20/05/2022
ARRÊT N° 2022/303
N° RG 19/03709 – N° Portalis DBVI-V-B7D-NEJJ
S.B/KS
Décision déférée du 25 Juin 2019 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE ( F16/02549)
A CHAPUIS
SECTION COMMERCE CH 1
SAS ELRES
C/
[Y] [X]
Sociéte MONTSARRI FRANCE
Sociéte BARTI SERVICES
Sociéte LE TEMPS DES VIOLETTES
INFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 1
***
ARRÊT DU TRENTE MAI DEUX MILLE VINGT DEUX
***
APPELANTE
SAS ELRES
TOUR EGEE 9 ET 11 ALLEE DE L’ARCHE
92400 COURBEVOIE
Représentée par Me Karim CHEBBANI de la SELARL CABINET CHEBBANI, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉES
Madame [Y] [X]
APPARTEMENT 18 6 RUE ACHILLE VIADIEU
31400 TOULOUSE / FRANCE
Représentée par Me Caroline SCHNEIDER-BOYER, avocat au barreau de TOULOUSE
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 31555.2019.025403 du 30/12/2019 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de TOULOUSE)
Sociéte MONTSARRI
Immeuble Atria-7ème étage-8 Esplanade Compans Caffarelli
31000 TOULOUSE
Représentée par Me Laurent SEYTE de la SELARL GUYOMARCH-SEYTE AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE
Sociéte BARTI SERVICES
Tour Part Dieu – 129 rue Servient
69326 LYON CEDEX 03
Représentée par Me Laurent SEYTE de la SELARL GUYOMARCH-SEYTE AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE
Sociéte LE TEMPS DES VIOLETTES
33 Rue Paul Gauguin
31100 TOULOUSE
Représentée par Me Laurent SEYTE de la SELARL GUYOMARCH-SEYTE AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant , S.BLUME et M.DARIES chargées du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
S. BLUME, présidente
M. DARIES, conseillère
N. BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Greffier, lors des débats : C. DELVER
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par S. BLUME, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre.
FAITS – PROCÉDURE – PRÉTENTIONS DES PARTIES
Mme [Y] [X] a été embauchée le 10 décembre 2008 par la société Avenance, devenue Elres, en qualité d’employée de restauration suivant contrat de travail à durée indéterminée régi par la convention collective nationale de la restauration collective.
Mme [X] a été placée en arrêt de travail à compter du 31 janvier 2013 pour un état de grossesse le nécessitant.
Par courrier distribué le 4 février 2013, elle a sollicité des informations sur son éventuel transfert à une autre entreprise.
Par courrier du 6 février 2013, la société Elres lui a indiqué que le nouvel employeur serait la société Montsarri.
Le 16 février 2013, Mme [X] a reçu de la société Elres un certificat de travail, une attestation pôle emploi et un reçu pour solde de tout compte.
Par courrier du 19 février 2013, Mme [X] a adressé la prolongation de son arrêt de travail à la société Montsarri.
Par courrier du 14 mars 2013, la société Montsarri a contesté être le nouvel employeur de Mme [X].
Par courrier du 25 avril 2013 et par le biais de son conseil, Mme [X] a écrit à la société Elres et l’a mise en demeure de justifier du transfert de son contrat de travail.
Par courrier du 14 mai 2013 adressé à la salariée, la société Elres a confirmé le transfert par application de l’article L 1224-1 du code du travail à compter
du 1er février 2013.
Par courrier du 25 septembre 2013, Mme [X] a informé les deux sociétés de sa décision d’opter pour un congé parental.
Mme [X] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse le 18 mars 2014 à l’encontre de la société Elres pour demander la résiliation judiciaire de son contrat au motif de la non fourniture du travail et du salaire et demander le versement de diverses sommes.
La mise en cause de la société Montsarri France a été effectuée le 12 mai 2014 à la demande du conseil de la société Elres.
