ARRÊT N° /2023
PH
DU 02 FEVRIER 2023
N° RG 21/03003 – N° Portalis DBVR-V-B7F-E4Q6
Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de NANCY
18/0294
13 septembre 2021
COUR D’APPEL DE NANCY
CHAMBRE SOCIALE – SECTION 2
APPELANTE :
S.A.R.L. CLEAN GRAND EST PRO prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège
[Adresse 2]
Représentée par Me Florence ALEXIS de l’AARPI CABINITIO, avocat au barreau de NANCY
INTIMÉES :
Madame [Y] [S]
[Adresse 3]
Représentée par Me Elodie LAMBERT de l’AARPI BERNA AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de NANCY
S.C.P. [B] [U] Es qualité de « Mandataire liquidateur » de la «SARL CLEAN GRAND EST » prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social
[Adresse 1]
Ni comparante ni représentée
Association UNEDIC DÉLÉGATION AGS (CGEA DE [Localité 5]) Représentée par sa Directrice nationale, Madame [L] [F] prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social
[Adresse 4]
Représentée par Me Bertrand FOLTZ de la SELARL FILOR AVOCATS, substitué par Me NAUDIN, avocats au barreau de NANCY
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats, sans opposition des parties
Président : WEISSMANN Raphaël
Conseiller : STANEK Stéphane
Greffier : RIVORY Laurène (lors des débats)
Lors du délibéré,
En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue en audience publique du 08 Décembre 2022 tenue par WEISSMANN Raphaël, Président, et STANEK Stéphane, Conseiller, qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés, et en ont rendu compte à la Cour composée de Raphaël WEISSMANN, Jean-Baptiste HAQUET, présidents,et Stéphane STANEK, conseiller, dans leur délibéré pour l’arrêt être rendu le 02 Février 2023;
Le 02 Février 2023, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :
EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES
Madame [Y] [S] a été engagée sous contrat de travail à durée déterminée à hauteur de 40,5 heures mensuelles, par la société S.A.R.L CLEAN GRAND EST PRO à compter du 06 mai 2013 au 12 juillet 2013, en qualité d’agent d’entretien.
A compter du 29 mai 2013, la salariée a été engagée simultanément sous contrat à durée indéterminée à temps partiel, par la société S.A.R.L CLEAN GRAND EST, en qualité d’agent d’entretien.
La convention collective nationale des entreprises de services à la personne est applicable aux deux contrats de travail.
A compter du 30 décembre 2013, Madame [Y] [S] a occupé le poste de chef d’équipe pour les deux sociétés à hauteur de 86,67 heures mensuelles pour la société S.A.R.L CLEAN GRAND EST PRO et 65 heures mensuelles pour la société S.A.R.L CLEAN GRAND EST.
Du 13 décembre 2017 au 20 février 2018, la salariée a été placée en arrêt de travail pour maladie.
Les deux contrats de travail ont été rompu par signature d’un accord de rupture conventionnelle, homologué en date du 20 février 2018.
Par jugement du tribunal de commerce de Nancy rendu le 26 novembre 2019, la société S.A.R.L CLEAN GRAND EST a été placée en redressement judiciaire, transformée en liquidation judiciaire par jugement du 04 février 2020.
Par requête du 22 juin 2018, Madame [Y] [S] a saisi le conseil de prud’hommes de Nancy, aux fins :
– de dire que les sociétés S.A.R.L CLEAN GRAND EST et S.A.R.L CLEAN GRAND EST PRO ont la qualité de co-employeurs,
– de condamner solidairement Maitre [U] en qualité de liquidateur judiciaire de la société S.A.R.L CLEAN GRAND EST et la société S.A.R.L CLEAN GRAND EST PRO à lui verser les sommes suivantes :
– 8 586,96 euros à titre d’heures supplémentaires outre 858,69 euros de congés payés y afférents,
– 10 108,56 euros à titre d’indemnités forfaitaires pour travail dissimulé,
– 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité de résultat,
– 354 euros à titre de rappel sur prime annuelle outre 34,50 euros au titre des congés payés y afférents,
– 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la portabilité de la prévoyance,
– 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– de dire le jugement à intervenir opposable au CGEA-AGS de [Localité 5],
– de prononcer l’exécution provisoire du jugement à intervenir.
