Services à la personne : 10 mars 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/02492

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Services à la personne : 10 mars 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/02492

C3

N° RG 21/02492

N° Portalis DBVM-V-B7F-K45J

N° Minute :

Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL CENTAURE AVOCATS

CPAM DE HAUTE SAVOIE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE – PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU VENDREDI 10 MARS 2023

Appels d’une décision (N° RG 18/583)

rendue par le pôle social du tribunal judiciaire d’Annecy

en date du 06 mai 2021

suivant déclarations d’appel des 02 et 03 juin 2021

Ordonnance de jonction du 01 juillet 2021 avec le RG 21/02511

APPELANTS ET INTIMES :

[16], pris en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité

[Adresse 23]

[Adresse 1]

[Localité 7]

représenté par Me Muriel MIE de la SELARL CENTAURE AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES, substituée par Me Eléna ROUCHE, avocat au barreau de VERSAILLES

La SAS [15], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité

[Adresse 3]

[Localité 12]

représentée par Me Sylvie GALLAGE-ALWIS de la SELARLU SYLVIE GALLAGE, avocat au barreau de PARIS, substituée par Me Nikita YAHOUEDEOU, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

La CPAM de Haute-Savoie, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité

[Adresse 2]

[Localité 6]

comparante en la personne de M. [F] [A], régulièrement muni d’un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. Jean-Pierre DELAVENAY, président,

Mme Isabelle DEFARGE, conseillère,

M. Pascal VERGUCHT, conseiller,

Assistés lors des débats de Mme Kristina YANCHEVA, greffier,

DÉBATS :

A l’audience publique du 05 janvier 2023,

M. Jean-Pierre DELAVENAY chargé du rapport, Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller et M. Pascal VERGUCHT, Conseiller ont entendu les représentants des parties en leurs conclusions et plaidoiries,

Et l’affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l’arrêt a été rendu.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Le 2 mai 2016, M. [L] [C] qui a été employé par la société [15], anciennement [19] à l'[21] ([Localité 5]) entre le 16 août 1971 et le 25 mars 1994, date de fermeture de ce site, s’est vu diagnostiquer un épaississement de la plèvre viscérale en lien avec une exposition à l’amiante.

Cette pathologie a été prise en charge, au titre de la législation professionnelle, par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) de Haute-Savoie selon décision notifiée le 27 juillet 2016.

L’état de santé de l’assuré a été déclaré consolidé à la date du 2 mai 2016.

Un capital d’un montant de 1 952,33 euros a été attribué à M. [C] sur la base d’un taux d’incapacité permanente partielle de 5 %.

Dans les rapports caisse / employeur, un jugement rendu par le tribunal judiciaire d’Annecy (RG 16/1666) a jugé inopposable à la société [15] la décision de prise en charge de la maladie de M. [C] aux motifs qu’il n’avait jamais été son salarié et que la société [15] lors de sa reprise en 2006 de [19] n’avait pas repris le passif du site du [Localité 17].

Après avoir saisi le [16] (FIVA), M. [C] a accepté l’offre d’indemnisation suivante :

– Préjudice d’incapacité fonctionnelle :

Taux d’incapacité permanente de 8 % (barème FIVA), correspondant, après déduction de l’indemnisation versée par l’organisme social au titre de l’indemnisation de ce poste de préjudice (article 53 IV al 1 de la loi), à :

– un arriéré de 49,27 euros,

– une rente annuelle de 782 euros, servie à compter du 1er octobre 2016.

– Autres préjudices extra-patrimoniaux :

Souffrances morales : 10 400 euros ;

Souffrances physiques : 300 euros ;

Préjudice d’agrément : 1 300 euros ;

TOTAL 12 000 euros.

Le 9 juillet 2018, le FIVA, subrogé dans les droits de M. [C] en vertu de la loi du 23 décembre 2000, a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d’Annecy aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur à l’origine de sa pathologie.

Par jugement RG 18/00583 du 6 mai 2021, le pôle social du tribunal judiciaire d’Annecy dans une autre composition a :

– déclaré recevable l’action du FIVA,

– dit que la société [15], venant aux droits de la société [19], a commis une faute inexcusable au préjudice de M. [C],

– dit que la maladie professionnelle diagnostiquée chez M. [C] le 2 mai 2016 (tableau 30) est la conséquence de la faute inexcusable de la société [15] venant aux droits de la société [19], son ancien employeur,

– ordonné la majoration de l’indemnisation servie à M. [C],

– dit que la majoration de l’indemnisation servie à M. [C] suivra l’évolution éventuelle du taux d’incapacité permanent partielle reconnu à la victime,

– débouté le FIVA de sa demande tendant à voir condamner la CPAM de la Haute-Savoie à lui verser le montant de la majoration de l’indemnisation qui est directement versée par la caisse à l’assuré,

– débouté le FIVA de sa demande visant à dire qu’en cas de décès de la victime résultant des conséquences de sa maladie professionnelle due à l’amiante, le principe de la majoration de rente restera acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant,

– fixé l’indemnisation complémentaire de M. [C] comme suit :

– 300 euros au titre des souffrances physiques,

– 8 000 euros au titre des souffrances morales,

– rejeté la demande d’indemnisation au titre du préjudice d’agrément,

– condamné la CPAM de la Haute-Savoie à payer au FIVA la somme de 8 300 euros au titre des préjudices subis par M. [C],

– débouté la société [15] de sa demande visant à inscrire au compte spécial les dépenses afférentes à la majoration de rente,

– condamné la société [15] à payer au FIVA la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté la société [15] de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société [15] au paiement des dépens,

– ordonné l’exécution provisoire du jugement.

Le 2 juin 2021, le FIVA a interjeté appel limité de ce jugement notifié le 17 mai en ce qu’il l’a :

– débouté de sa demande tendant à voir condamner la CPAM de la Haute-Savoie à lui verser le montant de la majoration de l’indemnisation qui est directement versée par la caisse à l’assuré,

– débouté de sa demande visant à dire qu’en cas de décès de la victime résultant des conséquences de sa maladie professionnelle due à l’amiante, le principe de la majoration de rente restera acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant.

