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Grosses délivrées aux parties le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 15
ORDONNANCE DU 18 MAI 2022
(n° 25, 19 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 21/01675 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CC7YF
Décision déférée : Ordonnance rendue le 05 janvier 2021 (n° 4/2021) par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de PARIS
Nature de la décision : Contradictoire
Nous, Elisabeth IENNE-BERTHELOT, Conseillère à la Cour d’appel de PARIS, déléguée par le Premier Président de ladite Cour pour exercer les attributions résultant de l’article L16B du Livre des procédures fiscales, modifié par l’article 164 de la loi n°2008-776 du 04 août 2008 ;
assistée de Véronique COUVET, greffier lors des débats et de la mise à disposition ;
Après avoir appelé à l’audience publique du 16 mars 2022 :
Monsieur [P] [Z]
né le [Date naissance 3] 1975 à [Localité 10]
Élisant domicile au cabinet de Me Delphine RAVON
[Adresse 5]
[Localité 8]
Monsieur [B] [X]
né le [Date naissance 2] 1968 à [Localité 11]
Élisant domicile au cabinet de Me Delphine RAVON
[Adresse 5]
[Localité 8]
LA SOCIETE DAVIDSON MIDI-PYRENEES S.A.S.
Prise en la personne de son Président en exercice
Immatriculée au RCS de Toulouse sous le n° 537 698 862
Élisant domicile au cabinet de Me Delphine RAVON
[Adresse 5]
[Localité 8]
Représentés par Me Delphine RAVON, avocat au barreau de PARIS, toque : C2263 et par Me Eve OBADIA, avocat au barreau de PARIS, toque : C1371
APPELANTS
et
LA DIRECTION NATIONALE D’ENQUETES FISCALES
[Adresse 6]
[Localité 9]
Représentée par Me Jean DI FRANCESCO de la SCP URBINO ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0137
INTIMÉE
Et après avoir entendu publiquement, à notre audience du 16 mars 2022, les conseils des appelants et le conseil de l’intimée ;
Les débats ayant été clôturés avec l’indication que l’affaire était mise en délibéré au 18 Mai 2022 pour mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
Avons rendu l’ordonnance ci-après :
Le 5 janvier 2021 le juge des libertés et de la détention (ci-après JLD) du Tribunal Judiciaire (ci-après TJ) de PARIS a rendu, en application de l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales (ci-après LPF), une ordonnance à l’encontre de :
la SAS DAVIDSON MIDI PYRENEES , représentée par son président [P] [Z], dont le siège social est sis [Adresse 1],
L’ordonnance autorisait des opérations de visite et saisie dans les lieux suivants :
– locaux et dépendances sis [Adresse 4], présumés être occupés par M. [B] [X] et/ou la SAS BSM INVEST et/ou la SAS NOA INVEST et/ou la SAS DANIEL INVEST et/ou le FONDS DE DOTATION [U] [X] ;
– locaux et dépendances sis [Adresse 7], présumés être occupés par M. [P] [Z].
L’autorisation de visite et saisie des lieux susmentionnés était délivrée aux motifs que la société SAS DAVIDSON MIDI PYRENEES serait présumée avoir réduit son imposition ou bénéficié d’une créance indue sur l’État en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles et/ou en passant ou faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est prescrite par le Code général des impôts (ci-après CGI).
Et ainsi serait présumée s’être soustraite et/ou se soustraire à l’établissement et au paiement des impôts sur les bénéfices et de la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA), en se livrant à des achats ou des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le Code général des impôts (articles 54 et 209-I pour l’IS et 244 quater B pour le crédit d’impôt pour dépenses de recherche).
L’ordonnance était accompagnée de 102 pièces annexées à la requête.
Il ressortait des éléments du dossier que le groupe DAVIDSON est un groupe international composé de 25 sociétés spécialisées qui exerce une activité de management, du consulting et de l’expertise technologique. Sur son site internet il est évoqué un chiffre d’affaires en 2019 de 275 millions d’euros .Il intervient dans le conseil digital au sens large. Il emploie de nombreux ingénieurs et consultants qu’il place ensuite en mission plusieurs mois chez ses clients.
Suite à une réorganisation en 2020, la SAS DAVIDSON NG détient la totalité des actions de la SAS DAVIDSON CONSULTING, le groupe DAVIDSON est maintenant animé par la société tête de groupe DAVIDSON NG et a pour actionnaires principaux M. [P] [Z] et M. [B] [X].
La SAS DAVIDSON MIDI PYRENEES dont le siège social est situé à [Adresse 12], a été créée le 10 octobre 2011. Elle exerce une activité d’ingéniérie, des activités techniques et de service dans le domaine de l’informatique. Elle est détenue à 60% par DAVIDSON CONSULTING et 40% par la société civile NE INVEST et est dirigée par [P] [Z].
La SAS DAVIDSON MIDI PYRENEES a déposé plusieurs déclarations de crédit d’impôt en faveur de la recherche ( CIR) entre 2015 et 2019 pour des dépenses de recherche. Ainsi dans le cadre de travaux de recherche, la SAS DAVIDSON MIDI PYRENEES a bénéficié de CIR et s’est fait assister par un Cabinet spécialisé en CIR, la société INNOVATECH Conseil.
Au titre de l’exercice 2015, la société a déclaré un CIR de 628 055 euros qui n’a pas été imputé sur l’impôt sur les sociétés.
Elle a acquitté totalement ou partiellement son impôt sur les sociétés dû en 2016, 2017, 2018 et 2019 par l’imputation de ses CIR .
La société DAVIDSON MIDI PYRENEES a produit des rapports scientifiques retraçant les projets de la ‘recherche et développement’ (R&D). Les travaux réalisés entre 2015 et 2017 relèvent de la thématique : réseaux de communication ( trois projets en 2015 et 2016, deux projets en 2017).
Il peut être présumé que le montant total des dépenses de recherches réalisées par l’entreprise ( ligne 8) dans le calcul du CIR au titre des années 2015 à 2017 serait constitué entre 98 et 99,8% (hors dépenses de fonctionnement) de dépenses de personnel, dont une partie est mise à disposition par les sociétés INTERVIA, MISSIONS CADRES, SINOPIE, INTERMISSION et PORTAGEO. Le personnel mis à disposition est considéré affecté à 100% aux projets de recherche.
Par ailleurs, il découlerait de ces informations que la SAS DAVIDSON MIDI PYRENEES semble disposer de moyens d’exploitation matériels affectés directement et exclusivement à des opérations de recherche limités.
Il était indiqué que le crédit d’impôt recherche (CIR) est une mesure générique de soutien aux activités de recherche et développement (R&D) des entreprises, sans restriction de secteur ou de taille, que la réduction d’impôt est calculée sur la base des dépenses de R&D engagées par les entreprises, que les entreprises bénéficiaires du CIR déposent une déclaration spéciale qui permet de calculer le montant du CIR et reportent le résultat sur leur déclaration fiscale, que ce crédit d’impôt peut être imputé sur l’impôt sur les sociétés dû par la société, ou à défaut peut constituer une créance sur l’État.
Il était précisé que le CIR est basé notamment sur le montant des rémunérations du personnel affecté aux opérations de recherche.
Cependant une entreprise qui met ses salariés/consultants à la disposition de ses clients afin d’y effectuer, dans leurs locaux et avec leurs moyens, des opérations de recherche ne doit pas prendre en compte leur rémunération dans le montant des dépenses des personnels affectés à la recherche.
Il découle des dossiers financiers transmis au titre des années 2015 à 2017 que la problématique de la mise à disposition de salariés semblerait connue de la société DAVIDSON MIDI PYRENEES puisqu’elle a pris en compte dans ses déclarations de CIR du personnel mis à disposition par les sociétés INTERVIA, MISSIONS CADRES, SINOPIE, INTERMISSION et PORTAGEO.