Vu le jugement du conseil de prud’hommes de Nancy rendu le 13 Septembre 2021, lequel a :
– débouté la société S.A.R.L CLEAN GRAND EST PRO et l’association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA de [Localité 5] de leur demande aux fins de nullité de la requête,
– dit que les sociétés S.A.R.L CLEAN GRAND EST et S.A.R.L CLEAN GRAND EST PRO ont la qualité de co-employeurs de Madame [Y] [S],
– débouté Madame [Y] [S] de sa demande au titre du travail dissimulé,
– débouté Madame [Y] [S] de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité de résultat de l’employeur,
– débouté Madame [Y] [S] de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect de la portabilité de la prévoyance,
– condamné solidairement Maître [U], ès qualités de liquidateur de la société S.A.R.L CLEAN GRAND EST, et la S.A.R.L CLEAN GRAND EST PRO à payer à Madame [Y] [S] les sommes suivantes :
– 3 920,20 euros à titre d’heures supplémentaires,
– 392,02 euros de congés payés y afférents,
– 354,00 euros au titre du rappel de prime annuelle,
– 34,50 euros au titre des congés payés afférents,
– 1 200,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– fixé la créance de 5 900,72 euros au passif de la société S.A.R.L CLEAN GRAND EST,
– déclaré l’association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA de [Localité 5] tenue à garantie pour ces sommes dans les termes des articles L.3253-8 et suivants du code du travail, en l’absence de fonds disponibles,
– débouté la société S.A.R.L CLEAN GRAND EST PRO de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– laissé les dépens à la charge des sociétés S.A.R.L CLEAN GRAND EST et la S.A.R.L CLEAN GRAND EST PRO,
– dit le jugement opposable l’association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA de [Localité 5],
– dit n’y avoir lieu à ordonner l’exécution provisoire, hors les cas où elle est applicable de droit,
– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Vu l’appel formé par la société S.A.R.L CLEAN GRAND EST PRO le 22 décembre 2021,
Vu l’appel incident formé par l’association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA de [Localité 5] le 15 juin 2022,
Vu l’article 455 du code de procédure civile,
Vu les conclusions de la société S.A.R.L CLEAN GRAND EST PRO déposées sur le RPVA le 19 septembre 2022, celles de Madame [Y] [S] déposées sur le RPVA le 18 octobre 2022 et celles de l’association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA de [Localité 5] déposées sur le RPVA le 15 juin 2022,
Maître [U] en qualité de liquidateur judiciaire de la société S.A.R.L CLEAN GRAND EST n’ayant pas conclu sur la requête.
Vu l’ordonnance de clôture rendue le 09 novembre 2022,
La société S.A.R.L CLEAN GRAND EST PRO demande :
– d’infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Nancy le 13 septembre 2021, en ce qu’il a :
– dit que les sociétés S.A.R.L CLEAN GRAND EST et S.A.R.L CLEAN GRAND EST PRO ont la qualité de co-employeurs de Madame [Y] [S],
– condamné solidairement Maître [U], ès qualités de liquidateur de la société S.A.R.L CLEAN GRAND EST, et la S.A.R.L CLEAN GRAND EST PRO à payer à Madame [Y] [S] les sommes suivantes :
– 3 920,20 euros à titre d’heures supplémentaires,
– 392,02 euros de congés payés y afférents,
– 354,00 euros au titre du rappel de prime annuelle,
– 34,50 euros au titre des congés payés afférents,
– 1 200,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– fixé la créance de 5 900,72 euros au passif de la société S.A.R.L CLEAN GRAND EST,
– déclaré l’association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA de [Localité 5] tenue à garantie pour ces sommes dans les termes des articles L.3253-8 et suivants du code du travail, en l’absence de fonds disponibles,
– débouté la société S.A.R.L CLEAN GRAND EST PRO de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– laissé les dépens à la charge des sociétés S.A.R.L CLEAN GRAND EST et la S.A.R.L CLEAN GRAND EST PRO,
– dit le jugement opposable l’association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA de [Localité 5],
– de confirmer le jugement entrepris pour le surplus,
– de débouter Madame [Y] [S] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
*
A titre subsidiaire :
– de donner acte à la société S.A.R.L CLEAN GRAND EST PRO de ce qu’elle reconnaît devoir à Madame [Y] [S] les primes annuelles pour les montants suivants :