La société [15] a également interjeté appel de ce jugement le 3 juin 2021 et les deux appels ont été joints.

Les débats ont eu lieu à l’audience du 5 janvier 2023 et les parties avisées de la mise à disposition au greffe de la présente décision le 10 mars 2023.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Le [16] (FIVA) selon ses conclusions récapitulatives d’appel n° 3 notifiées par RPVA le 20 décembre 2022 reprises à l’audience demande à la cour de :

– infirmer le jugement, seulement en ce qu’il l’a :

– débouté de sa demande tendant à voir condamner la CPAM de la Haute-Savoie à lui verser le montant de la majoration de l’indemnisation qui est directement versée par la caisse à l’assuré,

– débouté de sa demande visant à dire qu’en cas de décès de la victime résultant des conséquences de sa maladie professionnelle due à l’amiante, le principe de la majoration de rente restera acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant.

Et, statuant à nouveau sur ces points,

– fixer à son maximum la majoration de l’indemnité en capital prévue à l’article L. 452-2 du code de la sécurité sociale, soit 1 952,33 euros,

– dire que la CPAM de Haute-Savoie devra verser cette majoration de capital au FIVA en sa qualité de créancier subrogé,

– dire qu’en cas de décès de la victime imputable à sa maladie professionnelle due à l’amiante, le principe de la majoration de rente restera acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant.

Y ajoutant,

– condamner la société [15] à lui payer une somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

– condamner la partie succombante aux dépens, en application des articles 695 et suivants du code de procédure civile.

Sur la demande de mise hors de cause de la société [15], il soutient que sa demande formée à l’encontre de celle-ci est recevable puisqu’elle se trouve aux droits et obligations de la société [19] ([21]) et qu’elle doit répondre de la faute inexcusable commise par cette dernière.

Il relève que la société [19] a changé de dénomination sociale pour devenir la société [15], les deux sociétés étant immatriculées au RCS sous le même numéro [N° SIREN/SIRET 4] et en déduit qu’il s’agit de la même personne morale.

S’agissant du jugement du 19 octobre 2020 dans le cadre du litige en inopposabilité relatif à la décision de prise en charge de la maladie, il relève que le tribunal judiciaire d’Annecy n’a pas repris, dans son dispositif, le fait que la société [15] ne serait pas l’employeur de M. [C].

Sur la faute inexcusable, il expose que les éléments produits démontrent d’une part que, M. [C] a effectué un travail quotidien de maintenance d’installations, qu’il était chargé de réparer et de protéger de la chaleur à l’aide de matériaux contenant de l’amiante et que, d’autre part, ce salarié n’a bénéficié d’aucune mesure de protection respiratoire particulière en dépit de l’exposition à l’inhalation de poussières d’amiante à laquelle la nature et les conditions d’exercice de ses fonctions l’ont exposé de manière certaine et habituelle.

Il considère qu’il appartenait à la société [15] d’établir qu’elle a respecté les dispositions du décret du 17 août 1977 quant à la prohibition de l’usage de l’amiante.

La SASU [15] immatriculée au RCS de [Localité 12] sous le n° [N° SIREN/SIRET 4] au terme de ses conclusions d’intimée n° 5 notifiées par RPVA le 22 décembre 2022 et reprises à l’audience demande à la cour de :

– infirmer le jugement du tribunal judiciaire d’Annecy du 6 mai 2021, sur les points soulevés dans la déclaration d’appel formée le 3 juin 2021,

Et, à titre principal,

– prononcer sa mise hors de cause, suivant autorité de la chose jugée du jugement définitif du tribunal judiciaire d’Annecy du 19 octobre 2020,

A titre subsidiaire,

– prononcer sa mise hors de cause comme n’ayant jamais été l’employeur de M. [C] et n’ayant pas hérité du passif attaché au contrat de travail de M. [C] ou au site du [Localité 17],

A titre plus subsidiaire,

– acter du fait que sa responsabilité ne peut être engagée pour la période de travail de M. [C] antérieure au décret du 17 août 1977,

– juger que le FIVA ne démontre pas la faute inexcusable de la société [19], quelle que soit la période de travail de M. [C],

– juger que le FIVA ne démontre pas de lien de causalité entre la faute inexcusable alléguée de cette société et la maladie de M. [C],

– débouter, en conséquence, le FIVA de toutes ses demandes à son encontre,

En tout état de cause,

– débouter la CPAM de tout recours récursoire qu’elle formerait à son encontre,

– statuer sur la demande qui a été omise dans le jugement rendu le 6 mai 2021 et par conséquent, compléter ce jugement en ajoutant à son dispositif qu’il :

– prend acte de la renonciation de la CPAM de ne pas engager d’action récursoire à son encontre,

– juger par conséquent que la CPAM de Haute-Savoie ne pourra engager son action récursoire à son encontre,

– ordonner la mention du jugement à intervenir sur la minute et sur les expéditions du jugement complété,

– rejeter toutes demandes du FIVA quant à l’évaluation des préjudices de M. [C],

– rejeter les demandes du FIVA quant à la majoration de la rente et inscrire les sommes au compte spécial,

– condamner le FIVA à lui verser une indemnité de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société [15] soutient que les demandes du FIVA formulées à son encontre sont irrecevables pour défaut d’intérêt à agir en ce que, n’étant pas l’employeur de M. [C], elle ne peut donc être débitrice d’une quelconque obligation de sécurité à l’égard de ce dernier.

Elle soutient ne jamais avoir été l’employeur de M. [C], ne pas avoir hérité du passif attaché à son contrat de travail, ni exploité le site du [Localité 17] qui a fermé 12 ans avant sa création ni repris le passif qui y est associé.

Elle ajoute que, par jugement devenu définitif du 19 octobre 2020 dans le cadre du litige en inopposabilité relatif à la décision de prise en charge de la maladie, le tribunal judiciaire d’Annecy a d’ailleurs retenu en ces termes qu’elle n’était pas l’employeur de M. [C] :

« Ainsi, dans la mesure où la société [15] n’a d’existence juridique que depuis 2006, M. [C] n’a jamais pu être salarié de celle-ci, et ce d’autant plus qu’il a été salarié jusqu’en 1994, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté par la défenderesse.