Le contrôle du CIR est de la compétence de la Direction générale des Finances Publiques (ci-après DGFiP) qui peut, le cas échéant, se faire assister d’un expert du Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (ci-après MESRI), et l’entreprise qui a bénéficié du CIR doit pouvoir justifier des éléments qu’elle a déclarés.
Il s’ensuit que le contrôle du CIR comprend en général une partie scientifique réalisée par des experts du MESRI (contrôle de la compétence et du travail) et une partie purement fiscale (contrôle de la dépense et de l’organisation de la société) réalisée par les agents de la DGFiP.
Dès lors, un CIR peut être validé totalement ou partiellement par les experts du MESRI d’un point de vue scientifique, et faire l’objet d’un rejet total ou partiel par les agents de la DGFiP si les conditions imposées par le code général des impôts ne sont pas respectées.
Par ailleurs, la SAS DAVIDSON MIDI PYRENEES fait l’objet, depuis mars 2019 d’une procédure de vérification de comptabilité ( en cours au jour de la requête) portant sur les déclarations fiscales de 2016 et 2017, portant notamment sur les déclarations déposées entre 2016 et 2018 pour les CIR au titre des dépenses engagées entre 2015 et 2017.
Dans le cadre de cette procédure, la société DAVIDSON MIDI PYRENEES a transmis au service vérificateur les dossiers CIR 2015 à 2017 contenant plusieurs éléments (déclarations 2069-A -SD, dossiers techniques et financiers, données salariales, factures de mise à disposition de personnels extérieurs par les sociétés précitées, feuilles de temps par salarié, factures de soustraitance…). Entre mai et novembre 2019, le service vérificateur a sollicité plusieurs éléments complémentaires auprès de la société ( noms des clients de la société et copies des contrats), le dossier transmis en l’état ne permettant pas au service vérificateur de vérifier le volume horaire consacrés par les salariés à la recherche, il en résultait que la société DAVIDSON MIDI PYRENEES n’a pas été en mesure de fournir l’ensemble des éléments permettant de valider le CIR.
Le service vérificateur a procédé au rejet du CIR par proposition de rectification en date du 20/12/2019, la société a fait part de ses observations en maintenant que la matérialité de ses projets R&D et la matérialité du temps passé à la R&D pour chacun des salariés sont démontrées.
Afin d’apprécier de l’affectation à la recherche des travaux retenus par la société DAVIDSON MIDI PYRENEES , le service vérificateur a transmis les dossiers du CIR au MESRI pour une expertise des dossiers. Il ressort du rapport des deux experts mandatés que les travaux des projets sont globalement éligibles mais que la société ne donne pas un niveau d’information suffisant permettant de valider l’activité réellement développée et le volume des ressources humaines véritablement affecté aux projets expertisés. Selon l’experts M [H], concernant le projet MESH pour les années 2015 à 2017, ‘l’ensemble des dépenses est rejeté’.
L’analyse et le recoupement entre les données relatives aux salariés de DAVIDSON MIDI PYRENEES, leur profil Linkedin ou Viadeo et les données sociales de la société ont permis à l’administration fiscale de constater qu’un nombre important de salariés de la société DAVIDSON MIDI PYRENEES a pu être pris en compte dans ses déclarations de CIR alors qu’ils travaillaient en réalité pour d’autres sociétés, que dès lors il peut -être présumé que la société SAS DAVIDSON MIDI PYRENEES aurait artificiellement majoré le montant des dépenses de personnel pris en compte dans le calcul de ses CIR 2015, 2016 et 2017, et a ainsi réduit frauduleusement ses impositions.
La société SAS DAVIDSON MIDI PYRENEES est donc présumée avoir réduit son imposition ou bénéficié d’une créance indue sur l’Etat en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles et/ ou en passant ou faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est prescrite par la CGI.
[P] [Z] occupe la fonction de dirigeant de la SAS DAVIDSON MIDI PYRENEES , il est son représentant légal, , il a signé la déclaration 2069 relative à l’année 2015, compte tenu de ses fonctions il est susceptible de détenir dans les locaux qu’il occupe sis [Adresse 7] des documents et/ou supports d’informations relatifs à la fraude présumée.
[B] [X] déclare résider [Adresse 4], il est le second directeur général de la société DAVIDSON MIDI PYRENEES, il apparaît en qualité de signataire des déclarations de 2016 et 2017. Compte tenu de ses fonctions au sein de DAVIDSON MIDI PYRENEES, [B] [X] est susceptible de détenir dans les locaux qu’il occupe [Adresse 4], des documents et/ou supports d’informations relatifs à la fraude présumée.
Au vu de tout ce qui précède, le JLD du Tribunal judiciaire de PARIS a autorisé la visite domiciliaire par ordonnance du 5 janvier 2021.
Les opérations de visite et de saisies se sont déroulées le 12 janvier 2021 dans les locaux susmentionnés.
Le 27 janvier 2021, la SAS DAVIDSON MIDI – PYRENEES, M. [P] [Z] et M. [B] [X] ont interjeté appel contre l’ordonnance du JLD (RG 21/01675).
L’affaire a été audiencée pour être plaidée le 17 novembre 2021, elle a été renvoyée à l’audience du 16 mars 2022 et mise en délibéré pour être rendue le 18 mai 2022.
SUR L’APPEL
Par conclusions déposées au greffe de la cour d’appel de Paris le 23 décembre 2021, conclusions d’appel et en réplique du 17 février 2022 et conclusions en réplique et récapitulatives du 11 mars 2022, reçues le 16 mars 2022, les appelants font valoir :
Rappel des faits et de procédure :
Le JLD du TJ de Paris a rendu une ordonnance le 5 janvier 2021 autorisant des visites domiciliaires au sein des domiciles privés de M [X] ([Adresse 4]) et de M [Z] ([Adresse 7]). Les visites ont été effectuées le 12 janvier 2021. Désignés par l’ordonnance critiquée, messieurs [Z] et [X] sont recevables à interjeter appel.
Après avoir exposé le contexte des visites domiciliaires ( présentation du groupe Davidson, de la société Davidson MIDI PYRENEES et du régime du CIR), les appelants sollicitent qu’il soit à nouveau statué, en fait et en droit, selon l’art 561 du Code de procédure civile, sur la requête de la DNEF du 17 décembre 2020, au regard de trois moyens (absence de caractérisation des conditions de mise en oeuvre de l’art L 16 B, absence de vérification du JLD, caractère illicite d’un grand nombre de pièces de l’administration) qui ne peuvent que conduire à l’infirmation de l’ordonnance.
I ‘ Contexte de la mise en ‘uvre de la visite domiciliaire contestée : présentation du groupe DAVIDSON, de la société DAVIDSON MIDI PYRENEES et du régime CIR
A ‘ Présentation générale du groupe DAVIDSON
Il est décrit le groupe DAVIDSON exerçant une activité de consulting dans le domaine de l’ingénierie depuis 2005. Il est structuré autour de 23 filiales françaises et de 7 filiales étrangères.
Le groupe a notamment participé à certains projets les plus innovants des dix dernières années dans le domaine des télécoms, de l’internet des objets (IoT) ou du numérique au sens large. A titre d’exemple, il est notamment cité le lancement du premier portail de vidéo à la demande français avec Canal+, l’optimisation des réseaux 4G chez SFR et le lancement de la 5G avec BOUYGUES TELECOM.
Par ailleurs, au cours des dix dernières années, plus de 800 projets en lien avec une démarche de recherche et développement (ci-après R&D) lui ont été confiés.
