République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 2
ARRÊT DU 02/06/2022
****
N° de MINUTE :
N° RG 20/03710 – N° Portalis DBVT-V-B7E-TGFL
Jugement (N° 19/01032) rendu le 29 juin 2020
par le président du tribunal judiciaire de Dunkerque
APPELANTE
La SARL [K] [C] prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social 300 route de Téteghem
59380 Coudekerque Village
représentée par Me Hugues Senlecq, membre du cabinet Adéquation Avocats, avocat au barreau de Dunkerque
INTIMÉS
Monsieur [M] [D]
né le 28 août 1959 à Rosendaël (59240)
Madame [N] [G] épouse [D]
née le 12 octobre 1960 à Valenciennes (59300)
demeurant ensemble 92 rue de Roubaix
59240 Dunkerque
représentés par Me Nicolas Haudiquet, membre de la SCP Mougel-Brouwer-Haudiquet, avocat au barreau de Dunkerque
DÉBATS à l’audience publique du 07 février 2022 tenue par Catherine Bolteau-Serre magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Anaïs Millescamps
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Catherine Bolteau-Serre, président de chambre
Sophie Tuffreau, conseiller
Jean-François Le Pouliquen, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 2 juin 2022 après prorogation du délibéré du 19 mai 2022 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Catherine Bolteau-Serre, président et Anaïs Millescamps, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 13 décembre 2021
****
Vu le jugement du tribunal judiciaire de Dunkerque en date du 29 juin 2020,
Vu la déclaration d’appel de la société [K] [C] en date du 21 septembre 2020,
Vu les conclusions de la société [K] [C] du 7 avril 2021,
Vu les conclusions de M. [M] [D] et Mme [N] [G] épouse [D] du 3 mars 2021,
Vu l’ordonnance de clôture du 13 décembre 2021.
EXPOSE DU LITIGE
M. [M] [D] et Mme [N] [G] épouse [D] sont propriétaires d’une maison située 92 rue de Roubaix à Dunkerque (59240).
Selon un devis n° D 10881 en date du 11 octobre 2012 accepté le 26 novembre 2012, ils ont confié à la Sarl [K] [C] la réalisation des travaux de réfection de la façade avant avec pose d’un bardage Eternit et de la toiture arrière en brisis avec pose d’une couverture en ardoise ainsi que divers travaux d’étanchéité moyennant un prix total de 18 262,08 euros TTC.
Les travaux ont été réalisés entre les mois de mars 2013 et mai 2014.
Ils n’ont pas l’objet d’une réception.
Une facture n° 4653 d’un montant de 12 754,96 euros a été établie le 25 mars 2013. Un chèque de 6 000 euros de solde de travaux à encaisser en fin de travaux a été émis le 28 mars 2013 et remis à l’entreprise, mais a fait l’objet d’une opposition des émetteurs en mai 2014 lorsqu’il a été présenté à l’encaissement.
Suite à des problèmes notamment la présence de coulures marron et la présence d’odeurs d’hydrocarbures, les époux [D] ont mandaté un huissier de justice lequel a dressé un procès-verbal de constat le 26 mai 2014.
A la demande des époux [D], une expertise amiable contradictoire a été réalisée par le cabinet [W] qui a déposé un rapport le 8 décembre 2014.
La société [K] [C] a fait assigner les consorts [D] en paiement du solde des travaux devant le tribunal d’instance de Dunkerque lequel par jugement en date du 25 juillet 2015 a rejeté une demande d’expertise et condamné solidairement les époux [D] à payer à la Sarl [C], au titre du solde des travaux, la somme de 6 000 euros sous réserve de la déduction de la retenue de garantie de 5 % , et ce avec intérêts au taux légal à compter du jugement.
Sur appel des consorts [D], la cour d’appel de Douai, par un arrêt en date du 30 juin 2016, a confirmé le jugement sauf le rejet de la demande d’expertise et a désigné en qualité d’expert judiciaire M. [L] [R].
L’expert judiciaire a déposé son rapport le 19 avril 2018.
