COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-3
ARRÊT AU FOND
DU 29 SEPTEMBRE 2022
N° 2022/282
Rôle N° RG 19/12754 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BEXBG
[S] [O] épouse [Y]
[I] [Y]
C/
[B] [P]
Société QBE EUROPE SA/NV
SARL G-REALTY ‘ ACQUISITIONS ‘ SALES ‘ PROJECT & PROPER TY MANAGEMENT – RENTALS
Société QBE INSURANCE EUROPE LIMITED
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Joseph MAGNAN
Me Laure MICHELLE
Me Françoise BOULAN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 19 Juin 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 15/02298.
APPELANTS
Madame [S] [O] épouse [Y]
née le [Date naissance 5] 1957 à [Localité 10] (ROYAUME-UNI),
demeurant [Adresse 6]
représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Alice DINAHET, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE
Monsieur [I] [Y]
né le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 10] (ROYAUME-UNI),
demeurant [Adresse 6]
représenté par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Alice DINAHET, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE
INTIMES
Monsieur [B] [P]
né le [Date naissance 2] 1969 à [Localité 12] (ETATS-UNIS),
demeurant [Adresse 4]
représenté par Me Laure MICHELLE, avocat au barreau de NICE
SARL G-REALTY – ACQUISITIONS – SALES – PROJECT & PROPERTY MANAGEMENT – RENTALS, prise en la personne de son gérant,
dont le siège social est sis dont le siège social est sis [Adresse 3]
représentée et assistée de Me Laure MICHELLE, avocat au barreau de NICE
SA QBE INSURANCE EUROPE LIMITED, prise en la personne de son représentant légal,
dont le dont le siège social est sis [Adresse 11] ROYAUME UNI
domiciliée en France COEUR DEFENSE ‘ [Adresse 15]
représentée par Me Françoise BOULAN de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,
assistée de Me Perle KRÜGER, avocat au barreau de PARIS, substituant Me Patrick MENEGHETTI, avocat au barreau de PARIS
PARTIE(S) INTERVENANTE(S)
Société QBE EUROPE SA/NVNV, nom commercial de la société de droit belge QBE EUROPE, intervenant volontairement aux droits et obligations de la société QBE INSURANCE (EUROPE) LIMITED, prise en la personne de ses représentants légaux,
dont le siège social est sis [Adresse 7] (BELGIQUE)
prise en sa succursale en France, dont l’établissement principal est sis [Adresse 9],
représentée par Me Françoise BOULAN de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,
assistée de Me Perle KRÜGER, avocat au barreau de PARIS, substituant Me Patrick MENEGHETTI, avocat au barreau de PARIS
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 26 Avril 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Françoise PETEL, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Valérie GERARD, Président de chambre
Madame Françoise PETEL, Conseiller
Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe, après prorogation, le 29 septembre 2022.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Septembre 2022
Signé par Madame Valérie GERARD, Président de chambre et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
M. [I] [Y] et Mme [S] [O], de nationalité britannique, souhaitant s’installer une partie de l’année dans le sud-est de la France, ont acquis, au moyen de prêts immobiliers consentis par la SA BNP Paribas Personal Finance, une propriété sise à [Localité 14] (Alpes-Maritimes), et une autre, destinée à constituer un investissement locatif, sur la commune de [Localité 8].
Les époux [Y]-[O], qui indiquent avoir fait la connaissance de M. [B] [P] en 2011, à une époque où ils rencontraient des difficultés pour régler l’intégralité de leurs crédits en France, exposent lui avoir confié la gestion de leurs affaires, notamment dans un premier temps pour trouver un accord avec la BNP pour le règlement échelonné des crédits immobiliers, et lui avoir donné mandat pour intervenir en leur nom auprès de leurs créanciers et régler les échéances de leurs prêts, et notamment, outre les crédits BNP, des crédits à la consommation souscrits auprès des sociétés Cofinoga, Banque Accord et Carrefour.
Par ailleurs, suivant contrats signés respectivement les 25 janvier et 31 mars 2011, M. [I] [Y] et Mme [S] [O] ont confié à la SARL G Realty, exerçant l’activité d’agent immobilier, et ayant pour gérant M. [B] [P], un mandat exclusif de location saisonnière et de gestion de leur propriété de [Localité 14], puis de leur appartement du [Localité 8].