Afin d’exercer son activité, le groupe DAVIDSON a recours à différents types d’engagements contractuels : l’assistance technique (simple ou renforcée), des projets ponctuels, des pôles d’activité et des centres de services.
Il est argué qu’il ne s’agit en aucun cas de contrats de mise à disposition de personnel ou de portage salarial, et ce, quand bien même le lieu d’exécution des missions se situerait généralement dans les locaux des clients, à l’instar de la majeure partie des activités des cabinets de conseil employant des consultants.
Il est indiqué que depuis sa création en 2005, le groupe DAVIDSON a connu une croissance continue et que le nombre de ses consultants a cru de 30 en 2005 à 2 428 au 31 décembre 2020.
En outre, l’activité du groupe se caractérise par une technicité croissante qui se traduit par une activité de R&D foisonnante, aussi bien en interne qu’en externe: à titre d’exemple, il est cité la publication de nombreux articles scientifiques ainsi que le dépôt de plusieurs brevets.
Il est fait valoir qu’afin de répondre aux atteintes de ses clients, le groupe DAVIDSON a placé son activité R&D au c’ur de sa stratégie marketing. Grâce à cet investissement R&D conséquent, le groupe fait désormais figure de référence dans le monde de l’IoT.
B ‘ Présentation de la société DAVIDSON MIDI PYRENEES
La société DAVIDSON MIDI PYRENEES déploie son activité de conseil, d’expertise et de management de projets dans les domaines de l’industrie et des nouvelles technologies. Elle a été créée en 2011 et compte aujourd’hui 200 consultants intervenant sur une offre d’ingéniérie d’expertise autour des thématiques ‘digital & Network’.
En fin d’année 2015, la société est détenue par la société DAVIDSON CONSULTING (60%) et par la société NE INVEST (40%), depuis 2020 elle est détenue à 100% par la société Davidson Consulting. La société est impliquée sur des projets à fort caractère innovant.
Les indicateurs de R&D spécifiques au marché local (région occitanie) sont précisés.
C ‘ Une activité de R&D justifiant le dépôt des demandes de CIR
-Le régime du CIR
Il est rappelé que le crédit d’impôt en faveur de la recherche (CIR) est une mesure d’incitation fiscale au développement de l’effort de recherche scientifique et technique des entreprises françaises. Calculé sur la base des dépenses de R&D engagées par les entreprises, il a pour objectif d’en diminuer le coût afin d’inciter les entreprises à y procéder et accroître leur compétitivité.
Il est indiqué que le taux du crédit d’impôt est de 30% pour les dépenses de recherches jusqu’à 100 millions d’euros. Le CIR est déduit de l’impôt sur les sociétés dû par la société au titre de l’année au cours de laquelle elle a engagé les dépenses de R&D intégrées à l’assiette du CIR.
En cas d’impossibilité d’imputation sur un bénéfice trop faible par exemple, le crédit excédentaire non imputé constitue une créance de l’État, qui peut être utilisée pour le paiement de l’impôt dû au titre des 3 années suivantes. A l’expiration d’un délai de 3 ans, la créance est remboursable.
-comme le relève à juste titre l’ordonnance, dans le cadre de son activité de recherche, la SAS DAVIDSON MIDI PYRENEES a bénéficié de CIR, la société a en effet déposé des demandes de CIR au titre des exercices visés dans l’ordonnance, de 2015 à 2019.
Au total, au titre de l’exercice 2015, la société DAVIDSON MIDI PYRENEES a déclaré un CIR qui n’a pas été imputé sur l’IS, au titre des exercices 2016, 2017, é018 et 2019 la société était redevable d’un IS brut et a imputé sur cet impôt des sommes correspondant de CIR.
– Les dossiers du CIR (années 2015-2019) ont été établis avec l’assistance d’un expert, la société INNOVATECH CONSEIL, référencée en tant qu’acteur conseil CIR ce qui est un gage de sérieux.
II ‘ Absence de caractérisation des conditions de mise en ‘uvre de l’article L. 16 B du LPF
– Les parties appelantes font valoir que les cas de présomption de fraude permettant d’autoriser l’administration fiscale à procéder aux visites et saisies sont limitativement énumérés par le paragraphe I de l’article L. 16 B du LPF et que le dispositif prévu à l’article L. 16 B du LPF n’est conforme à la Constitution que dans la mesure où il vise de manière précise les infractions pouvant justifier le recours à ce dispositif, que ce texte permet l’organisation d’une visite domiciliaire dans les seuls cas où le contribuable se soustrait au paiement de l’impôt, alors que l’administration fiscale invoque dans sa requête la réduction frauduleuse de l’imposition et le bénéfice d’une créance indue sur l’Etat.
– En l’espèce, la présomption de fraude alléguée à l’encontre de la société DAVIDSON MIDI PYRENEES est qu’elle aurait artificiellement majoré le montant des dépenses de personnel pris en compte dans le calcul de ses déclarations de CIR au titre des exercices 2015 à 2019, et est ainsi ‘présumée avoir réduit frauduleusement ses impositions ou bénéficié d’une créance indue sur l’Etat’.
L’administration vise dans sa requête deux situations bien distinctes :
– la réduction par le contribuable de son imposition (cas des exercices 2016 à 2019)
– le bénéfice d’une créance indue sur l’Etat (cas de l’exercice 2015).
Il est rappelé la situation de DAVIDSON MIDI PYRENEES au jour de la requête.
– La suspicion du caractère frauduleux du calcul de créances de CIR détenues par un contribuable mais non imputées, au jour de la requête, sur l’impôt sur les société, comme c’est le cas au titre de l’exercice 2015, ne constitue pas un cas de présomption de fraude visé par l’art L 16 B du LPF. Les infractions visées sont des infractions matérielles supposant que le résultat est un élément même de l’infraction qui n’est consommée que par la réalisation du dommage et que la soustraction à l’établissement ou au paiement de l’impôt est donc non seulement le résultat des infractions visées mais elle en est également un élément constitutif, ce qui exclut une tentative de soustraction à l’établissement de l’impôt.
En conséquence lorsqu’une créance de CIR n’a été ni imputée ni remboursée, soit que la demande de remboursement n’a pas été déposée, soit qu’elle est encore en cours d’instruction, soit qu’elle a été rejetée, l’article L 16B du LPF ne peut pas être mis en oeuvre.
La décision du Premier Président de la CA de Rennes en date du 19 janvier 2022 qui a jugé dans ce sens est citée, ainsi que l’avis du professeur de droit [T] .
Selon les appelants, il s’impose d’annuler l’ordonnance en ce qu’elle a autorisé la visite pour rechercher la preuve des agissements visés au titre de l’exercice 2015.
Les parties contestent les trois arguments de l’administration fiscale dans ses conclusions en défense.
– S’agissant de l’exercice 2015 (à titre subsidiaire) et des exercices 2016 et 2019 (à titre principal), la suspicion de fraude n’est pas alléguée.
En effet, l’administration fiscale avait parfaitement connaissance du fonctionnement du groupe DAVIDSON, une vérification de comptabilité était en cours à la date de présentation de la requête, ce contrôle portant sur les CIR au titre des années 2015 à 2017. Pour chaque exercice vérifié, la société a remis au service vérificateur plusieurs documents (rapports financiers incluant les éléments permettant de déterminer le montant retenu des dépenses de personnel, de veille technologique et de dotations aux amortissements et les copies de déclarations n°2069-A-SD ; rapports scientifiques, présentant les projets de R&D concourant à la détermination des CIR demandés ; feuilles de temps et annexes ; copies de contrats). Ainsi tous les documents demandés par l’administration lui ont été remis.