Il en résulte que la société [15] n’a jamais été l’employeur de M. [C] et donc que ce dernier, lors de l’exposition au risque considéré sur le site de [Localité 17], n’est jamais intervenu au profit de la société [15] ».

Elle fait valoir que l’obligation attachée à la maladie développée par M. [C] est liée à son contrat de travail qui appartient au passif de [19], tel que conservé par le groupe [8].

La caisse primaire d’assurance maladie de Haute Savoie, comparante, n’a pas formulé de demandes et s’en est rapportée à justice

Pour le surplus de l’exposé des moyens des parties au soutien de leurs prétentions il est renvoyé à leurs conclusions visées ci-dessus par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

– 1. Sur l’autorité de chose jugée du jugement RG 16/1666 du 19 octobre 2020 du tribunal judiciaire d’Annecy.

Selon l’article 480 du code de procédure civile : ‘Le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l’autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu’il tranche.

Le principal s’entend de l’objet du litige tel qu’il est déterminé par l’article 4″.

L’autorité de la chose jugée ne s’attache donc qu’à ce qui fait l’objet du jugement et a été tranché au dispositif.

Les motifs au soutien nécessaire du dispositif n’ont pas autorité de chose jugée mais permettent seulement d’éclairer la portée du dispositif d’une décision.

Par le jugement précité du 19 octobre 2020, le pôle social du tribunal judiciaire d’Annecy statuant sur le recours de la société [15] contre la décision de prise en charge de la caisse du 27 juillet 2016 de la maladie professionnelle de M. [C] a :

– déclaré recevable en la forme le recours exercé par la société [15] ;

– déclaré la décision de prise en charge de la maladie déclarée le 3 juin 2016 par M. [C] au titre de la législation professionnelle par la caisse primaire d’assurance maladie de Haute-Savoie inopposable à la société [15] ;

– rejeté la demande de la société [15] tendant à dire et juger que si la faute inexcusable de la société [15] était reconnue, la caisse primaire d’assurance maladie de Haute Savoie ne pourrait exercer aucune action récursoire à son encontre (ndr : faute d’intérêt né et actuel à agir).

D’autre part l’article 1355 du code civil dans sa rédaction postérieure au 1er octobre 2016 dispose que :

‘L’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité’.

Enfin selon l’article 53-VI de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, le Fonds d’Indemnisation des Victimes de l’Amiante est subrogé, à due concurrence des sommes versées, dans les droits que possède le demandeur contre la personne responsable du dommage ainsi que contre les personnes ou organismes tenus à un titre quelconque d’en assurer la réparation totale ou partielle dans la limite du montant des prestations à la charge des dites personnes.

Il intervient devant les juridictions civiles, y compris celles du contentieux de la sécurité sociale, notamment dans les actions en faute inexcusable, et devant les juridictions de jugement en matière répressive, même pour la première fois en cause d’appel, en cas de constitution de partie civile du demandeur contre le ou les responsables des préjudices ; il intervient à titre principal et peut user de toutes les voies de recours ouvertes par la loi.

C’est dans ce cadre qu’après avoir fait une offre d’indemnisation acceptée par M. [C], le FIVA subrogé dans ses droits a saisi le 9 juillet 2018 la juridiction du contentieux de la sécurité sociale en reconnaissance de la faute inexcusable de la société [15], procédure ayant abouti au jugement querellé du 6 mai 2021 ayant reconnu cette faute inexcusable de la société [15], en tant qu’employeur de M. [C], à l’origine de la pathologie épaississement de la plèvre diagnostiquée en 2016.

Le jugement déféré du 6 mai 2021 s’inscrit donc dans les relations entre le FIVA subrogé dans les droits du salarié victime et son employeur, en présence de la caisse à qui ce jugement doit seulement être déclaré commun et opposable, puisque devant faire l’avance des indemnités accordées au salarié selon le dernier alinéa de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale : ‘La réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l’employeur’.

Dès lors, le jugement intervenu le 19 octobre 2020 en ce qu’il a déclaré la reconnaissance de maladie professionnelle par la caisse primaire d’assurance maladie inopposable à la société [15], n’a autorité de chose jugée qu’entre les parties à cette instance, soit d’une part la caisse primaire d’assurance maladie de Haute Savoie, en qualité de défenderesse à la procédure en inopposabilité de la reconnaissance de maladie professionnelle et, d’autre part, la société [15], mais absolument pas le FIVA subrogé dans les droits de M. [C] qui n’étaient, l’un comme l’autre, pas partie à cette instance.

Quant au risque éventuel de contrariété de motifs et d’incohérence des décisions de justice, il ne peut être opposé à la présente cour qui n’a été saisie que de l’appel d’un seul de ces jugements.

– 2. Sur la mise hors de cause de la SASU [15] immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Chambéry sous le n° 642 005 177.

La Société [15] explique que l’usine où travaillait M. [C] a été rachetée en 1967 par la société [20] qui a fusionné en 1971 avec la société [21] (ndr : PUK : [20]), devenue [19] en 1976 (ndr : PEM) et qui a fermé en 1994.

En 2004 les sociétés [21] et [19] ont été acquises par le groupe [8] qui a revendu en 2005 [19] au groupe [14], lequel a créé [15] l’année suivante en 2006.

La société [15] a versé aux débats l’annexe au contrat de cession [21] / [14] relatif aux sites cédés à [14] et l’annexe portant liste des contrats de travail en cours et cédés sur lesquelles l’usine du [Localité 17] et le contrat de travail de M. [C] ne figurent pas, et pour cause, puisque son contrat de travail s’est achevé en 1994, en même temps que la fermeture de cette usine.

Pour autant la cour relève que la société [15] n’a pas produit le contrat de cession lui même qui seul aurait permis de déterminer la qualification juridique exacte de l’opération, les droits et obligations du vendeur et de l’acquéreur en découlant par conséquence, les éventuelles garanties d’actif et de passif et recours éventuels entre cédant et cessionnaire, échappant au demeurant à la compétence de la juridiction du contentieux de la sécurité sociale.