Les époux [Y]-[O] déclaraient avoir versé sur le compte de la SARL G Realty ou celui de M. [B] [P], entre le 1er janvier 2011 et le 30 septembre 2013, la somme totale de 117.541,69 livres, soit 131.965,46 euros, sans toutefois opérer de distinction entre ces comptes.
Ils ont mis leur propriété de [Localité 14] en vente, laquelle a été réalisée à la fin de l’année 2011, par l’intermédiaire de la SARL G Realty, pour un prix de 600.000 euros.
M. [I] [Y] et Mme [S] [O], qui indiquent que la somme de 140.577,37 euros, représentant le solde du prix de vente après remboursement du prêt et autres frais, a été versée sur leur compte Caisse d’Epargne, déclaraient avoir ensuite versé une somme totale de 137.284,82 euros sur le compte de M. [B] [P] et une somme totale de 26.350 euros sur celui de la SARL G Realty.
Par ailleurs, ils exposaient avoir consenti un prêt de 1.500 euros à titre personnel à M. [B] [P], et lui avoir vendu un véhicule pour la somme de 15.000 euros, prêt et vente qui n’avaient jamais été réglés.
Suivant lettres recommandées du 25 novembre 2013 et 22 janvier 2014, les époux [Y]-[O] ont sollicité de M. [B] [P] la restitution de documents qui lui avaient été confiés et la justification de l’usage des fonds versés.
Par actes du 30 mars 2015, M. [I] [Y] et Mme [S] [O] ont fait assigner M. [B] [P], la SARL G Realty et la compagnie d’assurances de cette dernière, QBE Insurance Europe Limited, en restitution de sommes, outre paiement de dommages et intérêts, devant le tribunal de grande instance de Nice.
Par jugement du 19 juin 2019, ce tribunal a :
– débouté les époux [Y] de leur demande tendant à la condamnation solidaire de M. [P] et de la société G Realty en paiement de la somme de 365.190,64 euros,
– condamné M. [B] [P] à payer à Mme [S] [Y] la somme de 1.500 euros en remboursement du prêt personnel qu’elle lui a consenti avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 22 janvier 2014,
– condamné M. [B] [P] à payer à M. [I] [Y] et à Mme [S] [Y] la somme de 15.000 euros en paiement du prix de vente du véhicule Mini avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 22 janvier 2014,
– condamné M. [I] [Y] et Mme [S] [Y] à payer à la société G Realty la somme de 17.814,41 euros au titre du solde de factures impayées et des débours avancés,
– débouté les parties de leurs demandes autres ou plus amples,
– débouté les époux [Y], M. [P] et la société G Realty de leurs demandes croisées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné les époux [Y] à payer à la SA QBE Insurance Europe la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,
– fait masse des dépens et dit que leur charge incombera pour moitié aux époux [Y] et pour moitié à M. [B] [P].
Suivant déclaration du 2 août 2019, M. [I] [Y] et Mme [S] [O] ont interjeté appel de cette décision.