Par actes en dates des 30 avril 2019 et 10 mai 2019, M [M] [D] et Mme [N] [G] épouse [D] ont assigné la Sarl [K] [C] devant le tribunal de grande instance de Dunkerque.
Par jugement du 29 juin 2020, le tribunal judiciaire de Dunkerque a :
-condamné la Sarl [K] [C] à payer à M. [M] [D] et Mme [N] [G] épouse [D] les sommes suivantes :
-2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice lié aux travaux
en façade avant ;
-9 342,52 euros au titre des travaux de reprise en façade arrière
-1 200 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du trouble de jouissance ;
-1 947,30 euros à titre de dommages et intérêts en remboursement des frais de
nettoyage ;
– rejeté la demande reconventionnelle de la Sarl [K] [C] ;
– rejeté toutes les autres demandes des parties plus amples ou contraires ;
– condamné la Sarl [K] [C] à payer à M. [M] [D] et Mme [N] [G] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
– condamné la Sarl [K] [C] aux dépens y compris le coût de la procédure d’expertise judiciaire ainsi que le coût des constats d’huissier en date des 26 mai 2014, 5 février 2016, 24 juillet 2018 et 24 mai 2018 ;
Par déclaration en date du 21 septembre 2020, la société [K] [C] a interjeté appel de la décision.
Par dernières conclusions en date du 7 avril 2021, la société [K] [C] demande à la cour de:
– réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Dunkerque le 29 juin 2020 en ce qu’il a :
‘CONDAMNE à payer à M. et Mme [D] les sommes suivantes :
– 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice lié aux travaux en façade avant,
– 9 342,52 euros à titre de travaux de reprise en façade arrière,
– 1 200 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du trouble de
jouissance,
– 1 947,30 euros à titre de dommages et intérêts en remboursement des frais de nettoyage,
REJETTE la demande reconventionnelle de la Sarl [K] [C]
REJETTE les autres demandes plus amples
CONDAMNE à payer à M. et Mme [D] un article 700 CPC de 3 000 euros, outre les dépens en ce compris le coût de la procédure de référé expertise et le coût de constats d’huissier.’
Statuant à nouveau :
– débouter M. et Mme [D] de toutes leurs demandes fins et conclusions d’incident sauf celle chiffrée à la somme de 9 342,52 euros TTC propre à procéder au remplacement de la couverture en façade arrière.
Dans ce cas,
– juger que M. et Mme [D] sont redevables à l’égard de la société [C] de la somme de 4 093,58 euros au titre de travaux réalisés et satisfaisants ne souffrant d’aucun grief.
– ordonner la compensation des sommes dues entre les parties.
– condamner les époux [D] à verser au bénéfice de la Sarl [C] au titre des frais irrépétibles une somme de 3 000 euros conformément aux dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions en date du 3 mars 2021, M. [M] [D] et Mme [N] [G] épouse [D] demandent à la cour, au visa de l’article
1231-1 du code civil et subsidiairement de l’article 1792-4-3 du code civil, de :
– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné la Sarl [K] [C] à payer à M. et Mme [D] les sommes suivantes :
– 9 342,52 euros au titre des travaux de reprise en façade arrière ;
– 3 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, en ce compris le coût de la procédure d’expertise judiciaire ainsi que le coût des constats d’huissier des 26 mai 2014, 5 février 2016, 24 juillet 2018 et 24 mai 2018.
– recevoir M. et Mme [D] en leur appel incident ;
– réformer le quantum du jugement attaqué s’agissant des travaux de reprise en façade avant, du trouble de jouissance et des frais de nettoyage.
– condamner la société [C] à payer à M. et Mme [D] une somme de 7 224,59 euros, et subsidiairement 4 650,17 euros au titre des travaux de reprise en façade avant ;
– condamner la société [C] à payer à M. et Mme [D] une somme de 7 500 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du trouble de jouissance ;
– condamner la société [C] à payer à M. et Mme [D] une somme de 3 120 euros en remboursement des frais de nettoyage ;
– débouter la société [C] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
– condamner la société [C] à payer à M. et Mme [D] une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre de l’instance d’appel.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées, soutenues à l’audience et rappelées ci-dessus.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le13 décembre 2021.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Aux termes de l’article 1147 du code civil dans sa version applicable à la présente espèce, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.
