherche en s’appuyant sur un salarié de la SAS DAVIDSON R&D et en bénéficiant de l’assistance d’un cabinet spécialisé, la société INNOVATECH CONSEIL.
Il ressort des dossiers de CIR déposés par la société SAS DAVIDSON SI que le montant total des dépenses de recherches réalisées par l’entreprise au titre des années 2015, 2016, 2017 et 2018 serait constitué à plus de 99% (hors dépenses de fonctionnement) de dépenses de personnel, dont une partie serait mise à disposition par des prestataires.
Par ailleurs, il découlerait de ces informations que la SAS DAVIDSON SI semblerait disposer de moyens d’exploitation matériels affectés directement et exclusivement à des opérations de recherche limitées.
Il était indiqué que le crédit d’impôt recherche (CIR) est une réduction d’impôt calculée sur la base des dépenses de R&D engagées par les entreprises; que les entreprises bénéficiaires du CIR déposent une déclaration spéciale qui permet de calculer le montant du CIR et reportent le résultat sur leur déclaration fiscale; que ce crédit d’impôt peut être imputé sur l’impôt sur les sociétés dû par la société, ou à défaut peut constituer une créance sur l’État.
Il était précisé que le CIR est basé notamment sur le montant des rémunérations du personnel affecté aux opérations de recherche.
Cependant une entreprise qui met ses salariés/consultants à la disposition de ses clients afin d’y effectuer, dans leurs locaux et avec leurs moyens, des opérations de recherche ne doit pas prendre en compte leur rémunération dans le montant des dépenses des personnels affectés à la recherche.
Il découle des dossiers financiers transmis au titre des années 2015, 2016, 2017 et 2018 que la problématique de la mise à disposition de salariés semblerait connue de la société DAVIDSON SI puisqu’elle a pris en compte dans ses déclarations de CIR du personnel mis à disposition par les sociétés DAVIDSON PARIS, INTERVIA et INTERMISSION.
En outre, le contrôle du CIR est de la compétence de la Direction générale des Finances Publiques (ci-après DGFiP) qui peut, le cas échéant, se faire assister d’un expert du ministère chargé de la recherche (ci-après MESRI), et l’entreprise qui a bénéficié du CIR doit pouvoir justifier des éléments qu’elle a déclarés.
Il s’ensuit que le contrôle du CIR comprend en général une partie scientifique réalisée par des experts du MESRI (contrôle de la compétence et du travail) et une partie purement fiscale (contrôle de la dépense et de l’organisation de la société) réalisée par les agents de la DGFiP.
Dès lors, un CIR peut être validé totalement ou partiellement par les experts du MESRI d’un point de vue scientifique, et faire l’objet d’un rejet total ou partiel par les agents de la DGFiP si les conditions imposées par le code général des impôts ne sont pas respectées.
L’administration indique que la SAS DAVIDSON SI a refusé de fournir au service vérificateur des documents permettant de valider les montants figurant dans ses déclarations du CIR qui pourtant seraient ou pourraient être à sa disposition.
Par ailleurs, ces documents sont essentiels au regard de l’activité de la société DAVIDSON SI dont les salariés/consultants sont amenés à travailler chez les clients finaux.
Dans ces conditions, le service vérificateur a rejeté dans son intégralité le CIR 2015.
Dans ses observations du 20/02/2020 à la proposition de rectification du 19/12/2019, la société SAS DAVIDSON SI a confirmé qu’elle ne souhaitait pas communiquer au service vérificateur des éléments complémentaires.
Il s’ensuivrait que ladite société se retrouverait dans l’incapacité de justifier, d’un point de vue fiscal, les montants portés sur ses déclarations de CIR.
D’après le dossier financier du CIR 2015, les personnels pris en compte auraient consacré environ 80% de leur temps de travail à la R&D, alors même que la majorité d’entre eux étaient placés en mission en tant que consultants chez des clients.
Il s’avérerait également que les quantités unitaires facturées par la SAS DAVIDSON CONSULTING à son client SA SOCIETE GENERALE correspondraient au même nombre de jours pris en compte dans les relevés de temps CIR de Mme [Z] [N].
Ainsi, Mme [Z] [N], salariée de la société DAVIDSON SI en tant que consultante senior, aurait été prise en compte pour près de 91% de son temps sur des opérations de rechercher et développement en 2015 pour le compte de la société DAVIDSON SI, alors qu’elle a exercé à plein temps sur la même période une mission de consultante au sein de la SA SOCIETE GENERALE.
Dès lors, il pourrait être présumé que cette mission exercée à temps plein auprès de la SOCIETE GENERALE ne lui aurait pas permis de disposer du temps nécessaire pour réaliser des opérations de recherche et développement pour le compte de la société DAVIDSON SI.
Il apparaîtrait aussi que les quantités unitaires facturées par la SAS DAVIDSON CONSULTING à son client, SA SOCIETE GENERALE, correspondraient au même nombre de jours pris en compte dans les relevés de temps CIR de M. [U] [T].
Ainsi, M. [U] [T], salarié de la société DAVIDSON SI en tant qu’ingénieur conseil, aurait été pris en compte à 95% de son temps de travail sur des opérations de recherche et développement en 2015 pour le compte de la société DAVIDSON SI, alors qu’il a exercé à plein temps, sur la même période, une mission de consultant au sein de la SA SOCIETE GENERALE.
Dans ces conditions, il pourrait être présumé que cette mission exercée à temps plein auprès de la SOCIETE GENERALE ne lui aurait pas permis de disposer du temps nécessaire pour réaliser des opérations de recherche et développement pour le compte de la société DAVIDSON SI.
De même, les quantités unitaires facturées par la SAS DAVIDSON CONSULTING à son client CREDIT AGRICOLE CORPORATE & INVESTMENT BANK au titre des mois de janvier, mars et mai 2015, correspondraient au même nombre de jours pris en compte dans les relevés de temps CIR de M. [J] [C].
Ainsi, M. [J] [C], consultant senior de la société DAVIDSON SI, aurait été pris en compte à 84,04% de son temps de travail sur des opérations de recherche et développement au titre des mois de janvier, mars et mai 2015 pour le compte de la société DAVIDSON SI, alors qu’il a exercé à plein temps, sur la même période, une mission de consultant au sein de la société CREDIT AGRICOLE CORPORATE & INVESTMENT BANK.
Dès lors, il pourrait être présumé que cette mission exercée à temps plein auprès de la société CREDIT AGRICOLE CORPORATE & INVESTMENT BANK ne lui aurait pas permis de disposer du temps nécessaire pour réaliser des opérations de recherche et développement pour le compte de la société DAVIDSON SI.