Aux termes de leurs dernières conclusions récapitulatives notifiées et déposées le 24 mars 2022, auxquelles il est expressément référé en application des dispositions de l’article 455 du code procédure civile, les appelants demandent à la cour de :
‘ réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nice le 16 juin 2019,
‘ débouter M. [P] et la société G Realty de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions et demandes reconventionnelles,
‘ débouter la société QBE Insurance Europe Limited de l’ensemble de ses conclusions et demandes reconventionnelles pour ce qu’elles sont dirigées à leur encontre,
et ce faisant,
‘ condamner in solidum M. [B] [P] et la société G Realty à leur restituer la somme de 295.600,28 euros majorée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 22 janvier 2014,
‘ condamner M. [B] [P] à leur verser la somme de 15.000 euros en paiement du prix de vente du véhicule Mini, somme majorée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 22 janvier 2014,
‘ condamner M. [B] [P] à leur verser la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts,
‘ condamner M. [B] [P] à verser à Mme [S] [Y] la somme de 1.500 euros en remboursement du prêt qu’elle lui a consenti, cette somme devant être majorée des intérêts à taux légal à compter de la mise en demeure du 22 janvier 2014,
‘ condamner la société QBE Insura Europe Limited à garantir tout ou partie des condamnations intervenues à l’encontre de la société G Realty,
‘ réformer le jugement entrepris en ce qu’il les a condamnés à payer une somme de 1.500 euros à la société QBE Insurance Europe Limited sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ en revanche, condamner in solidum M. [B] [P] et la société G Realty à leur verser une somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d’appel,
‘ à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la décision à intervenir et en cas d’exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l’huissier instrumentaire en application des dispositions de l’article 10 du décret du 8 mars 2001 modifiant le décret du 18 décembre 1996 devront être supportées par M. [B] [P] et la société G Realty, en sus de l’indemnité mise à leur charge sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions notifiées et déposées le 11 mars 2022, auxquelles il est expressément référé en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, M. [B] [P] et la SARL G Realty demandent à la cour de :
‘ les déclarer recevables et bien fondés en leurs demandes, fins et conclusions,
‘ confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nice le 19 juin 2019 en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il :
‘ a rejeté leur demande de compensation,
‘ les a déboutés de leurs demandes tendant à ce que les époux [Y] soient condamnés à leur verser la somme de 10.000 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice causé par la procédure abusive qu’ils ont engagée à leur encontre,
‘ les a déboutés de leurs demandes au titre des frais irrépétibles et des dépens,
statuant à nouveau :
‘ dire que, les consorts [Y] ne rapportant pas la preuve, d’une part, ni du caractère certain, liquide et exigible de leur prétendue créance (que ce soit à l’égard de la société G Realty et/ou à l’égard de M. [P], à titre personnel), ni des manquements que M. [B] [P] et/ou la société G Realty auraient commis, ni même de l’existence des procédures judiciaires qui auraient été engagées par leurs différents créanciers et de leur issue, et, d’autre part, ni du fait que les prétendus manquements qui auraient été commis par M. [B] [P] et/ou la société G Realty seraient à l’origine de ces poursuites judiciaires, ou du prétendu préjudice qu’ils auraient subi du fait des manquements qui auraient été commis par M. [B] [P] et/ou la société G Realty, les consorts [Y] doivent être déclarés mal fondés en l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
‘ débouter les consorts [Y] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
‘ plus particulièrement, les débouter de leurs demandes à l’égard de M. [P] dans la mesure où ils ne démontrent aucunement l’existence d’une quelconque créance à l’égard de celui-ci, pris à titre personnel, au titre des sommes qu’ils ont remises à la société G Realty,
subsidiairement :
‘ dans l’hypothèse extraordinaire où la cour viendrait à faire droit en tout ou partie aux demandes des consorts [Y], dire que la société QBE Europe SA/NV devra relever et garantir la société G Realty de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre,
‘ débouter la société QBE Europe SA/NV de l’ensemble de ses demandes formées à leur encontre,
en tout état de cause :
‘ condamner les consorts [Y] à payer à la société G Realty la somme de l7.8l4,41 euros au titre du solde des factures émises par cette société et des débours qu’elle a avancés pour le compte des consorts [Y], majorée des intérêts au taux légal depuis le jugement déféré,
