Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 3 – Chambre 1
ARRET DU 11 JANVIER 2023
(n° 2023/ , 1 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/12253 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCJAF
Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Juillet 2020 – TJ de PARIS – RG n° 18/07569
APPELANTE
Madame [B] [E]
née le 07 Avril 1973 à [Localité 10] (92)
[Adresse 2]
[Localité 6]
représentée et plaidant par Me Anne DELDALLE, avocat au barreau de PARIS, toque : D701
INTIMES
Monsieur [S] [X]
[Adresse 7]
[Localité 5]
représenté et plaidant par Me Stéphane MICHELI de la SCP Herald, avocat au barreau de PARIS, toque : P0014
Madame [F] [A]
née le 13 Novembre 1944 à [Localité 9] (18)
[Adresse 4]
[Localité 6]
représentée par Me Armèle BALDAQUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : G0167
Madame [GA] [O] [ZN] épouse [C]
née le 31 Décembre 1973 à [Localité 12] (COTE D’IVOIRE)
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentée par Me Yann GRÉ, avocat au barreau du VAL-DE-MARNE, toque : PC 381
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Patricia GRASSO, Président, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Patricia GRASSO, Président
Mme Sophie RODRIGUES, Conseiller
Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Mme Patricia GRASSO, Président, et par Mme Emilie POMPON, Greffier.
***
EXPOSE DU LITIGE :
Par acte notarié en date du 5 juillet 2013, [WM] [E] a conclu un mandat de protection future, en désignant M. [Y] [AC] en qualité de mandataire.
Selon un testament olographe en date du 7 septembre 2013, [WM] [E] a désigné M. [S] [X], compagnon pacsé de M. [Y] [AC], comme son légataire universel.
Par ordonnance rendue le 28 octobre 2013, le juge des tutelles de Paris 18ème a placé [WM] [E] sous sauvegarde de justice et désigné M. [UJ] [W] en qualité de mandataire spécial.
Par jugement rendu le 4 septembre 2014, le juge des tutelles de Paris 18ème a placé [WM] [E] sous le régime de la curatelle renforcée et a révoqué le mandat de protection future.
Par testament authentique en date du 2 mars 2016 [WM] [E] a notamment :
-désigné Mme [GA] [ZN] et M. [S] [X] comme ses légataires universels et bénéficiaires de ses contrats d’assurance vie,
-légué les meubles meublants et tous objets mobiliers de son domicilie à Mme [F] [A] et en cas de pré-décès à son fils,
-déshérité sa nièce, Mme [B] [E].
[WM] [E], est décédée le 29 décembre 2017, sans descendance.
Par acte d’huissier du 22 mai 2018, Mme [B] [E] a assigné M. [S] [X], Mme [F] [A] et Mme [GA] [ZN] devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins principalement de voir annuler les testaments établis les 7 septembre 2013 et 2 mars 2016.
Par jugement du 1er juillet 2020, le tribunal judiciaire de Paris a notamment statué dans les termes suivants :
-déclare valide le testament olographe rédigé par [WM] [E] le 7 septembre 2013,
-déclare valide le testament authentique de [WM] [E] du 2 mars 2016,
-déboute Mme [B] [E] de sa demande de restitution en nature ou en valeur des biens meubles, objets mobiliers et bijoux dépendant de la succession de [WM] [E] formulée à l’encontre de Mme [F] [A],
-déboute Mme [B] [E] de sa demande de désignation d’un commissaire-priseur,
-dit que Mme [GA] [ZN] est frappée d’une incapacité de recevoir de la part de [WM] [E],
en conséquence,
-déclare nulle la disposition testamentaire du testament authentique du 2 mars 2016 désignant Mme [GA] [ZN] légataire universelle et bénéficiaire des contrats d’assurance vie,
-déboute Mme [B] [E] de sa demande d’expertise médicale,
-déboute Mme [B] [E] de sa demande d’expertise en écriture,
-déboute Mme [B] [E] de sa demande de communication de pièces,
-déboute Mme [B] [E] de sa demande de remboursement de la somme de 16 414,54 € formulée à l’encontre de Mme [F] [A],
-déboute Mme [B] [E] de ses demandes de dommages intérêts formulées à l’encontre de M. [S] [X], Mme [F] [A] et Mme [GA] [ZN],
-déboute M. [S] [X] de sa demande de dommages intérêts formulée à l’encontre de Mme [B] [E],
-déboute Mme [F] [A] de sa demande de dommages intérêts formulée à l’encontre de Mme [B] [E].
Mme [B] [E] a interjeté appel de ce jugement par déclaration en date du 20 août 2020.
Mme [B] [E] a saisi le conseiller de la mise en état d’un incident par des conclusions du 15 avril 2021.
