Services à la personne : 25 mai 2022 Cour d’appel de Limoges RG n° 21/00626

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Services à la personne : 25 mai 2022 Cour d’appel de Limoges RG n° 21/00626

ARRÊT N° .

N° RG 21/00626 – N° Portalis DBV6-V-B7F-BIHKK

AFFAIRE :

S.A.S. LIMOUSIN AIDE A DOMICILE

C/

[U] [C]

JP/MLM

Demande d’indemnité ou de salaires

G à Me Toulouse et M. [S], le 25/5/22

COUR D’APPEL DE LIMOGES

CHAMBRE ECONOMIQUE ET SOCIALE

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ARRÊT DU 25 MAI 2022

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A l’audience publique de la Chambre économique et sociale de la cour d’appel de LIMOGES, le vingt cinq Mai deux mille vingt deux a été rendu l’arrêt dont la teneur suit ;

ENTRE :

S.A.S. LIMOUSIN AIDE A DOMICILE dont le siège social est [Adresse 1]

représentée par Me Arnaud TOULOUSE, avocat au barreau de LIMOGES

APPELANTE d’un jugement rendu le 22 Juin 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LIMOGES

ET :

Madame [U] [C], demeurant [Adresse 2]

représentée par M. [K] [S], défenseur syndical muni d’un pouvoir régulier

INTIMEE

—==oO§Oo==—

L’affaire a été fixée à l’audience du 05 Avril 2022, après ordonnance de clôture rendue le 2 mars 2022.

Conformément aux dispositions de l’article 786 du Code de Procédure Civile, Madame Johanne PERRIER, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles magistrat rapporteur, assistée de Monsieur Claude FERLIN, Greffier, a tenu seul l’audience au cours de laquelle elle a été entendue en son rapport oral, les conseils des parties sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients et ont donné leur accord à l’adoption de cette procédure.

Après quoi, Madame Johanne PERRIER, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 25 Mai 2022, par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la Loi.

Au cours de ce délibéré Madame Johanne PERRIER, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, a rendu compte à la cour composée de Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, de Madame Géraldine VOISIN, Conseiller et d’elle-même.

A l’issue de leur délibéré commun a été rendu à la date fixée, l’arrêt dont la teneur suit par mise à disposition au greffe.

LA COUR

EXPOSE DU LITIGE :

Mme [C] a été engagée par la société Limousin Aide à Domicile dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée à temps partiel en qualité d’auxiliaire de vie à compter du 1er juillet 2008. La relation contractuelle est soumise à la convention collective nationale de la branche de l’aide, de l’accompagnement, des soins et des services à domicile (IDCC 2941).

Les durées hebdomadaires et mensuelles du contrat ont évolué au fil des années, selon les ajustements et les plannings.

Par un avenant n°27 daté du 08 janvier 2017, le temps de travail de Mme [C] a été fixé à 105 heures mensuelles avec la précision que la durée du travail sur une année pourra varier mais sans atteindre un niveau égal ou supérieur à 35 heures hebdomadaires et sans excéder en moyenne la durée annuelle de 1 260 heures.

Par une décision unilatérale du 1er octobre 2017, applicable à partir du 1er janvier 2018, la société a procédé, en application des dispositions d’un accord du 13 octobre 2016 et de l’alinéa IV du chapitre 2 de la convention collective applicable, à une annualisation du temps de travail pour l’ensemble des salariés non cadres. Cette mesure, rendue obligatoire à l’ensemble du personnel non cadre, s’était située hors du cadre législatif et réglementaire et la société Limousin Aide à Domicile l’a abandonnée à compter du 1er janvier 2019 pour revenir à une rémunération sur la base des heures effectivement travaillées.