Les dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail relatives à la cession des contrats de travail en cours lors d’une modification de la situation juridique de l’employeur n’ont donc pas vocation à s’appliquer à une opération intervenue plus de dix années après le terme de ce contrat de travail, ayant pris fin en 1994.

En tout état de cause, sont en revanche applicables les dispositions de droit commun du droit civil et commercial que la société [15] demande d’appliquer (cf ses conclusions page 14) quant à l’unicité de la personnalité morale d’une société.

Article 1842 du code civil :

‘Les sociétés autres que les sociétés en participation visées au chapitre III jouissent de la personnalité morale à compter de leur immatriculation’.

Article 1844-3 du code civil :

‘La transformation régulière d’une société en une société d’une autre forme n’entraîne pas la création d’une personnalité morale nouvelle. Il en est de même de la prorogation ou de toute autre modification statutaire’.

Article 1844-4 du code civil :

‘Une société, même en liquidation, peut être absorbée par une autre société ou participer à la constitution d’une société nouvelle, par voie de fusion.

Elle peut aussi transmettre son patrimoine par voie de scission à des sociétés existantes ou à des sociétés nouvelles’.

Article 1844-7 du code civil :

‘La société prend fin :

1° par l’expiration du temps pour lequel elle a été constituée, sauf prorogation effectuée conformément à l’article 1844-6 ;

2° par la réalisation ou l’extinction de son objet ;

3° par l’annulation du contrat de société ;

4° par la dissolution anticipée décidée par les associés ;

5° par la dissolution anticipée prononcée par le tribunal à la demande d’un associé pour justes motifs, notamment en cas d’inexécution de ses obligations par un associé, ou de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société ;

6° par la dissolution anticipée prononcée par le tribunal dans le cas prévu à l’article 1844-5 ;

7° par l’effet d’un jugement ordonnant la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif ;

8° pour toute autre cause prévue par les statuts’.

Article R. 123-220 du code de commerce :

‘L’Institut national de la statistique et des études économiques est chargé de tenir un répertoire national incluant, lorsqu’ils relèvent du [22] national des entreprises, ou qu’ils emploient du personnel salarié, sont soumis aux obligations fiscales des entreprises ou sollicitent des transferts financiers publics :

1° Les personnes physiques exerçant de manière indépendante une profession non salariée ou une activité accessoire dont les revenus sont soumis à l’imposition au titre des bénéfices industriels et commerciaux, ou aux bénéfices non commerciaux, ou à la taxe sur la valeur ajoutée ;

2° Les particuliers employeurs, à l’exception de ceux dont le salarié exerce :

a) Les activités de services à la personne définies à l’article L. 7231-1 du code du travail ;

b) Les activités d’accueil des enfants selon les modalités prévues à l’article L. 421-1 du code de l’action sociale et des familles ;

c) Les activités d’accueil de majeurs réalisées selon les modalités prévues à l’article L. 442-1 du code de l’action sociale et des familles ;

d) Les activités d’employé de maison dans les conditions mentionnées au 3° de l’article L. 722-20 du code rural et de la pêche maritime ;

e) Les activités artistiques mentionnées à l’article L. 7121-2 du code du travail ;

3° Les loueurs en meublé non professionnels ;

4° Les personnes morales de droit public ou de droit privé ;

5° Les institutions et services de l’Etat et des collectivités territoriales ;

5° bis Les assujettis uniques en matière de taxe sur la valeur ajoutée mentionnés à l’article 256 C du code général des impôts ;

6° Les sociétés de fait, sociétés en participation et autres groupements de droit privé non dotés de la personnalité morale ;

7° Les établissements de toutes les entités ci-dessus énumérées ;

Les personnes morales en formation sont inscrites au répertoire national mentionné au premier alinéa ;

Un arrêté du ministre chargé de l’économie précise les modalités d’inscription au répertoire et d’attribution d’un numéro unique d’identification, la durée de conservation des données collectées, ainsi que les conditions d’information des personnes concernées et celles de l’exercice de leurs droits relatifs à l’accès, à la rectification, à la limitation et à la portabilité de leurs données’.

Article R. 123-31 du code de commerce :

‘L’immatriculation au registre du commerce et des sociétés a un caractère personnel. Nul ne peut être immatriculé plusieurs fois à un même registre’.

Article R. 123-228 du code de commerce :

‘Sauf en application des deux premiers alinéas de l’article L. 613-4 du code de la sécurité sociale, l’indication de la cessation des entreprises, personnes physiques ou morales, soumises à l’immatriculation au Registre national des entreprises, ne peut intervenir que lorsque la radiation de ce registre a été faite’.

À ce titre, le FIVA a versé aux débats copie du certificat de travail du 21 mars 1994 établi par la société [19] ([21], attestant que M. [L] [C] avait été employé en qualité de chef de four de production du 16 août 1971 au 25 mars 1994.

Si le numéro d’inscription au registre du commerce et des sociétés n’est pas visible au bas de cette copie, il figure sur un autre certificat de travail analogue concernant M. [G] [U] ayant travaillé dans la même usine de 1975 à 1994, établi le 16 mars 1994 par le même chef des services administratifs et financiers de [19] ([Localité 18]) et qui porte la mention d’identification suivante : [19] – Société Anonyme – RCS Nanterre B [N° SIREN/SIRET 4].

La SASU [15] immatriculée au registre du commerce et des sociétés sous le même numéro 642 005 177 est donc, quelle que soit sa dénomination actuelle, la continuation de la personnalité morale de l’employeur de M. [C] et en supporte les obligations afférentes, sauf à en rapporter la preuve contraire, ce qu’elle n’a pas fait.

Il n’a en effet pas été démontré que la personnalité morale de l’employeur de M. [C] aurait subsisté sous une autre forme pour répondre des obligations nées de l’exécution de son contrat de travail.

La demande de mise hors de cause de la Société [15] ne peut donc être accueillie.

– 3. Sur la faute inexcusable.

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l’entreprise, et le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable, au sens de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

3-1. La dangerosité de l’amiante est connue depuis le début du XXème siècle comme source de diverses pathologies multiformes pouvant se révéler des années après la cessation de l’exposition au risque.