– 67,47 euros brut pour 2016,
– 67.47 euros brut pour 2017,
– 11.16 euros brut pour 2018,
– de condamner Madame [Y] [S] à verser à la société CLEAN GRAND EST PRO la somme de 2 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Madame [Y] [S] demande :
– de confirmer le jugement du conseil des prud’hommes de Nancy en date du 13 septembre 2021 en ce qu’il a :
– débouté la société S.A.R.L CLEAN GRAND EST PRO et l’association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA de [Localité 5] de leur demande aux fins de nullité de la requête,
– dit que les sociétés S.A.R.L CLEAN GRAND EST et S.A.R.L CLEAN GRAND EST PRO ont la qualité de co-employeurs de Madame [Y] [S],
– condamné solidairement Maître [U], ès qualités de liquidateur de la société S.A.R.L CLEAN GRAND EST, et la S.A.R.L CLEAN GRAND EST PRO à payer à Madame [Y] [S] les sommes suivantes :
– 354,00 euros au titre du rappel de prime annuelle,
– 34,50 euros au titre des congés payés afférents,
– 1 200,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– déclaré l’association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA de [Localité 5] tenue à garantie pour ces sommes dans les termes des articles L.3253-8 et suivants du code du travail, en l’absence de fonds disponibles,
– débouté la société S.A.R.L CLEAN GRAND EST PRO de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– laissé les dépens à la charge des sociétés S.A.R.L CLEAN GRAND EST et la S.A.R.L CLEAN GRAND EST PRO,
– dit le jugement opposable l’association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA de [Localité 5],
– d’infirmer le jugement pour surplus,
*
Statuant à nouveau :
– de condamner solidairement Maitre [U] en qualité de liquidateur judiciaire de la société S.A.R.L CLEAN GRAND EST et la société S.A.R.L CLEAN GRAND EST PRO à verser à Madame [Y] [S] les sommes suivantes :
– 8 586,96 euros à titre d’heures supplémentaires outre 858,69 euros de congés payés y afférents,
– 10 108,56 euros à titre d’indemnités forfaitaires pour travail dissimulé,
– 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité de résultat,
– 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la portabilité de la prévoyance,
*
Y ajoutant :
– de condamner solidairement Maitre [U] en qualité de liquidateur judiciaire de la société S.A.R.L CLEAN GRAND EST et la société S.A.R.L CLEAN GRAND EST PRO à verser à Madame [Y] [S] la somme de 1 500,00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur de Cour,
– de condamner solidairement Maitre [U] en qualité de liquidateur judiciaire de la société S.A.R.L CLEAN GRAND EST et la société S.A.R.L CLEAN GRAND EST PRO aux entiers dépens,
– de dire l’arrêt opposable à l’association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA de [Localité 5].
L’association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA de [Localité 5] demande :
– d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
– condamné solidairement Maître [U], ès qualités de liquidateur de la société S.A.R.L CLEAN GRAND EST, et la S.A.R.L CLEAN GRAND EST PRO à payer à Madame [Y] [S] les sommes suivantes :
– 3 920,20 euros à titre d’heures supplémentaires,
– 392,02 euros de congés payés y afférents,
– 354,00 euros au titre du rappel de prime annuelle,
– 34,50 euros au titre des congés payés afférents,
– 1 200,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– fixé la créance de 5 900,72 euros au passif de la société S.A.R.L CLEAN GRAND EST,
– déclaré l’association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA de [Localité 5] tenue à garantie pour ces sommes dans les termes des articles L.3253-8 et suivants du code du travail, en l’absence de fonds disponibles,
– dit le jugement opposable l’association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA de [Localité 5],
*
Statuant à nouveau :
** A titre principal :
– de débouter Madame [Y] [S] de ses demandes,
– de dire, en cas de reconnaissance de situation de co-emploi, que l’association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA de [Localité 5] est hors de cause
** A titre subsidiaire :
– de donner acte à l’association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA de [Localité 5] des limites légales et jurisprudentielles de sa garantie,
*
En tout état de cause :
– de mettre à la charge de tout autre que l’association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA de [Localité 5] les dépens.