‘ ordonner la compensation de cette somme avec toute somme qui serait due par la société G Realty et/ou M. [P] au profit des consorts [Y] au titre notamment de l’acquisition du véhicule Mini et/ou du prêt consenti par Mme [Y] à concurrence de la somme de 1.500 euros,
‘ dire que l’action engagée par les consorts [Y] à leur encontre est abusive,
‘ condamner les consorts [Y] à leur verser la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par cette procédure abusive,
‘ condamner les consorts [Y] à leur verser la somme de 10.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ condamner les consorts [Y] aux entiers dépens, tant de première instance que d’appel, dont distraction au profit de Me Laure Michelle, avocat au Barreau de Nice, en application de l’article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions récapitulatives notifiées et déposées le 29 juin 2020, auxquelles il est expressément référé en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la SA de droit anglais QBE Insurance Europe Limited et la SA de droit belge QBE Europe SA/NV, intervenante volontaire, venant aux droits et obligations de la société QBE Insurance Europe Limited, demandent à la cour de :
– recevoir la concluante en ses écritures et l’y jugeant bien fondée,
in limine litis :
– recevoir la compagnie QBE Europe SA/NV en son intervention volontaire aux lieu et place de la compagnie QBE Insurance Europe Limited,
– mettre hors de cause la compagnie QBE Insurance Europe Limited,
toujours in limine litis :
– constater que les conclusions d’appel des époux [Y], en ce qu’elles sont dirigées contre la compagnie QBE Insurance Europe Limited, aux droits de laquelle intervient aujourd’hui la compagnie QBE Europe SA/NV, et tendent à la condamnation de ces dernières, ne sont fondées ni en droit ni en fait, ne comportent aucune critique sérieuse du jugement, et sont indéterminées dans leurs demandes,
en conséquence :
– dire les époux [Y] irrecevables en leurs conclusions et demandes formées à l’encontre de la compagnie QBE, et les en débouter purement et simplement,
subsidiairement au fond :
– constater que la compagnie QBE n’a délivré aucune assurance de responsabilité au profit de la société G Realty, de M. [P], ni de la société Link Business,
– constater que la société QBE Insurance Europe Limited n’a délivré, au profit de la seule SARL G Realty, qu’une garantie de représentation de fonds au titre des activités de « Gestion Immobilière » ou de « Transactions sur immeubles et fonds de commerce », à l’exclusion de toute autre activité,
– dire que de ce fait, la compagnie QBE Insurance Europe Limited ne saurait être recherchée au titre de l’indemnisation des fonds qui auraient été remis à la société G Realty à l’occasion de toute autre activité non garantie,
– constater que les époux [Y] n’apportent notamment pas la preuve de l’existence et du quantum de sommes perçues par la société G Realty dans le cadre de son activité de gestion immobilière, en exécution du mandat de gestion en date du 31 mars 2011 pour la gestion locative de leur appartement du [Localité 8], et non représentées ou non utilisées selon l’usage convenu,
– constater en conséquence que les époux [Y] n’apportent pas la preuve de l’existence d’une non-représentation des sommes susceptibles d’avoir été perçues par la société G Realty à l’occasion des activités garanties,
– dire que les époux [Y] sont défaillants à apporter la preuve qui leur incombe de la réunion des conditions de mise en jeu des garanties délivrées par la société QBE Insurance Europe Limited,
– dire dès lors que ces garanties n’ont pas vocation à être mobilisées au bénéfice des demandeurs,
– constater que la compagnie QBE Insurance Europe Limited ne garantit pas les conséquences de la responsabilité civile de la société G Realty, ni de M. [B] [P], ni encore de la société Business Link,
– dire en conséquence que la compagnie QBE Insurance Europe Limited ne saurait garantir les condamnations mises à la charge de la société G Realty, de M. [B] [P], ou de la société Business Link au titre de sa responsabilité civile, des frais irrépétibles ou des dépens,
en conséquence,
– confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Nice du 19 juin 2019 en toutes ses dispositions,
– débouter purement et simplement les époux [Y] de l’intégralité de leurs demandes telles que dirigées à l’encontre de la société QBE Insurance Europe Limited,
– débouter M. [B] [L] [P] et la société G Realty de leur appel incident et de toutes demandes formulées à l’encontre de la compagnie QBE,
plus subsidiairement :
– dire que la compagnie QBE Insurance Europe Limited ne saurait garantir les condamnations mises à la charge de la société G Realty, au-delà des plafonds de ses garanties, soit la somme de 110.000 euros,