Par ordonnance d’incident du 8 juin 2021, le conseiller de la mise en état a statué dans les termes suivants :
-déclare Mme [B] [E] recevable en sa demande d’expertise en écritures portant sur le testament olographe du 7 septembre 2013,
-déboute Mme [B] [E] de l’ensemble de ses prétentions en expertise médicale post mortem et expertise en écritures,
-déboute M. [S] [X] de ses prétentions fondées sur l’article 700 du code de procédure civile,
-constate que les parties ont conclu au fond et que l’affaire est en état pour fixation de la clôture et des plaidoiries,
-condamne Mme [B] [E] aux dépens de l’incident.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 15 octobre 2022, l’appelante demande à la cour de :
-infirmer la décision déférée en ce qu’elle a :
*déclaré valide le testament olographe rédigé par [WM] [E] le 7 septembre 2013,
*déclaré valide le testament authentique de [WM] [E] du 2 mars 2016,
*débouté Mme [B] [E] de sa demande de restitution en nature ou en valeur des biens meubles, objets mobiliers et bijoux dépendant de la succession de [WM] [E] formulée à l’encontre de Mme [F] [A],
*débouté Mme [B] [E] de sa demande de désignation d’un commissaire-priseur,
*débouté Mme [B] [E] de sa demande d’expertise médicale,
*débouté Mme [B] [E] de sa demande d’expertise en écriture,
*débouté Mme [B] [E] de sa demande en communication de pièces,
*débouté Mme [B] [E] de sa demande de remboursement de la somme de 16 414,54 euros formulée à l’encontre de Mme [F] [A],
*débouté Mme [B] [E] de ses demandes de dommages et intérêts formulées à l’encontre de M [S] [X], Mme [F] [A] et Mme [GA] [ZN],
*condamné Mme [B] [E] aux dépens,
*condamné Mme [B] [E] à verser la somme de 3 000 euros à Mme [F] [A] au titre des frais irrépétibles,
*condamné Mme [B] [E] à verser la somme de 3 000 euros M [S] [X] au titre des frais irrépétibles,
*débouté Mme [B] [E] de sa demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-la confirmer pour le surplus,
statuant à nouveau :
à titre principal :
-dire et juger nul et de nul effet les testaments établis les 7 septembre 2013 et 2 mars 2016 par [WM] [E], pour insanité d’esprit et pour vice du consentement,
en conséquence :
-dire et juger que la succession de [WM] [E] sera dévolue suivant la dévolution légale,
-condamner Mme [F] [A] à restituer en nature à la succession de [WM] [E] les biens meubles, objets mobiliers et bijoux de cette dernière soit l’intégralité des objets inventoriés le 26 mars 2018 par Me [L], notaire, et les effets listés dans le coffre-fort selon inventaire et prisée effectués par Me [V], commissaire-priseur le 11 avril 2014, le tout sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir et avec intérêt au taux légal à compter du 26 mars 2018 et capitalisation des intérêts à compter du 26 mars 2019, la Cour se réservant la liquidation de l’astreinte,
à défaut de restitution en nature de l’intégralité des biens meubles,
-condamner Mme [F] [A] à restituer en valeur chaque bien meuble non représenté, avec intérêt au taux légal à compter du 26 mars 2018 et capitalisation des intérêts à compter du 26 mars 2019, à cet effet,
-désigner tel commissaire-priseur qu’il plaira à la cour avec pour mission de :
*récoler l’inventaire du 26 mars 2018 avec les biens meubles de la succession en tous endroits où ils se trouvent,
*examiner tout justificatif de cession des biens inventoriés les 26 mars 2018 ou 11 avril 2014,
*déterminer le montant des restitutions en valeur dû par Mme [G] [A] pour tout effet non représenté, suivant les dispositions des articles 1352 et suivants du code civil,
-commettre tout juge au suivi des opérations de restitutions des legs,
à titre subsidiaire :
-prononcer la nullité de la clause du testament du 2 mars 2016 relative au changement de bénéficiaires des assurances-vie de [WM] [E],
-ordonner avant-dire-droit une mesure d’expertise médicale et désigner tel médecin expert qu’il plaira à la cour de désigner, avec mission de se faire remettre par les parties, les médecins traitants, les établissements d’hospitalisation et de soins concernés, et notamment l’hôpital [8], l’ensemble du dossier médical de [WM] [E] et tous documents qu’elle jugera utile à son appréciation ; d’entendre tous sachants ou personnes susceptibles de fournir des éclaircissements quant à l’état dans lequel se trouvait la testatrice ainsi que relativement au contexte dans lequel elle évoluait, et notamment M. [UJ] [W], afin de :
*déterminer si [WM] [E] était indemne d’une altération de ses facultés mentales et susceptible d’exprimer une volonté saine lors de l’établissement des testaments des 7 septembre 2013 et 2 mars 2016, et plus généralement lors de toutes modifications de clauses bénéficiaires de ses contrats d’assurance-vie ou dispositions testamentaires qui seraient attribuées à cette dernière compte tenu de sa pathologie,
*dire si compte tenu de son état de santé et d’une particulière vulnérabilité, elle est susceptible d’avoir subi une influence néfaste et/ou des pressions morales en vue de l’amener à tester,
à titre infiniment subsidiaire :