En 1906 le professeur [V] a publié un rapport au bulletin de l’inspection du travail suite au décès de trente ouvrières qui travaillaient dans une filature d’amiante.

Le professeur [Z] a fait paraître une étude dans la revue la médecine du travail en 1930 sur l’amiante et l’asbestose.

Ainsi la fibrose pulmonaire liée à l’amiante a été introduite au tableau 30 des maladies professionnelles par l’ordonnance 45-1724 du 2 août 1945 et l’asbestose par le décret n° 50-1082 du 31 août 1950, avec un délai de prise en charge déjà particulièrement long (5 ans) qui a été augmenté au fil des actualisations des tableaux 30 (dix ans pour l’asbestose à compter de 1980 et désormais 35 à 40 ans selon les pathologies).

Le décret 55-1212 du 13 septembre 1955 a inscrit l’inhalation des poussières d’amiante dans la liste indicative des activités exposant au risque du tableau 30 des maladies professionnelles.

L’INRS a publié depuis 1967 des notes mettant en garde sur les risques professionnels liés à l’amiante source de diverses pathologies et les mesures de prévention à adopter.

D’autres études des professeurs [S] (1954), [J] (1956), [XX] (1960) et [M] (1965) ont porté sur le caractère cancérogène de l’amiante et ont été publiées dans des revues professionnelles, tandis qu’une réunion d’expert sur l’amiante et ses risques pour la santé des travailleurs s’est tenue en 1973 sous l’égide du bureau international du travail.

À compter du décret n° 77-949 du 17/08/1977, les établissements où le personnel est exposé à l’inhalation de poussières d’amiante, notamment par tous produits ou objets susceptibles d’être à l’origine d’émission de fibres d’amiante, devaient procéder mensuellement à une mesure de l’atmosphère des lieux de travail par un organisme spécial agréé.

Les lésions pleurales bénignes ont été introduites au tableau 30 par le décret n° 85-630 du 19 juin 1985.

Considérant son importance, sa taille et la nature de son activité et procédés utilisés (aciéries), la SASU [15] venant aux droits de [19] ne pouvait l’ignorer et ne peut soutenir que sa connaissance du risque de maladies professionnelles liées à l’amiante n’aurait débuté qu’à compter du décret du 24 décembre 1996 ayant interdit l’utilisation de l’amiante à compter du 1er janvier 1997 ou ne pouvait même pas exister avant le décret précité du 17 août 1977, ayant imposé des mesures d’empoussièrement de l’air ambiant des lieux de travail.

3-2. Sur l’exposition aux poussières d’amiante, M. [C] a travaillé durant plus de 22 années comme chef de four de production.

Quand bien même l'[21] ne figure pas sur la liste des établissements ouvrant droit à l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (ACAATA), l’exposition aux poussières d’amiante de M. [C] est attestée entre 1972 et 1993 en tant qu’agent de fabrication, chef de four et agent de maintenance, par le docteur [H] [O], médecin du travail de l’entreprise de 1975 à 2007 (pièce FIVA n° 9) certifiant que :

*’M. [C] [L] (..) a été régulièrement exposé aux poussières d’amiante dans son exercice professionnel et relève du suivi post professionnel ainsi que de la cessation anticipée d’activité visés par les textes en vigueur’.

Ce même médecin a délivré une attestation d’exposition aux poussières d’amiante dans des termes similaires à au moins quinze autres salariés de la même usine du [Localité 17], ce qui confirme la généralité de l’exposition aux poussières d’amiante, quel que soit le poste de travail occupé (cf pièce FIVA n° 17).

Cette exposition est aussi en tant que de besoin confirmée par les attestations de divers collègues de travail de M. [C] reproduites ci-dessous :

– M. [X] [D] : ‘Employé à [19] [21] [Localité 5] groupe [21] de 1963 à 1994, date de fermeture de cette dernière. Comme agent d’entretien : l’amiante fut massivement utilisée dans cette usine en électrométallurgie de ferralliage pour la protection et isolation des manches des filtres, des gaines, des manchettes, des joints, bleus de travail ignifugés. Tous ces éléments précités contenaient de l’amiante.

Je confirme que M. [L] [C], collègue de travail, occupait les fonctions de chef de four de production, était exposé de manière certaine à l’inhalation de poussières et des fibres d’amiante sans protection dans l’exercice de ses fonctions.

M. [C] [L] atteint par la maladie de l’amiante pour des plaques pleurales est vraiment affecté par cette constatation médicale. En effet depuis la connaissance de cette affection, il subit un préjudice moral important. Il ne participe plus aux activités ni aux sorties qu’on lui propose’.

– M. [G] [U] : ‘Je connais M. [L] [C] depuis 1975 date de mon entrée à l'[24]. M. [C] était agent de maîtrise au four 5. Son travail l’a amené à être en contact permanent avec le bruit, la chaleur et les poussières nocives dégagées lors du coulage du four et le brassage des poches.

Je confirme également l’existence de bavettes en amiante destinées à la protection de certains mécanismes auxquels M. [C] était en contact quotidiennement dans le cadre de son travail’.

– M. [Y] [W] : ‘Ayant été au service entretien et forgeron à l’usine [21] pendant 25 ans, j’ai toujours été en contact avec l’amiante lors des dépannages des électrodes, des arrivées d’eau dans les 3 fours tout calorifugés à l’amiante qui brûlait au contact de la chaleur et des flammes. Les manches de dépoussiérage étaient aussi en amiante. Le travail était effectué sans aucune protection pour aucun des ouvriers de l’entreprise’.

– M. [I] [E] : ‘Les établissements [21] [21] étaient une entreprise équipée de four électrique afin de produire des ferro-alliages pour l’industrie sidérurgique (40 000 volts et température 2200 degrés). L’ensemble des systèmes de refroidissement et d’isolation était protégé par de l’amiante en plaque ou en bande.

Mon travail d’agent d’entretien et de maintenance m’a exposé journellement au contact de l’amiante. Nos tenues ignifugées (EPI) étaient constituées avec un pourcentage d’amiante.