En outre, Mme [F] [O], consultant mise à la disposition de la SAS DAVIDSON SI par la SARL INTERVIA CONSULTING, aurait été prise en compte à 100% de son temps de travail sur des opérations de recherche et développement en 2015 pour le compte de la société DAVIDSON SI, alors qu’elle a exercé à plein temps, sur la même période, une mission de consultante au sein de la SA SOCIETE GENERALE.
Dans ces conditions, il pourrait être présumé que cette mission exercée à temps plein auprès de la SOCIETE GENERALE ne lui aurait pas permis de disposer du temps nécessaire pour réaliser des opérations de recherche et développement pour le compte de la société DAVIDSON SI.
Par ailleurs, M. [E] [M], consultant salarié de la société DAVIDSON PARIS, mis à la disposition de la SAS DAVIDSON SI, aurait été pris en compte pour 90% de son temps de travail sur des opérations de recherche et développement en 2015 pour le compte de la société DAVIDSON SI, alors qu’il a exercé à plein temps, sur la même période, une mission de consultant au sein de la SA SOCIETE GENERALE.
Ainsi, il pourrait être présumé que cette mission exercée à temps plein auprès de la SOCIETE GENERALE ne lui aurait pas permis de disposer du temps nécessaire pour réaliser des opérations de recherche et développement pour le compte de la société DAVIDSON SI.
Il résulte donc de ce qui précède qu”un nombre important de salariés de la société DAVIDSON SI ont pu être pris en compte dans la déclaration de CIR 2015, alors même qu’ils travaillaient pour d’autres sociétés.
La consultation du rapport financier du CIR 2016 montrerait que M. [W] [X], salarié de la société DAVIDSON SI en tant que consultant senior, aurait été pris en compte pour près de 88% de son temps sur des opérations de recherche et développement en 2016 pour le compte de la société DAVIDSON SI, alors qu’il a exercé sur la même période une mission de consultant, à plein temps, au sein de la SOCIETE GENERALE.
Dès lors, il pourrait être présumé que cette mission exercée à temps plein auprès de la SOCIETE GENERALE ne lui aurait pas permis de disposer du temps nécessaire pour réaliser des opérations de recherche et développement pour le compte de la société DAVIDSON SI.
De même, M. [A] [L], salarié de la société DAVIDSON SI en tant que consultant senior, aurait été pris en compte pour près de 76% et 90% de son temps sur des opérations de recherche et développement, respectivement en 2015 et en 2016 pour la société DAVIDSON SI, alors qu’il a exercé sur la même période une mission de consultant, à plein temps, au sein de la SOCIETE GENERALE.
Dès lors, il pourrait être présumé que cette mission exercée à temps plein auprès de la SOCIETE GENERALE ne lui aurait pas permis de disposer du temps nécessaire pour réaliser des opérations de recherche et développement pour le compte de la société DAVIDSON SI.
Ainsi, un nombre important de salariés de la société DAVIDSON SI ont pu être pris en compte dans la déclaration de CIR 2016, alors même qu’ils travaillaient pour d’autres sociétés.
Il apparaîtrait également que M. [S] [I], salarié de la société DAVIDSON en tant que consultant confirmé, aurait été pris en compte pour près de 64% de son temps sur des opérations de recherche et développement en 2017 pour le compte de la société DAVIDSON SI, alors qu’il a exercé sur la même période une mission de consultant ne se déroulant pas dans des locaux de cette dernière.
Par conséquent, il pourrait être présumé que cette mission exercée à temps plein auprès de la SOCIETE GENERALE ne lui aurait pas permis de disposer du temps nécessaire pour réaliser des opérations de recherche et développement pour le compte de la société DAVIDSON SI.
En outre, M. [Y] [R], salarié de la société DAVIDSON en tant que consultant confirmé, aurait été pris en compte pour près de 95% de son temps sur des opérations de recherche et développement en 2017 pour le compte de la société DAVIDSON SI, alors qu’il a exercé sur la même période une mission de consultant au sein de la SOCIETE GENERALE.
Dès lors, il pourrait être présumé que cette mission exercée à temps plein auprès de la SOCIETE GENERALE ne lui aurait pas permis de disposer du temps nécessaire pour réaliser des opérations de recherche et développement pour le compte de la société DAVIDSON SI.
Ainsi, un nombre important de salariés de la société DAVIDSON SI ont pu être pris en compte dans la déclaration de CIR 2017, alors même qu’ils travaillaient pour d’autres sociétés.
Enfin, au titre du CIR 2018, le rapport technique laisserait apparaître que les opérations de recherche te développement auraient été effectuées en interne pour l’amélioration de l’extranet du groupe DAVIDSON.
Il s’avérerait que des salariés de la société DAVIDSON SI ont pu être pris en compte dans la déclaration de CIR 2018; alors même qu’ils travaillaient en réalité pour d’autres sociétés.
Il découlerait donc de l’ensemble de ces éléments qu’il pourrait être présumé que la société DAVIDSON SI aurait artificiellement majoré le montant des dépenses de personnel pris en compte dans le calcul de son CIR 2015, 2016, 2017 et 2018 dans le but de diminuer frauduleusement ses impositions.
Dès lors, la société DAVIDSON serait présumée avoir réduit son imposition ou bénéficié d’une créance indue sur l’État en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles et/ou en passant ou faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est prescrite par le CGI.
[V] [P] est l’un des principaux dirigeants et actionnaires du groupe DAVIDSON, il est président de la SAS DAVIDSON NG, société tête de groupe, il est salarié de la SAS DAVIDSON CONSULTING. En raison de ses fonctions de direction exercées au sein du groupe DAVIDSON il est susceptible de détenir dans les locaux qu’il occupe sis [Adresse 7] des documents et/ou supports d’informations relatifs à la fraude présumée.
[H] [D] déclare résider [Adresse 3], il est l’un des principaux dirigeants et actionnaire du groupe DAVIDSON, il se présente comme président ( ‘Chairman’) de DAVIDSON CONSULTING dans la région parisienne, il est le dirigeant de la SAS DAVIDSON SI et de la SARL DAVIDSON R et D. Compte tenu de ses fonctions au sein de la SAS DAVIDSON SI [H] [D] est susceptible de détenir dans les locaux qu’il occupe [Adresse 3], des documents et/ou supports d’informations relatifs à la fraude présumée.
Au vu de tout ce qui précède, le JLD du Tribunal judiciaire de PARIS a autorisé la visite domiciliaire par ordonnance du 5 janvier 2021.
Les opérations de visite et de saisies se sont déroulées le 12 janvier 2021 dans les locaux susmentionnés.
Le 27 janvier 2021, la SAS Société DAVIDSON SI , M. [V] [P] et M. [H] [D] ont interjeté appel contre l’ordonnance du JLD (RG 21/01648)
L’affaire a été audiencée pour être plaidée le 17 novembre 2021, elle a été renvoyée à l’audience du 16 mars 2022 et mise en délibéré pour être rendue le 18 mai 2022.