-ordonner une mesure d’expertise en écritures et désigner tel expert qu’il lui plaira de désigner, avec mission de :
*examiner le testament olographe du 7 septembre 2013,
*examiner les originaux des documents attribués à [WM] [E] en date des 3 novembre et 10 décembre 2013,
*examiner toutes pièces de comparaison fournies par les parties, obtenir d’elles tous spécimens de comparaison,
*dire si le testament et les documents ont été écrits et signés de la main de [WM] [E],
*donner tous éléments relatifs à la datation des écrits,
*dire si le cas échéant, [WM] [E] a rédigé les documents sous l’effet d’une trépidation, d’une dictée ou d’un conditionnement ou dire si sa main a pu être guidée, contrainte ou forcée et rechercher alors l’identité du responsable,
en tout état de cause :
-enjoindre aux intimés et à tout tiers détenteur de produire les contrats d’assurance-vie ou de prévoyance souscrits par [WM] [E], les modifications de clauses bénéficiaires, le montant des primes versées et leurs dates ainsi que le montant des capitaux au décès,
-enjoindre à M. [S] [X] et à l’étude de Maître [L] de produire le mandat de protection future et la procuration bancaire notariée revêtus de la signature de [WM] [E],
-condamner Mme [F] [A] à rembourser à la succession de [WM] [E] la somme de 16 414,54 euros avec intérêt au taux légal à compter du décès survenu le 29 décembre 2017 et capitalisation des intérêts à compter du 30 décembre 2018,
-condamner in solidum Mme [GA] [C], M. [S] [X] et Mme [F] [A] à payer chacun la somme de 30 000 euros à l’appelante à titre de dommages-intérêts,
-condamner in solidum Mme [GA] [C], M. [S] [X] et Mme [F] [A] à verser à Mme [B] [E] une somme de 12 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
-les condamner in solidum aux entiers dépens de l’instance conformément à l’article 699 du Code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 24 octobre 2022, M. [S] [X], intimé, demande à la cour de :
-confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris rendu le 1er juillet 2020 en ce qu’il a :
*déclaré valide le testament olographe rédigé par [WM] [E] le 7 septembre 2013,
*déclaré valide le testament authentique de [WM] [E] du 2 mars 2016,
*débouté Mme [B] [E] de sa demande de restitution en nature ou en valeur des biens meubles, objets mobiliers et bijoux dépendant de la succession de [WM] [E] formulée à l’encontre de Mme [F] [A],
*débouté Mme [B] [E] de sa demande de désignation d’un commissaire-priseur,
*déclare nulle la disposition testamentaire du testament authentique du 2 mars 2016 désignant Mme [GA] [ZN] légataire universelle et bénéficiaire des contrats d’assurance vie,
*débouté Mme [B] [E] de sa demande d’expertise médicale,
*débouté Mme [B] [E] de sa demande d’expertise en écriture,
*débouté Mme [B] [E] de sa demande de communication de pièces,
*débouté Mme [B] [E] de sa demande de remboursement de la somme de 16 414,54 euros formulée à l’encontre de Mme [F] [A],
*débouté Mme [B] [E] de ses demandes de dommages et intérêts formulées à l’encontre de M. [S] [X], Mme [F] [A] et Mme [GA] [ZN],
*débouté Mme [F] [A] de sa demande de dommages et intérêts formulée à l’encontre de Mme [B] [E],
*condamné Mme [B] [E] et Mme [GA] [ZN] aux dépens,
*condamné Mme [B] [E] à verser la somme de 3 000 euros à M. [S] [X] au titre des frais irrépétibles,
*condamné Mme [B] [E] à verser la somme de 3 000 euros à Mme [F] [A] au titre des frais irrépétibles,
*débouté Mme [B] [E] de sa demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-réformer le jugement du tribunal judiciaire de Paris rendu le 1er juillet 2020 en ce qu’il a:
*débouté M. [S] [X] de sa demande de dommages et intérêts formulée à l’encontre de Mme [B] [E],
faisant droit à l’appel incident,
-condamner Mme [B] [E] à verser la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts à M. [S] [X],
statuant sur les nouvelles demandes :
à titre principal :
-déclarer irrecevable la demande d’expertise en écriture du testament du 7 septembre 2013 formulée par l’appelante sur le fondement de l’article 564 du code de procédure civile,
-déclarer irrecevable la demande de Mme [GA] [ZN] épouse [C] tendant à la condamnation solidaire de M. [S] [X], Mme [A] et Mme [B] [E] à lui verser la somme de 4 183,13 € au titre de son indemnité de licenciement,
à titre subsidiaire :
-rejeter la demande d’expertise en écriture du testament du 7 septembre 2013 formulée par l’appelante,
-rejeter la demande de Mme [GA] [ZN] épouse [C] tendant à la condamnation solidaire de M. [S] [X], Mme [A] et Mme [B] [E] à lui verser la somme de 4 183,13 euros au titre de son indemnité de licenciement,
en tout état de cause :
-déclarer valide les clauses bénéficiaires telles que stipulées dans le testament authentique,
-en conséquence, condamner Mme [B] [E] à verser la somme qu’elle a déjà reçue aux termes des assurances-vie aux bénéficiaires désignés par voie testamentaire,
-débouter Mme [B] [E] de l’ensemble de ses demandes,
-condamner Mme [B] [E] à verser à M. [S] [X] la somme de 10 000 euros sur fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
-condamner Mme [B] [E] aux entiers dépens.