La responsabilité de l’entreprise peut être engagée en cas de désordres affectant les travaux réalisés au titre son obligation de résultat de livrer un ouvrage conforme et exempt de vice.
En l’espèce, selon le devis accepté le 26 novembre 2012, la société [C] était chargée des travaux suivants :
– en façade avant : la fourniture et la pose d’un bardage Eternit pictura coloris crème PU 842 et coloris chocolat PU 941 en soubassement avec fourniture et pose d’une isolation rockfaçade épaisseur 140 mm
-en toiture arrière : enlèvement des tuiles et liteaux existants, fourniture et pose d’une couverture ardoise, réalisation des étanchéités mitoyennes et lucarnes en zinc, réfection des chéneaux en zinc.
Les désordres dont se prévalent les consorts [D] portent sur les travaux en façade avant ainsi que ceux réalisés sur la toiture de la façade arrière.
I- s’agissant des travaux de la façade avant
La société [K] [C] soutient que le tribunal a alloué la somme de 2 000 euros pour des malfaçons qui ne sont pas établies.
Les consorts [D] font valoir au contraire que les malfaçons rendant la façade inesthétique sont établies, énumérant (page 12 et suivantes des conclusions) les différents désordres et non-conformités, certains désordres s’étant aggravés.
Aux termes de son rapport, l’expert judiciaire constate, s’agissant de la façade, ‘le calepinage de panneaux de façade sur rue laisse apparaître des joints de différentes épaisseurs rendant l’ensemble inesthétique.’ Il ajoute dans ses conclusions que ‘le défaut d’alignement des fixations de panneaux en façade sur rue ne constitue pas en soi un désordre. Concernant l’isolation par l’extérieur nous n’avons pas constaté d’humidité dans le mur de façade.’
Ces constatations succinctes sont cependant à comparer au constat d’huissier du 26 mai 2014 que l’expert judiciaire cite longuement (pages 8 et 9) ainsi qu’au rapport d’expertise protection juridique de [W] du 8 décembre 2014.
Le procès-verbal de constat mentionne, outre les joints irréguliers, des non-conformités concernant les panneaux de parement de hauteurs différentes rendant l’ensemble inesthétique, mais également concernant les appuis de fenêtre.
Lors des opérations d’expertise amiable [W] du 1er décembre 2014 auxquelles la société [K] [C] a participé, il a été constaté la mise en ‘uvre du bardage extérieur faisait apparaître plusieurs défauts dans les coupes notamment au pourtour des menuiseries, le bardage étant incomplet et ne reprenant pas certains ébrasements (ouverture de la cave). Il est constaté enfin que l’isolation totale de la façade n’est pas assurée.
Le procès-verbal de constat du 5 février 2016 indique que ‘les irrégularités très inesthétiques du bardage et toutes les autres constatations reprises de mon précédent constat sont inchangées sur ce bardage’.
Les consorts [D] produisent un devis de la société Michel toiture daté du 24 octobre 2018 donc postérieur au rapport d’expertise judiciaire, pour les travaux de réfection de la façade avant pour un montant de 4 650,17 euros TTC.
Il résulte des éléments produits notamment des procès-verbaux de constat établis en 2014 et 2016 et du rapport d’expertise amiable contradictoire du 8 décembre 2014 que les malfaçons ou non-conformités sur la façade avant rendant celle-ci inesthétique, sont établies, de sorte que les constatations succinctes de l’expert judiciaire en contradiction avec les autres éléments du dossier sont insuffisantes pour dénier aux consorts [D] le droit d’être indemnisés pour les malfaçons ou non-conformités constatées en façade avant.
Au regard des conclusions de l’expert judiciaire lequel, n’ayant pas retenu ces malfaçons ou non-conformités, s’est abstenu de les faire chiffrer, il convient de prendre en compte pour l’évaluation des dommages ce devis de la société Michel toiture du 24 octobre 2018.
Les consorts [D] font valoir comme en première instance qu’un constat d’huissier du 24 juillet 2018 a relevé que des vis de fixation se dévissaient et qu’une plaque de bardage Eternit en partie basse était sortie de son ancrage, le revissage étant impossible.
Contrairement à ce qu’a jugé le tribunal, ces désordres dûment constatés ne sont pas mineurs, l’huissier indiquant que le revissage des plaques était impossible.
L’importance du désordre est confirmée par les pièces produites. Un sinistre a ainsi été déclaré deux ans après le constat d’huissier, le 10 septembre 2020 relatif au détachement des panneaux de façade. Des devis ont été établis le 5 octobre 2020 pour un montant de 7 247,85 euros (Bidypro) et le 12 octobre 2020 pour un montant de 7 224,59 euros (Durieux et fils).
Cependant, en l’absence d’éléments suffisants concernant ce sinistre, les seuls documents émanant de Saretec, expert de Generali, assureur de la société [C], faisant état d’une réunion d’expertise contradictoire du 29 octobre 2020 et d’un sinistre ‘détachement panneaux de façade’ sans autre précision, les devis précités d’octobre 2020 ne peuvent être retenus.
En conséquence, il convient d’infirmer le jugement de ce chef et de condamner la société [K] [C] dont la responsabilité contractuelle est engagée, au paiement d’une somme de 4 650,17 euros TTC au titre des travaux de façade avant.
II- s’agissant des travaux de la toiture en façade arrière
La société [K] [C] a interjeté appel du jugement l’ayant condamnée au paiement de la somme de 9 342,52 euros au titre des travaux de reprise en façade arrière mais aux termes de ses dernières conclusions, ne conteste plus la nécessité de ces travaux et la somme retenue selon devis de la société Michel toiture du 15 janvier 2018.
Les consorts [D] estiment que la responsabilité de l’entreprise est engagée du fait des désordres reconnus par l’expert judiciaire.
Aux termes de son rapport, ce dernier a constaté que des coulures de couleur noire apparaissaient sur la planche de rive de toiture , dues à un produit défectueux et inadapté à la pente de toiture, pente d’environ 24% alors que la pente admise selon préconisation du document technique ne doit pas dépasser 5 à 15% selon le type de support.
Il indique que la dépose du revêtement et de la colle et le remplacement du revêtement par un revêtement de même type mais adapté à la pente de toiture serait la solution aux problèmes de coulures et d’odeur.
Par des motifs que la cour adopte, le tribunal, sur la base des conclusions de l’expert, a, à juste titre, retenu le devis de la société Michel toiture du 15 janvier 2018 d’un montant de 9 342,52 euros TTC et condamné la société [K] [C] au paiement de cette somme, ce que reconnaît devoir celle-ci aux termes de ces dernières conclusions.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
III- s’agissant du solde de la facture du 25 mars 2013
Si la société [K] [C] reconnaît la nécessité des travaux de reprise de la toiture arrière, il sollicite la compensation avec le solde des sommes qui resteraient dues au titre de sa facture, soit 4 093,58 euros.
Les consorts [D] soulève l’irrecevabilité de la demande comme nouvelle dans les motifs de leurs écritures mais non dans le dispositif de celles-ci. La cour n’est pas saisie d’une telle demande.
Il résulte du jugement du tribunal d’instance de Dunkerque du 27 juillet 2015 que la société [K] [C] a fait assigner les consorts [D] pour avoir paiement du solde de sa facture de travaux soit la somme de 6 000 euros. Il ne peut donc affirmer que les consorts [D] n’ont réglé que la somme de 5 478,62 euros sur le montant de la facture.
Il est établi et non contesté en effet qu’un chèque de 6 000 euros daté du 28 mars 2013 a été remis à la société [K] [C], présenté en mai 2014 et rejeté pour ‘opposition sur compte’ le 19 mai 2014.
Le jugement du tribunal d’instance en date du 27 juillet 2015 a condamné solidairement les époux [D] au paiement du solde des travaux soit la somme de 6 000 euros sous réserve de la déduction de la retenue de garantie de 5%. L’arrêt de la cour d’appel de Douai du 30 juin 2016 a confirmé le jugement de ce chef.
Les consorts [D] justifient avoir réglé la somme de 5 086,90 euros correspondant au solde des travaux déduction faite de la retenue de garantie de 5% le 4 juin 2015 soit antérieurement au jugement du tribunal d’instance.
En conséquence, la société [K] [C] étant condamnée à payer les travaux de reprise, la retenue de garantie doit lui être restituée, soit en l’espèce, 913,10 euros TTC (6 000 euros moins 5 086,90 euros).
Les consorts [D] seront condamnés à payer ladite somme laquelle se compensera avec celles dues par la société [K] [C] aux termes du dispositif ci-après.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
La société [K] [C] sera déboutée du surplus de sa demande à ce titre.
IV- sur la demande de dommages-intérêts pour trouble de jouissance
La société [K] [C] soutient que l’expert judiciaire n’a pas constaté la réalité des odeurs en provenance du revêtement d’étanchéité de la toiture.
Les consorts [D] font valoir que le trouble de jouissance est établi du fait de l’impossibilité de se rendre à l’extérieur de leur habitation ou d’occuper une chambre sous la toiture, du fait des très fortes odeurs d’hydrocarbures se dégageant du revêtement en cas de grandes chaleurs.
Il résulte du constat d’huissier du 27 mai 2018, à une date où la température extérieure notée était de 27 ° Celsius, qu’au premier étage de la maison, il a été constaté une odeur nauséabonde chimique et acide type hydrocarbures, les odeurs s’intensifiant à l’approche de la buanderie et de l’escalier menant vers le grenier aménagé. Les odeurs se font sentir également depuis le jardin.
Le rapport de l’expert amiable [W] indique également ‘une odeur persistante lors des périodes chaudes. Ceci est constaté aussi par le voisinage.’
Une voisine Mme [V] [E], demeurant 90 rue De Roubaix, dans un écrit du 1er septembre (année illisible) se plaint de ne pouvoir ouvrir la fenêtre de sa chambre depuis que les époux [D] ont fait refaire leur toiture et affirme que ‘dès que la température s’élève, je suis prise à la gorge par une odeur insoutenable d’hydrocarbures qui me donne des maux de tête.’
Le 11 octobre 2019, elle a réitéré sa déclaration : ‘dès les premières chaleurs l’odeur est telle que cela prend à la gorge. D’autre part je ne peux plus aérer ma maison ni faire sécher mon linge dehors sinon il faut le relaver. L’odeur est insupportable et imprègne tout.’
Mme [Z] [S] demeurant 24 rue de Roubaix, voisine également des époux [D], indique de même le 10 octobre 2015, avoir ‘constaté des odeurs de bitume lors des grandes chaleurs cet été’.
Il est indifférent que l’expert judiciaire n’ait pu constater ces odeurs, les quatre réunions d’expertise s’étant déroulées le 4 octobre et 19 décembre 2016, le 6 juin et le 29 novembre 2017, à des dates où il est établi par des bulletins météo que les températures étaient peu élevées (respectivement températures maximales de 18°, 8°, 15° et 7°).
L’expert judiciaire a considéré que le préjudice de jouissance pouvait être évalué à 250 euros par an.
En l’espèce, même ramené aux seuls mois de fortes chaleurs, le préjudice du fait des nuisances olfactives affectant tant l’intérieur que l’extérieur de la maison, est établi.
En outre, le certificat médical du Docteur [H] du 17 octobre 2014 fait état de ‘manifestations pathologiques en rapport avec des émanations toxiques’ présentées par le fils des époux [D].
Si ce document à lui seul ne permet pas de caractériser de manière suffisante le lien entre les odeurs nauséabondes émanant du revêtement comme l’indique le tribunal, il doit cependant être rapproché des termes du procès-verbal de constat du 5 février 2016, reprenant les déclarations de Mme [D] indiquant que son fils qui occupait la chambre sous la couverture a été médicalement affecté par l’odeur, de sorte que la chambre n’est plus occupée et également du procès-verbal du 27 mai 2018 qui mentionne que les odeurs sont très prononcées dans le grenier aménagé sous la toiture.
Il convient en conséquence d’évaluer le préjudice à la somme de 2 000 euros.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
La société [K] [C] sera condamnée à payer ladite somme.
Les consorts [D] seront déboutés du surplus de leur demande à ce titre.
V- sur le remboursement des frais de nettoyage
Les consorts [D] demandent, dans le dispositif de leurs conclusions, la somme de 3 120 euros en remboursement des frais de nettoyage mais sollicitent dans les motifs de leurs écritures la confirmation du jugement qui leur a alloué la somme de 1 947,30 euros.
Ils ne fournissent aucune explication sur cette somme de 3 120 euros.
Il résulte du rapport d’expertise judiciaire et des procès-verbaux des 26 mai 2014, 5 février 2016 et 27 mai 2018 que des coulures noires de colle dues à la pose d’un produit inadéquat en raison de la pente, apparaissent régulièrement sur le bardage de la façade.
Il est en outre établi que les coulures sont apparues dès janvier 2014, dénoncées à la société [K] [C] par lettre recommandée avec accusé de réception du 24 janvier 2014.
Les consorts [D] produisent une trentaine de factures de l’entreprise agréée ‘services à la personne’ ou de la société Viktor portant sur les périodes de mai 2014 à mars 2016, avril 2017 et août 2017, avril et septembre 2018 et enfin mai et septembre 2019, pour un montant total de 1 947,30 euros .
Chacune des factures mentionne à la rubrique description :’vitrerie’.
Le procès-verbal de constat du 27 mai 2018 constate des coulées noires sur le bardage de la façade de l’habitation ainsi que sur les vitrages supérieurs de la véranda, alors qu’un nettoyage a été effectué le 24 mai 2018 suivant facture du même jour de la société Viktor remise à l’huissier.
En conséquence, le premier juge a, à bon droit, accorder aux consorts [D] la somme susvisée à titre de dommages-intérêts pour le remboursement des frais de nettoyage.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Les consorts seront déboutés du surplus de leur demande à ce titre, qui n’est justifié par aucun élément.
VI- sur les frais irrépétibles et les dépens
Le jugement sera confirmé de ces chefs.
La société [K] [C], qui succombe sur l’essentiel, sera condamnée à payer aux consorts [D] la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, pour la procédure d’appel,
Elle sera déboutée de sa demande à ce titre.
Elle sera condamnée aux dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement, par arrêt mis à la disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement sauf en ce qu’il a :
– condamné la société [K] [C] à payer à M. [M] [D] et Mme [N] [G] épouse [D] la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice lié aux travaux en façade,
– condamné la société [K] [C] à payer à M. [M] [D] et Mme [N] [G] épouse [D] la somme de 1 200 euros en réparation du trouble de jouissance,
– rejeté la demande reconventionnelle de la société [K] [C],
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Condamne la société [K] [C] à payer à M. [M] [D] et Mme [N] [G] épouse [D] la somme de 4 650,17 euros au titre des travaux de reprise en façade avant,
Condamne la société [K] [C] à payer à M. [M] [D] et Mme [N] [G] épouse [D] la somme de 2 000 euros en réparation du préjudice subi du fait du trouble de jouissance,
Déboute M. [M] [D] et Mme [N] [G] épouse [D] du surplus de leurs demandes au titre du préjudice de jouissance et du remboursement des frais de nettoyage,
Condamne M. [M] [D] et Mme [N] [G] épouse [D] à payer à la société [K] [C] la somme de 913,10 euros TTC correspondant à la retenue de 5% sur le solde de la facture de travaux,
Ordonne la compensation entre les sommes dues respectivement par les parties au titre du présent dispositif,
Condamne la société [K] [C] à payer à M. [M] [D] et Mme [N] [G] épouse [D] la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, pour la procédure d’appel,
Condamne la société [K] [C] aux dépens d’appel.
Le greffier Le président
Anaïs MillescampsCatherine Bolteau-Serre