***
Par conclusions déposées au greffe de la cour d’appel de Paris le 23 décembre 2021 et conclusions d’appel et en réplique du 17 février 2022 déposées au greffe de la cour le 28 février 2022 les appelants font valoir :
Rappel des faits et de procédure :
Le JLD du TJ de Paris a rendu une ordonnance le 5 janvier 2021 autorisant des visites domiciliaires au sein des domiciles privés de M [D] ( [Adresse 3]) et de M [P] ( [Adresse 7]). Les visites ont été effectuées le 12 janvier 2021. Désignés par l’ordonnance critiquée, messieurs [P] et [D] sont recevables à interjeter appel.
Après avoir exposé le contexte des visites domiciliaires ( présentation du groupe Davidson, de la société Davidson SI et du régime du CIR), les appelants sollicitent qu’il soit à nouveau statué , en fait et en droit , selon l’art 561 du CPC, sur la requête de la DNEF du 17 décembre 2020, au regard de trois moyens ( absence de caractérisation des conditions de mise en oeuvre de l’art L 16 B, absence de vérification du JLD, caractère illicite d’un grand nombre de pièces de l’administration) qui ne peuvent que conduire à l’infirmation de l’ordonnance.
I ‘ Contexte de la mise en ‘uvre de la visite domiciliaire contestée : présentation du groupe DAVIDSON, de la société DAVIDSON SI et du régime CIR
A ‘ Présentation générale du groupe DAVIDSON
Il est décrit le groupe DAVIDSON exerçant une activité de consulting dans le domaine de l’ingénierie depuis 2005. Il est structuré autour de 23 filiales françaises et de 7 filiales étrangères.
Le groupe a notamment participé à certains projets les plus innovants des dix dernières années dans le domaine des télécoms, de l’internet des objets (IoT) ou du numérique au sens large. A titre d’exemple, il est notamment cité le lancement du premier portail de vidéo à la demande français avec Canal+, l’optimisation des réseaux 4G chez SFR et le lancement de la 5G avec BOUYGUES TELECOM.
Par ailleurs, au cours des dix dernières années, plus de 800 projets en lien avec une démarche de recherche et développement (ci-après R&D) lui ont été confiés.
Afin d’exercer son activité, le groupe DAVIDSON a recours à différents types d’engagements contractuels : l’assistance technique (simple ou renforcée), des projets ponctuels, des pôles d’activité et des centres de services.
Il est argué qu’il ne s’agit en aucun cas de contrats de mise à disposition de personnel ou de portage salarial, et ce, quand bien même le lieu d’exécution des missions se situerait généralement dans les locaux des clients, à l’instar de la majeure partie des activités des cabinets de conseil employant des consultants.
Il est indiqué que depuis sa création en 2005, le groupe DAVIDSON a connu une croissance continue et que le nombre de ses consultants a cru de 30 en 2005 à 2 428 au 31 décembre 2020.
En outre, l’activité du groupe se caractérise par une technicité croissante qui se traduit par une activité de R&D foisonnante, aussi bien en interne qu’en externe: à titre d’exemple, il est cité la publication de nombreux articles scientifiques ainsi que le dépôt de plusieurs brevets.
Il est fait valoir qu’afin de répondre aux atteintes de ses clients, le groupe DAVIDSON a placé son activité R&D au c’ur de sa stratégie marketing. Grâce à cet investissement R&D conséquent, le groupe fait désormais figure de référence dans le monde de l’IoT.
B ‘ Présentation de la société DAVIDSON SI . DAVIDSON SI a été créée en 2007 à [Localité 12] pour développer l’activité « Système d’information du groupe » et qu’elle se concentre sur l’offre Digital & network transformation du groupe.
Les compétences des ses consultants peuvent être regroupées en deux grandes familles : d’une part, les consultants en management de projets (maîtres d’ouvrage, maîtres d”uvre…) et d’autre part, les consultants experts technologiques (architectes SI & Cloud, experts sécurité…).
Par ailleurs, DAVIDSON SI est détenue à 100% par DAVIDSON PARIS. Elle compte parmi ses clients des noms prestigieux, tels le CREDIT MUTUEL, le CREDIT AGRICOLE, la SOCIETE GENERALE, LVMH.
C ‘ L’activité de R&D de la société DAVIDSON SI justifie le dépôt des demandes de CIR
Il est rappelé que le crédit d’impôt en faveur de la recherche (CIR) est une mesure d’incitation fiscale au développement de l’effort de recherche scientifique et technique des entreprises françaises. Calculé sur la base des dépenses de R&D engagées par les entreprises, il a pour objectif d’en diminuer le coût afin d’inciter les entreprises à y procéder et accroître leur compétitivité.
Il est indiqué que le taux du CIR est de 30% pour les dépenses de recherches jusqu’à 100 millions d’euros. Le CIR est déduit de l’IS dû par la société au titre de l’année au cours de laquelle elle a engagé les dépenses de R&D intégrées à l’assiette du CIR.
En cas d’impossibilité d’imputation sur un bénéfice trop faible par exemple, le crédit excédentaire non imputé constitue une créance de l’État, qui peut être utilisée pour le paiement de l’impôt dû au titre des 3 années suivantes. A l’expiration d’un délai de 3 ans, la créance est remboursable.
Au cas présent, la société a déposé des demandes de CIR à hauteur des montants suivants : 552 511 € au titre des dépenses engagées en 2015, dont 67 878 € ont été imputés sur l’IS dû au titre de l’exercice 2015 et 484 633 € dont le remboursement a été sollicité le 14 novembre 2019 (demande encore en cours d’instruction à la date de présentation de la requête) ; 446 883 € au titre des dépenses engagées en 2016, dont 119 369 € ont été imputés sur l’IS dû au titre de l’exercice 2016 ; 318 569 € au titre des dépenses engagées en 2017, dont 161 217 € ont été imputés à l’IS dû au titre de l’exercice 2017 ; 165 989 € au titre des dépenses engagées en 2018, dont 159 612 € ont été imputés sur l’IS dû au titre de l’exercice 2018 ; et 149 504 € au titre des dépenses engagées en 2019.
Il est soutenu qu’afin d’éviter de commettre des manquements déclaratifs dans un domaine hautement technique et très évolutif, le groupe DAVIDSON a souhaité bénéficier de l’assistance et des conseils d’un spécialiste du CIR, en l’occurrence la société INNOVATECH CONSEIL, référencée en tant qu’acteur conseil CIR par le service Médiation des entreprises, ce qui est un gage de sérieux.