SUR CE, LA COUR
Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières conclusions de la société S.A.R.L CLEAN GRAND EST PRO déposées sur le RPVA le 19 septembre 2022, de Madame [Y] [S] déposées sur le RPVA le 18 octobre 2022 et de l’association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA de [Localité 5] déposées sur le RPVA le 15 juin 2022.
Sur le coemploi :
Madame [Y] [S] indique qu’elle a été embauchée concomitamment par les sociétés CLEAN GRAND EST et CLEAN GRAND EST PRO à temps partiel ; qu’une seule personne gérait ces sociétés et que ce gérant unique lui confiait des taches à effectuer indistinctement pour les deux entreprises ; qu’elle travaillait pour celle-ci selon un seul planning et avec des moyens matériels identiques, notamment le même véhicule professionnel ; qu’elle a signé le même jour avec ces deux sociétés une rupture conventionnelle, rédigée dans les mêmes termes.
Madame [Y] [S] indique également que CLEAN GRAND EST et CLEAN GRAND EST PRO sont deux SARL unipersonnelles, avec le même gérant, le même siège social, la même activité de nettoyage, les mêmes matériels et les mêmes salariés.
Elle fait valoir que dans ces conditions, il lui était impossible de différencier ses temps de travail pour l’une ou l’autre société ; qu’il y a une confusion entre les deux sociétés qui doivent en conséquence être considérées comme co-employeurs.
La société CLEAN GRAND EST PRO fait valoir qu’il n’y a pas de situation de confusion d’intérêts, d’activités et de direction avec la société CLEAN GRAND EST ; que les deux entreprises n’appliquent pas la même convention collective ; que Madame [Y] [S] recevait deux bulletins de paie séparés ; que CLEAN GRAND EST effectue des prestations de nettoyage pour des particuliers et CLEAN GRAND EST PRO pour des entreprises ; que dans le premier cas le matériel de nettoyage était fourni par le client et dans le second par la société elle-même ; que si CLEAN GRAND EST a fait l’objet d’une liquidation judiciaire tel n’est pas le cas pour CLEAN GRAND EST PRO ; que dès lors il ne peut être considéré qu’il existe une confusion d’intérêt, en particulier en matière capitalistique.
L’ASSOCIATION CGEA – AGS DE [Localité 5] s’en remet à la sagesse de la cour.
Motivation :
Madame [Y] [S] était liée aux société CLEAN GRAND EST et CLEAN GRAND EST PRO par deux contrats de travail à durée indéterminée distincts (pièces n° 1 de l’intimée).
Ces deux sociétés étaient enregistrées sous deux numéros SIREN distincts et avaient deux activités distinctes, l’une de service de nettoyage pour des particuliers et l’autre de service de nettoyage industriel (pièces n° 16 à 19 de l’intimée).
Il résulte également des attestations POLE EMPLOI produites par Madame [Y] [S] que les numéros SIRET, URSAFF et que les codes APE de ces deux sociétés étaient différents et que Madame [Y] [S] dépendait de deux caisses de retraite complémentaire distinctes (pièces n° 10 et 11 de l’intimée).
Il n’est pas contesté que les deux sociétés étaient constituées chacune sous forme de SARL unipersonnelles.
Il ne résulte pas des pièces produites par Madame [Y] [S] que ces deux sociétés appartenaient à un même groupe et que, dans ce cadre, l’une fût subordonnée à l’autre, ou que la société CLEAN GRAND EST fût fictive et qu’en réalité elle ne constituait qu’une seule entité avec la société CLEAN GRAND EST PRO.
Les circonstances que ces sociétés avaient un gérant commun et partageaient les mêmes locaux et le même numéro de téléphone sont insuffisantes pour démontrer qu’elles constituaient en réalité un employeur unique.
Madame [Y] [S] ne produit par ailleurs aucune pièce et notamment pas de plannings, démontrant qu’elle était indifféremment employée par l’une ou l’autre de ces sociétés pour accomplir les mêmes tâches et qu’il n’existait en réalité qu’un lien de subordination unique.