Notre association [11] dénombre plusieurs décès et de nombreuses personnes contaminées par l’amiante’.

– M. [N] [B] : ‘J’atteste avoir travaillé à [21] usine du [Localité 17] 1957 à 1994 et usine de [Localité 10] 1994 à 2000.

J’étais en fabrication au four qui contenait des électrodes qui contenaient de l’amiante, les plaques de contact et résistances entourées d’amiante, nous descendions dans la voûte des fours pour allonger les électrodes deux fois dans la porte, nous avions beaucoup de bavettes de protection en amiante autour du four, nous avions des bleus de travail ignifugés qui contenaient de l’amiante ainsi que des tabliers de protection qui contenaient de l’amiante, l’air était complètement vicié par les poussières lourdes avec des particules d’amiante nous n’avions aucune protection’.

– M. [T] [K] : ‘Embauché en 1958 et licencié en 1994 pour fermeture pendant toutes ces années j’ai travaillé à la fabrication comme polyvalent principalement au four 4 – four 5 four 8, chaque hiver à l’arrêt des fours pour remise en état nous étions mes camarades et moi sous les ordres du personnel de l’entretien pour démonter et remonter les gaines qui alimentent le refroidissement des électrodes nous devions même refaire l’isolation de ces gaines si celle-ci était défectueuses. Cette isolation n’était autre que des bandes d’amiante que nous enroulions autour des gaines. Un autre secteur où nous étions en contact avec de l’amiante à la fabrication du molybdène lorsqu’en fin d’équipe nous devions nettoyer la cheminée et les filtres, la trappe de la cheminée était isolée par de l’amiante et les filtres que nous devions secouer pour faire tomber la poussière étaient en amiante, bien d’autres secteurs dans l’usine nous étions en continu avec de l’amiante mais pendant toutes ces années on ignorait le danger qu’elle avait sur nous’.

– M. [R] [P], ex secrétaire du [13] : ‘Atteste que nous portions des bleus de travail ignifugés, que l’alimentation du refroidissement des électrodes du four était gainée de bandelettes d’amiante, que l’étanchéité du four pilote de réduction du molybdène se faisait avec des joints en amiante, que dans certaines fabrications le transfert du produit d’une installation à une autre se faisait par l’intermédiaire de manchettes en amiante, que dans tous les locaux et ateliers la protection envers la chaleur se faisait à l’aide de produits amiantés. Les ateliers de fabrication étaient ouverts à tous vents, poussières et particules se répandaient dans l’ensemble de l’usine et au-delà’.

Ces attestations sont précises, circonstanciés et concordantes et ne sont pas établies toutes sur le même modèle comme soutenu.

Quand bien-même elles le seraient, il n’est pas surprenant qu’émanant de salariés ayant partagé une même communauté de travail pendant des années, elles présentent des similitudes.

Enfin le fait que ces salariés se soient constitués en association de victimes de l’amiante (Comité [9]) et ayant pu pour leur compte solliciter la prise en charge de leurs pathologies ne suffit pas à en mettre en doute la véracité.

La condition du tableau 30 relative à la liste indicative des principaux travaux susceptibles de provoquer la maladie soit ceux exposant à l’inhalation de poussières d’amiante à l’occasion de la conduite de four ou le port habituel de vêtements contenant de l’amiante est donc établie.

3-3. Enfin quant aux mesures prises pour préserver les salariés qu’il s’agisse de protections individuelles ou collectives, de mesures d’empoussièrement des ateliers, la Société [15] du fait de l’absence de toute pièce versée aux débats à ce propos n’en a justifié d’aucune.

La faute inexcusable de la Société [15] venant aux droits de l’employeur de M. [C] sera donc retenue.

La désignation de la maladie relevant du tableau 30 B déclarée par M. [C] soit un épaississement de la plèvre viscérale n’est pas contestée par la Société [15], de même que le respect du délai de prise en charge de 35 ans ou de la durée d’exposition de 5 ans prévus au tableau.

L’article L. 461-1 du code de la Sécurité sociale dispose que :

‘Est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d’exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu’elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d’origine professionnelle lorsqu’il est établi qu’elle est directement causée par le travail habituel de la victime.

Peut être également reconnue d’origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu’il est établi qu’elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu’elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d’un taux évalué dans les conditions mentionnées à l’article L434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé.

Dans les cas mentionnés aux deux alinéas précédents, la caisse primaire reconnaît l’origine professionnelle de la maladie après avis motivé d’un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles’.

La réunion des conditions du tableau 30 B des maladies professionnelles dispense donc le FIVA de devoir rapporter la preuve de l’existence d’un lien de causalité entre cette faute et la pathologie développée par M. [C], contrairement à ce qui est soutenu par la Société [15] sollicitant la désignation préalable d’un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles qui n’a lieu d’être que pour les cas prévus aux 2ème et 3ème alinéas de l’article L. 461-1 précité, non ceux relevant de la présomption d’imputabilité édictée par le 1er alinéa.

– 4. Sur la demande de rectification pour omission de statuer du jugement déféré RG 18/00583 du 6 mai 2021 du tribunal judiciaire d’Annecy.

La société [15] a présenté au tribunal judiciaire d’Annecy le 24 juin 2021 une requête en omission de statuer qui a été transmise à la présente cour du fait de l’appel du jugement.

Elle demande ainsi à la cour de :

– statuer sur la demande qui a été omise dans le jugement rendu le 6 mai 2021 et par conséquent, compléter ce jugement en ajoutant à son dispositif qu’il :

– prend acte de la renonciation de la CPAM de ne pas engager d’action récursoire à son encontre,

– juger par conséquent que la CPAM de Haute-Savoie ne pourra engager son action récursoire à son encontre,

– ordonner la mention du jugement à intervenir sur la minute et sur les expéditions du jugement complété,

L’article 463 du code de procédure civile dispose que la juridiction qui a omis de statuer sur un chef de demande peut également compléter son jugement sans porter atteinte à la chose jugée quant aux autres chefs, sauf à rétablir, s’il y a lieu, le véritable exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.