Aux termes de ses uniques conclusions notifiées le 17 février 2021, Mme [F] [A], intimée, demande à la cour de :
-confirmer le jugement rendu le 1er juillet 2020 par le tribunal judiciaire de Paris, en ce qu’il a :
*déclaré valide le testament olographe du 7 septembre 2013,
*déclaré valide le testament authentique de [WM] [E] du 2 mars 2016,
*débouté Mme [B] [E] de sa demande de restitution en nature ou en valeur des biens meubles objets mobiliers et bijoux dépendant de la succession de [WM] [E] formulée à l’encontre de Mme [F] [A],
*débouté Mme [B] [E] de sa demande de désignation d’un commissaire-priseur,
*dit que Mme [GA] [ZN] est frappée d’une incapacité de recevoir de la part de [WM] [E]
*débouté Mme [B] [E] de sa demande d’expertise médicale,
*débouté Mme [B] [E] de sa demande d’expertise en écriture,
*débouté Mme [B] [E] de sa demande de communication de pièces,
*débouté Mme [B] [E] de sa demande de remboursement de la somme de 16 414,54 euros formulée à l’encontre de Mme [F] [A],
*débouté Mme [B] [E] de ses demandes de dommages et intérêts formulées à l’encontre de M. [S] [X], Mme [F] [A] et Mme [GA] [ZN],
*débouté M. [S] [X] de sa demande de dommages et intérêts formulée à l’encontre de Mme [B] [E],
*débouté Mme [GA] [ZN] de sa demande formulée au titre de la procédure abusive,
*condamné Mme [B] [E] et Mme [GA] [ZN] aux dépens,
*condamné Mme [B] [E] à verser la somme de 3 000 euros à M. [S] [X] au titre des frais irrépétibles,
*condamné Mme [B] [E] à verser la somme de 3 000 euros à M. à Mme [F] [A] au titre des frais irrépétibles,
*débouté Mme [B] [E] de sa demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
*débouté Mme [GA] [ZN] de sa demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-réformer le jugement du tribunal judiciaire de Paris rendu le 1er juillet 2020 en ce qu’il a:
*débouté Mme [A] de sa demande de dommages et intérêts formulée à l’encontre de [B] [E],
-recevoir Mme [A] en son appel incident, et condamner Mme [B] [E] à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts,
-débouter Mme [B] [E] de l’ensemble de ses demandes,
-condamner Mme [B] [E] à verser à Mme [A] la somme de 8 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-condamner Mme [B] [E] aux entiers dépens qui pourront être recouvrés par Maître Baldaquin conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 17 août 2021, Mme [GA] [ZN], intimée, demande à la cour de :
-confirmer le jugement entrepris en ce qu’il :
*déclare valide le testament olographe rédigé par [WM] [E] le 7 septembre 2013,
*déclare valide le testament authentique de [WM] [E] du 2 mars 2016,
*déboute Mme [B] [E] de sa demande de désignation d’un commissaire-priseur,
*déboute Mme [B] [E] de sa demande d’expertise en écriture,
*déboute Mme [B] [E] de sa demande de communication de pièces,
*déboute Mme [B] [E] de ses demandes de dommages et intérêts formulés à l’encontre de M. [S] [X], Mme [F] [A] et Mme [GA] [ZN],
à titre d’appel incident :
-réformer le jugement entrepris en ce qu’il a :
*dit que Mme [GA] [ZN] est frappée d’une incapacité de recevoir de la part de [WM] [E],
*déclare nulle la disposition testamentaire du testament authentique du 2 mars 2016 désignant Mme [GA] [ZN] légataire universelle et bénéficiaire des contrats d’assurance vie,
-dire que Mme [GA] [ZN] est capable de recevoir le legs universel dont elle a été bénéficiaire par testament en date du 2 mars 2016, établi par Mme [WM] [E], les dispositions sur le fondement desquelles elle avait été fondée la décision de première instance ayant été déclarées inconstitutionnelles par la décision du 12 mars 2021 du Conseil constitutionnel,
-condamner Mme [E] au paiement d’une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
-condamner solidairement Mme [E], M. [X] et Mme [A] au paiement de la somme de 4 183,13 euros au titre des indemnités de licenciement de Mme [ZN],
-condamner Mme [E] au paiement d’une somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-la condamner aux entiers dépens, dont attribution à Me Gré, Avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des moyens développés par les parties au soutien de leurs prétentions, il sera renvoyé à leurs écritures susvisées conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 25 octobre 2022.
L’affaire a été appelée à l’audience du 23 novembre 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la nullité des testaments olographe du 7 septembre 2013 et authentique du 2 mars 2016
Le tribunal a rejeté d’une part l’insanité d’esprit alléguée, d’autre part l’existence de man’uvres.
L’appelante soutient qu’il résulte des éléments médicaux que la testatrice était frappée d’insanité d’esprit et qu’il y a eu des man’uvres dolosives et une captation de patrimoine caractérisées par un conditionnement de la testatrice.
M. [S] [X] répond que [WM] [E] disposait des facultés mentales suffisantes au moment de la rédaction de ses testaments des 7 septembre 2013 et 2 mars 2016 pour comprendre la portée de son acte et n’a subi aucune influence de nature à altérer son consentement.
Mme [F] [A], coiffeuse et amie de la défunte, fait valoir que [WM] [E] a établi son testament du 2 mars 2016 en pleine possession de ses capacités intellectuelles et sans la moindre manipulation. Elle se prévaut du certificat médical établi par le docteur [P] le 19 février 2016. Elle affirme que la défunte et elle étaient très intimes, partaient tous les ans en voyage ensemble, sortaient régulièrement au restaurant et dans divers endroits de Montmartre où elles avaient leurs habitudes, qu’elles réveillonnaient ensemble à Noël, pour le jour de l’an, et passaient ensemble de nombreuses fêtes de famille ; qu’au contraire, Madame [B] [E] ne s’entendait pas avec sa tante et que les dispositions testamentaires sont donc conformes à la volonté de la défunte, en corrélation avec la réalité des faits.
Madame [GA] [ZN], également concernée par le testament du 2 mars 2016, pour demander l’infirmation du jugement en qu’il a déclaré nulle la disposition testamentaire du testament authentique du 2 mars 2016 la désignant légataire universelle et bénéficiaire des contrats d’assurance vie, se prévaut de la décision en date du 12 mars 2021, n°2020-888 QPC, du Conseil constitutionnel qui a déclaré non conforme à la Constitution une partie de l’article L. 116-4, I, du code de l’action sociale et des familles, empêchant les personnes effectuant des services à la personne à domicile de recevoir les libéralités de la part des personnes âgées, handicapées ou autres ayant besoin d’une aide, chez elles.