II ‘ Absence de caractérisation des conditions de mise en ‘uvre de l’article L. 16 B du LPF
A ‘ Le cas de présomption de fraude pour lesquels l’autorité judiciaire peut autoriser l’administration fiscale à procéder aux visites et saisies sont limitativement énumérés par le paragraphe I de l’article L. 16 B du LPF
Selon la jurisprudence, le dispositif prévu à l’article L. 16 B du LPF n’est conforme à la Constitution que dans la mesure où il vise de manière précise les infractions pouvant justifier le recours à ce dispositif. Dès lors, l’administration ne peut avoir recours à l’article L. 16 B du LPF pour des agissements qui ne sont pas visés par ce texte.
B ‘ En l’espèce la présomption de fraude alléguée à l’encontre de DAVIDSON SI est qu’elle aurait artificiellement majoré le montant de dépenses de personnel pris en compte dans le calcul de ses déclarations de CIR au titre des exercices 2015 à 2018 et ainsi serait ‘présumée avoir réduit frauduleusement ses impositions …’.
C ‘ Les conditions de mise en ‘uvre de l’article L. 16 B du LPF à l’encontre de la société DAVIDSON SI ne sont pas réunies pour au moins quatre raisons.
Premièrement, une vérification de comptabilité était en cours à la date de présentation de la requête. Pour chaque exercice vérifié, la société a remis au service vérificateur les documents suivants : rapports financiers incluant les éléments permettant de déterminer le montant retenu des dépenses de personnel, de veille technologique et de dotations aux amortissements et les copies de déclarations n° 2069-A-SD ; rapports scientifiques, présentant les projets de R&D concourant à la détermination des CIR demandés ; feuilles de temps et annexes ; copies de contrats.
Il est argué que l’administration n’explique en rien quel intérêt revêtait pour elle la réalisation des visites sollicitées aux domiciles personnels de M. [P] ‘ lequel n’exerce aucune fonction au sein de la société visée ‘ et [D] et quels documents utiles elle escomptait y collecter.
Deuxièmement, l’organisation générale de la société DAVIDSON SI et, plus largement, celle du groupe DAVIDSON auquel elle appartient, en vertu de laquelle les ingénieurs réalisent des opérations de R&D pour le compte de la société dans le cadre des missions qu’ils effectuent chez des clients, n’a jamais été remise en cause dans le cadre des vérifications de comptabilité ayant porté sur des années antérieures à 2015, dont certaines ont eu lieu très récemment.
Or, dès lors que l’administration fiscale avait connaissance du fonctionnement du groupe DAVIDSON ainsi que de l’organisation de la R&D en son sein et avait déjà diligenté des vérifications de comptabilité au terme desquelles les CIR avaient été validées, il ne lui était pas possible de mettre en ‘uvre l’article L. 16 B du LPF. Il est cité l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris en date du 9 septembre 2020 (n° 19/16971) dans l’affaire LVMH FINANCE BELGIQUE SA.
Troisièmement, pour étayer ses allégations, l’administration produit plusieurs fiches LinkedIn d’anciens salariés de la société, elle prétend avoir réalisé un recoupement entre les données relatives aux salariés pris en compte dans le calcul du CIR au titre des exercies 2015 à 2018 de DAVIDSON SI et leur profil Linkedln dont il ressortirait qu’un nombre important des salariés ont pu être pris en compte dans ces déclarations de CIR alors alors même qu’ils travaillaient pour d’autres sociétés, or seul quelques profils linkedin ont été joints à la requête et le JLD était dans l’impossibilité de vérifier les allégations du service, ces allégations ne comportant aucun indice de fraude.
De plus, selon la jurisprudence, les « mentions figurant sur les comptes LinkedIn (‘) sont dépourvues de toute force probante, dès lors qu’elles ne sont (‘) en aucun cas soumises à l’aval des sociétés en cause ».
Il est argué que l’administration aurait dû exercer à l’égard de ces quelques salariés le droit de communication dont elle dispose pour leur demander exactement quelles avaient été leurs activités.
Quatrièmement, la circonstance que les dépenses de personnel afférentes aux consultants de la société, affectés par celle-ci à des opérations de R&D dans le cadre du CIR déclaré, soient refacturées aux clients et seraient donc, selon l’administration, exclusives du bénéfice du CIR pour la société relève d’un débat purement juridique qui ne peut être tranché par une visite domiciliaire.
A cet égard, il est mis en exergue que la position exprimée par l’administration dans sa requête, et reprise par le JLD dans son ordonnance, est en contradiction avec la doctrine de l’administration fiscale telle que fixée depuis plus d’une dizaine d’années, ainsi que les extraits produits le montrent.
Il est également cité une décision du Conseil d’État en date du 18 juin 2021 à l’appui de cet argument.
Dès lors qu’il ressort clairement des dispositions édictées aux paragraphes I et suivants de l’article 244 quater B du CGI que le dispositif du CIR doit bénéficier à l’auteur de la R&D, c’est-à-dire à la personne qui expose les dépenses de R&D éligibles, c’est à juste titre que la société DAVIDSON SI a inclus ces dépenses dans l’assiette de son CIR, sans qu’ait d’incidence à cet égard la circonstance que ces dépenses soient répercutées à ses clients.
III ‘ Absence de vérification concrète par le JLD du bien-fondé et de la proportionnalité de la mesure
Il est fait valoir que plusieurs éléments démontrent que le JLD n’a pas vérifié le bien-fondé et la proportionnalité de la mesure qu’il a autorisée.
Tout d’abord, la requête était accompagnée de 127 pièces, représentant des milliers de pages, dont aucune d’entre elles n’établit ni la nécessité ni l’intérêt de réaliser une visite domiciliaire, notamment au domicile personnel de M [P] et de M [D].
Par ailleurs, le JLD n’a pas rempli son rôle de vigie de la liberté individuelle que lui assigne l’article 66 de la Constitution, en omettant de vérifier que l’exigence de proportionnalité, qui découle notamment de l’article 8 de la CESDH, avait été respectée.
Il est argué que la motivation de l’ordonnance (« la preuve des agissements présumés peut, compte tenu des procédés mis en place, être apportée par la mise en ‘uvre du droit de visite et de saisie prévu à l’article L. 16 B du LPF ») est abstraite et générale et ne contient aucun élément concret justifiant de la nécessité ainsi que de la proportionnalité de la mesure.
Ainsi, il n’est mentionné à aucun moment que l’administration ne pouvait pas obtenir les mêmes informations par une autre voie, moins intrusive, telle que le droit de communication.
Dans sa jurisprudence, la CEDH censure toute ingérence non nécessaire et donc disproportionnée au but recherché.
En laissant à l’administration le libre choix des armes et en refusant implicitement de reconnaitre à la procédure de l’article L 16 B du LPF un caractère subsidiaire, le JLD a commis une erreur de droit au regard des exigences de la CEDH, il n’a pas donné la priorité à la protection des droits fondamentaux (inviolabilité du domicile et respect de la vie privée).