Mme [C], qui a été en arrêt de travail sur le début de l’année 2019, l’a contesté par un courrier du 08 août 2019 et le 03 juin 2020, elle en a saisi le conseil de prud’hommes de Limoges qui, par un jugement du 22 juin 2021 :

‘ a condamné la société Limousin Aide à Domicile à payer à Mme [C] les sommes de :

– 1.136,15 euros brut au titre du rappel de salaires pour l’année 2017  et de 113,61 euros brut au titre des congés payés afférents ;

– 3.763,06 euros brut au titre du rappel de salaires pour l’année 2019 et de 376,30 euros brut au titre des congés payés afférents ;

– 631,73 euros brut au titre des congés payés pour la période de juin 2018 à mai 2019 par référence aux acquis de juin 2017 à mai 2018 ;

– 1.000 euros de dommages-intérêts en application de l’article 1231-1 du code civil ;

‘ rappelé que l’exécution provisoire est de droit sur les créances salariales en application de l’article R. 1454-28 du code du travail, la moyenne des trois derniers mois de salaire étant de 1 037,40 euros ;

‘ condamné la société Limousin Aide à Domicile à payer à Mme [C] la somme de 700 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Le 12 juillet 2021, la société Limousin Aide à Domicile a relevé appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières écritures du 11 octobre 2021 auxquelles il est renvoyé, la société Limousin Aide à Domicile demande à la cour, réformant le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de débouter Mme [C] de l’ensemble de ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

La société Limousin Aide à Domicile fait valoir qu’en l’absence alors de représentant du personnel, c’est en toute bonne foi qu’elle avait mis en place de manière unilatérale l’annualisation du temps de travail au sein de l’entreprise ; que par la suite elle a pris connaissance, par le délégué du personnel, que cette faculté n’était ouverte qu’aux entreprises des services à la personne de moins de onze salariés dont elle ne fait pas partie, raison pour laquelle elle est revenue sur cette décision frappée d’illégalité.

Cependant, elle remet également en cause de l’annualisation du temps de travail accordé à Mme [C] par l’avenant du 8 janvier 2017, en soutenant que cet avenant, en fait signé le 08 janvier 2018, est affecté d’une erreur de date et elle considère que les demandes de Mme [C] en rappel de salaire sur les années 2017 et 2019 ne sont pas fondées, comme n’est pas fondée sa demande en rappel des congés payés.

Aux termes de ses écritures déposées le 7 décembre 2021 et auxquelles il est renvoyé, Mme [C] demande à la cour de confirmer le jugement critiqué  et condamner la société Limousin Aide à Domicile à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Mme [C] soutient que l’employeur n’a pas respecté le lissage de sa rémunération pour l’intégralité de l’année 2017, contestant l’affirmation de l’employeur selon laquelle l’annualisation du temps de travail n’aurait eu lieu qu’à compter de janvier 2018. En tout état de cause, elle fait valoir que sa rémunération pour les années 2017 et 2019 ne correspond pas au minimum conventionnel garanti.

Enfin, concernant les congés payés, Mme [C] soutient que l’employeur a mal calculé les sommes dues à ce titre.

SUR CE,

L’avenant n°27 au contrat de travail à temps partiel de Mme [C], daté du 08 janvier 2017, fait expressément référence, dans son préambule, à une modification du contrat de travail qui a été prise non individuellement mais dans le cadre de la mise en place de l’annualisation du temps de travail.

Il est constant que la décision unilatérale de la société Limousin Aide à Domicile en date du 1er octobre 2017 de mettre en place à compter du 1er janvier 2018 une modulation annuelle du travail à temps partiel des salariés non cadres a été présentée aux salariés lors de deux réunions du personnel des 15 et 22 novembre 2017 et que, durant toute l’année 2017, Mme [C] a été rémunérée, non sur la base d’un horaire minimal mensuel et moyen de 105 heures tel que prévu à l’avenant en cause mais, comme précédemment, sur la base des heures effectivement travaillées.

La société Limousin Aide à Domicile produit en outre les témoignages de dix collègues de Mme [C], employées comme elle comme aides à domicile, attestant que l’annualisation du temps de travail a été mise en place au 1er janvier 2018 et s’est s’achevée le 31 décembre 2018 sur la demande de Mme [E], déléguée syndicale, et on voit mal les raisons qui auraient pu amener l’employeur à l’anticiper pour l’appliquer à Mme [C] uniquement à compter du 1er janvier 2017.

En outre, dans son courrier du 08 août 2019 demandant à être rémunérée sur la base d’un horaire moyen et mensuel de 105 heures, Mme [C] a fait état d’un avenant n°27 ‘non daté’ et sa réclamation ne portait alors que sur les salaires de l’année 2019 et non sur ceux de l’année 2017.

Il sera donc retenu, ainsi que la société Limousin Aide à Domicile le fait valoir, qu’à la suite d’une erreur de frappe l’avenant n°27 a en réalité été signé le 08 janvier 2018 et non le 08 janvier 2017.

Mme [C] ne peut donc, en se fondant sur cet avenant, prétendre à un rappel de salaire sur l’année 2017 et le jugement dont appel sera réformé de ce chef.

S’agissant du rappel de salaire sur l’année 2019, la société Limousin Aide à Domicile a appliqué à Mme [C], à compter du 1er janvier 2019, une rémunération de son temps de travail sans modulation et sur la base de l’horaire effectif de travail, ce qui lui a été moins favorable.

Si la société Limousin Aide à Domicile n’avait pas été autorisée, en l’absence d’un accord d’entreprise, à imposer à l’ensemble d’une catégorie de personnel une modulation annuelle du temps de travail, il en reste qu’elle avait mis en place une telle modulation, ce qui ne pouvait se faire qu’en fixant une durée minimale de travail hebdomadaire ou mensuelle, et que l’horaire mensuel de 105 heures mentionné à l’avenant n°27, faute d’avoir été régulièrement dénoncé ou modifié, a continué à s’appliquer à compter du 1er janvier 2019.

La société Limousin Aide à Domicile ne justifie pas, le courrier en ce sens qu’elle a adressé à Mme [C] le 09 septembre 2019 ne pouvant servir de preuve à cet égard, que celle-ci aurait elle-même demandé à effectuer un horaire réduit à raison d’un service auprès d’autres employeurs, ou qu’elle aurait refusé les interventions proposées auprès de certains bénéficiaires de l’aide à domicile.

Mme [C], qui a été en arrêt de travail pour cause de maladie du 09 janvier au 22 avril 1019, a donc droit au titre de l’année 2019, et sur la base d’un horaire mensuel de 105 heures, à un rappel de salaire de 53 heures en mai, de 51 heures en juin, de 38 heures en juillet, de 38 heures en août, de 42 heures en septembre, de 49 heures en octobre, de 49,5 heures en novembre et de 50 heures en décembre, soit pour un total de 370,5 heures au taux horaire de 10,03 euros représentant la somme de 3.716,11 euros, à laquelle s’ajoutent 371,61 euros de congés payés afférents.

Le jugement dont appel sera réformé en ce sens.

S’agissant des congés payés, le compteur des congés se déclenche du 1er juin au 31 mai de l’année suivante et tout congé non pris au 31 mai est perdu sauf cas de maladie.

Il résulte des mentions figurant sur les bulletins de salaire, non remises en cause par Mme [C], que sur son droit à 30 jours de congés payés acquis sur la période juin 2017- mai 2018, un solde de 8,5 jours non pris au 31 mai 2019, n’a pas été reporté sur son droit à congés payés acquis au titre de la période juin 2018-mai 2019, et ne lui a pas été réglé.

Mme [C] ayant été dans l’impossibilité d’épuiser ce droit à congés payés en raison de son absence pour cause de maladie, elle est en droit d’obtenir une compensation financière qui, calculée sur la base d’un horaire moyen journalier de 5,6 heures, est de 8,5 jours x 5,6 heures x10,03 euros = 477,43 euros.

Le jugement dont appel sera réformé en ce sens.

S’agissant des dommages et intérêts, le jugement dont appel mérite confirmation.

S’agissant des frais et dépens, la société Limousin Aide à Domicile succombe pour le principal en son appel, elle doit en supporter les dépens et il est de l’équité de mettre à sa charge le versement à Mme [C] d’une indemnité de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe et en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Réforme le jugement du conseil de prud’hommes de Limoges en date du 22 juin 2021 en ses dispositions portant sur les rappels de salaire et les congés payés,

Statuant à nouveau de ces chefs,

Rejette la demande de Mme [U] [C] portant sur l’année 2017 ;

Condamne la société Limousin Aide à Domicile à payer à Mme [U] [C] :

– au titre du rappel de salaire de l’année 2019, la somme de 3.716,11 euros et celle de 371,61 euros au titre des congés payés afférents ;

– au titre des congés payés acquis sur la période juin 2017-mai 2018, la somme de 477,43 euros.

Condamne la société Limousin Aide à Domicile aux dépens de l’appel et à payer à Mme [C] la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,

Claude FERLIN. Pierre-Louis PUGNET

 


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