– dire la compagnie QBE Insurance Europe Limited bien fondée en ses recours légaux et conventionnels contre la société G Realty,
– dire de même la compagnie QBE Insurance Europe Limited bien fondée à mettre en ‘uvre l’engagement de cautionnement consenti à son profit par M. [P],
– dire que M. [P] a commis des fautes de nature à engager sa responsabilité envers la compagnie QBE Insurance Europe Limited,
en conséquence :
– débouter M. [B] [L] [P] et la société G Realty, de leur appel incident et de toutes demandes formulées à l’encontre de la compagnie QBE,
– condamner la société G Realty à relever et garantir la compagnie QBE Insurance Europe Limited de toutes condamnations qui seraient prononcées à son encontre,
– condamner M. [B] [L] [P], solidairement avec la société G Realty en vertu du cautionnement par lui consenti, à relever et garantir la compagnie QBE Insurance Europe Limited de toutes condamnations qui seraient prononcées à son encontre,
– condamner M. [B] [L] [P] in solidum avec la société G Realty, au titre de sa responsabilité civile, à relever et garantir la compagnie QBE Insurance Europe Limited de toutes condamnations qui seraient prononcées à son encontre,
et en tout état de cause :
– condamner in solidum les époux [Y], M. [B] [P] et la société G Realty à payer à la compagnie QBE Insurance Europe Limited la somme de 6.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner in solidum les époux [Y], M. [B] [P] et la société G Realty en tous les dépens de l’instance que la SELARL Lexavoue Aix-en-Provence recouvrera conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
MOTIFS
Les appelants soutiennent que toute la difficulté de la reconstitution comptable du dossier vient de la confiance aveugle que Mme [S] [O] avait en M. [B] [P], auquel elle a donné mandat de régler pour son compte, sans systématiquement se réserver de preuve ou explication en retour, un nombre considérable de sommes, que, l’intimé ayant abusé de cette confiance, ils ont eu, compte tenu du peu de documents comptables par eux conservés, bien du mal à démontrer l’étendue de la fraude dont ils ont été victimes de sa part, ce qui les avait conduits à établir un décompte des sommes réclamées partiellement erroné.
Exposant que l’examen des documents comptables, qu’ils ont confié à un tiers, la société SSBS, fait désormais apparaître que le total des sommes virées depuis leur compte anglais HSBC et leur compte français Caisse d’Epargne en direction des comptes de M. [B] [P] ou de sa société G Realty s’élève à la somme de 295.600,28 euros, les époux [Y]-[O] indiquent que, malgré les explications fournies par l’intimé, ils persistent à considérer que les fonds versés n’ont pas été utilisés conformément à leurs instructions et n’ont pas servi intégralement à payer leurs créanciers, et qu’il est incontestable que M. [B] [P] a conservé tout ou partie de ces fonds pour en faire un usage personnel.
Les appelants précisent que l’intimé leur adressait les factures tant au nom de la SARL G Realty, dont il est le gérant, qu’au nom de Business Link, qui s’est avéré être un établissement en nom personnel, qu’ils ont effectué sans distinction des virements tant sur le compte de la société que sur le compte personnel de M. [B] [P] et n’ont jamais été en mesure de savoir si les fonds versés ont été détournés au bénéfice de ce dernier personnellement ou de la SARL G Realty, qu’en conséquence, ils sont bien fondés à maintenir leur demande de les voir condamner in solidum à l’ensemble des sommes réclamées.
Ils ajoutent que, sommé de s’expliquer dés avant l’introduction de l’instance, l’intimé s’est finalement décidé à produire un certain nombre d’éléments comptables, de toute évidence postérieurement établis, permettant selon lui de justifier précisément de l’emploi des sommes qu’il ne conteste pas avoir reçues de leur part, que c’est sur la base des dites pièces, que les premiers juges ont estimées suffisantes, qu’il n’a notamment pas été fait droit à leur demande principale, qu’ils versent donc désormais aux débats un commentaire de la comptabilité de M. [B] [P] qu’ils ont demandé à Mme [F], laquelle atteste du caractère contestable des éléments fournis, d’effectuer.
M. [I] [Y] et Mme [S] [O] font valoir que les manquements de l’intimé, tant en nom propre qu’en sa qualité de gérant de la SARL G Realty, sont considérables au regard de la déconfiture économique qui leur porte atteinte aujourd’hui, qu’ils justifient précisément de la perte de l’ensemble de leur patrimoine français par la production d’un jugement d’adjudication du 17 décembre 2015 qui confirme que le dernier bien immobilier qu’ils possédaient en France sur la commune de [Localité 8], lequel avait été donné en gestion à M. [B] [P], a fait l’objet d’une vente aux enchères à des conditions financières totalement désavantageuses pour eux, qui n’ont pas même pu régler la totalité de leurs dettes.