En première instance, la caisse primaire d’assurance maladie de Haute Savoie n’avait pas pris de conclusions ; d’après la note d’audience du 4 mars 2021, ‘elle s’en est rapportée à justice et n’a pas demandé de condamnation au vu du jugement’ (ndr : RG 16/1666 du 19 octobre 2020).

Dans ses dernières conclusions déposées le 8 janvier 2021 et en l’absence de mention contraire consignée à la note d’audience du 4 mars 2021 à l’issue de laquelle l’affaire a été mise en délibéré, la société [15] avait demandé de : ‘Débouter la caisse primaire d’assurance maladie de son recours récursoire à l’encontre de [15]’.

Le tribunal n’était donc saisi d’aucune demande de la caisse primaire d’assurance maladie sur laquelle statuer par un débouté.

Par ailleurs les demandes tendant à voir ‘dire’, ‘constater’, ‘donner acte’ telles que formulées au dispositif des conclusions d’appel de la société [15] d’une part sont nouvelles et, d’autre part, ne constituent pas des prétentions claires et précises susceptibles d’entraîner des conséquences juridiques au sens de l’article 4 du code de procédure civile sur lesquelles il y aurait lieu de statuer.

Enfin, la cour ne peut statuer que sur un litige né et actuel et la SAS [15] est partant dépourvu d’intérêt à agir actuel pour faire juger que la caisse primaire d’assurance maladie de Haute Savoie ne pourra, à l’avenir, engager une action récursoire à son encontre, dont la cour n’est pas saisie.

Par conséquent, la société [15] sera déboutée de sa requête en omission de statuer affectant le jugement déféré.

– 5. Sur les autres demandes.

5-1. Selon l’article L. 452-2 du Code de la Sécurité sociale, la victime ou ses ayants droit reçoivent une majoration des indemnités qui leur sont dues en vertu du présent livre.

M. [C] compte-tenu de son taux d’incapacité permanente inférieur à 10 % a perçu une rente sous forme d’indemnité en capital de 1 952,33 euros.

Le FIVA subrogé dans ses droits selon quittance du 16 janvier 2017 et en application de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 a vocation à percevoir la majoration de cette rente.

Le jugement sera donc partiellement infirmé de ce chef.

5-2. Le FIVA demande également qu’en cas de décès de la victime résultant des conséquences de sa maladie professionnelle due à l’amiante, le principe de la majoration de rente reste acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant, demande dont il a été débouté par le jugement déféré.

L’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale prévoit que lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur ou de ceux qu’il s’est substitué dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants.

L’article L. 452-2 du même code précise ainsi que la victime ou ses ayants droit reçoivent une majoration des indemnités en capital ou en rente qui leur sont servies.

L’article L. 461-1 déclare, sous réserve des dispositions spécifiques du titre sixième, applicables aux maladies professionnelles les dispositions du livre IV du code de la sécurité sociale précitées.

Il s’en déduit donc que le principe de majoration de la rente consécutif à la reconnaissance de faute inexcusable à l’origine d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle reste acquis au conjoint survivant.

Le jugement en ce qu’il a débouté le FIVA de cette demande sera donc infirmé.

5-3. La Société [15] demande d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande visant à inscrire au compte spécial les demandes afférentes à la majoration de la rente.

L’article D. 242-6-5 du code de la sécurité sociale relatif à l’assiette, taux et calcul des cotisations dues par les entreprises prévoit que :

‘La valeur du risque mentionnée à l’article D. 242-6-4 pour le calcul du taux brut collectif comprend :

1° La totalité des prestations et indemnités, autres que les rentes, versées au cours de la période triennale de référence ; les indemnités en capital sont affectées d’un coefficient fixé par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale et du ministre chargé du budget ; sont exclues les indemnités en capital versées après révision ou rechute;

2° Les capitaux représentatifs des rentes notifiées au cours de la période triennale de référence aux victimes atteintes, à la date de consolidation initiale de leur état de santé, d’une incapacité permanente afférente à l’accident ou à la maladie concernés, à l’exception de l’incapacité permanente reconnue après révision ou rechute ;

3° Les capitaux correspondant aux accidents et maladies mortels dont le caractère professionnel a été reconnu au cours de la même période, que la victime ait ou non laissé des ayants droit.

Un arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale et du ministre chargé du budget fixe les bases d’évaluation forfaitaire des capitaux mentionnés aux 2° et 3°.

Les dépenses engagées par les caisses d’assurance maladie par suite de la prise en charge de maladies professionnelles constatées ou contractées dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale et du ministre chargé du budget ne sont pas comprises dans la valeur du risque mais sont inscrites à un compte spécial.

Lorsque des recours sont engagés contre les tiers responsables d’accidents du travail, le montant des prestations et indemnités afférentes à ces accidents du travail est déduit de la valeur du risque au prorata du pourcentage de responsabilité mis à la charge du tiers responsable par voie amiable ou contentieuse’.

De même l’article D. 242-6-7 du code de la sécurité sociale dispose que :

‘L’accident du travail ou la maladie professionnelle ayant donné lieu à une incapacité temporaire est classé de manière définitive dans une des catégories définies à l’article D. 242-6-6, le 31 décembre de l’année qui suit celle de sa déclaration, sans prise en compte de l’incapacité temporaire reconnue après rechute.

L’accident du travail ou la maladie professionnelle ayant donné lieu à une incapacité permanente est classé de manière définitive dans une des catégories définies à l’article D. 242-6-6 lors de la première notification du taux d’incapacité permanente ou en cas de décès lors de la reconnaissance de son caractère professionnel, sans prise en compte de l’incapacité permanente reconnue après révision ou rechute ou du décès survenu après consolidation.

L’accident du travail ou la maladie professionnelle donnant lieu à une incapacité temporaire puis à une incapacité permanente est classé dans les catégories d’incapacité temporaire et d’incapacité permanente correspondantes.

Les maladies professionnelles constatées ou contractées dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale et du ministre chargé du budget ne sont pas imputées au compte de l’employeur mais sont inscrites à un compte spécial.