Sur la validité du testament, elle se prévaut également du certificat médical établi par le docteur [P] le 19 février 2016 et soutient que les allégations de l’appelante sur une éventuelle manipulation de la défunte sont inexactes.
En vertu de l’article 901 du code civil ‘pour faire une libéralité, il faut être sain d’esprit. La libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l’erreur, le dol ou la violence’.
S’il est établi qu’une personne était dans l’impossibilité d’exprimer un consentement éclairé du fait de l’affaiblissement de ses facultés intellectuelles et/ou d’une manipulation, cet état exclut qu’elle ait pu valablement établir un testament, qu’il soit olographe ou authentique.
La protection de l’intégrité du consentement participe de la protection contre ses vices. Apte à émettre un consentement lucide, l’auteur de l’acte peut cependant avoir été victime de man’uvres dolosives ou de pressions de nature à surprendre son consentement ou à le lui extorquer, et ce d’autant plus s’il est dans un état de fragilité.
Pour rechercher si les conditions d’une captation d’héritage sont réunies, celle-ci n’étant pas définie par le code civil mais pouvant résulter de man’uvres dolosives au sens de l’article 1116 du code civil, il incombe donc de considérer les éléments de la cause pris dans leur ensemble et non séparément.
En l’espèce, les parties produisent de nombreuses pièces médicales.
[WM] [E] a été hospitalisée à l’hôpital [8] à compter du 21 mai 2013 et à cette occasion, son médecin traitant historique, le docteur [Z], a demandé des examens en vue de diagnostiquer des troubles cognitifs et de marche, sa nièce ayant notamment fait état de chutes graves et répétées.
A cette occasion, les médecins ont relevé l’existence de « probables troubles cognitifs débutants associés à un syndrome dépressif» .
Des constatations ont ensuite été effectuées :
-le 10 septembre 2013 par le docteur [OV], médecin inscrit,
-le 19 octobre 2013 par le docteur [EM] [I], médecin inscrit,
-le 9 juin 2014 par le docteur [T], psychiatre, lequel a préconisé l’instauration d’une mesure de tutelle.
-les 20 et 28 février 2014 par le docteur [VX] [P] (neurologue) qui mentionne qu’il a été mandaté par « [WM] [E] par l’intermédiaire de Monsieur [Y] [AC] » et fait état d’incontestables troubles de mémoire et d’importants troubles visuels justifiant le mandat de protection future, puis qui le 19 février 2016 fait d’un état général affaibli (personne installée dans un lit médicalisé) avant de conclure que les fonctions mentales sont affectées par l’âge mais que l’intéressée garde des capacités de raisonnement tout à fait correctes lui permettant de prendre des décisions testamentaires ou de modifier les bénéficiaires de ses contrats d’assurance-vie,
-le docteur [LE] [AT] a certifié que, pour la période 9 octobre 2014 au 11 décembre 2015, il a suivi la patiente pour un syndrome démentiel avec propos délirant,
-le 27 mai 2014, le docteur [U] [JR], médecin traitant (pour une période limitée) de [WM] [E], a indiqué que sa patiente ‘ne présente à ce jour aucun déficit gnosique majeur pouvant limiter ses capacités de compréhension et de prises de décisions’,
-le docteur [H], qui a remplacé le docteur [JR] comme médecin traitant à la demande de la nièce et du curateur, a noté dès sa première visite, en janvier 2016, des troubles cognitifs sous-jacents repérables et l’emploi de phrases peu construites. Il a plus tard conclu à l’existence de troubles cognitifs effectifs clairement décelables, non reconnus par la patiente et confirmé que sa patiente était potentiellement vulnérable sur le plan physique et psychique.
Ainsi, à l’exception du docteur [U] [JR], qui était le médecin de Monsieur [Y] [AC] et a remplacé à la demande de ce dernier le docteur [Z] auparavant médecin traitant de la défunte, la plupart des autres médecins ont indiqué qu’il n’y avait pas de perspectives d’amélioration des fonctions cognitives pour l’avenir de [WM] [E], en raison de son âge (née en 1929).
Le docteur [VX] [P] dont les conclusions sont contradictoires, n’a pas précisé qui lui avait permis l’accès à l’appartement de la patiente alors alitée mais a repris certaines déclarations de [WM] [E] indiquant qu’elle ne voulait pas que sa nièce puisse hériter d’elle, car elle avait eu des propos agressifs et avait l’intention de l’envoyer en maison de retraite.
S’il ne résulte pas de ces pièces que [WM] [E] était frappée d’une insanité d’esprit c’est-à-dire d’une indisposition psycho-physique lui ôtant à elle seule toute aptitude à jouir d’un consentement libre, il apparaît néanmoins qu’elle a été affectée par une détérioration de ses facultés intellectuelles depuis l’année 2012 au moins, alors qu’elle était sous traitement psychotrope dès 2004 et sous traitement antidépresseur dès 2011.
La mesure de curatelle renforcée instaurée par le jugement du 4 septembre 2014 sur saisine de sa nièce évoque la persistance du conflit de loyauté affectant l’entourage de [WM] [E] contraire aux intérêts de celle-ci.
Ce conflit opposait essentiellement d’une part Monsieur [Y] [AC], un ami de [WM] [E] et d’autre part, Madame [B] [E], nièce de la défunte, le premier déclarant s’occuper des affaires de son amie depuis l’année 2001, en l’absence d’intervention de la famille, en évoquant une affaire de succession, un contrôle fiscal, des soucis de santé (hernie discale et cancer du sein) et la vente en viager de son appartement parisien et critiquant le fait que Madame [B] [E], seule nièce de la défunte, ait voulu reprendre ou entretenir des relations avec sa tante à l’occasion de l’adoption d’une petite fille originaire du Mali.
Dans une lettre datée du 3 novembre 2010, [WM] [E] a écrit ‘comme ma nièce ne s’est jamais occupée de moi, je refuse qu’elle puisse être un jour ma sauvegarde de justice, ma curatrice ou ma tutrice ou autre si je devais tomber malade ou avoir besoin d’une aide extérieure’. Elle l’a doublée d’une lettre datée du 8 décembre 2010, aux termes de laquelle elle ‘désigne uniquement [Y] [AC] né le 12 août 1947 à [Localité 11]….pour s’occuper de moi et être mon curateur ou mon tuteur si je devais un jour être diminuée physiquement et, ou, mentalement’.
Or il résulte parallèlement des courriers adressées par la défunte à sa nièce en 2009, 2010 et 2011 qu’elle lui témoignait de l’affection et qu’elle indiquait même avoir de l’admiration pour l’adoption effectuée par sa nièce.
L’existence de ces bonnes relations est confirmée par les attestations de Madame [R], Madame [K], Madame [J] et Madame [N].
Madame [B] [E] était encore bénéficiaire de tout ou partie des contrats d’assurance vie de sa tante, au moins jusqu’en 2013.
En mai 2013, [WM] [E] a été hospitalisée en service de gériatrie à l’hôpital [8] sur la demande du Docteur [Z], son médecin traitant, pour faire un bilan de santé en raison d’une perte d’autonomie et de troubles cognitifs. Ce séjour a été écourté sur la demande de la patiente et avec l’aide non contestée de Monsieur [AC], avec annulation du rendez-vous en gériatrie, ce qui a suscité les inquiétudes et un signalement du service social de l’hôpital auprès du procureur de la République, pour des suspicions d’influences négatives de son entourage et avec indication que le docteur [U] [JR], médecin de Monsieur [Y] [AC], avait remplacé le docteur [Z] comme médecin traitant de [WM] [E]. A cette occasion, [WM] [E] aurait indiqué au Docteur [Z] qu’elle n’avait rien à lui reprocher mais qu’elle était « obligée » de le quitter.
De la même façon, le docteur [AT] qui a suivi la testatrice du 9 octobre 2014 au 11 décembre 2015, a été écarté lorsque, comme le docteur [Z], il a signalé la nécessité de prise en charge de sa patiente.
Le conflit entre Monsieur [Y] [AC] et Madame [B] [E] s’est ainsi manifesté à plusieurs reprises
Dès le 25 septembre 2013, Madame [B] [E], après que sa tante lui a confié avoir signé durant l’été des documents notariés en présence et au bénéfice de Monsieur [Y] [AC] dont elle n’avait plus le souvenir et dont elle n’aurait pas reçu copie, a déposé une main courante dans laquelle elle évoquait notamment l’existence de harcèlement téléphonique de Monsieur [Y] [AC] à l’égard de sa tante ou les instructions qui lui avaient été données par Monsieur [AC] afin qu’elle se tienne à l’écart de la santé de sa tante.
Il s’est ensuite manifesté notamment entre le mandat de protection future accordé par la défunte à Monsieur [AC] par acte authentique régularisé le 5 juillet 2013 et mis en ‘uvre le 24 octobre 2013 et la saisine du juge des tutelles par Madame [B] [E] le 28 octobre 2013, qui a conduit à une suspension du mandat par le juge des tutelles selon ordonnance du 5 décembre 2013.
Il s’est ainsi traduit lors de l’hospitalisation de [WM] [E] à l’hôpital [8] pour un bilan de santé, en mai 2013, préconisé par son médecin traitant, par le fait que le séjour a été écourté sur la demande de [WM] [E] avec l’intervention de Monsieur [AC], qui a alors convaincu l’intéressée de changer de médecin traitant, par la signature du mandat de protection future, le 5 juillet 2013, au profit de Monsieur [AC], acte oublié ensuite par [WM] [E] qui a manifesté ensuite son ignorance de la portée d’un tel acte, par la rédaction le 7 septembre 2013 d’un testament olographe en faveur de Monsieur [S] [X], lié par un pacte civil de solidarité à Monsieur [AC], qui fait état de la volonté de la rédactrice de déshériter tous les membres de sa famille de sang, qui omet de préciser dans l’acte qu’il est lié par un PACS à Monsieur [AC] tandis que la nièce saisissait le juge des tutelles et que le service social de l’hôpital [8] opérait un signalement.
Il résulte de l’examen effectué le 19 octobre 2013 par le Docteur [EM] [I] – médecin inscrit sur la liste établie par le procureur de la République pour les mesures de protection – que [WM] [E] ne voit pas l’intérêt d’un tel examen, car elle n’a pas besoin d’aide, ne veut pas que d’autres personnes accèdent à ses comptes et ne connaît, ni le rôle, ni l’existence d’un mandat de protection future. Lors de son audition par le juge des tutelles effectuée le 28 novembre 2013, [WM] [E] a indiqué n’avoir pas d’aides à domicile, ne s’est pas souvenue avoir établi un mandat de protection future le 5 juillet 2013 chez le notaire et a précisé qu’elle voulait continuer à gérer ses comptes et sa vie seule.
Dans le cadre de l’enquête sociale ordonnée par le juge des tutelles, [WM] [E] a confirmé qu’elle n’avait jamais demandé à faire activer le mandat de protection future et il résulte de cette enquête que Monsieur [AC] s’est présenté comme un fils spirituel de [WM] [E], l’ayant aidée depuis plusieurs années dans sa gestion financière à l’occasion de diverses affaires et promis de tout faire pour qu’elle demeure dans son domicile ; que Madame [A] (coiffeuse et amie de la défunte) a déploré ‘l’omniprésence de Monsieur [AC], ce dernier tentant de prendre le pas sur sa nièce quant aux informations médicales’ et avoir, avec son fils, été progressivement mise à l’écart.
La mandataire spécial nommé par ordonnance du 28 octobre 2013, M. [UJ] [W], a indiqué dans deux rapports des 28 avril 2014 et 22 juin 2014, que [WM] [E] ne gérait plus rien de sa vie administrative, qu’elle était sous influence permanente de son entourage qui gérait jusqu’à présent tous ces aspects pour elle et dont les motivations restaient à découvrir, que Monsieur [AC] ne lui fournissait des informations que de façon très parcimonieuse.
Dans son rapport du 14 mars 2016 établit en sa qualité de curateur, Monsieur [UJ] [W] a indiqué : « Madame [E] de mon point de vue est assez vulnérable et très influençable. Les relations entre sa nièce et elle étaient encore bonnes jusqu’à dernièrement. Je pense que Monsieur [AC] n’est pas étranger à cette situation et qu’il influence beaucoup Madame [E] sur ce point… il est également nécessaire de déclencher une demande d’aggravation de mesure. Mais face à l’intervention constante de certaines personnes, notamment Monsieur [AC], il m’est très difficile de faire venir au domicile de Madame [E] un médecin expert sous peine que Madame [E] refuse de le recevoir… ».
Il précise que contrairement à son engagement, Monsieur [AC] ne lui a pas précisé, alors que la mesure de curatelle renforcée était en cours, qu’il avait mandaté le docteur [P] pour permettre l’établissement, au domicile de [WM] [E], d’un testament authentique en faveur notamment de Monsieur [S] [X], ce que confirment les termes des conclusions de cet expert à sa visite du 19 février 2016 lorsqu’il indique que [WM] [E] garde des capacités de raisonnement tout à fait correctes lui permettant de « prendre des décisions testamentaires ou de modifier les bénéficiaires de ses contrats d’assurance vie », et ne lui a pas communiqué le certificat.
L’appelante établit que lors de la visite du médecin expert, le docteur [EM] [I] désigné en vue de la mesure de protection, une amie de Monsieur [AC] était présente, étant intervenue à deux reprises pour s’inquiéter de ce qui se passait et recommander à l’intéressée de ne rien signer.
Enfin le 24 novembre 2013, il a dû y avoir intervention des services de police et dépôt d’une seconde main courante, lorsque Madame [B] [E] s’est rendue chez sa tante avec sa fille et sa mère et que [WM] [E] n’a pas pu lui ouvrir car les serrures avaient été changées et que curieusement elle n’avait pas elle-même les clés, ce qui a été justifié par Monsieur [AC] par la prétendue volonté de [WM] [E] de ne plus jamais voir sa nièce, celui-ci ayant définitivement empêché Madame [B] [E] et sa famille de pénétrer dans les lieux.
Comme dans le testament olographe rédigé le 7 septembre 2013, ce n’est pas Monsieur [AC] qui est désigné légataire, mais Monsieur [S] [X], son concubin pacsé, alors que celui-ci n’est jamais évoqué par les différents intervenants, qu’il n’apparaît pas comme un ami de longue date de la défunte et qu’il n’est pas établi qu’il soit intervenu de quelque façon dans la vie de [WM] [E] depuis 2010, époque à laquelle [WM] [E] a exprimé, pour la première fois, sa confiance à l’égard de Monsieur [AC] et sa défiance à l’égard de sa nièce.
De l’ensemble de ces éléments, il est permis de conclure que [WM] [D] était dans un état de fragilité et de faiblesse avant et après l’instauration de la mesure de protection, et que, sous emprise, elle n’était pas en capacité d’ exprimer une volonté autonome en ce que :
-dès la fin de l’année 2010, elle s’est trouvée enfermée dans le conflit affectant son entourage, manifestant son affection pour sa nièce et la fille adoptée par cette dernière, tout en lui reprochant parallèlement de ne pas s’être occupée d’elle et en l’accusant de vouloir la placer en maison de retraite, tandis qu’elle requerrait l’assistance Monsieur [AC]; ce rejet de sa nièce n’est expliqué par aucun élément objectif permettant de constater que l’unique membre de la famille de la défunte aurait été agressive à son égard ou aurait eu le projet de l’installer en maison de retraite alors qu’elle souhaitait légitimement rester à son domicile,
-il apparaît que depuis l’année 2013 au moins, Monsieur [AC] était omniprésent auprès de [WM] [E], informé de la plupart de ses affaires, tant sur le plan médical que matériel et a maintenu ses liens avec la personne protégée au point que le mandataire spécial ensuite devenu curateur a pu déplorer un manque de coopération de sa part, nuisible aux intérêts de [WM] [E],
-dans un contexte où les éléments médicaux conduisent à considérer que si [WM] [E] avait conservé une certaine capacité de raisonnement, elle était néanmoins fragilisée et vulnérable, l’influence exercée par Monsieur [AC] est manifeste et apparaît dans les rapports du mandataire judiciaire puis curateur ainsi que dans la vie quotidienne (désignation d’un médecin traitant et annulation d’un rendez-vous médical, obstacle au diagnostic précis de la pathologie par isolement de la testatrice d’un point de vue médical, changement des serrures de l’appartement, présence de relations de Monsieur [AC] au domicile de la défunte qui l’informent de ce qui se passe, accès au coffre bancaire, recueil dactylographié des intentions de [WM] [E] en cours de procédure de tutelle, liens avec le médecin expert qui est venu voir [WM] [E] au début de l’année 2016 à savoir le docteur [P] en vue d’établir le 2ème testament).
Monsieur [AC] ne démontre pas avoir cherché à maintenir les seuls liens familiaux de [WM] [E], ce qui était pourtant conforme à son intérêt dont il prétendait se préoccuper de façon désintéressée ; alors qu’il se présente comme la seule personne très active de l’entourage de [WM] [E], c’est son conjoint, sans lien particulier avec la testatrice, qui va être désigné légataire ainsi qu’une auxiliaire de vie, ce qui confirme l’abus d’influence ; le notaire en charge de rédiger le second testament qui lui aurait été dicté à son domicile par la défunte a émis une réserve, en indiquant que la testatrice « paraissait » saine d’esprit, « ainsi au surplus qu’il résulte d’un certificat médical établi le 20 février 2016 par le Docteur [VX] [P], médecin habilité » ; enfin il résulte des pièces produites et notamment de l’attestation de Madame [M] [K], amie de la testatrice depuis 1982, que celle-ci craignait son auxiliaire de vie Madame [ZN] épouse [C] et que cette dernière a participé activement à son isolement et donc aux man’uvres ayant conduit au testament du 2 mars 2016.
Par suite, il y a lieu d’annuler les deux testament des 7 septembre 2013 et 2 mars 2016.
Sur les restitutions
La dévolution de la succession de [WM] [E] doit désormais intervenir selon les règles de la dévolution successorale ce qui entraîne toutes conséquences de droit sur les restitutions.
Quand bien même les intimés n’apportent aucune contestation au fait que l’appelante se dise seule famille et héritière de la défunte, Madame [B] [E] ne justifie pas en l’état de la dévolution successorale puisqu’elle ne produit aucune pièce pour établir sa qualité.
Ses demandes de restitution dirigées contre Madame [F] [A] sont donc prématurées et il n’y a pas lieu d’y faire droit.
Le jugement, par substitution de motifs, sera confirmé de ce chef.
Sur l’incapacité à recevoir de Mme [GA] [ZN]
Si par décision en date du 12 mars 2021, n°2020-888 QPC, le Conseil constitutionnel a déclaré non conforme à la Constitution une partie de l’article L. 116-4, I, du code de l’action sociale et des familles, empêchant les personnes effectuant des services à la personne à domicile de recevoir les libéralités de la part des personnes âgées, handicapées ou autres ayant besoin d’une aide, chez elles, la question de la capacité à recevoir de Madame [GA] [ZN] devient sans objet du fait de l’annulation du testament qui la concerne.
Sur la demande relative aux indemnités de licenciement de Mme [ZN]
Celle-ci demande pour la première fois devant la cour que soient condamnés solidairement Mme [E], M. [X] et Mme [A] à lui payer la somme de 4 183,13 euros à ce titre.
Monsieur [X] oppose à cette demande les dispositions de l’article 564 du code de procédure civile qui prévoit l’irrecevabilité des demandes nouvelles formées devant la cour d’appel.
Si, en matière de liquidation et partage, les parties sont respectivement demanderesses et défenderesses, de telle sorte que toute demande doit être considérée comme une défense à la prétention adverse, force est de constater que la demande de Madame [ZN] est sans lien avec le litige relatif au partage de la succession de [WM] [E] dont la cour est saisie et ne peut être considérée comme une défense aux prétentions adverses.
Cette demande sera donc jugée irrecevable.
Sur les demandes de dommages et intérêts
Eu égard à l’annulation des testaments, seule la demande de dommages et intérêts formées par l’appelante sera examinée par la cour.
Compte tenu des agissements fautifs des intimés, l’appelante s’estime bien fondée à solliciter le versement par chacun d’eux d’une somme de 30.000 euros en réparation du préjudice moral subi par sa tante, en sa qualité d’héritière légale de cette dernière sur le fondement de l’article 1240 du code civil.
Faute par l’appelante de pouvoir justifier de la dévolution successorale et de sa qualité d’unique héritière, il ne sera pas fait droit à sa demande.
Le jugement, par substitution de motifs, sera donc confirmé de ce chef
Sur les demandes accessoires
L’équité commande de faire droit à la demande de l’appelante présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ; les intimés sont condamnés à lui verser à ce titre la somme visée au dispositif de la présente décision,
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement par décision contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a :
-déclaré valide le testament olographe rédigé par [WM] [E] le 7 septembre 2013,
-déclaré valide le testament authentique de [WM] [E] du 2 mars 2016,
Y substituant
-annule le testament olographe rédigé par [WM] [E] le 7 septembre 2013,
-annule le testament authentique de [WM] [E] du 2 mars 2016,
Confirme le jugement des autres chefs dévolus à la cour,
Y ajoutant,
Déclare Madame [GA] [ZN] épouse [C] irrecevable en sa demande relative aux indemnités de licenciement,
Condamne in solidum Madame [GA] [ZN] épouse [C], Monsieur [S] [X] et Madame [F] [A] à verser à Madame [B] [E] une somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum Madame [GA] [ZN] épouse [C], Monsieur [S] [X] et Madame [F] [A] aux dépens de l ‘appel.
Le Greffier, Le Président,