M. [B] [P] et la SARL G Realty répliquent que c’est à juste titre que, pour débouter les époux [Y]-[O] de leur demande de « restitution » de la somme de 365.190,64 euros, les premiers juges ont notamment retenu que, en l’absence d’écrits et faute de caractériser précisément les obligations assignées aux défendeurs, retenus pêle-mêle et sans les individualiser, les époux [Y] ne caractérisent pas leurs manquements, par ailleurs contestés, et manquent ainsi à établir les faits nécessaires au succès de leurs prétentions.
Au visa des articles 6 et 9 du code de procédure civile, et de l’ancien article 1315 du code civil, les intimés font valoir que les appelants ne rapportent toujours pas la preuve de l’obligation de restitution qui leur incomberait et ce, même s’ils versent aux débats quelques nouvelles pièces.
Procédant à l’examen de chacune des pièces communiquées, ils soutiennent que celles-ci sont insuffisantes pour établir la réalité des allégations des époux [Y]-[O], que nombre d’entre elles sont illisibles ou très difficilement vérifiables en leur teneur, et qu’ensuite, elles n’établissent pas l’existence d’une créance certaine, liquide et exigible à leur encontre, les prétendues « analyses » de Mme [C] [F] n’étant notamment pas exploitables, et les documents nouvellement produits faisant en revanche ressortir la totale mauvaise foi des appelants.
M. [B] [P] et la SARL G Realty précisent que ces derniers ne versent aux débats aucun élément de preuve permettant d’établir, non seulement leurs prétendus manquements, mais aussi que ces prétendus manquements sont la cause des prétendues poursuites judiciaires dont ils auraient fait l’objet après la cessation de leurs relations, qu’ils ne rapportent pas non plus la preuve du montant de leurs dettes, ni même de la remise des fonds suffisants à l’apurement de celles-ci, faisant remarquer que cela est pour le moins étonnant et peut tout aussi bien laisser supposer que les poursuites judiciaires dont ils indiquent avoir fait l’objet postérieurement à la rupture de leurs relations sont tout simplement dues à leur propre incapacité à gérer leurs comptes et leurs affaires et à leur totale négligence.
Les intimés ajoutent que, contrairement à ce que M. [I] [Y] et Mme [S] [O] soutiennent, ils sont parfaitement en mesure de justifier de la représentation et de l’affectation des sommes que ces derniers ont versées à la SARL G Realty, laquelle est intervenue pour eux à deux titres, d’une part, en sa qualité d’agent immobilier non seulement pour la réalisation de la vente du bien immobilier sis à [Localité 14], mais aussi dans le cadre de l’exécution des deux mandats exclusifs de location saisonnière et de gestion qu’ils lui ont confiés, et, d’autre part, en qualité de prestataire de services, notamment pour faire « l’interface » entre eux et leurs différents créanciers, ainsi que pour réaliser différentes prestations qui ne s’inscrivaient pas dans le cadre strict des deux mandats exclusifs de location et de gestion, que les pièces comptables et bancaires qu’ils communiquent établissent qu’il n’y a pas eu de « détournement de fonds ».
Sur ce, des pièces versées aux débats, il résulte que :
– selon « mandat exclusif de location saisonnière et de gestion n°002-2011 » signé le 25 janvier 2011, M. [I] [Y] et Mme [S] [O] ont confié à la SARL G Realty la gestion de leur propriété sise à [Localité 14], moyennant une rémunération mensuelle de 1.196 euros pour la gestion générale et, pour chaque location, une commission de 25 % de son montant global, des services additionnels prévus en annexe 4 faisant en outre l’objet, suivant le service concerné, d’une commission, d’une note d’honoraires au temps passé, ou d’un montant forfaitairement fixé,
– selon « mandat exclusif de location saisonnière et de gestion n°003-2011 » signé le 31 mars 2011, M. [I] [Y] et Mme [S] [O] ont confié à la SARL G Realty la gestion de leur appartement sis à [Localité 8], moyennant une rémunération mensuelle de 400 euros pour la gestion générale et, pour chaque location, une commission de 25 % de son montant global, des « services additionnels facturés au propriétaire » étant également prévus en annexe 4.