Or, dès lors que l’administration fiscale avait connaissance du fonctionnement du groupe DAVIDSON ainsi que de l’organisation de la R&D en son sein et avait déjà diligenté des vérifications de comptabilité au terme desquelles lesdemande de CIR avaient été validées, il ne lui était pas possible de mettre en ‘uvre l’article L. 16 B du LPF. Il est cité l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris en date du 9 septembre 2020 (n° 19/16971) dans l’affaire LVMH FINANCE BELGIQUE SA.
L’administration n’explique en rien quel intérêt revêtait pour elle la réalisation des visites sollicitées aux domiciles personnels de M. [Z] et [X] et quels documents utiles elle escomptait y collecter.
Pour répondre aux arguments de l’administration fondés sur la vérification du volet scientifique des projets fondant les déclarations de CIR (Observation du Mesri), il est rappelé que l’organisation générale de la société DAVIDSON MIDI PYRENEES et, plus largement, celle du groupe DAVIDSON, en vertu de laquelle les ingénieurs réalisent des opérations de R&D pour le compte de la société dans le cadre des missions qu’ils effectuent chez des clients, n’a jamais été remise en cause dans le cadre des vérifications de comptabilité ayant porté sur des années antérieures à 2015, dont certaines ont eu lieu très récemment.
Pour étayer ses allégations, l’administration ne produit le profil LinkedIn que de 3 salariés, alors qu’en réalité il s’agit de 14 salariés de Davidson MIDI PYRENEES qui ont été affectés à des opérations de R&D sur la période 2015-2017.
De plus, selon la jurisprudence, les « mentions figurant sur les comptes LinkedIn (‘) sont dépourvues de toute force probante, dès lors qu’elles ne sont (‘) en aucun cas soumises à l’aval des sociétés en cause ».
Il est argué que l’administration aurait dû exercer à l’égard de ces quelques salariés le droit de communication dont elle dispose pour leur demander exactement quelles avaient été leurs activités.
– La circonstance que les dépenses de personnel afférentes aux consultants de la société, affectés par celle-ci à des opérations de R&D dans le cadre du CIR déclaré, soient refacturées aux clients et seraient donc, selon l’administration, exclusives du bénéfice du CIR pour la société relève d’un débat purement juridique qui ne peut être tranché par une visite domiciliaire.
A cet égard, il est mis en exergue que la position exprimée par l’administration dans sa requête, et reprise par le JLD dans son ordonnance, est en contradiction avec la doctrine de l’administration fiscale telle que fixée depuis plus d’une dizaine d’années, ainsi que les extraits produits le montrent.
Il est également cité une décision du Conseil d’État en date du 18 juin 2021 à l’appui de cet argument.
Dès lors qu’il ressort clairement des dispositions édictées aux paragraphes I et suivants de l’article 244 quater B du CGI que le dispositif du CIR doit bénéficier à l’auteur de la R&D, c’est-à-dire à la personne qui expose les dépenses de R&D éligibles, c’est à juste titre que la société DAVIDSON MIDI PYRENEES a inclus ces dépenses dans l’assiette de son CIR, sans qu’ait d’incidence à cet égard la circonstance que ces dépenses soient répercutées à ses clients.
III ‘ Absence de vérification concrète par le JLD du bien-fondé et de la proportionnalité de la mesure
Il est fait valoir que plusieurs éléments démontrent que le JLD n’a pas vérifié le bien-fondé et la proportionnalité de la mesure qu’il a autorisée.
Tout d’abord, la requête était accompagnée de 102 pièces, représentant des milliers de pages, dont aucune d’entre elles n’établit ni la nécessité ni l’intérêt de réaliser une visite domiciliaire, notamment au domicile personnel de M [Z] et de M [X].
Par ailleurs, le JLD n’a pas rempli son rôle de vigie de la liberté individuelle que lui assigne l’article 66 de la Constitution, en omettant de vérifier que l’exigence de proportionnalité, qui découle notamment de l’article 8 de la CESDH, avait été respectée.
Il est argué que la motivation de l’ordonnance (« la preuve des agissements présumés peut, compte tenu des procédés mis en place, être apportée par la mise en ‘uvre du droit de visite et de saisie prévu à l’article L. 16 B du LPF ») est abstraite et générale et ne contient aucun élément concret justifiant de la nécessité ainsi que de la proportionnalité de la mesure.
Ainsi, il n’est mentionné à aucun moment que l’administration ne pouvait pas obtenir les mêmes informations par une autre voie, moins intrusive, telle que le droit de communication.
Dans sa jurisprudence, la CEDH censure toute ingérence non nécessaire et donc disproportionnée au but recherché.
En laissant à l’administration le libre choix des armes et en refusant implicitement de reconnaitre à la procédure de l’article L 16 B du LPF un caractère subsidiaire, le JLD a commis une erreur de droit au regard des exigences de la CEDH, il n’a pas donné la priorité à la protection des droits fondamentaux ( inviolabilité du domicile et respect de la vie privée).
Par conséquent, il est demandé d’annuler l’ordonnance.
IV ‘ Caractère illicite d’un grand nombre de pièces soumise au JLD par l’administration à l’appui de sa requête.
Les parties appelantes rappellent la jurisprudence constante de la Cour de cassation concernant l’obligation pour le premier président , en cas de contestation, de vérifier que les éléments d’information fournis par l’administration fiscale requérante ont été obtenues de manière licite. Selon elles, les traitements de données sur lesquels se fonde l’ordonnance du JLD doivent respecter les règles applicables en matière de protection des données personnelles, tel n’est pas le cas. La loi du 6 janvier 1978 et le règlement RGPD sont rappelés.
Elles évoquent la caractère illicite de certaines pièces jointes à la requête de l’administration fiscale correspondant à une collecte d’informations et de données issues de recherches sur des bases de données ou de sources d’accès public tels que des moteurs de recherches, des réseaux sociaux professionnels (pièces n° 21 à 24), cette collecte indirecte supposant une information des personnes concernées qui ne leur a pas été délivrée, les agents de l’administration fiscale en l’espèce devant se soumettre aux règles du RGPD.
Compte tenu du nombre de données collectées, sans la production de ces pièces, le JLD saisi n’aurait pas fait droit à la demande de mise en oeuvre des visites domiciliaires présentée par l’administration. L’ordonnance doit donc être annulée.
En conclusion, il est demandé de :
A titre principal
– infirmer l’ordonnance signée le 5 janvier 2021 par le JLD du TJ de PARIS au visa de l’article L. 16 B du LPF ;
– en conséquence, annuler les opérations de visite et saisie autorisées par cette ordonnance ;
A titre subsidiaire
– infirmer l’ordonnance critiquée en ce qu’elle a autorisé les visites pour rechercher la preuve des agissements prêtés à la société appelante au titre des exercices 2015, 2018 et 2019 ;
– en conséquence, annuler les saisies réalisées au cours des deux visites en ce qu’elles portent sur les exercices 2015, 2018 et 2019 ;
En tout état de cause
– ordonner la destruction, sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard passé un délai de 8 jours à compter de la décision à intervenir, de toute copie sous quelque forme que ce soit des documents et fichiers saisis, à charge pour l’administration de justifier de la destruction effective de ces documents et fichiers ;
– dire que l’administration sera rétroactivement réputée ne jamais avoir détenu les pièces saisies ;
-c ondamner la DGFiP aux dépens et à payer aux appelants la somme de 5 000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions en date du 9 février 2022 et conclusions n°2 reçues le 16 mars 2022 l’administration fiscale fait valoir :
1 Un rappel préalable de la procédure est exposé.
2 Discusssion
2-1 Rappel préalable des faits :
L’administration fiscale rappelle et développe les éléments soumis à l’appréciation du juge dans la requête ainsi que les pièces produites justifiant la mise en oeuvre de la procédure de visite domiciliaire.
2-2 L’argumentation développée par la partie appelante ne remet pas en cause le bien -fondé des présomptions retenues par le premier juge.
A- sur l’absence d’acte ou d’omission entrant dans le champ de l’article L16 B du LPF.
L’appelant reproche au JLD de s’être fondé sur des éléments qui ne permettraient pas d’établir l’existence de présomptions selon laquelle le contribuable se serait soustrait à l’établissement et au paiement de l’impôt sur les bénéfices et des taxes sur le chiffre d’affaires […]. Ce moyen se pourra qu’être rejeté dès lors que la présomption vise la délivrance de factures ou de documents ne se rapportant pas à des opérations réelles et réduisant une imposition ou permettant de bénéficier d’une créance indue sur l’Etat et/ou en passant ou faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est prescrite par la CGI. La Cour de cassation a rappelé que pouvaient être relevées des présomptions relevant des art 1741 ou 1743 du CGI, elle a également régulièrement jugé que ce texte n’exigeait pas des infractions d’une particulière gravité et que le juge n’avait pas à caractériser la mauvaise foi du contribuable .
L’appelante invoque la décision du Premier président de la Cour d’appel de Rennes et énonce que les dispositions de l’article L 16B du LPF ne peuvent pas être mises en oeuvre en l’absence d’imputation d’une créance CIR.
Les conditions de la mise en oeuvre de l’article L 16B du LPF sont rappelées.
Au cas présent, l’excédent du crédit d’impôt non imputé constitue au profit de l’entreprise une créance sur l’Etat d’égal montant. Cette créance est utilisée pour le paiement de l’impôt dû au titre des trois années suivant celle au titre de laquelle elle est constatée, puis s’il y a lieu, la fraction non utilisée est remboursée à l’expiration de cette période.
Les entreprises qui dégagent un crédit d’impôt non imputé sur l’impôt dû au titre de la même année doivent constater une créance sur le trésor du montant du crédit d’impôt non imputé. Cette créance de CIR doit être enregistrée pour sa valeur normale au débit du compte 444 ‘Etat-impôt sur les bénéfices’ et par le crédit du compte 699 ‘ produits- Crédit d’impôt recherche’.
C’est bien la constatation et donc l’enregistrement comptable de la créance qui constitue le fait générateur permettant à terme le remboursement. Par la suite la demande de restitution s’effectue sur le formulaire dédié à la liquidation de l’IS.
D’autre part, en cas d’imputation sur un exercice postérieur à la période vérifiée d’un CIR remis en cause à la suite d’un contrôle, il sera procédé à une nouvelle liquidation de l’IS, assortie de l’application éventuelle de pénalités. En effet la remise en cause d’un excédent d’imputation de CIR s’analyse comme une opération comptable de liquidation de l’IS et non comme une rectification en matière d’assiette de l’impôt.
Au cas particulier, l’administration a notamment présumé que la société appelante avait bénéficié d’une créance indue sur l’Etat en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles et/ou en passant ou faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est prescrite par le CGI.
Ainsi le dépôt d’une déclaration de CIR fait naitre un droit à imputation ou au remboursement de l’IS qui à terme bénéficiera finalement à la société en l’absence de remise en cause et contribuera in fine à diminuer sa charge fiscale. Le principe de la soustraction à l’établissement ou au paiement de l’ impôt est avéré dès la constitution de la créance , dès lors qu’elle a donné lieu à la passation d’écritures omptables et qu’elle a pour vocation unique une minoration du paiement de l’impôt. D’ailleurs la Cour d’appel de Besançon a confirmé sur ce point l’ordonnance du JLD de Belfort concernant la SAS DAVIDSON EST (6 janvier 2022).
Il en résulte que la constatation de la créance de CIR est soumise à des obligations comptables et fiscales . Elle doit en effet être déterminée sur une déclaration spécifique qui s’inscrit dans un processus lié à l’éta blissement de l’impôt et faire l’objet d’un enregistrement comptable.
De cette constatation de l’existence de la créance résulte la naissance d’un droit à déduction avec pour effet une minoration du paiement de l’impôt, peu important la date à laquelle il sera exercé.
Ainsi, un CIR imputé sur le montant de l’IS dû au titre d’un exercice entre à l’évidence dans le champ d’application de l’art L 16B du LPF, puisqu’il peut se traduire par une soustraction au paiement de l’impôt. Le seul fait de ne pas avoir été en mesure de procéder à cette imputation (exercice déficitaire) ne change en rien le fait que le contribuable aura essayé de se soustraire au paiement de l’impôt , quand bien même il s’agit d’un exercice ultérieur, l’art L 16B n’exigeant pas que cette soustraction se rapporte à un exercice déterminé.
La circonstance que l’excédent de la créance de CIR n’ait pas pu être imputée du fait du résultat déficitaire de la société ne retire rien à la nature fiscale de la créance, d’ailleurs il résulte de la jurisprudence qu’ une demande indue de remboursement d’un CIR est constitutive de l’infraction de fraude fiscale sanctionnée par l’art 1741 du CGI.
En conséquence, les dispositions de l’article L 16B sont applicables au CIR, peu importe les modalités de son utilisation ( imputation ou remboursement).
B- Sur l’incidence de la vérification de comptabilité sur la procédure de l’art L 16B du LPF.
Il est rappelé la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle l’administration peut solliciter la mise en oeuvre de l’art L 16B avant, pendant ou après une vérification fiscale.
Ainsi la procédure prévue à l’art L 16B du LPF est totalement indépendante de la procédure de contrôle que constitue la vérification de comptabilité. Aucune dispositin légale ne s’oppose à ce que, au terme d’enquêtes effectuées par les servoces de la DNEF, une procédure de visite sot engagée en amont, au cours d’une procédure de vérification, est indfférent le fait qu’une proposition de rectification interruptive de prescription ait été adressée à la société à la date de la requête. S’agissant en outre de rectification constatée lors d’une procédure de contrôle antérieure ou de remboursements de cIR intervenus au titre d’années passées, ces décisions restent circonscrites aux exercices et années en cause. Elles n’engagent en aucune façon l’administration.
C-Sur les informations issues du droit de communication auprès de clients de la société DAVIDSON MIDI PYRENEES.
Les appelants considèrent par un raisonnement à contrario que l’absence de réalisation d’opérations de R&D par DAVIDSON MIDI PYRENEESpour le compte de ses clients induisait nécessairement que les dépenses de R&D étaient engagées pour son propre compte. Il n’en est rien, bien au cntraire et comme l’arelevé le JL dans son ordonnance, les droits de communications exercés auprèsde sociétés clientes ont mis en évidence que les missions réalisées par les consultants cez ces clients ne relevaient pas de la R&D et que de plus le temps passé à es travaux ne permettait pas de disposer du temps nécessaire à la réalisation de R&D pour DAVIDSON MIDI PYRENEES.
D- Sur le débat juridique.
Selon les appelantes, le débat porterait sur le point de savoir si une entreprise qui expose des dépenses de R&D pour son propre compte peut inclure ces dépenses dans l’assiette de son CIR lorsque celles-ci sont refacturées à un client , elle produisent une arrêt du 18 juin 2021 du Conseil d’Etat à l’appui de leur argumentation. Or cette discussion relève de la compétence du juge de l’impôt, ce que n’est pas le JLD en matière de visite domiciliaire ni le Premier président statuant en appel
En l’espèce les appelants tentent de réduire les présomptions de fraude à un seul débat juridique, alors qu’il ressort des éléments produits devant le JLD qu’il pouvait être présumé que la société SAS DAVIDSON MIDI PYRENEES a artificiellement majoré le montant de dépenses de personel pris en compte dans le calcul de ses CIR et a ainsi réduit frauduleusement ses impositions.
E- sur la force probante des pièces présentées
Les appelantes dénient toute force probante aux informations linkedin et Viadeo, alors que l’administration ne fait que communiquer des éléments d’accès publics issus de base de données ou sites internet, pour lesquels la Cour de cassation a reconu le caractère licite des consultations, les informations figurant sur les réseaux sociaux professionnels décrivent l’activité exercée par les personnes qui s’y pésentent. Il ressortait de ces consulations qu’un nombre important de salariés de la société DAVIDSON MIDI PYRENEES a pu être pris en compte dans ses déclarations de CIR alors qu’ils travaillaient en réalité pour d’autres sociétés, et qu’ainsi la SAS DAVIDSON MIDI PYRENEES a artificiellement majoré le montant de dépenses de personnels pris en compte dans le calcul de ses CIR et ainsi réduit frauduleusement ses impositions.
Le juge a ainsi relevé des éléments révélant des incohérences concernant les travaux de recherche (conclusions des experts du MESRI, volume horaire déclarés par la société pour les activités de recherche, situation des salariés).
Les éléments retenus par le juge dans l’ordonnance sont rappelés concernant le pourcentage d’heures de travail à la recherche et au développement par 3 salariés (E Klumpp, P [K] et SQ Nanfack ), incohérent avec leur activité telle que décrite par leur profil Linkedin, de plus il est précisé que l’administration a produit les données Linkedin de 43 salariés et non de 3 salariés.
F -Sur le contrôle du juge
Les parties appelantes demandent l’annulation de l’ordonnance au motif que le JLD n’aurait pas procédé à un examen des pièces présentées dans le délai entre le dépôt de la requête et l’ordonnance rendue. La jurisprudence de la Cour de cassation est rappelée en la matière. Selon cette jurisprudence l’art L 16 B du LPF ne prévoit aucun délai entre la présentation de la requête et le prononcé de la décision, le nombre de pièces produites ne peut à lui seul , laisser présumer que le premier juge s’est trouvé dans l’impossibilité de les examiner, en tous état de cause , au titre de l’effet dévolutif, le Premier président saisi d’un recours peut statuer à nouveau en fait et en droit sur le bien fondé de la requête de l’administration.
Il est rappelé l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 31 août 2010 sur ce point. En l’espèce rien n’autorise les appelantes à suspecter que le juge se soit dispensé de contrôler les pièces soumises à son apréciation.
G- Sur le contrôle de proportionnalité et l’intérêt de la visite domiciliaire
Il est fait valoir que la Cour de cassation a toujours jugé qu’aucun texte n’impose au juge de vérifier si l’administration pouvait recourir à d’autres modes de preuve ou à d’autres procédures.
Selon l’article L. 16 B du LPF, Dès lors qu’existent des présomptions d’agissements frauduleux, la procédure de visite domiciliaire était justifiée en ce qu’elle permettait de rechercher la preuve de ces agissements et ainsi d’accéder à des documents de gestion quotidienne de l’entreprise ou relatifs à l’organisation interne, que le contribuable n’a pas l’obligation de remettre dans le cadre d’une procédure de contrôle classique
Contrairement à ce qu’indiquent les appelants, les présomptions ne se résument pas à un simple débat juridique sur le CIR, mais elles portent sur la réalité factuelle des dépenses de frais de personnel concernant les salariés de Davidson MIDI PYRENEES, prises en compte dans les déclarations de CIR alors qu’ils paraissaient travailler en réalité pour d’autres sociétés, la question étant de savoir si la société réalisait de la R&D et si elle pouvait bénéficier du CIR en prenant compte des dépenses de salariés/consultants alors qu’ils paraissaient travailler pour d’autres sociétés. Il s’agit d’une question de fait qui repose sur les éléments communiqués par la société (volume horaire, affectation des consultants, réalisation effective de projet de recherche).
H- Sur la visite des domiciles de Messieurs [Z] et [X]
Le JLD a expliqué dans sa décision en quoi la visite des domiciles de Messieurs [Z] et [X] était justifiée, eu égard à leurs fonctions respectives au sein de la SAS DAVIDSON MIDI PYRENEES ([P] [Z] étant le représentant légal de la société et [B] [X] étant le second directeur général de la société notamment).
I- Sur le caractère licite de certaines pièces soumises à l’appréciation du JLD
Selon les appelantes, les agents auraient dû respecter la réglementation RGPD et l’obligation d’information portant sur la source des données ainsi traitées et leur accessibilité au public.
La jurisprudence de la Cour de cassation et celle de la cour d’appel de Paris qui ont validé la possibilité pour l’administration de recueillir des informations tirées de la consultation de sites d’accès publics sont rappelées.
L’article 14 du règlement UE du 27 avril 2016 concernant le RGPD est rappelé, concernant les personnes morales qui en sont exclues , de même l’article 2 du RGPD qui prévoit que le règlement ne s’applique pas aux données à caractère personnel effectué .. ‘d) par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection ds infractions pénales, d’equêtes et de poursuite en la matière ou d’exécution de sanctions pénales, y compris la protection contre des menaces pour la sécurité publique et la prévention de telles menaces’.
L’art 42 de la Loi du 6 janvier 1978 qui se prononce de la même façon est également rappelé, ainsi que l’art 2 de l’arrêté du 24 juillet 2000 concernant la mission de la DNEF.
Il résulte de ces textes que le traitement ‘sui generis’ mis en oeuvre par l’administration fiscale disposait d’une base juridique suffisamment précise.
Concernant le reproche à l’administration fiscale de ne pas avoir rappelé aux personnes concernées leurs droits s’agissant des données collectées indirectement, cet argument doit être écarté en application de l’art 23 du RGPD (possibilité de limitation de la portée des obligations de l’art 14 du règlement par les Etats membres).
En conséquence, les restrictions à l’information des personnes ayant fait l’objet de traitement de données sont autorisées par les textes.
En conclusion, il est demandé de :
– Confirmer l’ordonnance du JLD de Paris du 5 janvier 2021
– Rejeter toutes demandes, fins et conclusions
– Condamner l’appelante au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
SUR CE LA COUR
Sur l’absence de caractérisation des conditions de mise en ‘uvre de l’article L. 16 B du LPF
En application des dispositions de l’article L 16B du LPF, il appartient au JLD et au Premier Président saisi en appel d’apprécier s’il existe des présomptions de fraude fiscale à l’encontre d’un contribuable indiqué dans la requête de l’administration fiscale sollicitant d’effectuer une visite domiciliaire dans les lieux où des documents relatifs à la fraude présumée sont susceptibles de se trouver.
L’administration fiscale a saisi le JLD de Paris d’une requête sur le fondement de l’article L 16 B du LPF concernant la société SAS DAVIDSON MIDI PYRENEES qui serait présumée avoir réduit son imposition ou bénéficié d’une créance indue sur l’État en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles et/ou en passant ou faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est prescrite par le Code général des impôts, dans le cadre du crédit d’impôt recherche.
Selon l’article 244 quater B -I du CGI, dans le titre ‘ impôts directs et taxes assimilées’, ‘les entreprises […]peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt au titre des dépenses de recherche qu’elles exposent au cours de l’année. Le taux de crédit d’impôt est de 30 % pour la fraction des dépenses de recherche inférieure ou égale à 100 millions d’euros et de 5% pour la fraction des dépenses de rdcherche supérieure à ce montant .[…]’. L’article donne la liste des dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d’impôt. Le CIR apparaît ainsi comme une mesure de soutien aux activités de recherche et de développement des entreprises qui peuvent déduire de leurs impôts sous certaines conditions, les dépenses de recherche fondamental et de développement expérimental. Il s’agit d’un dispositif fiscal qui permet aux entreprises de financer une partie de leurs dépenses de R&D par le biais de remboursement ou de réduction d’impôt sur les sociétés, le CIR est imputé sur l’impôt sur les les sociétés dû par l’entreprise dans les conditions de l’art 199 ter B du CGI.
Les parties appelantes, opèrent à tort une distinction entre’ la réduction par le contribuable de son imposition’ et ‘le bénéfice d’une créance indue sur l’état’, elles estiment que l’administration dans sa requête vise ces deux situations bien distinctes et que l’article L 16 B ne peut s’appliquer dans ce dernier cas de figure qui concerne les exercices 2014 et 2015.
Or il convient de rappeler qu’il n’appartient pas au JLD, ni au Premier Président de la Cour d’appel saisi du recours, qui n’est pas le juge de l’impôt, de se prononcer sur l’applicabilité ou la non applicabilité de l’article L 16 B du LPF à un dispositif fiscal en analysant le processus de chaque mesure du dispositif qui en tout état de cause, aboutit à accorder une réduction d’impôt , alors qu’il appartient au JLD et au premier président saisi du recours de seulement vérifier l’existence de présomptions de fraude.
Concernant les présomptions de fraude alléguées par l’administration fiscale dans sa requête et reprises par le JLD dans son ordonnance , il convient de rappeler que la société DAVIDSON MIDI PYRENEES a déposé une demande de crédit d’ impôt en faveur de la recherche pour les dépenses engagées entre 2015 et 2018. Le CIR est basé notamment sur le montant des rémunérations de personnel affecté aux opérations de recherche.
Il est constant que la société a déclaré au titre de l’exercice de 2015 un CIR de 628 055 euros alors qu’elle était redevable de 330 123 euros d’IS, elle a imputé au titre de 2017 la somme 138 527 euros de CIR alors qu’elle était redevable de 350 498euros d’IS, elle a imputé au titre de 2018 la somme 273 169 euros de CIR alors qu’elle était redevable de 534 910 euros d’IS, elle a imputé au titre de 2019 la somme 225 220 euros de CIR alors qu’elle était redevable de 693 282 euros d’IS.
L’administration fiscale a constaté que la société DAVIDSON MIDI PYRENEES avait acquitté une très grande partie des sommes dues au titre de l’impôt sur les sociétés par le biais de ses déclarations de CIR.
Elle fait observer que dans les déclarations effectuées, les travaux de recherche et développement réalisés entre 2015 et 2017 relevaient de la thématique ‘réseaux et communication’ et que les déclarations de CIR 2015, 2016 et 2017 sont quasi intégralement des dépenses de personnel (hors dépense de fonctionnement) de l’ordre de 98 à 99,8 %.
La société a mentionné des dotations aux amortissements de biens affectés aux opérations de recherche de montants faibles, elle a déclaré en revanche des dépenses de fonctionnement constitués d’un pourcentage de dépenses de personnel et des dotations aux amortissements des biens affectés directement et exclusivement à des opérations de recherche, soit 694 980 euros en 2015, 772 600 euros en 2016, 775 182 euros en 2017.Elle a précisé que les dépenses de fonctionnement étaient forfaitaires sans aucun justificatif et couvraient les dépenses relatives aux projets de R&D telles que le personnel de soutien, les dépenses administratives et de consommables. Elle a également déclaré qu’une partie du personnel a été mise à disposition par des sociétés (Intervia, Missions Cadres, Sinopsie, intermission et Portageo). Il ne s’agit pas d’activités de recherche en sous traitance et la SAS DAVIDSON MIDI PYRENEES a précisé exercer une activité de consulting et mettre ses propres salariés et consultants à dispositions de ses clients sans agir en sous traitance pour effectuer des activités de R&D en son nom.
Il découle de ces éléments que la société DAVIDSON MIDI PYRENEES ne semblait pas disposer de moyens d’exploitation affectés directement et exclusivement à des opérations de recherche en dehors de dépenses de moyens en personnel, son activité porte essentiellement sur la mise à disposition de personnel spécialisé.
Il résulte des investigations de l’administration fiscale que le temps passé par les consultants à ces travaux ne leur permettait pas de disposer de temps nécessaire à la réalisation de R&D pour la SAS DAVIDSON MIDI PYRENEES.
Ainsi, dans sa décision, le JLD relève que suite à une procédure de vérification de comptabilité par l’administration fiscale, un questionnement est apparu concernant la mise à disposition de salariés pris en compte dans sa déclaration de CIR, étant observé que le contrôle du CIR comprend une partie scientifique réalisée par des experts du MESRI et une partie purement fiscale réalisée par les agents de la DGFIP.
Le JLD retient les éléments relevés par les enquêteurs de la DNEF qui ont procédé à des recoupements d’informations en consultant les profils Linkedin de certains salariés.
Le JLD dans son ordonnance, rappelle quelques exemples précis concernant la situation de certains salariés : [M] [V] dont les dépenses de personnel ont été intégrées à 94% de son temps de travail sans la déclaration CIR alors qu’il a indiqué travailler pour Airbus Defence & Space depuis 2014, [A] [K] qui est déclarée avoir travaillé en 2016 à 94,34 % de son temps en R&D pour la SAS DAVIDSON MIDI PYRENEES alors qu’elle déclare avoir travaillé sur cette période pour Infomil, [S] [E] qui travaillait en mission pour la DG de l’aviation civile et dont les dépenses de personnel sont intégrées en R&D pour 90,88% de son temps de travail.
Dès lors, les présomptions de fraude fiscale dans le cadre des déclarations CIR à compter de 2015 sont suffisantes pour répondre aux exigences de l’article L 16B du LPF.
S’agissant de la non imputation d’une créance CIR, dans la cas d’espèce au titre de l’exercice 2015, qui selon les appelantes ne pourrait fonder une présomption d’infraction fiscale de la part de la société, il convient de rappeler ainsi que le précise de façon pertinente la DNEF, que cette déclaration fait naitre un droit à imputation ou au remboursement de l’impôt sur les sociétés, que les entreprises qui dégagent un crédit d’impôt non imputé sur l’impôt dû au titre de la même année doivent constater une créance sur le trésor du montant du crédit d’impôt non imputé. Cette créance de CIR doit être enregistrée pour sa valeur normale au débit du compte 444 ‘ Etat -impôt sur les bénéfices’ et par le crédit du compte 699 ‘produits- Crédit d’impôt recherche’ que c’est donc la constatation et l’enregistrement comptable de la créance qui constitue le fait générateur permettant à terme le remboursement, que par la suite lorsqu’une demande de restitution est déposée, l’imputation des créances CIR des exercices antérieurs doit s’effectuer sur le formulaire dédié à la liquidation de l’IS, qu’au cas d’espèce l’administration a pu présumer que la société appelante avait bénéficié d’une créance indue sur l’Etat en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles et/ou en passant ou faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est prescrite par le CGI.
Ainsi le dépôt d’une déclaration de CIR fait naitre un droit à imputation ou au remboursement de l’IS qui, s’il n’entraine pas nécessairement une soustraction immédiate au paiement de l’impôt, bénéficiera finalement à la société en l’absence de remise en cause et contribuera in fine à diminuer sa charge fiscale.
Le contribuable doit établir des déclarations fiscales en fonction d’écritures comptables exactes et justifiées et les infractions des articles 1741 et 1743 du code général des impôts (CGI) visent expressément la passation d’écritures inexactes ou fictives dans les documents comptables dont la tenue est imposée par le CGI, infractions auxquelles renvoie l’article L 16B du LPF.