Le conseil de prud’hommes de Toulouse, section Commerce, par jugement
du 25 juin 2019, a:
-dit que la société Elres est l’employeur de Mme [X],
-mis hors de cause les sociétés Montsarri, Barti Services et Le temps des Violettes,
-dit que le licenciement de Mme [X] est dénué de cause réelle et sérieuse,
-et en conséquence,
-condamné la société à régler à Mme [X] les sommes suivantes :
*11 000 euros nets au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
*3 546,72 euros bruts au titre de l’indemnité de préavis,
*354,68 euros bruts au titre des congés payés y afférents,
*2 128,03 euros nets au titre de l’indemnité de licenciement,
*1 773,36 euros nets pour le défaut de procédure,
-condamné la société Elres à remettre à Mme [X] les bulletins de salaire relatifs au préavis, le reçu pour solde de tout compte ainsi que l’attestation pôle emploi et le certificat de travail rectifiés conformément à la présente décision,
-rejeté les plus amples demandes des parties,
-condamné la société à verser à Mme [X] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et rejeté les autres demandes à ce titre,
-rappelé que les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et qu’elles sont assorties de plein droit de l’exécution provisoire, la moyenne des trois derniers mois de salaire s’élevant à 1 773,36 euros,
-dit n’y avoir lieu à exécution provisoire autre que de droit,
-rappelé que les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement,
-mis les dépens à charge de la société Elres,
-dit qu’à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la présente décision et qu’en cas d’exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l’huissier instrumentaire en application des dispositions de l’article 10 du décret
du 8 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1996, devront être supportées par la partie défenderesse.
***
Par déclaration du 2 août 2019, la société Elres a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 3 juillet 2019, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.
***
Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique
le 4 novembre 2019, la SAS Elres demande à la cour de :
-réformer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,
-et statuant à nouveau,
-à titre principal :
*juger que le contrat de travail de Mme [X] a effectivement été transféré en application des dispositions de l’article L 1224-1 du code du travail à la société Montsarri à compter du 1er février 2013,
*juger en conséquence que la société Elres n’était plus juridiquement l’employeur de Mme [X] à cette date,
*en conséquence, débouter Mme [X] de l’ensemble des demandes qu’elle formule à son encontre,
-à titre subsidiaire, débouter Mme [X] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail,
-en tout état de cause :
*condamner Mme [X] à verser la somme de 1 000 euros à la société Elres sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
*condamner la société Montsarri à verser à la société Elres la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
*condamner la société Barti Services à payer à la société Elres la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
*condamner la société Le temps des violettes à payer à la société Elres la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
*condamner les intimes aux entiers dépens de l’instance.
Au soutien de ses demandes, la SAS Elres développe les moyens suivants :
Sur le transfert du contrat de travail
La SAS Elres affirme que le contrat de travail de Mme [X] a été transféré à la société Montsarri en application de l’article L1224-1 du code du travail.
Elle expose que cette société, contrairement à ce qu’elle prétend, n’a pas d’activité strictement réglementée et qu’à défaut d’agrément à l’époque du transfert, elle ne pouvait se prévaloir de la mise en oeuvre de prestations de services et ne pouvait être qualifiée d’entreprise de services à la personne, que par suite son activité principale, rentrait bien dans le champ de la convention collective de la restauration.
Elle fait valoir que le transfert légal du contrat de travail sur le fondement
de l’article L1224-1 du Code du travail suppose :
*Un personnel propre spécialement affecté à l’exercice de l’activité transférée : la SAS Elres soutient qu’il existait une activité spécifique de restauration, dans le cadre d’un contrat conclu entre la société MONTSARRI et la maison de retraite. Par ailleurs, elle précise que l’article L1224-1 du code du travail n’impose pas que le personnel, pour être transféré, soit susceptible d’être ‘polyvalent’ chez le repreneur, mais uniquement qu’il ait été affecté à l’activité reprise avant le transfert.
*Des moyens corporels : en l’occurrence, la société MONTSARRI a repris l’intégralité de l’activité qui était précédemment poursuivie par la société ELRES et que dans ces circonstances, les moyens corporels et incorporels affectés à l’activité de restauration au profit de la Maison de retraite Notre Dame ont été transférés.
*Le personnel propre et les différents moyens poursuivaient un objectif propre.
Elle ajoute que son activité de restauration collective a été poursuivie, le marché liant la Maison de retraite Notre Dame à la société ELRES, repris par la société MONTSARRI, portant sur la poursuite de cette activité.
Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail
La salariée reproche à la société d’avoir cessé de lui procurer le travail convenu et de lui verser son salaire au retour du congé parental d’éducation, ce qui ne peut être opposé à la société ELRES en l’état du transfert du contrat de travail.
En outre, la société Elres allègue que la salarié a elle-même manqué à ses obligations en ce qu’elle n’a pas tenté de reprendre son poste de travail postérieurement à son retour de congé maternité et n’a pas informé les sociétés Elres et Montsarri de son souhait de profiter d’un congé parental.
Enfin, le délai d’inaction de la salariée entre la réalisation des faits et la demande de résiliation fait perdre leur caractère de gravité aux griefs invoqués à l’appui de sa demande.
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Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique
le 3 février 2020, Mme [Y] [X] demande à la cour de :
-confirmer la décision dont appel en ce qu’elle a considéré que l’employeur de Mme [X] est la société Elres,
-si par extraordinaire la Cour ne devait pas considérer la société Elres comme l’employeur de Mme [X], elle devra considérer que la société Montsarri est l’employeur de Mme [X],
-en tout état de cause, constater que la société Elres ou la Société Montsarri, employeur de Mme [X], n’a pas respecté ses obligations d’employeur,
-réformer la décision dont appel en ce qu’elle a débouté Mme [X] de sa demande de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail à durée indéterminée,
-si par extraordinaire, la Cour ne devait pas prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [X], confirmer la décision dont appel en ce qu’elle a considéré le licenciement de Mme [X] dénué de cause réelle et sérieuse,
-en tout état de cause,
-condamner la société Elres ou la société Montsarri au paiement de la somme
de 31 239,74 euros bruts à titre de rappel de salaires pour la période du 28 Juin 2014 au 16 Décembre 2014, somme à parfaire au jour du prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail,
-condamner la société Elres ou la société Montsarri au paiement de la somme de 312,40 euros bruts à titre d’indemnité de congés payés sur le rappel de salaires pour la période du 28 Juin 2014 au 16 Décembre 2014, somme à parfaire au jour du prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail,
-condamner la société Elres ou la société Montsarri au versement de la somme
de 1 773,36 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement,
-condamner la société Elres ou la société Montsarri au versement de la somme
de 14 186,88 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-condamner la société Elres ou la Société Montsarri au versement de la
somme 3 546,72 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre l’indemnité de congés payés afférents soit 354,68 euros,
-condamner la société Elres ou la société Montsarri au versement de la somme
de 2 128,03 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,
-condamner la société Elres ou la société Montsarri au versement de la somme
de 3 546,72 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du comportement de l’employeur,
-ordonner la modification des documents sociaux suivants: bulletins de salaire à compter du 1er Février 2013, certificat de travail, reçu pour solde de tout compte, attestation ASSEDIC, au besoin sous astreinte à hauteur de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision,
-condamner la société Elres ou la société Montsarri au versement de la somme
de 2 500 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile, dont distraction au profit de Maître Schneider-Boyer,
-condamner la même aux entiers dépens,
-ordonner l’exécution provisoire de la décision à venir.