Entre-temps, aux termes d’un avenant signé le 1er mars 2011 par la SARL et Mme [S] [Y], il a été convenu que, compte tenu de ce que la propriété de [Localité 14] était mise en vente, selon mandat exclusif du 25 janvier 2011, et de ce que Mme [S] [Y] désormais domiciliée à [Localité 13] souhaitait, outre que la gestion de [Localité 14] soit maintenue jusqu’au jour de sa vente, avoir recours aux services de gestion de la SARL pour son nouveau domicile, le mandat n°002 était maintenu dans toutes ses dispositions pour un prix modifié de 1.150 euros par mois incluant la gestion concomitante de la propriété de Sospel et de l’appartement de [Localité 13], le prix mensuel de la gestion devant être ramené (sous réserve de négociation) à 850 euros mensuels dans l’hypothèse de la vente du bien sis à Sospel.
Ledit avenant prévoyait en outre que, compte tenu de ce que Madame [Y] souhaite, par ailleurs, maintenir les services à la personne lui étant auparavant facturés par Mr. [G] (B-Link « Service Fees ») aux mêmes conditions, les services en extra (« services fees ») seraient désormais facturés par la SARL G Realty aux tarifs précédemment convenus.
Par ailleurs, suivant courrier du 18 avril 2011, les appelants ont mis fin au mandat de gestion qui, pour l’appartement de [Localité 8], les liait précédemment à l’agence Century 21 agence Gastaldy, à laquelle ils ont alors donné quitus pour sa gestion du 30 avril 2009 au 15 avril 2011.
S’agissant de l’exécution des conventions précitées conclues entre les parties, les intimés produisent notamment, outre les relevés des comptes bancaires de la SARL G Realty pour les années 2011, 2012 et 2013, le grand livre comptable de cette dernière pour les périodes considérées, portant le cachet de son expert-comptable, ainsi que les factures émises, avec pour celles relatives aux honoraires des services le détail de ceux-ci.
Pour contester les documents comptables ainsi versés aux débats, les appelants ne fournissent aucun élément probant.
En effet, le courrier « à qui de droit » émanant de Mme [C] [F], daté du 31 juillet 2019, aux termes duquel cette dernière, qui déclare être retraitée mais toujours inscrite en tant que comptable auprès des HMRC (Recettes de Douanes de Sa Majesté), indique avoir méthodiquement vérifié les relevés de compte des années 2011 à 2013 et en être « arrivée à la conclusion qu’un excédent a été versé au défendeur puisque sur la seule année 2011, pour des revenus de 80180 £, [B] [G] et son entreprise Realty ont reçu une somme de 57791.61 £. Le produit de la vente de la maison de M. et Mme [Y] était compris dans les revenus. », est dénué d’une quelconque force probante, dès lors que, outre une conclusion pour le moins insuffisante, les bases de cet examen, réalisé de manière non contradictoire, ne sont pas même précisément identifiées, les documents produits aux débats apparaissant pour l’essentiel comme des « listings » dont l’origine et l’auteur ne sont pas établis.
Et le document joint au courrier du 7 octobre 2019, aux termes duquel la même Mme [C] [F] expose que son « expérience (lui) a permis d’identifier un certain nombre d’éléments contestables » et qu’elle a « dressé la liste de ces éléments sur une Feuille de calcul séparée qui, je l’espère, clarifiera les choses », n’apparaît pas plus rigoureux et exploitable.