En conséquence, si Madame [Y] [S] a été effectivement employée par les deux sociétés, cette situation ne caractérise pas une situation de coemploi au sens de la jurisprudence prétorienne de la Cour de cassation.
Le jugement du conseil de prud’hommes sera infirmé sur ce point.
Sur la demande de paiement d’heures supplémentaires :
Madame [Y] [S] produit une feuille manuscrite sur laquelle elle mentionne les éléments suivants relatifs à son temps de travail : « 8 heures à 18 heures du lundi au vendredi = 50 heures par semaine » ; « 34 semaines de travail d’avril à 13 décembre 2017 » ; « + été 4 heures ». Y figurent divers calculs aboutissant à un chiffre de 8586,96 euros (pièce n° 14).
Madame [Y] [S] produit également des attestations relatives à son temps de travail (pièces n° 22 à 25)
L’appelante fait valoir que Madame [Y] [S] n’étaye pas sa demande.
L’ASSOCIATION CGEA – AGS DE [Localité 5] fait également valoir que Madame [Y] [S] n’étaye pas sa demande.
Motivation :
Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
La cour constate que Madame [Y] [S] ne produit aucun élément relatif aux heures de travail accomplies dans chacune des deux sociétés CLEAN GRAND EST PRO et CLEAN GRAND EST, mais fait seulement référence à un temps de travail global dans ces deux sociétés.
Compte-tenu de l’absence de coemploi, il n’est pas possible, au vu des éléments produits par l’intimée, de faire le départ entre les heures de travail supplémentaires non rémunérées qu’elle dit avoir accomplies, d’une part pour le compte de la société CLEAN GRAND EST PRO et d’autre part pour le compte de la société CLEAN GRAND EST.
En conséquence, Madame [Y] [S] sera déboutée de ses demandes de rappels de salaire à l’encontre de l’appelante, le jugement du conseil de prud’hommes étant infirmé sur ce point.
Sur la demande d’indemnisation pour travail dissimulé :
Madame [Y] [S] fait valoir que les sociétés CLEAN GRAND EST PRO et CLEAN GRAND EST ont dissimulé les heures supplémentaires qu’elle a dû effectuer pour leur compte.
L’appelante et l’ASSOCIATION CGEA – AGS DE [Localité 5] font valoir que Madame [Y] [S] n’apporte pas la preuve qu’elle aurait dissimulé une partie des heures de travail de cette dernière.
Motivation :
L’article L. 8221-5, 2°, du code du travail dispose notamment qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli.
En l’espèce, il n’est pas démontré que la société CLEAN GRAND EST PRO a intentionnellement dissimulé des heures de travail accomplies pour son compte par Madame [Y] [S].
Sur la demande de dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité de résultat de l’employeur :
Madame [Y] [S] fait valoir qu’elle n’a pas bénéficié de la visite médicale obligatoire préalablement à son embauche par la société CLEAN GRAND EST PRO.
L’appelante et l’ASSOCIATION CGEA – AGS DE [Localité 5] s’opposent à cette demande.
Motivation :
S’il n’est pas établi que Madame [Y] [S] aurait bénéficié de la visite médicale d’embauche prévue à l’article R. 4624-10 du code du travail dans sa rédaction applicable, celle-ci ne justifie ni même n’allègue aucun préjudice résultant de la méconnaissance par son employeur de son obligation à ce titre. Sa demande indemnitaire présentée de ce chef sera donc rejetée.
Le jugement du conseil de prud’hommes sera confirmé sur ce point.
Sur la demande de rappel de prime annuelle :
Madame [Y] [S] fait valoir qu’en application de la convention collective de la propreté, les salariés ayant jusqu’à 20 ans d’expérience professionnelle, bénéficient d’une prime annuelle.
Elle réclame en conséquence la somme de 354 euros, outre 34,50 euros au titre des congés payés afférents, sur la base de 151,67 heures de travail par mois.
La société CLEAN GRAND EST PRO reconnaît devoir un rappel de prime mais fait valoir que Madame [Y] [S] n’a travaillé pour elle que 86,67 heures par mois.
Elle fait également valoir que Madame [Y] [S] a quitté l’entreprise en février 2018 et que pour cette cette année-ci, la convention collective prévoit qu’en cas de départ en cours d’année, la prime est due prorata temporis.