A l’appui de ses demandes, Madame [X] développe les moyens suivants :
La salariée allègue qu’elle est restée dans la complète incertitude quant à l’identité de son employeur. Par conséquent, elle ne savait pas à qui adresser son courrier d’information de prise de congé parental. En l’absence de précisions sur la poursuite du contrat de travail par les deux sociétés, elle a adressé un courrier à chacune d’elles. Toutefois, ni la Société Elres, ni la Sociéé MONTSARRI n’a pris contact avec elle. Elle sollicite confirmation du jugement en ce qu’il a retenu que la societé ELRES n’a pas démontré que l’activité de restauration qu’elle assurait a été poursuivie ou reprise par la société Montsarri.
Madame [X] affirme que la SAS Elres a commis plusieurs manquements graves à ses obligations justifiant la résiliation judiciaire: l’absence de fourniture de travail et le paiement de ses salaires et l’absence d’organisation d’un entretien professionnel sur les perspectives d’évolution professionnelle à l’issue de différentes périodes d’absences et de congés.
La gravité des griefs justifie selon elle la résiliation judiciaire aux torts de l’employeur, laquelle produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
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Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 22 janvier 2020, les sociétés Montsarri, Barti Services et Le temps des violettes demandent à la cour de :
-juger que la convention collective de la restauration de collectivité n’est pas en l’espèce applicable aux sociétés Montsarri, Barti Services et Le temps des violettes,
-juger que les conditions d’application de l’article L 1224-1 du code du travail ne sont pas remplies,
-juger que la société Elres est demeurée seul et unique employeur de Mme [X],
-juger que les sociétés Montsarri, Barti Services et Le temps des violettes ne sont pas concernées par les demandes financières formulées par Mme [X], qui concernent exclusivement la société Elres,
-confirmer en conséquence le jugement dont appel en ce qu’il a mis les sociétés Montsarri, Barti Services et Le temps des violettes hors de cause, et en ce qu’il a considéré que la société Elres était demeurée seule employeur de Mme [X],
-mettre les sociétés Montsarri, Barti Services et Le temps des violettes hors de cause,
-débouter Mme [X] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et plus généralement de l’intégralité de ses demandes,
-condamner tous succombant au paiement de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
A l’appui de leurs demandes, les sociétés développent les moyens suivants :
La règle du transfert du contrat de travail n’avait pas à s’appliquer, que ce soit sur le fondement de la convention collective de la restauration des collectivités ou sur le fondement de l’article L1224-1 du Code du travail.
D’une part la société Elres et les sociétés Montsarri, Barti Services et le Temps des violettes ne relèvent pas de la même convention collective, la première relevant de la convention collective nationale du personnel des entreprises de restauration des collectivités et les autres de la convention collective des services à la personne, de sorte que la convention collective de la restauration qui envisage le transfert des contrats de travail n’est pas opposable aux concluantes.
D’autre part, les sociétés estiment que les conditions d’application de l’article L1224-1 du Code du travail ne sont pas réunies :
*Il n’y a aucune entité économique autonome puisque les fonctions et les postes ne sont pas les mêmes, les profils sont différents. Il n’y a donc pas de personnel propre spécialement affecté à l’exercice de l’activité transférée. De plus, les sociétés affirment que dès lors que les activités ne sont pas les mêmes, il ne peut y avoir de transfert de moyens corporels ou incorporels.
*L’entité transférée n’a pas conservé son identité : les sociétés rappellent que selon la jurisprudence constante, dès lors que l’activité est différente, ou simplement similaire à l’activité précédente, il n’y a pas d’identité de transfert d’entité.
S’agissant de la demande de résiliation judiciaire, les sociétés estiment qu’en l’absence de transfert du contrat de travail, elles doivent nécessairement être mises hors de cause.
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La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance en date du 25 février 2022.
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Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la détermination de l’employeur
La société ELRES demande à la cour de juger que le contrat de travail de Mme [X] a été transféré en application des dispositions de l’article L 1224-1 du code du travail à la société Montsarri à compter du 1er février 2013.
La société Montsarri soutient quant à elle que les conditions d’application de l’article L1224-1 ne sont pas réunies et que la société ELRES est restée l’employeur de Mme [X].
En application de l’article L.1224-1 du code du travail, s’il survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise.
Les dispositions de l’article L.1224-1 du code du travail, dispositions d’ordre public, s’imposent tant aux employeurs qu’aux salariés et sont donc soustraites à la volonté des parties.
Les modifications dans la situation juridique de l’employeur visées par l’article L.1224-1 et précédées de ‘ notamment ‘ ne sont pas limitatives et le terme ou la résiliation d’un contrat de distribution ou de concession constituent une modification dans la situation juridique de l’employeur
L’article L.1224-1 du code du travail pose le principe du maintien des contrats de travail toutes les fois qu’il y a transfert d’une entité économique autonome conservant son identité et dont l’activité est poursuivie ou reprise, étant précisé que l’entité économique dont le transfert conditionne l’application des dispositions légales précitées s’entend d’un ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels ou incorporels permettant l’exercice d’une activité qui poursuit un objectif propre et des intérêts propres.
Au cas d’espèce il convient donc de déterminer si la perte le 5 octobre 2012 par la société ELRES du marché de restauration collective qu’elle avait conclu avec la compagnie de Marie Notre Dame et la signature le 1er décembre 2012 par cette compagnie et la société Montsarri d’un contrat de prestation de services à la personne s’est accompagnée du transfert d’une entité économique autonome ayant conservé son identité et dont l’activité a été poursuivie ou reprise.
Outre le fait que les sociétés Elres et Montsarri , selon leur code NAF, extraits KBIS et statuts,relèvent de conventions collectives différentes, soit la convention collective de la restauration pour la société ELRES et la convention collective des services à la personne pour la société Montsarri, elles n’assurent pas la même activité, la première ayant pour activité principale la restauration collective quant la seconde assure une activité principale d’aide à domicile.
Ainsi la société Montsarri justifie avoir conclu des contrats individuels avec chaque résident incluant l’entretien de la maison et les travaux ménagers, la préparation de repas à domicile et du petit bricolage, prestations individuelles distinctes de la restauration collective offerte par la société ELRES.
Les prestations insérées dans les contrats individuels n’exigeant pas un agrément spécifique, le moyen développé par la société ELRES tenant à l’absence d’agrément reçu par la société Montsarri est inopérant. A supposer une irrégularité dans la mise en oeuvre de certaines prestations fournies par la société Montsarri exigeant un agrément, elle ne saurait avoir d’incidence sur la caractérisation d’une unité économique autonome en considération de l’absence d’identité d’activité entre les deux sociétés.
Le recrutement par la société Montsarri de salariés en charge de l’aide aux repas, relevant de l’accompagnement à la personne, alors que Mme [X] était employée de restauration, n’est pas de nature à caractériser une identité d’activité.
Au surplus l’affirmation par la société Montsarri selon laquelle la société ELRES a conservé le marché de la restauration collective de l’école de la compagnie de Marie Notre Dame ainsi que l’utilisation des locaux de la cuisine avec maintien du contrat de travail du cuisinier M.[B], n’est pas sérieusement remise en cause par la société ELRES.
Au vu de l’ensemble de ces éléments les conditions d’application de l’article L1224-1 du code du travail ne sont pas réunies et le conseil de prud’hommes sera approuvé en ce qu’après avoir écarté le transfert légal du contrat de travail de Mme [X] , il a jugé que la société ELRES demeurait l’employeur et mis hors de cause les sociétés Montsarri, Barti Services et Le temps des Violettes.
Sur la rupture du contrat de travail
Mme [X] qui est restée salariée de la société ELRES a néanmoins reçu de son employeur le 19 février 2013 les documents de fin de contrat (attestation pôle emploi, certificat de travail et reçu pour solde de tout compte) par lesquels l’employeur a signifié de façon non équivoque la fin de la relation contractuelle au 31 janvier 2013, sans respect de la procédure de licenciement.