Après avoir porté, sur des « résumés » de chacune des années considérées, des annotations telles que « Aucune indication sur l’objet des paiements ou sur le pourcentage calculé » ou « Aucun revenu perçu », les commentaires de la comptabilité de la SARL G Realty effectués sur lesdites feuilles par l’intéressée consistent en effet en, pour l’année 2011, « Les chiffres sont en GBP. Il n’y avait aucun pourcentage déterminé sur les montants prélevés par [B] [G] ou Reality. Certaines fois, leurs retraits ont eu lieu avant que le revenu soit crédité sur le compte bancaire. », pour l’année 2012, « Aucun pourcentage déterminé, pris par l’agent n’apparaît. Il varie de 37,5 à 45,5 % environ. Je n’ai pas vu le contrat mais les montants prélevés semblent être excessifs. », et pour l’année 2013, « Au début de l’année, les montants retirés étaient supérieurs de 30 %. En mai/juin/juillet, il y a eu des moments où la commission retirée était de 12,5 %. Ce que je considère comme étant raisonnable. A plusieurs reprises, lorsque le revenu s’élevait à 4000 GBP la commission retirée était de 1200 GBP ; ce qui correspond à 30 %. Ce que je considère comme étant excessif. Parfois, la commission retirée était supérieure à 40 %. »
Quant au courrier daté du 4 juin 2020 signé par [J] [W], pour et au nom de Emjay Associates Ltd experts-comptables, dont l’objet s’intitule « résumé des paiements versés à G Reality & M. [G] pour [I] & [S] [Y] », il n’est pas davantage pertinent, s’agissant d’un document dépourvu d’analyse, aux termes duquel son auteur indique que, « après examen des montants préparés par SBS Associates Ltd, à partir des relevés bancaires pour M. et Mme [I] [Y], je peux confirmer que les sommes totales qui ont été payées à G Reality et M. [G] pour la période du 01/01/11 au 31/12/13 sont les suivantes : (…) ».
Outre que ce document, tel qu’il se présente, est inexploitable, il met en évidence, ainsi que le relèvent les intimés, les erreurs précédemment commises dans leurs réclamations par les appelants, qui d’ailleurs reconnaissent n’avoir pas été en mesure de justifier leurs prétentions, à défaut de précision de leur part quant au destinataire des fonds versés.
Et, il ne peut à cet égard qu’être constaté que, s’agissant des contrats par eux souscrits auprès de divers organismes de crédit à la consommation, ainsi que des prêts immobiliers contractés pour l’acquisition des biens dont ils ont ensuite confié la gestion à la SARL G Realty, les époux [Y]-[O] ne versent pas même aux débats les conventions et échéanciers qu’ils indiquent n’avoir pu respecter, les difficultés financières auxquelles ils étaient alors déjà confrontés étant pourtant, selon leurs propres déclarations, à l’origine de leurs relations avec M. [B] [P].
Dans ces conditions, étant par ailleurs observé que les courriels échangés le 26 octobre 2011 entre ce dernier et Mme [S] [O] sont pour le moins révélateurs du rapport à l’argent entretenu par celle-ci, les appelants, qui ne démontrent nullement le bien fondé de leurs allégations quant aux détournements de fonds prétendument opérés par M. [B] [P], ne peuvent qu’être déboutés de leur demande en restitution d’une somme, certes désormais réduite à 295.600,28 euros, présentée, de manière en revanche toujours indéterminée, à l’encontre des deux intimés.
Les critiques formulées par M. [I] [Y] et Mme [S] [O] en ce qui concerne la comptabilité de la SARL G Realty n’étant pas recevables, le jugement est également confirmé en ce qu’il les a condamnés au règlement de factures demeurées impayées à hauteur de 17.814,41 euros.
Les sommes de 1.500 euros et 15.000 euros dues par M. [B] [P], respectivement, à Mme [S] [O] en remboursement d’un prêt personnel, et aux époux [Y]-[O] en paiement du prix de vente d’un véhicule Mini, n’étant pas contestées, le jugement est aussi confirmé en ce qu’il a prononcé la condamnation du débiteur au paiement des dites sommes, en rejetant, à bon droit, sa demande de compensation dès lors qu’il n’était pas créancier des appelants, débiteurs quant à eux de la SARL G Realty.
Par ailleurs, si, au regard de ce qui vient d’être dit, la demande de dommages et intérêts formulée par les époux [Y]-[O] ne peut qu’être écartée, celle pour procédure abusive présentée par les intimés, qui ne démontrent pas que les appelants ont, par mauvaise foi ou intention de leur nuire, laissé dégénérer en abus leur droit d’agir en justice ou d’exercer un recours, doit également être rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant contradictoirement,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne M. [I] [Y] et Mme [S] [O] à payer à M. [B] [P] et la SARL G Realty, ensemble, la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Les condamne à payer à la SA de droit belge QBE Europe SA/NV, venant aux droits de la SA de droit anglais QBE Insurance Europe Limited, la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Rejette le surplus des demandes,
Condamne les époux [Y]-[O] aux dépens, dont distraction conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT