Sous-traitance : 18 mai 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 21/01682

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Sous-traitance : 18 mai 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 21/01682
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Grosses délivrées aux parties le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 15

ORDONNANCE DU 18 MAI 2022

(n°28, 20 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 21/01682 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CC7ZA

Décision déférée : Ordonnance rendue le 05 janvier 2021 (n°6) par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de [Localité 15]

Nature de la décision : Contradictoire

Nous, Elisabeth IENNE-BERTHELOT, Conseillère à la Cour d’appel de PARIS, déléguée par le Premier Président de ladite Cour pour exercer les attributions résultant de l’article L16B du Livre des procédures fiscales, modifié par l’article 164 de la loi n°2008-776 du 04 août 2008 ;

assistée de Véronique COUVET, greffier lors des débats et de la mise à disposition ;

Après avoir appelé à l’audience publique du 16 mars 2022 :

Monsieur [B] [K] Directeur de sociétés

né le [Date naissance 3] 1975 à [Localité 11]

Élisant domicile au cabinet de Me Delphine RAVON

[Adresse 6]

[Localité 9]

Monsieur [N] [I]

né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 15]

Élisant domicile au cabinet de Me Delphine RAVON

[Adresse 6]

[Localité 9]

LA SOCIETE [C] [Localité 15] S.A.S. venant aux droits et obligations de la société [C] RESEAUX ET MULTIMEDIA

Prise en la personne de son Président en exercice

Élisant domicile au cabinet de Me Delphine RAVON

[Adresse 6]

[Localité 9]

Représentés par Me Delphine RAVON, avocat au barreau de PARIS, toque : C2263 et par Me Eve OBADIA, avocat au barreau de PARIS, toque : C1371

APPELANTS

et

LA DIRECTION NATIONALE D’ENQUETES FISCALES

[Adresse 7]

[Localité 10]

Représentée par Me Jean DI FRANCESCO, de la SCP URBINO ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0137

INTIMÉE

Et après avoir entendu publiquement, à notre audience du 16 mars 2022, les conseils des appelants et le conseil de l’intimée ;

Les débats ayant été clôturés avec l’indication que l’affaire était mise en délibéré au 18 mai 2022 pour mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

Avons rendu l’ordonnance ci-après :

Le 5 janvier 2021 le juge des libertés et de la détention (ci-après JLD) du Tribunal Judiciaire (ci-après TJ) de [Localité 15] a rendu, en application de l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales (ci-après LPF), une ordonnance ( 6/2021) à l’encontre de :

la SAS [C] [Localité 15] venant aux droits et obligations de la SAS [C] RESEAUX ET MULTIMEDIA, représentée par son président Monsieur [B] [K] dont le siège social est sis [Adresse 5] et qui a pour objet social ‘ingéniérie études techniques sprécialisées pour l’industrie service dans le domaine de l’informatique’.

L’ordonnance autorisait des opérations de visite et saisie dans les lieux suivants :

– locaux et dépendances sis [Adresse 4], présumés être occupés par M. [N] [I] et/ou la SAS BSM INVEST et/ou la SAS NOA INVEST et/ou la SAS DANIEL INVEST et/ou le FONDS DE DOTATION ISABELLE [I];

– locaux et dépendances sis [Adresse 8], présumés être occupés par M. [B] [K].

L’autorisation de visite et saisie des lieux susmentionnés était délivrée aux motifs que la société SAS [C] RESEAUX ET MULTIMEDIA dont la sociétét [C] [Localité 13] vient aux droits et obligations serait présumée avoir réduit son imposition ou bénéficié d’une créance indue sur l’État en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles et/ou en passant ou faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est prescrite par le Code général des impôts (ci-après CGI).

Et ainsi serait présumée s’être soustraite et/ou se soustraire à l’établissement et au paiement des impôts sur les bénéfices et de la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA), en se livrant à des achats ou des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le Code général des impôts (articles 54 et 209-I pour l’IS et 244 quater B pour le crédit d’impôt pour dépenses de recherche).

L’ordonnance était accompagnée de 53 pièces annexées à la requête.

Il ressortait des éléments du dossier que le groupe [C] est un groupe international composé de 25 sociétés spécialisées qui exerce une activité de management, du consulting et de l’expertise technologique. Sur son site internet il est évoqué un chiffre d’affaires en 2019 de 275 millions d’euros .Il intervient dans le conseil digital au sens large. Il emploie de nombreux ingénieurs et consultants qu’il place ensuite en mission plusieurs mois chez ses clients.

Suite à une réorganisation en 2020, la SAS [C] NG détient la totalité des actions de la SAS [C] CONSULTING, le groupe [C] est maintenant animé par la société tête de groupe [C] NG et a pour actionnaires principaux M. [B] [K] et M. [N] [I]

Il est indiqué que la SAS [C] RESEAUX ET MULTIMEDIA exerçait une activité d’ingénierie, d’études techniques spécialisées pour l’industrie, des activités de services dans le domaine de l’informatique jusqu’au 21 mars 2019, avant d’être absorbée par son actionnaire unique, la SAS [C] [Localité 15] dont le siège social est sis [Adresse 5]) et qui dispose d’un établissement secondaire sis [Adresse 2].

Ainsi, la SAS [C] CONSULTING a conclu des contrats de conseils avec des clients et a sous-traité la réalisation de ces contrats auprès de la société [C] RESEAUX ET MULTIMEDIA.

Il s’ensuit que la SAS [C] RESEAUX ET MULTIMEDIA a facturé des prestations à la SAS [C] CONSULTING qui a elle-même facturé les prestations au client final.

Il ressort des éléments du dossier que, dans le cadre de son activité de recherche, la SAS [C] RESEAUX ET MULTIMEDIA a sollicité des Crédits Impôts Recherche (CIR) au titre de ses exercices clos en 2015, 2016 et 2017; et s’est fait assister par un cabinet spécialisé en CIR, la société INNOVATECH CONSEIL.

Ainsi, la société [C] RESEAUX ET MULTIMEDIA a acquitté partiellement ou intégralement son impôt sur les sociétés dû au titre des exercices 2015 à 2018 par l’imputation de ses crédits impôts recherche.

En outre, il ressort des éléments du dossier que le montant total des dépenses de recherches réalisées par l’entreprise est constitué à plus de 99% de dépenses personnels (hors dépenses de fonctionnement) dont une partie est mise à disposition par les sociétés INTERVIA et ACEFAS.

Il découle également de ces informations que la société ne semblait pas disposer de moyens d’exploitation affectés directement et exclusivement à des opérations de recherche autre que du personnel.

Ainsi, le crédit d’impôt recherche (CIR) est un crédit d’impôt calculé sur la base des dépenses de Recherche-Développement (R&D) engagées par les entreprises.

Les entreprises bénéficiaires du CIR déposent une déclaration spéciale qui permet de calculer le montant du CIR et reportent le résultat sur leur déclaration fiscale.

Ce crédit d’impôt peut être amputé sur l’impôt sur les sociétés ou, à défaut, peut constituée une créance sur l’État.

En outre, le CIR est basé notamment sur le montant des rémunérations du personnel affecté aux opérations de recherche.

Toutefois, une entreprise qui met ses salariés/consultants à la disposition de ses clients, afin d’y effectuer dans leurs locaux et avec leurs moyens des opérations de recherche ne doit pas prendre en compte leur rémunération dans le montant des dépenses des personnels affectés à la recherche.

Il découle des dossiers financiers transmis au titre des années 2015, 2016 et 2017 que la problématique de la mise à disposition de salariés semble connue de la société [C] RESEAUX ET MULTIMEDIA puisqu’elle a pris en compte dans sa déclaration de CIR du personnel mis à disposition par les sociétés ACEFAS et INTERVIA.

Ainsi, le contrôle du CIR est de la compétence de l’administration fiscale qui peut, le cas échéant se faire assister d’un expert du Ministère chargé de la recherche ; l’entreprise qui a bénéficié du CIR doit pouvoir justifier des éléments qu’elle a déclarés.

Il en découle que le contrôle du CIR comprend en général une partie scientifique réalisée par des experts du Ministère chargé de la recherche (contrôle de la compétence et du travail) et une partie purement fiscale (contrôle de la dépense et de l’organisation de la société) réalisée par les agents de l’administration fiscale.

Dès lors, un CIR peut être validé totalement ou partiellement par les experts du MESRI d’un point de vue scientifique, et faire l’objet d’un rejet total ou partiel par les agents de la DGFIP si les conditions imposées par le code général des impôts ne sont pas respectées.

Ainsi, la société [C] [Localité 15] venant aux droits et obligations de la société [C] RESEAUX ET MULTIMEDIA n’a pas fourni au service vérificateur des documents permettant de valider la réalité du CIR.

Ces documents sont par ailleurs essentiels au regard de l’activité de la société dont les salariés/consultants sont amenés à travailler chez le client.

La société [C] [Localité 15], venant aux droits et obligations de la société [C] RESEAUX ET MULTIMEDIA, confirme qu’elle ne souhaite pas communiquer au service vérificateur des éléments complémentaires qui pourtant sont ou peuvent être à sa disposition (contrats avec les clients finaux, comptes rendus des travaux transmis au client et plannings globaux de réalisation du projet).

Il s’ensuit que la société [C] [Localité 15] venant aux droits et obligations de la société

[C] RESEAUX ET MULTIMEDIA, se retrouve dans l’incapacité de justifier, d’un point de vue fiscal, les montants portés sur ses déclarations de CIR.

Ainsi Monsieur [L] [J], salarié de [C] RESEAUX ET MULTIMEDIA, en tant qu’ingénieur consultant, a été pris en compte entre environ 74% et 93 % de son temps à des opérations de recherche et développement sur la période 2015, 2016 et 2017 pour la société [C] RESEAUX ET MULTIMEDIA alors qu’il indique exercer sur la même période, une mission d’ingénieur puis une mission d’architecte transverse des services TV au sein de BOUYGUES TELECOM.

Il peut être présumé dès lors que ces missions au sein de BOUYGUES TELECOM ne permettaient pas de disposer du temps nécessaire pour être affecté entre environ 74% et 93 % de son temps sur la période 2015, 2016 et 2017, à des opérations de recherchedéveloppement pour la société [C] RESEAUX ET MULTIMEDIA.

Ainsi Madame [U] [H], salariée de [C] RESEAUX ET MULTIMEDIA en tant que consultante, a été prise en compte entre environ 85% et 90 % de son temps sur la période 2015 et 2016 à des opérations de recherche et développement pour la société [C] RESEAUX ET MULTIMEDIA alors qu’elle indique avoir exercé sur la même période une mission de chef de projet technique chez BOUYGUES TELECOM.

Il peut être présumé dès lors que cette mission chez BOUYGUES TELECOM ne lui permettait pas de disposer du temps nécessaire pour être affectée entre environ 85% et 90% de son temps sur la période 2015 et 2016, à des opérations de recherche et développement pour la société [C] RESEAUX ET MULTIMEDIA.

Ainsi Monsieur [A] [Z], salarié de la société [C] RESEAUX ET MULTIMEDIA en tant que consultant, a été pris en compte entre environ 78% et 91% de son temps de travail sur la période 2015, 2016 et 2017 à des opérations de recherche et

développement pour la société [C] RESEAUX ET MULTIMEDIA alors qu’il indiquait exercer sur la même période une mission d’ingénieur puis de consultant AMOA pour BOUYGUES TELECOM

Il peut être présumé dès lors que cette mission chez BOUYGUES TELECOM ne lui permettait pas de disposer du temps nécessaire pour être affecté entre environ 78% et 91% de son temps de travail sur la période 2015, 2016 et 2017 à des opérations de recherche et développement pour la société [C] RESEAUX ET MULTIMEDIA.

Ainsi, il apparaît qu’un nombre important de salariés de la société [C] RESEAU ET MULTIMEDIA et de personnels mis à sa disposition par les sociétés INTERVIA et ACEFAS ont pu être pris en compte dans les déclarations de CIR de la société [C] RESEAUX ET MULTIMEDIA alors qu’ils exerçaient sur la même période des missions auprès d’autres sociétés.

Dès lors, il peut être présumé que la société [C] RESEAUX ET MULTIMEDIA a artificiellement majoré le montant des dépenses de personnel pris en compte dans le calcul de ses CIR et ainsi réduit frauduleusement ses impositions.

Il en découle que la société SAS [C] RESEAUX ET MULTIMEDIA, dont [C] [Localité 15] vient aux droits et aux obligations, est présumée avoir réduit son imposition ou bénéficié d’une créance indue sur l’Etat en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant à des opérations réelles et/ou en passant ou faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est proscrite par le CGI.

Ainsi, en sa qualité de dirigeant de la société [C] [Localité 15] venant aux droits et obligations de [C] RESEAUX ET MULTIMEDIA et de référent des crédits impôt recherche, Monsieur [N] [I] est susceptible de détenir dans les locaux qu’il occupe [Adresse 4] des documents et/ou supports d’informations relatifs à la fraude présumée.

Dès lors, Monsieur [N] [I], les sociétés SAS BSM INVEST, SAS DANIEL INVEST, SAS NOA INVEST et le FONDS DE DOTATION ISABELLE [I] sont susceptibles d’occuper tout ou partie des locaux en commun.

Ainsi, les locaux sis [Adresse 4], présumés être occupés par Monsieur [N] [I], les sociétés SAS BSM INVEST, SAS DANIEL INVEST, SAS NOA INVEST, et le FONDS DE DOTATION ISABELLE [I] sont susceptibles de contenir des documents et/ou des supports d’informations relatifs à la fraude présumée.

[B] [K] est président de la SAS [C] [Localité 15], venant aux droits et obligations de la société [C] RESEAUX ET MULTIMEDIA, ainsi, eu égard à cette qualité et de son rôle au sein du groupe [C], Monsieur [B] [K] est susceptible de détenir dans les locaux qu’il occupe [Adresse 8] des documents et/ou supports d’informations relatifs à la fraude présumée.

Au vu de tout ce qui précède, le JLD du Tribunal judiciaire de [Localité 15] a autorisé la visite domiciliaire par ordonnance du 5 janvier 2021.

Les opérations de visite et de saisies se sont déroulées le 12 janvier 2021 dans les locaux susmentionnés.

Le 27 janvier 2021, la SAS [C] [Localité 15] venant aux droits et obligations de la société [C] RESEAUX ET MULTIMEDIA, M. [B] [K] et M. [N] [I] ont interjeté appel contre l’ordonnance du JLD (RG 21/01682)

L’affaire a été audiencée pour être plaidée le 17 novembre 2021, elle a été renvoyée à l’audience du 16 mars 2022 et mise en délibéré pour être rendue le 18 mai 2022.

SUR L’APPEL

Par conclusions déposées au greffe de la cour d’appel de Paris le 23 décembre 2021, conclusions d’appel et en réplique du 17 février 2022 et conclusions en réplique et récapitulatives du 11 mars 2022 déposées à l’audience du 16 mars 2022, les appelants font valoir :

Rappel des faits et de procédure :

Le JLD du TJ de Paris a rendu une ordonnance le 5 janvier 2021 autorisant des visites domiciliaires au sein des domiciles privés de M [I] ( [Adresse 4]) et de M [K] ([Adresse 8]). Les visites ont été effectuées le 12 janvier 2021.Désignés par l’ordonnance critiquée, Messieurs [K] et [I] sont recevables à interjeter appel.

Après avoir exposé le contexte des visites domiciliaires ( présentation du groupe [C], de la société [C] Réseaux et Multimédia (R&M ) et du régime du CIR), les appelants sollicitent qu’il soit à nouveau statué, en fait et en droit , selon l’art 561 du CPC, sur la requête de la DNEF du 17 décembre 2020, au regard de trois moyens (absence de caractérisation des conditions de mise en oeuvre de l’art L 16 B, absence de vérification du JLD, caractère illicite d’un grand nombre de pièces de l’administration) qui ne peuvent que conduire à l’infirmation de l’ordonnance.

I ‘ Contexte de la mise en ‘uvre de la visite domiciliaire contestée : présentation du groupe [C], de la société [C] R&M et du régime CIR

A ‘ Présentation générale du groupe [C]

Il est décrit le groupe [C] exerçant une activité de consulting dans le domaine de l’ingénierie depuis 2005. Il est structuré autour de 23 filiales françaises et de 7 filiales étrangères.

Le groupe a notamment participé à certains projets les plus innovants des dix dernières années dans le domaine des télécoms, de l’internet des objets (IoT) ou du numérique au sens large. A titre d’exemple, il est notamment cité le lancement du premier portail de vidéo à la demande français avec Canal+, l’optimisation des réseaux 4G chez SFR et le lancement de la 5G avec BOUYGUES TELECOM.

Par ailleurs, au cours des dix dernières années, plus de 800 projets en lien avec une démarche de recherche et développement (ci-après R&D) lui ont été confiés.

Afin d’exercer son activité, le groupe [C] a recours à différents types d’engagements contractuels : l’assistance technique (simple ou renforcée), des projets ponctuels, des pôles d’activité et des centres de services.

Il est argué qu’il ne s’agit en aucun cas de contrats de mise à disposition de personnel ou de portage salarial, et ce, quand bien même le lieu d’exécution des missions se situerait généralement dans les locaux des clients, à l’instar de la majeure partie des activités des cabinets de conseil employant des consultants.

Il est indiqué que depuis sa création en 2005, le groupe [C] a connu une croissance continue et que le nombre de ses consultants a cru de 30 en 2005 à 2 428 au 31 décembre 2020.

En outre, l’activité du groupe se caractérise par une technicité croissante qui se traduit par une activité de R&D foisonnante, aussi bien en interne qu’en externe: à titre d’exemple, il est cité la publication de nombreux articles scientifiques ainsi que le dépôt de plusieurs brevets.

Il est fait valoir qu’afin de répondre aux atteintes de ses clients, le groupe [C] a placé son activité R&D au c’ur de sa stratégie marketing. Grâce à cet investissement R&D conséquent, le groupe fait désormais figure de référence dans le monde de l’IoT.

B ‘ Présentation de la société [C] R&M .

Le développement rapide et soutenu des activités du grouype [C] en région Ile de France via [C] PARIIS a entraîné la création de nouvelles filailes opérationnelles pour soutenir cette croissance, [C] R&M a été créée en avril 2012 à [Localité 12]. Les activités de la société s’inscrivent dans le prolongement du groupe, l’expertise et le management de projets dasns le domaine Digital & Networks Transformation avec une spécialisation dans l’accès fibre et l’expertise box / IPTV, auprès de nombreux clients ( Bouygues Télécom, Axians, Arkadin, SFR…). La société est détenue à 100% par [C] [Localité 14]. Les indicateurs de R&D spécifiques au marché local sont précisés.

C ‘ L’ activité de R&D de DAVDSON R&M justifie le dépôt des demandes de CIR

-Le régime du CIR

Il est rappelé que le crédit d’impôt en faveur de la recherche (CIR) est une mesure d’incitation fiscale au développement de l’effort de recherche scientifique et technique des entreprises françaises. Calculé sur la base des dépenses de R&D engagées par les entreprises, il a pour objectif d’en diminuer le coût afin d’inciter les entreprises à y procéder et accroître leur compétitivité.

Il est indiqué que le taux du crédit d’impôt est de 30% pour les dépenses de recherches jusqu’à 100 millions d’euros. Le CIR est déduit de l’impôt sur les sociétés dû par la société au titre de l’année au cours de laquelle elle a engagé les dépenses de R&D intégrées à l’assiette du CIR.

En cas d’impossibilité d’imputation sur un bénéfice trop faible par exemple, le crédit excédentaire non imputé constitue une créance de l’État, qui peut être utilisée pour le paiement de l’impôt dû au titre des 3 années suivantes. A l’expiration d’un délai de 3 ans, la créance est remboursable.

– Comme le relève à juste titre l’ordonnance, dans le cadre de son activité de recherche, la SAS [C] R&M a déposé des demandes de CIR : 509 633 euros au titre des dépenses engagées en 2015, 405 271 euros au titre de 2016, 358 242 euros au titre de 2017, 129 508 euros au titre de 2018.

– Les dossiers du CIR (années 2015 à 2017) ont été établis avec l’assistance d’un expert, la société INNOVATECH CONSEIL, référencée en tant qu’acteur conseil CIR ce qui est un gage de sérieux.

II ‘ Absence de caractérisation des conditions de mise en ‘uvre de l’article L. 16 B du LPF

– Les parties appelantes font valoir que les cas de présomption de fraude permettant d’autoriser l’administration fiscale à procéder aux visites et saisies sont limitativement énumérés par le paragraphe I de l’article L. 16 B du LPF et que le dispositif prévu à l’article L. 16 B du LPF n’est conforme à la Constitution que dans la mesure où il vise de manière précise les infractions pouvant justifier le recours à ce dispositif, que ce texte permet l’organisation d’une visite domiciliaire dans les seuls cas où le contribuable se soustrait au paiement de l’impôt, alors que l’administration fiscale invoque dans sa requête la réduction frauduleuse de l’imposition et le bénéfice d’une créance indue sur l’Etat.

-En l’espèce, la présomption de fraude alléguée à l’encontre de la société [C] R&M est qu’elle aurait artificiellement majoré le montant des dépenses de personnel pris en compte dans le calcul de ses déclarations de CIR au titre des exercices 2015 à 2018, et est ainsi ‘présumée avoir réduit frauduleusement ses impositions ou bénéficié d’une créance indue sur l’Etat’.

L’administration vise dans sa requête deux situations bien distinctes :

– la réduction par le contribuable de son imposition (exercices 2015 à 2017)

-le bénéfice d’une créance indue sur l’Etat (exercice 2018).

Il est rappelé la situation des CIR détenus par [C] R&M au jour de la requête.

– La suspicion du caractère frauduleux du calcul de créances de CIR détenues par un contribuable mais non imputées, au jour de la requête, sur l’impôt sur les société, comme c’est le cas au titre de l’ exercice 2018 , ne constitue pas un cas de présomption de fraude visé par l’art L 16B du LPF. Les infractions visées sont des infractions matérielles supposant que le résultat est un élément même de l’infraction qui n’est consommée que par la réalisation du dommage et que la soustraction à l’établissement ou au paiement de l’impôt est donc non seulement le résultat des infractions visées mais elle en est également un élément constitutif, ce qui exclut une tentative de soustraction à l’établissement de l’impôt.

En conséquence lorsqu’une créance de CIR n’a été ni imputée ni remboursée, soit que la demande de remboursement n’a pas été déposée, soit qu’elle est encore en cours d’instruction, soit qu’elle a été rejetée, l’article L 16B du LPF ne peut pas être mis en oeuvre.

La décision du Premier Président de la CA de Rennes en date du 19 janvier 2022 qui a jugé dans ce sens est citée, ainsi que l’avis du professeur de droit [V] .

Selon les appelants, il s’impose d’annuler l’ordonnance en ce qu’elle a autorisé la visite pour rechercher la preuve des agissements visés au titre de l’exercice 2018.

Les parties contestent les trois arguments de l’administration fiscale dans ses conclusions en défense.

-S’agissant de l’exercice 2018 (à titre subsidiaire) et des exercices 2015 à 2017 (à titre principal), la suspicion de fraude n’est pas étayée.

En effet, l’administration fiscale avait parfaitement connaissance du fonctionnement du groupe [C], une vérification de comptabilité était en cours à la date de présentation de la requête, ce contrôle portant sur les les déclarations n°2069-A SD déposées en 2016, 2017 et 2018 pour les CIR Calculés sur les dépenses engagées au titre des années 2015 à 2017.

Lorsque l’administration a saisi le JLD, elle avait déjà adressé un an auparavant une proposition de rectification à la Société concernant le seul CIR 2015., la société a présenté ses observations sans réponse en retour, dès lors que l’administration fiscale avait connaissance du fonctionnement du groupe [C] ainsi que de l’organisation de la R&D en son sein et avait déjà diligenté des vérifications de comptabilité au terme desquelles lesdemande de CIR avaient été validées, il ne lui était pas possible de mettre en ‘uvre l’article L. 16 B du LPF. Il est cité l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris en date du 9 septembre 2020 (n° 19/16971) dans l’affaire LVMH FINANCE BELGIQUE SA.

Pour chaque exercice vérifié, la société a remis au service vérificateur plusieurs documents demandés par l’administration.

Dans ce contexte on peine à comprendre pourquoi le éléments tirés de la vérification de comptabilité n’étaient pas suffisants et l’administration n’explique en rien quel intérêt revêtait pour elle la réalisation des visites sollicitées aux domiciles personnels de M. [K] et [I] et quels documents utiles elle escomptait y collecter.

Pour soutenir qu’il peut être présumé que la société [C] R&M a majoré frauduleusement ses déclarations de CIR au titre des exercices 2015 à 2018, l’administration se fonde sur les éléments suivants que le JLD a retenus : le refus allégué de la société de satisfaire certaines demandes documentaires, l’absence de mention de dotation aux amortissements des biens affectés à la recherche, le recoupement entre les données relatives aux salariés pris en compte dans les dépenses de personnel des rapports financiers 2015 à 2017.

Pour répondre aux arguments de l’administration, il convient de rappeler que s’agissant de l’exercice 2018, aucun indice de fraude n’y apparaît, concernant les exercices 2015 à 2017, le JLD n’est pas en mesure d’apprécier le bien fondé des refus sponctuels de la société, alors que pour chaque exercice vérifié la société a remis au service vérificateurs des dossiers financiers et techniques complets, comme toute entreprise du secteur du numérique les moyens aux activités de R&D sont constitués quasi exclusivement de dépenses de personnel.

L’administration n’explique en rien quel intérêt revêtait pour elle la réalisation des visites sollicitées aux domiciles personnels de M. [K] et [I] et quels documents utiles elle escomptait y collecter.

L’administration prétend avoir fait un recoupement entre les données relatives aux salariés pris en compte dans les dépenses de personnel des dossiers financiers 2015 à 2017 de [C] R&M et leur profil linkedin.

Il est rappelé qu’une fiche Linkedin est purement déclarative, or selon la jurisprudence, les « mentions figurant sur les comptes LinkedIn (‘) sont dépourvues de toute force probante, dès lors qu’elles ne sont (‘) en aucun cas soumises à l’aval des sociétés en cause ».

Il est argué que l’administration aurait dû exercer à l’égard de ces quelques salariés le droit de communication dont elle dispose pour leur demander exactement quelles avaient été leurs activités. Les seuls profils Linkedin ne peuvent suffire à caractériser uen présomption de fraude.

-La circonstance que les dépenses de personnel afférentes aux consultants de la société, affectés par celle-ci à des opérations de R&D dans le cadre du CIR déclaré, soient refacturées aux clients et seraient donc, selon l’administration, exclusives du bénéfice du CIR pour la société relève d’un débat purement juridique qui ne peut être tranché par une visite domiciliaire.

A cet égard, il est mis en exergue que la position exprimée par l’administration dans sa requête, et reprise par le JLD dans son ordonnance, est en contradiction avec la doctrine de l’administration fiscale telle que fixée depuis plus d’une dizaine d’années, ainsi que les extraits produits le montrent.

Il est également cité une décision du Conseil d’État en date du 18 juin 2021 à l’appui de cet argument.

Dès lors qu’il ressort clairement des dispositions édictées aux paragraphes I et suivants de l’article 244 quater B du CGI que le dispositif du CIR doit bénéficier à l’auteur de la R&D, c’est-à-dire à la personne qui expose les dépenses de R&D éligibles, c’est à juste titre que la société [C] R&M a inclus ces dépenses dans l’assiette de son CIR, sans qu’ait d’incidence à cet égard la circonstance que ces dépenses soient répercutées à ses clients.

III ‘ Absence de vérification concrète par le JLD du bien-fondé et de la proportionnalité de la mesure

Il est fait valoir que plusieurs éléments démontrent que le JLD n’a pas vérifié le bien-fondé et la proportionnalité de la mesure qu’il a autorisée.

Tout d’abord, la requête était accompagnée de 53 pièces, représentant des milliers de pages, dont aucune d’entre elles n’établit ni la nécessité ni l’intérêt de réaliser une visite domiciliaire, notamment au domicile personnel de M [K] et de M [I].

Par ailleurs, le JLD n’a pas rempli son rôle de vigie de la liberté individuelle que lui assigne l’article 66 de la Constitution, en omettant de vérifier que l’exigence de proportionnalité, qui découle notamment de l’article 8 de la CESDH, avait été respectée.

Il est argué que la motivation de l’ordonnance (« la preuve des agissements présumés peut, compte tenu des procédés mis en place, être apportée par la mise en ‘uvre du droit de visite et de saisie prévu à l’article L. 16 B du LPF ») est abstraite et générale et ne contient aucun élément concret justifiant de la nécessité ainsi que de la proportionnalité de la mesure.

Ainsi, il n’est mentionné à aucun moment que l’administration ne pouvait pas obtenir les mêmes informations par une autre voie, moins intrusive, telle que le droit de communication.

Dans sa jurisprudence, la CEDH censure toute ingérence non nécessaire et donc disproportionnée au but recherché.

En laissant à l’administration le libre choix des armes et en refusant implicitement de reconnaitre à la procédure de l’article L 16 B du LPF un caractère subsidiaire, le JLD a commis une erreur de droit au regard des exigences de la CEDH, il n’a pas donné la priorité à la protection des droits fondamentaux (inviolabilité du domicile et respect de la vie privée).

Par conséquent, il est demandé d’annuler l’ordonnance.

IV ‘ Caractère illicite d’un grand nombre de pièces soumises au JLD par l’administration à l’appui de sa requête.

Les parties appelantes rappellent la jurisprudence constante de la Cour de cassation concernant l’obligation pour le Premier Président, en cas de contestation, de vérifier que les éléments d’information fournis par l’administration fiscale requérante ont été obtenues de manière licite. Selon elles, les traitements de données sur lesquels se fonde l’ordonnance du JLD doivent respecter les règles applicables en matière de protection des données personnelles, tel n’est pas le cas. La loi du 6 janvier 1978 et le règlement RGPD sont rappelés.

Elles évoquent la caractère illicite de certaines pièces jointes à la requête de l’administration fiscale correspondant à une collecte d’informations et de données issues de recherches sur des bases de données ou de sources d’accès public tels que des moteurs de recherches, des réseaux sociaux professionnels (pièces n° 10-1, 10-2 et 10-3 ), cette collecte indirecte supposant une information des personnes concernées qui ne leur a pas été délivrée, les agents de l’administration fiscale en l’espèce devant se soumettre aux règles du RGPD.

Compte tenu du nombre de données collectées, sans la production de ces pièces, le JLD saisi n’aurait pas fait droit à la demande de mise en oeuvre des visites domiciliaires présentée par l’administration. L’ordonnance doit donc être annulée.

En conclusion, il est demandé de :

A titre principal

– infirmer l’ordonnance signée le 5 janvier 2021 par le JLD du TJ de PARIS au visa de l’article L. 16 B du LPF ;

– en conséquence, annuler les opérations de visite et saisie autorisées par cette ordonnance ;

A titre subsidiaire

– infirmer l’ordonnance critiquée en ce qu’elle a autorisé les visites pour rechercher la preuve des agissements prêtés à la société appelante au titre de l’exercice 2018 ;

– en conséquence, annuler les saisies réalisées au cours des deux visites en ce qu’elles portent sur l’exercice 2018  ;

En tout état de cause

– ordonner la destruction, sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard passé un délai de 8 jours à compter de la décision à intervenir, de toute copie sous quelque forme que ce soit des documents et fichiers saisis, à charge pour l’administration de justifier de la destruction effective de ces documents et fichiers ;

– dire que l’administration sera rétroactivement réputée ne jamais avoir détenu les pièces saisies ;

-condamner la DGFiP aux dépens et à payer aux appelants la somme de 5 000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions transmises à la Cour en date du 9 février 2022 et conclusions n°2 déposées auprès de la Cour le 16 mars 2022 l’administration fiscale fait valoir :

1 Un rappel préalable de la procédure est exposé.

2 Discusssion

2-1 Rappel préalable des faits :

L’administration fiscale rappelle et développe les éléments soumis à l’appréciation du juge dans la requête ainsi que les pièces produites justifiant la mise en oeuvre de la procédure de visite domiciliaire.

2-2 L’argumentation développée par les parties appelantes ne remet pas en cause le bien -fondé des présomptions retenues par le premier juge.

A- sur l’absence d’acte ou d’omission entrant dans le champ de l’article L16B du LPF.

L’appelant reproche au JLD de s’être fondé sur des éléments qui ne permettraient pas d’établir l’existence de présomptions selon laquelle le contribuable se serait soustrait à l’établissement et au paiement de l’impôt sur les bénéfices et des taxes sur le chiffre d’affaires […]. Ce moyen se pourra qu’être rejeté dès lors que la présomption vise la délivrance de factures ou de documents ne se rapportant pas à des opérations réelles et réduisant une imposition ou permettant de bénéficier d’une créance indue sur l’Etat et/ou en passant ou faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est prescrite par la CGI. La Cour de cassation a rappelé que pouvaient être relevées des présomptions relevant des art 1741 ou 1743 du CGI, elle a également régulièrement jugé que ce texte n’exigeait pas des infractions d’une particulière gravité et que le juge n’avait pas à caractériser la mauvaise foi du contribuable .

L’appelante invoque la décision du Premier président de la Cour d’appel de Rennes et énonce que les dispositions de l’article L 16B du LPF ne peuvent pas être mises en oeuvre en l’absence d’imputation d’une créance CIR.

Les conditions de la mise en oeuvre de l’article L 16B du LPF sont rappelées.

Au cas présent, l’excédent du crédit d’impôt non imputé constitue au profit de l’entreprise une créance sur l’Etat d’égal montant. Cette créance est utilisée pour le paiement de l’impôt dû au titre des trois années suivant celle au titre de laquelle elle est constatée, puis s’il y a lieu, la fraction non utilisée est remboursée à l’expiration de cette période.

Les entreprises qui dégagent un crédit d’impôt non imputé sur l’impôt dû au titre de la même année doivent constater une créance sur le trésor du montant du crédit d’impôt non imputé. Cette créance de CIR doit être enregistrée pour sa valeur normale au débit du compte 444 ‘ Etat -impôt sur les bénéfices’ et par le crédit du compte 699 ‘produits- Crédit d’impôt recherche’.

C’est bien la constatation et donc l’enregistrement comptable de la créance qui constitue le fait générateur permettant à terme le remboursement. Par la suite la demande de restitution s’effectue sur le formulaire dédié à la liquidation de l’IS.

D’autre part, en cas d’imputation sur un exercice postérieur à la période vérifiée d’un CIR remis en cause à la suite d’un contrôle, il sera procédé à une nouvelle liquidation de l’IS, assortie de l’application éventuelle de pénalités. En effet la remise en cause d’un excédent d’imputation de CIR s’analyse comme une opération comptable de liquidation de l’IS et non comme une rectification en matière d’assiette de l’impôt.

Au cas particulier, l’administration a notamment présumé que la société appelante avait bénéficié d’une créance indue sur l’Etat en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles et/ou en passant ou faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est prescrite par le CGI.

Ainsi le dépôt d’une déclaration de CIR fait naitre un droit à imputation ou au remboursement de l’IS qui à terme bénéficiera finalement à la société en l’absence de remise en cause et contribuera in fine à diminuer sa charge fiscale. Le principe de la soustraction à l’établissement ou au paiement de l’ impôt est avéré dès la constitution de la créance, dès lors qu’elle a donné lieu à la passation d’écritures omptables et qu’elle a pour vocation unique une minoration du paiement de l’impôt. D’ailleurs la Cour d’appel de Besançon a confirmé sur ce point l’ordonnance du JLD de Belfort concernant la SAS [C] EST (6 janvier 2022).

Il en résulte que la constatation de la créance de CIR est soumise à des obligations comptables et fiscales . Elle doit en effet être déterminée sur une déclaration spécifique qui s’inscrit dans un processus lié à l’établissement de l’impôt et faire l’objet d’un enregistrement comptable.

De cette constatation de l’existence de la créance résulte la naissance d’un droit à déduction avec pour effet une minoration du paiement de l’impôt, peu important la date à laquelle il sera exercé.

Ainsi, un CIR imputé sur le montant de l’IS dû au titre d’un exercice entre à l’évidence dans le champ d’application de l’art L 16B du LPF, puisqu’il peut se traduire par une soustraction au paiement de l’impôt. Le seul fait de ne pas avoir été en mesure de procéder à cette imputation (exercice déficitaire) ne change en rien le fait que le contribuable aura essayé de se soustraire au paiement de l’impôt , quand bien même il s’agit d’un exercice ultérieur, l’art L 16B n’exigeant pas que cette soustraction se rapporte à un exercice déterminé.

La circonstance que l’excédent de la créance de CIR n’ait pas pu être imputée du fait du résultat déficitaire de la société ne retire rien à la nature fiscale de la créance, d’ailleurs il résulte de la jurisprudence qu’ une demande indue de remboursement d’un CIR est constitutive de l’infraction de fraude fiscale sanctionnée par l’art 1741 du CGI.

En conséquence, les dispositions de l’article L 16B sont applicables au CIR, peu importe les modalités de son utilisation (imputation ou remboursement).

B- Sur l’incidence sur la procédure de l’art L 16B du LPF d’une vérification de comptabilité.

Il est rappelé la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle l’administration peut solliciter la mise en oeuvre de l’art L 16B avant, pendant ou après une vérification fiscale.

Ainsi la procédure prévue à l’art L 16B du LPF est totalement indépendante de la procédure de contrôle que constitue la vérification de comptabilité. Aucune dispositin légale ne s’oppose à ce que, au terme d’enquêtes effectuées par les servoces de la DNEF, une procédure de visite sot engagée en amont, au cours d’une procédure de vérification, est indfférent le fait qu’une proposition de rectification interruptive de prescription ait été adressée à la société à la date de la requête. S’agissant en outre de rectification constatée lors d’une procédure de contrôle antérieure ou de remboursements de CIR intervenus au titre d’années passées, ces décisions restent circonscrites aux exercices et années en cause. Elles n’engagent en aucune façon l’administration.

C- Sur le débat juridique .

Selon les appelantes, le débat porterait sur le point de savoir si une entreprise qui expose des dépenses de R&D pour son propre compte peut inclure ces dépenses dans l’assiette de son CIR lorsque celles-ci sont refacturées à un client, elle produisent une arrêt du 18 juin 2021 du Conseil d’Etat à l’appui de leur argumentation. Or cette discussion relève de la compétence du juge de l’impôt , ce que n’est pas le JLD en matière de visite domiciliaire ni le Premier Président statuant en appel

En l’espèce les appelants tentent de réduire les présomptions de fraude à un seul débat juridique, alors qu’il ressort des éléments produits devant le JLD qu’il pouvait être présumé que la société SAS R&M a artificiellement majoré le montant de dépenses de personel pris en compte dans le calcul de ses CIR et a ainsi réduit frauduleusement ses impositions.

D- sur la force probante des pièces présentées

Les appelantes dénient toute force probante aux informations linkedin et Viadeo, alors que l’administration ne fait que communiquer des éléments d’accès publics issus de base de données ou sites internet, pour lesquels la Cour de cassation a reconu le caractère licite des consultations, les informations figurant sur les réseaux sociaux professionnels décrivent l’activité exercée par les personnes qui s’y pésentent.

L’administration a communiqué au JLD les CV Linkedin de 26 salariés en pièce 10-1.

Il ressortait de ces consulations qu’un nombre important de salariés de la société [C] R&M a pu être pris en compte dans ses déclarations de CIR alors qu’ils travaillaient en réalité pour d’autres sociétés, et qu’ainsi la SAS R&M a artificiellement majoré le montant de dépenses de personnels pris en compte dans le calcul de ses CIR et ainsi réduit frauduleusement ses impositions.

E -Sur le contrôle du juge

Les parties appelantes demandent l’annulation de l’ordonnance au motif que le JLD n’aurait pas procédé à un examen des pièces présentées dans le délai entre le dépôt de la requête et l’ordonnance rendue. La jurisprudence de la Cour de cassation est rappelée en la matière. Selon cette jurisprudence l’art L 16 B du LPF ne prévoit aucun délai entre la présentation de la requête et le prononcé de la décision , le nombre de pièces produites ne peut à lui seul, laisser présumer que le premier juge s’est trouvé dans l’impossibilité de les examiner, en tous état de cause , au titre de l’effet dévolutif, le Premier président saisi d’un recours peut statuer à nouveau en fait et en droit sur le bien fondé de la requête de l’administration.

Il est rappelé l’arrêt de la Cour Européenne des Droits de l’Homme du 31 août 2010 sur ce point. En l’espèce rien n’autorise les appelantes à suspecter que le juge se soit dispensé de contrôler les pièces soumises à son apréciation.

F- Sur le contrôle de proportionnalité et l’intérêt de la visite domiciliaire

Il est fait valoir que la Cour de cassation a toujours jugé qu’aucun texte n’impose au juge de vérifier si l’administration pouvait recourir à d’autres modes de preuve ou à d’autres procédures.

Selon l’article L. 16B du LPF, dès lors qu’existent des présomptions d’agissements frauduleux, la procédure de visite domiciliaire était justifiée en ce qu’elle permettait de rechercher la preuve de ces agissements et ainsi d’accéder à des documents de gestion quotidienne de l’entreprise ou relatifs à l’organisation interne, que le contribuable n’a pas l’obligation de remettre dans le cadre d’une procédure de contrôle classique.

Contrairement à ce qu’indiquent les appelants, les présomptions ne se résument pas à un simple débat juridique sur le CIR, mais elles portent sur la réalité factuelle des dépenses de frais de personnel concernant les salariés de [C] R&M, prises en compte dans les déclarations de CIR alors qu’ils paraissaient travailler en réalité pour d’autres sociétés, la question étant de savoir si la société [C] R&M réalisait de la R&D et si elle pouvait bénéficier du CIR en prenant compte des dépenses de salariés/consultants alors qu’ils paraissaient travailler pour d’autres sociétés.Il s’agit d’une question de fait qui repose sur les éléments communiqués par la société (volume horaire, affectation des consultants, réalisation effective de projet de recherche).

G- Sur la visite des domiciles de messieurs [K] et [I]

Le JLD a expliqué dans sa décision en quoi la visite des domiciles de messieurs [K] et [I] était justifiée. En ce qui concerne monsieur [X], il assure les fonctions de Directeur général de la société [C] [Localité 14], les rapports financiers des CIR 2015 à 2017 de la société [C] RESEAUX et MULTIMEDIA l’indiquent comme référent. Monsieur [K] a été président de la société [C] RESEAUX et MULTIMEDIA de mai 2012 à février 2019, il est actuellement le président de [C] [Localité 14] venant aux droits et obligations de la société [C] R&M, il est également président du conseil d’administration de la société [C] CONSULTING et de nombreuses autres entités du groupe. Ainsi la visite domiciliaire dabns les locaux qu’ils occupent est justifiée.

H – Sur le caractère licite de certaines pièces soumises à l’appréciation du JLD

Selon les appelantes , les agents auraient dû respecter la réglementation RGPD et l’obligation d’information portant sur la source des données ainsi traitées et leur accessibilité au public.

La jurisprudence de la Cour de cassation et celle de la cour d’appel de Paris qui ont validé la possibilité pour l’administration de recueillir des informations tirées de la consultation de sites d’accès publics sont rappelées.

L’article 14 du règlement UE du 27 avril 2016 concernant le RGPD est rappelé, concernant les personnes morales qui en sont exclues , de même l’article 2 du RGPD qui prévoit que le règlement ne s’applique pas aux données à caractère personnel effectué .. ‘d) par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d’equêtes et de poursuite en la matière ou d’exécution de sanctions pénales, y compris la protection contre des menaces pour la sécurité publique et la prévention de telles menaces’.

L’art 42 de la Loi du 6 janvier 1978 qui se prononce de la même façon est également rappelé, ainsi que l’art 2 de l’arrêté du 24 juillet 2000 concernant la mission de la DNEF.

Il résulte de ces textes que le traitement ‘sui generis’ mis en oeuvre par l’administration fiscale disposait d’une base juridique suffisamment précise.

Concernant le reproche à l’administration fiscale de ne pas avoir rappelé aux personnes concernées leurs droits s’agissant des données collectées indirectement, cet argument doit être écarté en application de l’art 23 du RGPD (possibilité de limitation de la portée des obligations de l’art 14 du règlement par les Etats membres) .

En conséquence, les restrictions à l’information des personnes ayant fait l’objet de traitement de données sont autorisées par les textes.

En conclusion, il est demandé de :

– Confirmer l’ordonnance du JLD de Paris du 5 janvier 2021

– Rejeter toutes demandes, fins et conclusions

– Condamner l’appelante au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

SUR CE LA COUR

Sur l’absence de caractérisation des conditions de mise en ‘uvre de l’article L. 16B du LPF

En application des dispositions de l’article L 16B du LPF, il appartient au JLD et au premier président saisi en appel d’apprécier s’il existe des présomptions de fraude fiscale à l’encontre d’un contribuable indiqué dans la requête de l’administration fiscale sollicitant d’effectuer une visite domiciliaire dans les lieux où des documents relatifs à la fraude présumée sont susceptibles de se trouver.

L’administration fiscale a saisi le JLD de Paris d’une requête sur le fondement de l’article L 16B du LPF concernant la société SAS [C] [Localité 15] venant aux droits et obligations de la SAS [C] RESEAUX ET MULTIMEDIA qui serait présumée avoir réduit son imposition ou bénéficié d’une créance indue sur l’État en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles et/ou en passant ou faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est prescrite par le Code général des impôts , dans le cadre du crédit d’impôt recherche.

Selon l’article 244 quater B -I du CGI, dans le titre ‘ impôts directs et taxes assimilées’, ‘les entreprises […]peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt au titre des dépenses de recherche qu’elles exposent au cours de l’année . Le taux de crédit d’impôt est de 30 % pour la fraction des dépenses de recherche inférieure ou égale à 100 millions d’euros et de 5% pour la fraction des dépenses de recherche supérieure à ce montant .[…]’ . L’article donne la liste des dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d’impôt. Le CIR apparaît ainsi comme une mesure de soutien aux activités de recherche et de développement des entreprises qui peuvent déduire de leurs impôts sous certaines conditions, les dépenses de recherche fondamental et de développement expérimental. Il s’agit d’un dispositif fiscal qui permet aux entreprises de financer une partie de leurs dépenses de R&D par le biais de remboursement ou de réduction d’impôt sur les sociétés, le CIR est imputé sur l’impôt sur les sociétés dû par l’entreprise dans les conditions de l’art 199 ter B du CGI.

Les parties appelantes, opèrent à tort une distinction entre’ la réduction par le contribuable de son imposition’ et ‘le bénéfice d’une créance indue sur l’état’, elles estiment que l’administration dans sa requête vise ces deux situations bien distinctes et que l’article L16B ne peut s’appliquer dans ce dernier cas de figure qui concerne l’exercice 2018.

Or convient de rappeler qu’il n’appartient pas au JLD, ni au Premier président de la Cour d’appel saisi du recours, qui n’est pas le juge de l’impôt , de se prononcer sur l’applicabilité ou la non applicabilité de l’article L 16B du LPF à un dispositif fiscal en analysant le processus de chaque mesure du dispositif qui en tout état de cause, aboutit à accorder une réduction d’impôt, alors qu’il appartient au JLD et au premier président saisi du recours de seulement vérifier l’existence de présomptions de fraude.

Concernant les présomptions de fraude alléguées par l’administration fiscale dans sa requête et reprises par le JLD dans son ordonnance, il convient de rappeler que la société SAS [C] [Localité 15] venant aux droits et obligations de la SAS [C] RESEAUX ET MULTIMEDIA a déposé une demande de crédit d’ impôt en faveur de la recherche pour les dépenses engagées entre 2015 et 2017, et qu’elle a acquitté partiellement ou intégralement son impôt sur les sociétés dû au titre des exercices 2015 à 2018 par l’imputation de ses CIR. Le CIR est basé notamment sur le montant des rémunérations de personnel affecté aux opérations de recherche.

Il est constant que la société a déposé une demande :

– au titre des dépenses engagées de l’exercice de 2015, d’ un CIR de 509 633 euros,

-au titre des dépenses engagées de l’exercice 2016 d’un CIR de 405 271 euros,

– au titre des dépenses engagées de l’exercice 2017 d’ un CIR d’un montant de 358 242 euros,

– au titre des dépenses engagées de l’exercice 2018, d’un CIR d’un montant de 129 508 euros.

En ce qui concerne l’exercice 2015, la société était redevable d’un IS brut d’un montant de 281 735 euros sur lequel a été imputé le CIR de 254 170 euros.

En ce qui concerne l’exercice 2016, la société était redevable d’un IS brut d’un montant de 380 520 euros sur lequel a été imputé le CIR de 335 464 euros.

En ce qui concerne l’exercice 2017, la société était redevable d’un IS brut d’un montant de 307 310 euros sur lequel a été imputé le CIR de 246 893 euros.

En ce qui concerne l’exercice 2018 la société était redevable d’un IS brut d’un montant de 85 773 euros sur lequel a été imputé le CIR de 85 773 euros.

La situation récapitulative relative à l’IS concernant l’exercice 2019 précise qu’elle dispose d’une part d’une créance restituable composée du solde du CIR 2016 (69 807 euros) et de créances reportables composées notamment du solde du CIR 2017 (111 349 euros) .

Ainsi l’administration fiscale a constaté que la société [C] [C] [Localité 15] venant aux droits et obligations de la SAS [C] RESEAUX ET MULTIMEDIA avait acquitté une grande partie des sommes dues au titre de l’impôt sur les sociétés par le biais de ses déclarations de CIR.

Elle fait observer que dans les déclarations effectuées, les travaux de recherche et développement réalisés entre 2015 et 2016 portent sur deux programmes de recherches et développement ‘SDN Fibre’ et ‘Infrastructure IoT’, que le CIR 2017 porte uniquement sur le programme de recherches et développement ‘ Infrastructure IoT’, et que les déclarations de CIR 2015, 2016 et 2017 sont quasi intégralement des dépenses de personnel (hors dépense de fonctionnement) de l’ordre de 99 %.

La société a mentionné des dotations aux amortissements de biens affectés aux opérations de recherche de montants faibles, elle a déclaré en revanche des dépenses de fonctionnement constitués d’un pourcentage de dépenses de personnel et des dotations aux amortissements des biens affectés directement et exclusivement à des opérations de recherche, soit 543 945 euros en 2015, 453 760 euros en 2016, 392 227 euros en 2017.Elle a précisé que les dépenses de fonctionnement étaient forfaitaires sans aucun justificatif et couvraient les dépenses relatives aux projets de R&D telles que le personnel de soutien, le dépenses administratives et de consommables. Elle a également déclaré qu’une partie du personnel a été mise à disposition par des sociétés ( Intervia et ACEFAS). Il ne s’agit pas d’activités de recherche en sous traitance et la SAS [C] [Localité 15] précisé exercer une activité de consulting et mettre ses propres salariés et consultants à dispositions de ses clients sans agir en sous traitance pour effectuer des activités de R&D en son nom.

Il découle de ses éléments que la société [C] [Localité 15] venant aux droits et obligations de la SAS [C] RESEAUX ET MULTIMEDIA ne semblait pas disposer de moyens d’exploitation affectés directement et exclusivement à des opérations de recherche en dehors de dépenses de moyens en personnel, son activité porte essentiellement sur la mise à disposition de personnel spécialisé.

Il résulte des investigations de l’administration fiscale que le temps passé par les consultants à ces travaux ne leur permettait pas de disposer de temps nécessaire à la réalisation de R&D pour la [C] [Localité 15] venant aux droits et obligations de la SAS [C] RESEAUX ET MULTIMEDIA .

Ainsi, dans sa décision, le JLD relève que suite à une procédure de vérification de comptabilité par l’administration fiscale, un questionnement est apparu concernant la mise à disposition de salariés pris en compte dans sa déclaration de CIR, étant observé que le contrôle du CIR comprend une partie scientifique réalisée par des experts du MESRI et une partie purement fiscale réalisée par les agents de la DGFIP, que de plus, lors de la procédure de vérification , la société [C] [Localité 15] venant aux droits et obligations de la SAS [C] RESEAUX ET MULTIMEDIA n’a pas souhaité communiquer au service vérificateur des éléments complémentaires tels que contrats avec les clients finaux, comptes rendus de travaux, plannings globaux de réalisation du projet.

Le JLD retient les éléments relevés par les enquêteurs de la DNEF qui ont procédé à des recoupements d’information en consultant les profils Linkedin de certains salariés.

Le JLD dans son ordonnance, rappelle quelques exemples précis concernant la situation de certains salariés :

[L] [J], ingénieur consultant de [C] R&M, dont les dépenses de personnel ont été intégrées entre 74 et 93% de son temps de travail dans la déclaration CIR de 2015 à 2017 alors qu’il a indiqué exercer pendans la même période une mission d’ingénieur et d’architecte transverse des services TV au sein de Bouygues Télémcom.

Madame [U] [H], consultante chez [C] R&M a été prise en compte entre 85% et 90 % de son temps sur la période 2015 et 2016, à des opérations de recherche pour [C] R&M alors qu’elle indique avoir exercé sur la même période une mission de chef de projet technique chez Bouygues Télécom.

Selon les éléments indiqués dans les rapports financiers 2015 à 2017, [A] [Z], ingénieur d’étude employé par la société [C] R&M depuis avril 2015, a été pris en compte entre 78 % et 91% de son temps de travail sur la période 2015 à 2017 à des opérations de R&D pour [C] R&M alors qu’il indiquait exercer sur la même période une mission d’ingénieur puis de consultant AMOA pour Bouyges Télécom, ainsi il pouvait être présumé qu le temps nécessaire consacré aux opérations de Ret D était insuffisant,

Le JLD dans son ordonnance rappelle que l’administration a procédé au recoupement des données relatives aux salariés et à leur profil linkedin sur la période 2015 à 2016, et qu’il en résultait qu’ en 2015 sur 16 salariés déclarés affectés au projet R&D , 14 revendiquent réaliser une mission en dehors de [C] R&M, en 2016, sur 18 salariés déclarés comme affectés au projet de R&D, 15 revendiquent réaliser une mission en dehors de la société [C] R&M, en 2017, sur 10 salariés, 7 revendiquent réaliser une mission en dehors de la société [C] R&M.

Dès lors, les présomptions de fraude fiscale dans le cadre des déclarations CIR à compter de 2015 sont suffisantes pour répondre aux exigences de l’article L 16 B du LPF.

S’agissant de la non imputation d’une créance CIR, dans la cas d’espèce au titre de l’exercice 2018, qui selon les appelantes ne pourrait fonder une présomption d’infraction fiscale de la part de la société, il convient de rappeler, ainsi que le précise de façon pertinente la DNEF, que cette déclaration fait naitre un droit à imputation ou au remboursement de l’impôt sur les sociétés, que les entreprises qui dégagent un crédit d’impôt non imputé sur l’impôt dû au titre de la même année doivent constater une créance sur le trésor du montant du crédit d’impôt non imputé. Cette créance de CIR doit être enregistrée pour sa valeur normale au débit du compte 444 ‘ Etat -impôt sur les bénéfices’ et par le crédit du compte 699 ‘produits-Crédit d’impôt recherche’ que c’est donc la constatation et donc l’enregistrement comptable de la créance qui constitue le fait générateur permettant à terme le remboursement, que par la suite lorsqu’une demande de restitution est déposée, l’imputation des créances CIR des exercices antérieurs doit s’effectuer sur le formulaire dédié à la liquidation de l’IS, qu’au cas d’espèce l’administration a pu présumer que la société appelante avait bénéficié d’une créance indue sur l’Etat en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles et/ou en passant ou faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est prescrite par le CGI.

Ainsi le dépôt d’une déclaration de CIR fait naitre un droit à imputation ou au remboursement de l’IS qui, s’il n’entraine pas nécessairement une soustraction immédiate au paiement de l’impôt, bénéficiera finalement à la société en l’absence de remise en cause et contribuera in fine à diminuer sa charge fiscale.

Le contribuable doit établir des déclarations fiscales en fonction d’écritures comptables exactes et justifiées et les infractions des articles 1741 et 1743 du code général des impôts (CGI ) visent expressément la passation d’écritures inexactes ou fictives dans les documents comptables dont la tenue est imposée par le CGI, infrcations auxquelles renvoie l’article L16B du LPF.

Ainsi, une demande de remboursement indû au titre du CIR est donc une infraction fiscale auvisa des art 1741 et 1743 du CGI, dès lors le fait de ne pas imputer le CIR sur l’impôt de l’exercice correspondant n’est pas de nature à écrater les présomptions exigées par l’article L 16B du LPF.

Les enjeux financiers portent sur des montants importants, l’activité déclarée de R&D de la SAS [C] [Localité 15] venant aux droits et obligations de la SAS [C] RESEAUX ET MULTIMEDIA repose essentiellement sur des dépenses de personnel dont les justificatifs sollicités ne correspondaient pas intégralement aux déclarations effectuées et dont les constatations sur certains salariés concernés ne semblent pas correspondre à leur activté de recherche au sein de la structure alors qu’ils étaient mis à disposition dans d’autres structures sur la même période, caractérisant les présomptions de fraude conformément à l’article L. 16 B du LPF.

Il résulte de l’examen in concreto des pièces soumises par l’administration fiscale à l’appui de sa requête au JLD qu’il pouvait être présumé que la société SAS [C] [Localité 15] venant aux droits et obligations de la SAS [C] RESEAUX ET MULTIMEDIA a artificiellement majoré le montant de dépenses de personnel pris en compte dans le calcul des CIR de 2015 à 2019 et a ainsi réduit frauduleusement ses impositions, caractérisant ainsi les présomptions de fraude fiscale telles qu’exigées par l’article L16 B du LPF.

Ce moyen sera rejeté.

Sur l’absence de de vérification concrète par le JLD du bien-fondé et de la proportionnalité de la mesure

Il convient de relever en l’espèce que la requête de l’administration fiscale ainsi que les pièces ont été déposées auprès du JLD le 17 décembre 2020, que celui-ci a pu étudier la requête et vérifier les pièces de façon concrète, qu’il a rendu sa décision le 5 janvier 2021, qu’aucun élément du dossier ne permet aux parties de prétendre que le JLD n’a pas vérifié le bien fondé de la requête.

Il convient de rappeler que les dispositions de l’article L.16B du LPF constituent uniquement un moyen d’investigation destiné à contrôler le respect de la réglementation fiscale, qui peut être mis en ‘uvre sur autorisation du JLD et peut faire l’objet d’un contrôle par le Premier Président de la Cour d’appel.

Par ailleurs, en exerçant son contrôle in concreto sur le dossier présenté par l’administration fiscale, le JLD exerce de fait un contrôle de proportionnalité. En cas de refus, il peut inviter l’administration fiscale à avoir recours à d’autres moyens d’investigation moins intrusifs. En conséquence, la signature de l’ordonnance par le JLD signifie que ce dernier entend privilégier l’enquête dite «’lourde’» de l’article L.16 B du LPF et que les diligences auprès du contribuable seraient insuffisantes et dénuées de ‘l’effet de surprise, d’ailleurs la Cour de cassation a toujours jugé qu’aucun texte n’impose au juge de vérifier si l’administration pouvait recourir à d’autres modes de preuve ou à d’autres procédures.

En ce qui concerne l’argument selon lequel l’administration fiscale avait obtenu des informations sur l’organisation du groupe durant une opération de contrôle fiscal antérieure, il convient de rappeler que selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation, l’administration peut solliciter la mise en oeuvre de l’art L 16B avant, pendant ou après une vérification fiscale, en effet si les appelants critiquent la mise en oeuvre d’une procédure de visite et de saisie après l’envoi au contribuable d’une procédure de rectification , il convient de rappeler que la procédure de l’art L16B du LPF est totalement indépendante de la procédure de contrôle que constitue la vérification de comptabilité , d’ailleurs aucune disposition légale ne s’oppose à ce que, au terme d’une enquête de la DNEF, une procédure de visite soit engagée à la suite d’ une procédure de vérification.

Par conséquent, il ne peut être reproché à l’administration d’avoir fait usage de la procédure prévue par l’article L. 16 B du LPF.

L’article 8 de la CESDH, tout en énonçant le droit au respect de la vie privée et familiale, est tempéré par son paragraphe 2 qui dispose que ‘il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui’.

En l’espèce, le JLD a parfaitement motivé sa décision au vue de la requête de l’administration fiscale et des 53 pièces produites, il a à juste titre relevé que ‘des documents et supports d’informations relatifs à la fraude présumée étaient suceptibles de se trouver dans les locaux du [Adresse 4], susceptibles d’être occupés par [N] [I], et du [Adresse 8], susceptibles d’être occupés par [B] [K]’, que contrairement à ce qu’affirment les parties appelantes, le JLD a motivé sa décision en rappelant le fonctions occupées tant par [N] [I] que par et [B] [K], au sein de la SAS [C] [Localité 15] venant aux droits et obligations de la SAS [C] RESEAUX ET MULTIMEDIA (Monsieur [I] qui assure les fonctions de Directeur général de la société [C] [Localité 14] et qui apparaît comme référent dans les rapports financiers des CIR 2015 à 2017 de la société [C] RESEAUX et MULTIMEDIA, Monsieur [K] qui a été président de la société [C] RESEAUX et MULTIMEDIA de mai 2012 à février 2019 et qui est actuellement le président de [C] [Localité 14] venant aux droits et obligations de la société [C] R&M ) justifiant la visite à leur domicile respectif , qu’il n’y a pas eu de violation des dispositions de l’article 8 de la CESDH et la mesure n’a aucunement été disproportionnée eu égard au but poursuivi.

Ce moyen sera rejeté.

Sur le caractère illicite d’un grand nombre de pièces soumises au JLD par l’administration à l’appui de sa requête

En ce qui concerne la prétendue violation des dispositions du RGPD dans le cadre de la production des pièces faite par l’administration fiscale à l’appui de sa requête, il convient de rappeler que l’article 2 du RGPD prévoit que « Le présent règlement ne s’applique pas au traitement de données à caractère personnel effectué: (‘) d) par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d’enquêtes et de poursuites (…) », or les opérations de visite et saisie diligentées par les agents de la DNEF dans le cadre de l’article L. 16B du LPF sont effectuées dans le cadre d’investigations en vue de prévenir et détecter des infractions potentiellement pénales, que l’article 23 du RGPD autorise les états membres à limiter la portée des obligations prévues à l’art 14 du règlement, que l’article 38 de la Loi du 6 janvier 1978 permet justement d’en limiter la portée (‘lorsque le traitement est mis en oeuvre par les administrations publiques qui ont pour mission soit de contrôler ou de recouvrer des impositions soit d’effectuer des contrôles de l’activité de personnes physiques ou morales pouvant donner lieu à la constatation d’une infraction ou d’un manquement , des amendes administratives ou à des pénalités ‘), qu’ il en résulte que le RGPD ne s’applique pas aux demandes d’autorisation de visites domiciliaires. En ce qui concerne les pièces 10-1, 10-2 et 10-3, il s’agit de pièces issues de la consultation par les agents de l’administration fiscale de sites internet d’accès public, ainsi les renseignements recueillis sur les réseaux sociaux sont considérés comme ayant été licitement recueillis.

Ce moyen sera rejeté.

L’ordonnance du JLD du Tribunal judiciaire de Paris en date du 5 janvier 2021 sera déclarée régulière et confirmée.

Enfin les circonstances de l’instance commandent de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de l’administration fiscale.

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement et en dernier ressort:

– Confirmons en toutes ses dispositions l’ordonnance (6/2021) rendue à l’encontre de la SAS [C] [Localité 15] venant aux droits et obligations de la SAS [C] RESEAUX ET MULTIMEDIA par le juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de [Localité 15] en date du 5 janvier 2021 autorisant les visites dans les locaux et dépendances sis [Adresse 4], présumés être occupés par M. [N] [I] et/ou la SAS BSM INVEST et/ou la SAS NOA INVEST et/ou la SAS DANIEL INVEST et/ou le FONDS DE DOTATION ISABELLE [I] et sis [Adresse 8], présumés être occupés par M. [B] [K] ;

– Rejetons toute autre demande ;

– Disons qu’il convient d’accorder la somme de 2000 euros (deux mille euros) à charge pour les parties appelantes à verser à la DNEF au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Disons que la charge des dépens sera supportée par les parties appelantes.

LE GREFFIER

Véronique COUVET

LE DÉLÉGUÉ DU PREMIER PRESIDENT

Elisabeth IENNE-BERTHELOT

 


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