Par conséquent, il est demandé d’infirmer l’ordonnance.
IV ‘ Caractère illicite d’un grand nombre de pièces soumise au JLD par l’administration à l’appui de sa requête.
Les parties appelantes rappellent la jurisprudence constante de la Cour de cassation concernant l’obligation pour le Premier Président, en cas de contestation, de vérifier que les éléments d’information fournis par l’administration fiscale requérante ont été obtenues de manière licite. Selon elles, les traitements de données sur lesquels se fonde l’ordonnance du JLD doivent respecter les règles applicables en matière de protection des données personnelles, tel n’est pas le cas. La loi du 6 janvier 1978 et le règlement RGPD sont rappelés.
Elles évoquent la caractère illicite de certaines pièces jointes à la requête de l’administration fiscale correspondant à une collecte d’informations et de données issues de recherches sur des bases de données ou de sources d’accès public tels que des moteurs de recherches, des réseaux sociaux professionnels (pièces n° 21 , 22, 24 à 35 et 37) , cette collecte indirecte supposant une information des personnes concernées qui ne leur a pas été délivrée, les agents de l’administration fiscale en l’espèce devant se soumettre aux règles du RGPD.
Compte tenu du nombre de données collectées, sans la production de ces pièces, le JLD saisi n’aurait pas fait droit à la demande de mise en oeuvre des visites domiciliaires présentée par l’administration. L’ordonnance doit donc être annulée.
En conclusion, il est demandé de :
A titre principal
– infirmer l’ordonnance signée le 5 janvier 2021 par le JLD du TJ de PARIS au visa des articles L. 16 B et R 16 B 1 du LPF ;
– en conséquence, annuler les opérations de visite et saisie autorisées par cette ordonnance ;
En tout état de cause
– ordonner la destruction, sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard passé un délai de 8 jours à compter de la décision à intervenir, de toute copie sous quelque forme que ce soit des documents et fichiers saisis, à charge pour l’administration de justifier de la destruction effective de ces documents et fichiers ;
– dire que l’administration sera rétroactivement réputée ne jamais avoir détenu les pièces saisies ;
-c ondamner la DGFiP aux dépens et à payer aux appelants la somme de 5 000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions en date du 9 février 2022 et conclusions n° 2 du 16 mars 2022 déposées auprès de la Cour le 16 mars 2022 l’administration fiscale fait valoir :
1 Un rappel préalable de la procédure est exposé.
2 Discusssion
2-1 Rappel préalable des faits :
L’administration fiscale rappelle et développe les éléments soumis à l’appréciation du juge dans la requête ainsi que les pièces produites justifiant la mise en oeuvre de la procédure de visite domiciliaire.
2-2 L’argumentation développée par la partie appelante ne remet pas en cause le bien -fondé des présomptions retenues par le premier juge.
A- sur l’absence d’acte ou d’omission entrant dans le champ de l’article L16 B du LPF.
L’appelant reproche au JLD de s’être fondé sur des éléments qui ne permettraient pas d’établir l’existence de présomptions selon laquelle le contribuable se serait soustrait à l’établissement et au paiement de l’impôt sur les bénéfices et des taxes sur le chiffre d’affaires […]. Ce moyen se pourra qu’être rejeté dès lors que la présomption vise la délivrance de factures ou de documents ne se rapportant pas à des opérations réelles et réduisant une imposition ou permettant de bénéficier d’une créance indue sur l’Etat et/ou en passant ou faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est prescrite par la CGI. La Cour de cassation a rappelé que pouvaient être relevées des présomptions relevant des art 1741 ou 1743 du CGI, elle a également régulièrement jugé que ce texte n’exigeait pas des infractions d’une particulière gravité et que le juge n’avait pas à caractériser la mauvaise foi du contribuable.
B- Sur l’incidence de la vérification de comptabilité sur la procédure de l’art L 16B du LPF.
Il est rappelé la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle l’administration peut solliciter la mise en oeuvre de l’art L 16B avant, pendant ou après une vérification fiscale.
Ainsi la procédure prévue à l’art L 16 B du LPF est totalement indépendante de la procédure de contrôle que constitue la vérification de comptabilité. Aucune disposition légale ne s’oppose à ce que, au terme d’enquêtes effectuées par les services de la DNEF, une procédure de visite soit engagée en amont, au cours d’une procédure de vérification, est indifférent le fait qu’une proposition de rectification interruptive de prescription ait été adressée à la société à la date de la requête. S’agissant en outre de rectification constatée lors d’une procédure de contrôle antérieure ou de remboursements de CIR intervenus au titre d’années passées, ces décisions restent circonscrites aux exercices et années en cause. Elles n’engagent en aucune façon l’administration.
C- Sur le débat juridique.
Selon les appelantes, le débat porterait sur le point de savoir si une entreprise qui expose des dépenses de R&D pour son propre compte peut inclure ces dépenses dans l’assiette de son CIR lorsque celles-ci sont refacturées à un client , elles produisent une réponse ministérielle du 18 février 2016 qui selon elle l’autorise à prendre en compte les dépenses de personnel, or cette réponse vise des opérations de recherche menées en sous traitance par des organismes de recherche privés, ce qui n’est pas le cas pour la société DAVIDSON qui n’a conclu aucun contrat de sous traitance avec ses clients . Il convient de noter à cet égard la faiblesse des moyents d’exploitation matériels affectés directement et exclusivement à des opérations de recherche et de rappeler les enjeux financiers très importants.
Les appelantes citent une arrêt du 18 juin 2021 du Conseil d’Etat à l’appui de leur argumentation. Or cette discussion relève de la compétence du juge de l’impôt, ce que n’est pas le JLD en matière de visite domiciliaire ni le Premier président statuant en appel.
En l’espèce les appelantes tentent de réduire les présomptions de fraude à un seul débat juridique, alors qu’il ressort des éléments produits devant le JLD qu’il pouvait être présumé que la société SAS DAVIDSON SI a artificiellement majoré le montant des dépenses de personnel pris en compte dans le calcul de ses CIR et a ainsi réduit frauduleusement ses impositions.
D- sur la force probante des pièces présentées
Les appelantes dénient toute force probante aux informations linkedin et Viadeo, alors que l’administration ne fait que communiquer des éléments d’accès publics issus de base de données ou sites internet, pour lesquels la Cour de cassation a reconu le caractère licite des consultations, les informations figurant sur les réseaux sociaux professionnels décrivent l’activité exercée par les personnes qui s’y présentent. L’administration a mis en exergue des incohérences relatives aux situations des salariés et a transmis au JLD les CV Linkedin de 19 salariés (pièce 26), 15 salariés et 10 salariés (pièces 29 et 32) .
Il ressortait de ces consultations qu’un nombre important de salariés de la société DAVIDSON SI a pu être pris en compte dans ses déclarations de CIR alors qu’ils travaillaient en réalité pour d’autres sociétés, et qu’ainsi la SAS DAVIDSON SI a artificiellement majoré le montant des dépenses de personnels pris en compte dans le calcul de ses CIR et ainsi réduit frauduleusement ses impositions.
E -Sur le contrôle du juge
Les parties appelantes demandent l’annulation de l’ordonnance au motif que le JLD n’aurait pas procédé à un examen des pièces présentées dans le délai entre le dépôt de la requête et l’ordonnance rendue. La jurisprudence de la Cour de cassation est rappelée en la matière. Selon cette jurisprudence l’art L 16 B du LPF ne prévoit aucun délai entre la présentation de la requête et le prononcé de la décision , le nombre de pièces produites ne peut à lui seul, laisser présumer que le premier juge s’est trouvé dans l’impossibilité de les examiner, en tous état de cause , au titre de l’effet dévolutif, le Premier président saisi d’un recours peut statuer à nouveau en fait et en droit sur le bien fondé de la requête de l’administration.
Il est rappelé l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 31 août 2010 sur ce point. En l’espèce rien n’autorise les appelantes à suspecter que le juge se soit dispensé de contrôler les pièces soumises à son apréciation
F- Sur le contrôle de proportionnalité et l’intérêt de la visite domiciliaire
Il est fait valoir que la Cour de cassation a toujours jugé qu’aucun texte n’impose au juge de vérifier si l’administration pouvait recourir à d’autres modes de preuve ou à d’autres procédures.
Selon l’article L. 16 B du LPF, dès lors qu’existent des présomptions d’agissements frauduleux, la procédure de visite domiciliaire était justifiée en ce qu’elle permettait de rechercher la preuve de ces agissements et ainsi d’accéder à des documents de gestion quotidienne de l’entreprise ou relatifs à l’organisation interne, que le contribuable n’a pas l’obligation de remettre dans le cadre d’une procédure de contrôle classique
Contrairement à ce qu’indiquent les appelants, les présomptions ne se résument pas à un simple débat juridique sur le CI R sur la possibilité pour une entreprise privée de pouvoir inclure dans son assiette de CIR au titre des dépenses des personnels affectés à la recherche, les dépenses afférentes au personnel qui réalise des travaux pour le compte de clients qu’elle facture, mais elles portent sur la réalité factuelle des dépenses de frais de personnel concernant les salariés de Davidson SI , prises en compte dans les déclarations de CIR alors qu’ils paraissaient travailler en réalité pour d’autres sociétés, la question étant de savoir si la société réalisait de la R&D et si elle pouvait bénéficier du CIR en prenant compte des dépenses de salariés/ consultants alors qu’ils paraissaient travailler pour d’autres sociétés. Il s’agit d’une question de fait qui repose sur les éléments communiqués par la société (volume horaire, affectation des consultants, réalisation effective de projet de recherche).
G- Sur la visite des domiciles de messieurs [P] et [D]
Le JLD a expliqué dans sa décision en quoi la visite des domiciles de messieurs [P] et [D] était justifiée, eu égard à leurs fonctions respectives au sein du Groupe DAVIDSON notamment et de la SAS DAVIDSON SI concernant M [D].
H- Sur le caractère licite de certaines pièces soumises à l’appréciation du JLD
Selon les appelantes, les agents auraient dû respecter la réglementation RGPD et l’obligation d’information portant sur la source des données ainsi traitées et leur accessibilité au public.
La jurisprudence de la Cour de cassation et celle de la cour d’appel de Paris qui ont validé la possibilité pour l’administration de recueillir des informations tirées de la consultation de sites d’accès publics sont rappelées.
L’article 14 du règlement UE du 27 avril 2016 concernant le RGPD est rappelé, concernant les personnes morales qui en sont exclues, de même l’article 2 du RGPD qui prévoit que le règlement ne s’applique pas aux données à caractère personnel effectué .. ‘d) par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection ds infractions pénales, d’enquêtes et de poursuite en la matière ou d’exécution de sanctions pénales, y compris la protection contre des menaces pour la sécurité publique et la prévention de telles menaces’.
L’art 42 de la Loi du 6 janvier 1978 qui se prononce de la même façon est également rappelé, ainsi que l’art 2 de l’arrêté du 24 juillet 2000 concernant la mission de la DNEF.
Il résulte de ces textes que le traitement ‘sui generis’ mis en oeuvre par l’administration fiscale disposait d’une base juridique suffisamment précise.
Concernant le reproche à l’administration fiscale de ne pas avoir rappelé aux personnes concernées leurs droits s’agissant des données collectées indirectement, cet argument doit être écarté en application de l’art 23 du RGPD ( possibilité de limitation de la portée des obligations de l’art 14 du règlement par les Etats membres) .
En conséquence, les restrictions à l’information des personnes ayant fait l’objet de traitement de données sont autorisées par les textes.
En conclusion, il est demandé de :
-Confirmer l’ordonnance du JLD de Paris du 5 janvier 2021
-Rejeter toutes demandes, fins et conclusions
-Condamner l’appelante au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
***
SUR CE LA COUR
Sur l’absence de caractérisation des conditions de mise en ‘uvre de l’article L. 16 B du LPF
En application des dispositions de l’article L 16 B du LPF, il appartient au JLD et au Premier président saisi en appel d’apprécier s’il existe des présomptions de fraude fiscale à l’encontre d’un contribuable indiqué dans la requête de l’administration fiscale sollicitant d’effectuer une visite domiciliaire dans les lieux où des documents relatifs à la fraude présumée sont susceptibles de se trouver.
L’administration fiscale a saisi le JLD de Paris d’une requête sur le fondement de l’article L 16 B du LPF concernant la société SAS DAVIDSON SI qui serait présumée avoir réduit son imposition ou bénéficié d’une créance indue sur l’État en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles et/ou en passant ou faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est prescrite par le Code général des impôts, dans le cadre du crédit d’impôt recherche.
Selon l’article 244 quater B -I du CGI, dans le titre ‘ impôts directs et taxes assimilées’, ‘les entreprises […]peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt au titre des dépenses de recherche qu’elles exposent au cours de l’année . Le taux de crédit d’impôt est de 30 % pour la fraction des dépenses de recherche inférieure ou égale à 100 millions d’euros et de 5% pour la fraction des dépenses de rdcherche supérieure à ce montant .[…]’ . L’article donne la liste des dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d’impôt. Le CIR apparaît ainsi comme une mesure de soutien aux activités de recherche et de développement des entreprises qui peuvent déduire de leurs impôts sous certaines conditions, les dépenses de recherche fondamentale et de développement expérimental. Il s’agit d’un dispositif fiscal qui permet aux entreprises de financer une partie de leurs dépenses de R&D par le biais de remboursement ou de réduction d’impôt sur les sociétés, le CIR est imputé sur l’impôt sur les les sociétés dû par l’entreprise dans les conditions de l’art 199 ter B du CGI.
Concernant les présomptions de fraude alléguées par l’administration fiscale dans sa requête et reprises par le JLD dans son ordonnance, il convient de rappeler que la société DAVIDSON SI réalise un chiffre d’affaire important composé exclusivement de prestations de services et dispose des moyens humains nécessaires, que sur ses déclarations d’impôt sur les sociétés, la SAS DAVIDSON SI indique, entre 2015 et 2019, des montants de crédit d’impôt en faveur de la recherche . Ainsi il est constant que la société a déclaré au titre de l’exercice de 2015 un CIR de 552 511 euros qui a été imputé en partie sur l’IS, au titre de l’exercice 2016 un CIR de 446 883 euros dont une partie a été imputée sur l’IS, au titre de 2017 un CIR de318 569 euros dont 161 217 euros ont été imputés sur l’IS au titre de 2017, au titre de 2018 un CIR de 165 989 euros dont 159 612 euros ont été imputés sur l’impôt sur les sociétés dû au titre 2018, au titre de 2019 un CIR de 149 504 euros.
La société SAS DAVIDSON SI faisait l’objet d’une procédure de vérification fiscale au cours de laquelle des documents ont été remis au service vérificateur, portant sur les déclarations de CIR de 2015 à 2018, déposées entre 2016 et 2019. Le CIR est basé notamment sur le montant des rémunérations de personnel affecté aux opérations de recherche. L’administration fiscale a constaté que la société DAVIDSON SI avait ainsi acquitté une très grande partie des sommes dues au titre de l’impôt sur les sociétés par le biais de ses déclarations de CIR.
Elle fait observer que selon les déclarations des dossiers de CIR déposés entre 2015 et 2018, ceux-ci sont constitués de dépenses de recherche réalisées par l’entreprise et de dépenses de sous traitance, le montant des dépenses de recherches réalisées comprend des dotations aux amortissements de biens affectés à des opérations de recherche, et des dépenses de personnel pour des montants très importants .
La société a mentionné des dotations aux amortissements de biens affectés aux opérations de recherche de montants faibles, elle a déclaré en revanche des dépenses de fonctionnement constitués d’un pourcentage de dépenses de personnel, soit 1 218777 euros en 2015, 990 914 euros en 2016, 705 952 euros en 2017, 348 692 euros en 2018. Elle a précisé que les dépenses de fonctionnement étaient forfaitaires sans aucun justificatif et couvraient les dépenses relatives aux projets de R&D telles que le personnel de soutien, les dépenses administratives et de consommables. Elle a également déclaré qu’une partie du personnel a été mise à disposition par des sociétés (Intervia, Davidson Paris, intermission.
Lors de la procédure de vérification, la SAS DAVIDSON SI a refusé de fournir au service vérificateur des documents permettant de valider les montants figurant dans ses déclarations de CIR, documents par ailleurs essentiels au regard de l’activité de DAVIDSON SI dont les salariés consultants sont amenés à travailler chez les clients finaux.
Il ne s’agit pas d’activités de recherche en sous traitance et la SAS DAVIDSON SI a précisé exercer une activité de consulting et mettre ses propres salariés et consultants à dispositions de ses clients sans agir en sous traitance pour effectuer des activités de R&D en son nom.
Il découle de ces éléments que la société DAVIDSON SI ne semblait pas disposer de moyens d’exploitation affectés directement et exclusivement à des opérations de recherche en dehors de dépenses de moyens en personnel, son activité portant essentiellement sur la mise à disposition de personnel spécialisé.
Il résulte des investigations de l’administration fiscale que le temps passé par les consultants à ces travaux ne leur permettait pas de disposer de temps nécessaire à la réalisation de R&D pour la SAS DAVIDSON SI.
Ainsi, dans sa décision, le JLD relève que suite à une procédure de vérification de comptabilité par l’administration fiscale, un questionnement est apparu concernant la mise à disposition de salariés pris en compte dans sa déclaration de CIR, étant observé que le contrôle du CIR comprend une partie scientifique réalisée par des experts du MESRI et une partie purement fiscale réalisée par les agents de la DGFIP.
Il était indiqué que la SAS DAVIDSON SI se trouvait en incapacité de justifier d’un point de vue fiscal les montants portés sur ses déclarations de CIR.
Le JLD retient les éléments relevés par les enquêteurs de la DNEF qui ont procédé à des recoupements d’information en consultant les profils Linkedin de certains salariés .
Le JLD dans son ordonnance, rappelle quelques exemples précis concernant la situation de certains salariés : [Z] [N] dont les dépenses de personnel ont été intégrées à 90,99% de son temps de travail dans la déclaration CIR alors qu’elle a indiqué être en charge pour la société Générale de ‘PMO sur des programmes internationaux impliquant 6 pays européens’ depuis juillet 2014. [U] [T] qui est déclaré avoir travaillé en tant qu’ingénieur conseil à 95 % de son temps en R&D pour la SAS DAVIDSON SI alors qu’il a exercé à plein temps sur la même période une mission au sein de la SA Société Générale. [J] [C] consultant senior salarié de la société DAVIDSON SI a été pris en compte à 84% de son temps de travail sur des opérations de recherche pour le compte de DAVIDSON SI alors qu’il a exercé à plein temps sur la même période une mission de consultant au sein de la société Crédit agricole et Investment Bank. Le JLD dans son ordonnance rappelle la situation de 8 autres salariés pour lesquels le temps de travail a été pris en compte dans les déclarations des CIR alors qu’ils travaillaient pour d’autres sociétés, il précise que l’administration fiscale a examiné un grand nombre de profil linkedin des salariés de SAS DAVIDSON SI.
En l’espèce les enjeux financiers portent sur des montants importants, l’activité déclarée de R&D de la SAS DAVIDSON SI repose essentiellement sur des dépenses de personnel dont les justificatifs sollicités ne correspondaient pas intégralement aux déclarations effectuées et dont les constatations sur certains salariés concernés ne semblent pas correspondre à leur activité de recherche au sein de la structure alors qu’ils étaient mis à disposition dans d’autres structures sur la même période, caractérisant les présomptions de fraude conformément à l’article L. 16 B du LPF.
Ainsi il résulte de l’examen in concreto des pièces soumises par l’administration fiscale à l’appui de sa requête au JLD qu’il pouvait être présumé que la société SAS DAVIDSON SI a artificiellement majoré le montant de dépenses de personnel pris en compte dans le calcul des CIR de 2015 à 2019 et a ainsi réduit frauduleusement ses impositions, caractérisant ainsi les présomptions de fraude fiscale telles qu’exigées par l’article L16 B du LPF.
Ce moyen sera rejeté.
Sur l’absence de de vérification concrète par le JLD du bien-fondé et de la proportionnalité de la mesure
Il convient de relever en l’espèce que la requête de l’administration fiscale ainsi que les pièces ont été déposées auprès du JLD le 17 décembre 2020, que celui-ci a pu étudier la requête et vérifier les pièces de façon concrète, qu’il a rendu sa décision le 5 janvier 2021, qu’aucun élément du dossier ne permet aux parties de prétendre que le JLD n’a pas vérifié le bien fondé de la requête.
Il convient de rappeler que les dispositions de l’article L. 16B du LPF constituent uniquement un moyen d’investigation destiné à contrôler le respect de la réglementation fiscale, qui peut être mis en ‘uvre sur autorisation du JLD et peut faire l’objet d’un contrôle par le Premier président de la Cour d’appel.
Par ailleurs, en exerçant son contrôle in concreto sur le dossier présenté par l’administration fiscale, le JLD exerce de fait un contrôle de proportionnalité. En cas de refus, il peut inviter l’administration fiscale à avoir recours à d’autres moyens d’investigation moins intrusifs . En conséquence, la signature de l’ordonnance par le JLD signifie que ce dernier entend privilégier l’enquête dite «’lourde’» de l’article L.16B du LPF et que d’autres diligences auprès du contribuable seraient insuffisantes et dénuées de l’effet de surprise, d’ailleurs la Cour de cassation a toujours jugé qu’aucun texte n’impose au juge de vérifier si l’administration pouvait recourir à d’autres modes de preuve ou à d’autres procédures.
En ce qui concerne l’argument selon lequel l’administration fiscale avait obtenu des informations sur l’organisation du groupe durant une opération de contrôle fiscal antérieure, il convient de rappeler que selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation, l’administration peut solliciter la mise en oeuvre de l’art L 16B avant, pendant ou après une vérification fiscale, en effet si les appelants critiquent la mise en oeuvre d’une procédure de visite et de saisie après l’envoi au contribuable d’une procédure de rectification , il convient de rappeler que la procédure de l’art L16B du LPF est totalement indépendante de la procédure de contrôle que constitue la vérification de comptabilité, d’ailleurs aucune disposition légale ne s’oppose à ce que, au terme d’une enquête de la DNEF, une procédure de visite soit engagée à la suite d’ une procédure de vérification.
Par conséquent, il ne peut être reproché à l’administration d’avoir fait usage de la procédure prévue par l’article L. 16 B du LPF.
L’article 8 de la CESDH, tout en énonçant le droit au respect de sa vie privée et familiale, est tempéré par son paragraphe 2 qui dispose que ‘il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui’.
En l’espèce, le JLD a parfaitement motivé sa décision suite à la requête de l’administration fiscale et des 127 pièces produites, il a à juste titre relevé que ‘ des documents et supports d’informations relatifs à la fraude présumée étaient suceptibles de se trouver dans les locaux du [Adresse 3], susceptibles d’être occupés par [H] [D], et du [Adresse 7], susceptibles d’être occupés par [V] [P]’, que contrairement à ce qu’affirment les parties appelantes, le JLD a motivé sa décision en rappelant le fonctions occupées par [H] [D] au sein de DAVIDSON SI (dirigeant) et en rappelant les fonctions de [V] [P] qui est l’un des principaux dirigeants et actionnaires du groupe DAVIDSON, groupe auquel appartient la SAS DAVIDSON SI, justifiant la visite à leur domicile respectif, qu’il n’y a pas eu de violation des dispositions de l’article 8 de la CESDH et la mesure n’a aucunement été disproportionnée eu égard au but poursuivi.
Ce moyen sera rejeté.
Sur le caractère illicite d’un grand nombre de pièces soumise au JLD par l’administration à l’appui de sa requête
En ce qui concerne la prétendue violation des dispositions du RGPD dans le cadre de la production des pièces faite par l’administration fiscale à l’appui de sa requête, il convient de rappeler que l’article 2 du RGPD prévoit que « Le présent règlement ne s’applique pas au traitement de données à caractère personnel effectué: (‘) d) par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d’enquêtes et de poursuites (…) », or les opérations de visite et saisie diligentées par les agents de la DNEF dans le cadre de l’article L. 16B du LPF sont effectuées dans le cadre d’investigations en vue de prévenir et détecter des infractions potentiellement pénales, que l’article 23 du RGPD autorise les états membres à limiter la portée des obligations prévues à l’art 14 du règlement, que l’article 38 de la Loi du 6 janvier 1978 permet justement d’en limiter la portée (‘lorsque le traitement est mis en oeuvre par les administrations publiques qui ont pour mission soit de contrôler ou de recouvrer des impositions soit d’effectuer des contrôles de l’activité de personnes physiques ou morales pouvant donner lieu à la constatation d’une infraction ou d’un manquement , des amendes administratives ou à des pénalités ‘), qu’il en résulte que le RGPD ne s’applique pas aux demandes d’autorisation de visites domiciliaires. En ce qui concerne les pièces 21, 22, 24 à 35 et 37, il s’agit de pièces issues de la consultation par les agents de l’administration fiscale de sites internet d’accès public, ainsi les renseignements recueillis sur les réseaux sociaux sont considérés comme ayant été licitement recueillis.
Ce moyen sera rejeté.
L’ordonnance n° 7/2021 du JLD du Tribunal judiciaire de Paris en date du 5 janvier 2021 sera déclarée régulière et confirmée.
Enfin les circonstances de l’instance commandent de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de l’administration fiscale.
PAR CES MOTIFS
Statuant contradictoirement et en dernier ressort:
– Confirmons en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue à l’encontre de la SAS DAVIDSON SI par le juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de PARIS en date du 5 janvier 2021 autorisant les visites dans les locaux et dépendances sis [Adresse 3], présumés être occupés par M. [H] [D] et/ou la SAS BSM INVEST et/ou la SAS NOA INVEST et/ou la SAS DANIEL INVEST et/ou le FONDS DE DOTATION ISABELLE [D] et sis [Adresse 7], présumés être occupés par M. [V] [P] ;
– Rejetons toute autre demande ;
– Disons qu’il convient d’accorder la somme de 2000 euros (deux mille euros) à charge pour les parties appelantes à verser à la DNEF au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Disons que la charge des dépens sera supportée par les parties appelantes.
LE GREFFIER
Véronique COUVET
LE DÉLÉGUÉ DU PREMIER PRESIDENT
Elisabeth IENNE-BERTHELOT