L’accident du travail résultant d’une agression perpétrée au moyen d’armes ou d’explosifs n’est pas imputé au compte de l’employeur lorsque celle-ci est attribuable à un tiers qui n’a pu être identifié.

Lorsque des recours sont engagés contre les tiers responsables d’accidents du travail, les montants des coûts moyens correspondant aux catégories dans lesquelles sont classées ces accidents sont proratisés selon le pourcentage de responsabilité mis à la charge du tiers responsable par voie amiable ou contentieuse’.

Selon l’arrêté du 16 octobre 1995 pris pour l’application de l’article D. 242-6-3 du code de la sécurité sociale relatif à la tarification des risques d’accidents du travail et des maladies professionnelles (article 2) :

‘Sont inscrites au compte spécial, conformément aux dispositions des articles D. 242-6-5 et D. 242-6-7, les dépenses afférentes à des maladies professionnelles constatées ou contractées dans les conditions suivantes :

1° La maladie professionnelle a fait l’objet d’une première constatation médicale entre le 1er janvier 1947 et la date d’entrée en vigueur du nouveau tableau de maladies professionnelles la concernant ;

2° La maladie professionnelle a fait l’objet d’une première constatation médicale postérieurement à la date d’entrée en vigueur du tableau la concernant, mais la victime n’a été exposée au risque de cette maladie professionnelle qu’antérieurement à la date d’entrée en vigueur dudit tableau, ou la maladie professionnelle reconnue en application des troisième et quatrième alinéas de l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale a été constatée postérieurement au 29 mars 1993, mais la victime n’a été exposée au risque de cette maladie professionnelle qu’antérieurement au 30 mars 1993 ;

3° La maladie professionnelle a été constatée dans un établissement dont l’activité n’expose pas au risque mais ladite maladie a été contractée dans une autre entreprise ou dans un établissement relevant d’une autre entreprise qui a disparu ou qui ne relevait pas du régime général de la sécurité sociale ;

4° La victime de la maladie professionnelle a été exposée au risque successivement dans plusieurs établissements d’entreprises différentes sans qu’il soit possible de déterminer celle dans laquelle l’exposition au risque a provoqué la maladie ;

5° La maladie professionnelle reconnue en application des troisième et quatrième alinéas de l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale a été constatée entre le 1er juillet 1973 et le 29 mars 1993 ;

6° La maladie est reconnue d’origine professionnelle en lien avec une infection par le SARS-CoV2, sur la base du tableau n° 100 ‘ Affections respiratoires aiguës liées à une infection au SARS-CoV2 ‘ ou en application de l’alinéa 7 de l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale’.

Enfin, l’article L. 242-5 du code de la sécurité sociale dispose que les décisions relatives au taux de la cotisation due au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles et au classement des risques dans les différentes catégories sont notifiées à l’employeur par la caisse d’assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT) compétente, tandis que l’article L. 311-16 du code de l’organisation judiciaire donne spécialement compétence à la cour d’appel d’Amiens pour les litiges relatifs à ces décisions des CARSAT se rapportant à la tarification visés à l’article L. 142-1-7° du code de la sécurité sociale.

Par conséquent il ressort des dispositions précitées qu’en l’absence de décision de la CARSAT, c’est à dire avant la notification de son taux de cotisation à l’employeur, les litiges relatifs à l’inscription au compte spécial sont de la compétence des juridictions du contentieux général, étant rappelé que selon l’article R. 241-1 du code de la sécurité sociale : ‘En vue de la tarification des risques d’accident du travail et de maladie professionnelles, les caisses primaires et les unions de recouvrement sont tenues de fournir aux caisses d’assurance retraite et de la santé au travail, tous les éléments financiers susceptibles de faire connaître les dépenses et les recettes, soit par employeur, soit par branche d’activité’.

En l’occurrence, la demande d’inscription au compte spécial de la société [15] venant aux droits de [21] employeur de M. [C] n’est absolument pas fondée, puisque sa pathologie liée à l’amiante provient de son exposition dans un seul établissement, l’usine du [Localité 17] où il a travaillé durant plus de vingt ans jusqu’à son licenciement et la cessation de cette exposition au risque.

À titre surabondant, l’article 14 du code de procédure civile prévoit que nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée, que l’article 332 du même code permet au juge d’inviter les parties à mettre en cause tous les intéressés dont la présence lui paraît nécessaire à la solution du litige or la CARSAT dont dépend la Société [15] n’a pas été appelée en cause pour que l’arrêt à intervenir lui soit déclaré opposable.

Le jugement sera donc également confirmé en ce qu’il a débouté la Société [15] de sa demande d’inscription au compte spécial.

5-4. La Société [15] succombant supportera les dépens de première instance et d’appel.

5-5. Il parait équitable d’allouer au FIVA la somme complémentaire de 3 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour ses frais irrépétibles d’appel, à la charge de la Société [15] qui succombe aux dépens et de laisser à cette dernière la charge de ses propres frais irrépétibles, de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement RG n° 18/00583 rendu le 6 mai 2021 par le pôle social du tribunal judiciaire d’Annecy sauf en ce qu’il a :

– débouté le [16] de sa demande tendant à voir condamner la caisse primaire d’assurance maladie de la Haute Savoie à lui verser le montant de la majoration de l’indemnisation qui est directement versée par la caisse à l’assuré ;

– débouté le [16] de sa demande visant à dire qu’en cas de décès de la victime résultant des conséquences de sa maladie professionnelle due à l’amiante, le principe de la majoration de rente restera acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant .

Statuant à nouveau,

Dit que la caisse primaire d’assurance maladie de Haute Savoie devra verser la majoration de l’indemnisation servie à M. [L] [C] au FIVA en sa qualité de créancier subrogé dans ses droits.

Dit qu’en cas de décès de la victime imputable à sa maladie professionnelle due à l’amiante, le principe de la majoration de rente restera acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant.

Déboute la Société [15] de sa requête en omission de statuer.

Condamne la Société [15] aux dépens d’appel.

Condamne la Société [15] à verser au [16] la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour ses frais irrépétibles d’appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Jean-Pierre Delavenay, président et par Mme Chrystel Rohrer, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier Le président

 


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