Cette rupture injustifiée s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
De ce fait la demande de résiliation judiciaire est sans objet et a été justement rejetée par les premiers juges, de même que la demande en rappel de salaire jusqu’au présent arrêt.
A raison de son ancienneté de 4 ans et de son salaire mensuel de 1 773,36 euros , la salariée est en droit de prétendre à une indemnité conventionnelle de licenciement de 2128,03 euros ainsi qu’à une indemnité compensatrice de préavis de 3546,72 euros outre l’indemnité de congés payés correspondantes, selon les modalités de calcul retenues par les premiers juges qui ne donnent lieu à aucune contestation.
En application de l’article L1235-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, il sera alloué à la salariée, qui a subi les conséquences du désaccord entre les deux sociétés en litige sur la reprise de son contrat de travail , avec une incertitude sur sa situation professionnelle et financière dans le contexte d’un congé parental, la somme de 14000 euros à titre de dommages et intérêts, par infirmation du jugement déféré sur le quantum des dommages et intérêts.
Il n’est justifié par aucune pièce du caractère vexatoire des circonstances du licenciement. La salariée qui ne justifie pas d’un préjudice distinct de celui indemnisé sur le fondement de l’article 1235-3 du code de travail sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts supplémentaires à ce titre.
Selon l’article L1235-2 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable : « Si le licenciement d’un salarié survient sans que la procédure requise ait été observée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge impose à l’employeur d’accomplir la procédure prévue et accorde au salarié, à la charge de l’employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire ». Il s’en déduit que l’indemnité pour irrégularité de la procédure ne saurait se cumuler avec les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse prévus par l’article L1235-3 du code du travail.
En conséquence, Mme [X] sera déboutée de sa demande au titre de l’irrégularité de la procédure fondée sur l’article L1235-2.
Il sera ordonné à la société ELRES la remise à la salariée des documents de fin de contrat conformes au présent arrêt, sans qu’il y ait lieu d’assortir cette condamnation d’une astreinte.
Sur les demandes annexes
La société ELRES sera condamnée à remettre les documents de fin de contrat conformes au présent arrêt, sans qu’il y ait lieu d’assortir cette condamnation d’une astreinte.
La société ELRES, partie principalement perdante, sera condamnée aux dépens d’appel.
Mme [X] est en droit de réclamer l’indemnisation des frais non compris dans les dépens exposés à l’occasion de cette procédure. La société ELRES sera donc tenue de lui payer la somme complémentaire de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 al. 1er 1° du code de procédure civile.
La société ELRES, partie perdante, sera déboutée de ses demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.
Aucune circonstance d’équité ne justifie de faire application des dispostions de l’article 700 du code de procédure civile au profit des sociétés Montsarri France Barti Services et Le temps des Violettes.
Le jugement déféré est confirmé en ses dispositions concernant les frais et dépens de première instance.
Le licenciement déclaré illégitime est sanctionné par l’article L.1235-4, du code du travail. La cour ordonne le remboursement par la société ELRES à Pôle Emploi des sommes versées au salarié au titre du chômage dans la limite de 6 mois.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré sauf en ses dispositions concernant le quantum des dommages et intérêts alloués pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et l’indemnité pour irrégularité de procédure de licenciement
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant
Condamne la société ELRES à payer à Mme [Y] [X] les sommes suivantes:
-14 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
– 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les sociétés ELRES, Montsarri France , Barti Services et le Temps des Violettes de leur demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile
Déboute Mme [X] du surplus de ses demandes
Ordonne le remboursement par la société ELRES à Pôle Emploi des sommes versées à M. [T] [Z] au titre du chômage dans la limite de 3 mois.
Condamne la société ELRES aux dépens d’appel.
Le présent arrêt a été signé par S.BLUMÉ, présidente et par C.DELVER, greffière.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
C.DELVER S.BLUMÉ
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