La société considère donc devoir payer à Madame [Y] [S] les sommes de 67,47 euros brut pour 2016, 67,47 euros brut pour 2017 et 11,16 euros brut pour 2018.
L’ASSOCIATION CGEA – AGS DE [Localité 5] fait valoir qu’elle ne saurait être tenue à garantir une telle créance dans la mesure où elle ne concerne pas la société CLEAN GRAND EST.
Motivation :
Les sociétés CLEAN GRAND EST PRO et CLEAN GRAND EST n’étant pas coemployeurs de Madame [Y] [S], la demande de rappel de prime à l’égard de la société CLEAN GRAND EST PRO doit être calculée sur la base des heures mensuelles accomplies par la salariée pour cette dernière, soit 86,67 heures.
L’article 3 de l’accord du 3 mars 2015 relatif à la prime annuelle de la convention collective de la propreté prévoir que les salariés ayant une ancienneté de 1 à 20 ans ont droit au paiement d’une prime mensuelle équivalente à 11,50 % de la rémunération horaire.
L’article 6 de cet accord prévoit qu’en cas de départ en cours d’année, la prime est due pro rata temporis.
En conséquence, la société CLEAN GRAND EST PRO devra verser à madame [Y] [S] la somme de 141,10 euros, outre 14,60 euros au titre des congés payés y afférant.
Le jugement du conseil de prud’hommes sera infirmé sur ce point.
Sur la demande de dommages et intérêts pour absence de respect de la portabilité de la prévoyance après la sortie de l’entreprise :
Madame [Y] [S] fait valoir que les sociétés CLEAN GRAND EST et CLEAN GRAND EST PRO avaient résilié sa mutuelle à sa date de fin de contrat et qu’elle n’était plus couverte par la prévoyance de l’entreprise ni ses enfants.
Elle réclame à ce titre 1000 euros de dommages et intérêts.
L’appelante et l’ASSOCIATION CGEA – AGS DE [Localité 5] s’opposent à cette demande.
Motivation :
C’est par une exacte appréciation des faits et du droit que le conseil de prud’hommes, dont la cour adopte les motifs, a débouté Madame [Y] [S] de sa demande.
Le jugement du conseil de prud’hommes sera donc confirmé sur ce point.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et sur les dépens :
Les parties seront déboutées de leurs demandes respectives au titre des frais irrépétibles.
Madame [Y] [S] sera condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt réputé contradictoire par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
CONFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Nancy du 13 septembre 2021, en ses dispositions soumises à la cour, en ce qu’il a débouté Madame [Y] [S] :
– de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect par la société CLEAN GRAND EST PRO de son obligation de sécurité,
– de sa demande de 1000 euros de dommages et intérêts pour non-respect par la société CLEAN GRAND EST PRO de la portabilité de la prévoyance,
– de sa demande d’indemnisation au titre du travail dissimulé,
INFIRME pour le surplus le jugement du conseil de prud’hommes de Nancy du 13 septembre 2021, en ses dispositions soumises à la cour ;
STATUANT A NOUVEAU
Dit que les sociétés CLEAN GRAND EST PRO et CLEAN GRAND EST ne sont pas coemployeurs de Madame [Y] [S],
Déboute Madame [Y] [S] de sa demande de paiement d’heures supplémentaires par la société CLEAN GRAND EST PRO,
Condamne la société CLEAN GRAND EST PRO à verser à madame [Y] [S] la somme de 141,10 euros, (cent quarante et un euros et dix centimes) outre 14,60 euros (quatorze euros et soixante centimes) au titre des congés payés y afférant, au titre de la prime annuelle,
Constate que l’association DELEGATION CGEA AGS DE [Localité 5] n’est pas tenue de garantir le paiement de cette somme,
Condamne Madame [Y] [S] aux dépens de première instance,
Y AJOUTANT
Déboute la société CLEAN GRAND EST PRO de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute Madame [Y] [S] de de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute l’ASSOCIATION CGEA – AGS DE [Localité 5] de de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Condamne Madame [Y] [S] aux dépens d’appel.
Ainsi prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Et signé par Monsieur Raphaël Weissmann, Président de Chambre et par Madame Laurène Rivory, Greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Minute en douze pages