Ainsi, une demande de remboursement indû au titre du CIR est une infraction fiscale au visa des art 1741 et 1743 du CGI, dès lors le fait de ne pas imputer le CIR sur l’impôt de l’exercice correspondant n’est pas de nature à écarter les présomptions exigées par l’article L 16B du LPF.
Les enjeux financiers portent sur des montants importants, l’activité déclarée de R&D de la SAS DAVIDSON MIDI PYRENEES repose essentiellement sur des dépenses de personnel dont les justificatifs sollicités ne correspondaient pas intégralement aux déclarations effectuées et dont les constatations sur certains salariés concernés ne semblent pas correspondre à leur activité de recherche au sein de la structure alors qu’ils étaient mis à disposition dans d’autres structures sur la même période, caractérisant les présomptions de fraude conformément à l’article L. 16B du LPF.
Il résulte de l’examen in concreto des pièces soumises par l’administration fiscale à l’appui de sa requête au JLD qu’il pouvait être présumé que la société SAS DAVIDSON MIDI PYRENEES a artificiellement majoré le montant de dépenses de personnel pris en compte dans le calcul des CIR de 2015 à 2019 et a ainsi réduit frauduleusement ses impositions, caractérisant ainsi les présomptions de fraude fiscale telles qu’exigées par l’article L16 B du LPF.
Ce moyen sera rejeté.
Sur l’absence de de vérification concrète par le JLD du bien-fondé et de la proportionnalité de la mesure
Il convient de relever en l’espèce que la requête de l’administration fiscale ainsi que les pièces ont été déposées auprès du JLD le 17 décembre 2020, que celui-ci a pu étudier la requête et vérifier les pièces de façon concrète, qu’il a rendu sa décision le 5 janvier 2021, qu’aucun élément du dossier ne permet aux parties de prétendre que le JLD n’a pas vérifié le bien fondé de la requête.
Il convient de rappeler que les dispositions de l’article L. 16B du LPF constituent uniquement un moyen d’investigation destiné à contrôler le respect de la réglementation fiscale, qui peut être mis en ‘uvre sur autorisation du JLD et peut faire l’objet d’un contrôle par le Premier Président de la Cour d’appel.
Par ailleurs, en exerçant son contrôle in concreto sur le dossier présenté par l’administration fiscale, le JLD exerce de fait un contrôle de proportionnalité. En cas de refus, il peut inviter l’administration fiscale à avoir recours à d’autres moyens d’investigation moins intrusifs. En conséquence, la signature de l’ordonnance par le JLD signifie que ce dernier entend privilégier l’enquête dite «’lourde’» de l’article L.16 B du LPF et que les diligences auprès du contribuable seraient insuffisantes et dénuées de ‘l’effet de surprise, d’ailleurs la Cour de cassation a toujours jugé qu’aucun texte n’impose au juge de vérifier si l’administration pouvait recourir à d’autres modes de preuve ou à d’autres procédures.
En ce qui concerne l’argument selon lequel l’administration fiscale avait obtenu des informations sur l’organisation du groupe durant une opération de contrôle fiscal antérieure, il convient de rappeler que selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation, l’administration peut solliciter la mise en oeuvre de l’art L 16B avant, pendant ou après une vérification fiscale, en effet si les appelants critiquent la mise en oeuvre d’une procédure de visite et de saisie après l’envoi au contribuable d’une procédure de rectification, il convient de rappeler que la procédure de l’art L16B du LPF est totalement indépendante de la procédure de contrôle que constitue la vérification de comptabilité, d’ailleurs aucune disposition légale ne s’oppose à ce que, au terme d’une enquête de la DNEF, une procédure de visite soit engagée à la suite d’ une procédure de vérification.
Par conséquent, il ne peut être reproché à l’administration d’avoir fait usage de la procédure prévue par l’article L. 16B du LPF.
L’article 8 de la CESDH, tout en énonçant le droit au respect de sa vie privée et familiale, est tempéré par son paragraphe 2 qui dispose que ‘il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui’.
En l’espèce, le JLD a parfaitement motivé sa décision au vue de la requête de l’administration fiscale et des 102 pièces produites, il a à juste titre relevé que ‘des documents et supports d’informations relatifs à la fraude présumée étaient suceptibles de se trouver dans les locaux du [Adresse 4], susceptibles d’être occupés par [B] [X], et du [Adresse 7], susceptibles d’être occupés par [P] [Z]’, que contrairement à ce qu’affirment les parties appelantes, le JLD a motivé sa décision en rappelant les fonctions occupées tant par [B] [X] que par [P] [Z], au sein de la SAS DAVIDSON MIDI PYRENEES (Président et directeur général) justifiant la visite à leur domicile respectif, qu’il n’y a pas eu de violation des dispositions de l’article 8 de la CESDH et la mesure n’a aucunement été disproportionnée eu égard au but poursuivi.
Ce moyen sera rejeté.
Sur le caractère illicite d’un grand nombre de pièces soumises au JLD par l’administration à l’appui de sa requête
En ce qui concerne la prétendue violation des dispositions du RGPD dans le cadre de la production des pièces faite par l’administration fiscale à l’appui de sa requête, il convient de rappeler que l’article 2 du RGPD prévoit que « Le présent règlement ne s’applique pas au traitement de données à caractère personnel effectué: (‘) d) par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d’enquêtes et de poursuites (…) », or les opérations de visite et saisie diligentées par les agents de la DNEF dans le cadre de l’article L.16B du LPF sont effectuées dans le cadre d’investigations en vue de prévenir et détecter des infractions potentiellement pénales, que l’article 23 du RGPD autorise les états membres à limiter la portée des obligations prévues à l’art 14 du règlement, que l’article 38 de la Loi du 6 janvier 1978 permet justement d’en limiter la portée (‘lorsque le traitement est mis en oeuvre par les administrations publiques qui ont pour mission soit de contrôler ou de recouvrer des impositions soit d’effectuer des contrôles de l’activité de personnes physiques ou morales pouvant donner lieu à la constatation d’une infraction ou d’un manquement, des amendes administratives ou à des pénalités ‘), qu’ il en résulte que le RGPD ne s’applique pas aux demandes d’autorisation de visites domiciliaires. En ce qui concerne les pièces 21 à 24, il s’agit de pièces issues de la consultation par les agents de l’administration fiscale de sites internet d’accès public, ainsi les renseignements recueillis sur les réseaux sociaux sont considérés comme ayant été licitement recueillis.
Ce moyen sera rejeté.
L’ordonnance du JLD du Tribunal judiciaire de Paris en date du 5 janvier 2021 sera déclarée régulière et confirmée.
Enfin les circonstances de l’instance commandent de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de l’administration fiscale.
PAR CES MOTIFS
Statuant contradictoirement et en dernier ressort :
– Confirmons en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue à l’encontre de la SAS DAVIDSON MIDI PYRENEES par le juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de PARIS en date du 5 janvier 2021 autorisant les visites dans les locaux et dépendances sis [Adresse 4], présumés être occupés par M. [B] [X] et/ou la SAS BSM INVEST et/ou la SAS NOA INVEST et/ou la SAS DANIEL INVEST et/ou le FONDS DE DOTATION [U] [X] et sis [Adresse 7], présumés être occupés par M. [P] [Z] ;
– Rejetons toute autre demande ;
– Disons qu’il convient d’accorder la somme de 2000 euros (deux mille euros) à charge pour les parties appelantes à verser à la DNEF au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Disons que la charge des dépens sera supportée par les parties appelantes.
LE GREFFIER
Véronique COUVET
LE DÉLÉGUÉ DU PREMIER PRESIDENT
Elisabeth IENNE-BERTHELOT