ARRÊT DU
31 Mars 2023
N° 420/23
N° RG 21/00257 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TOWH
VCL/AA
Jugement du
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de DUNKERQUE
en date du
15 Février 2021
(RG F19/00380 -section )
GROSSE :
aux avocats
le 31 Mars 2023
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
– Prud’Hommes-
APPELANT E :
Mme [G] [H]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me David BROUWER, avocat au barreau de DUNKERQUE
INTIMÉE :
S.A.R.L. VIVAT
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Hélène BERNARD, avocate au barreau de LILLE
substituée par Me Mathilde DURAND-ROUSSEL, avocate au barreau de LILLE
DÉBATS : à l’audience publique du 12 Janvier 2023
Tenue par Virginie CLAVERT
magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Nadine BERLY
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Pierre NOUBEL
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Virginie CLAVERT
: CONSEILLER
Laure BERNARD
: CONSEILLER
ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 31 Mars 2023,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Pierre NOUBEL, Président et par Séverine STIEVENARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 22/12/22
EXPOSE DU LITIGE ET PRETENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES :
La SARL VIVAT a engagé Mme [G] [H] par contrat de travail à durée indéterminée modulé à temps partiel (86,67 heures par mois) à compter du 5 février 2019 en qualité d’assistante de vie de niveau 1, statut employé de la convention collective nationale des entreprises de services à la personne. Ce contrat prévoyait une rémunération brute mensuelle de 869,30 euros bruts.
Par avenant à effet en date du 1er mai 2019, la durée de travail de Madame [H] a été réduite à 65 heures par mois moyennant un salaire brut mensuel de 664,95 euros.
Puis, à compter du 1er septembre 2019, la durée de travail a été réduite à hauteur de 43 heures par mois pour un salaire mensuel brut de 443,27 euros.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 13 septembre 2019, Madame [H] a présenté sa démission en ces termes :
« Je soussignée, Madame [H] [G], ait l’honneur de vous présenter ma démission du poste d’auxiliaire de vie n°1 à compter de la date de ce courrier.
Conformément aux termes de mon contrat de travail, j’effectuerai la totalité de mon préavis d’une durée d’un mois. Dans ces conditions, mon contrat de travail expirera le 13 octobre 2019.
Le jour de mon départ de l’entreprise, je vous demanderai de bien vouloir me transmettre un reçu pour solde de tout compte, un certificat de travail, ainsi qu’une attestation POLE EMPLOI. »
Sollicitant la requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein, la requalification de sa démission en prise d’acte et réclamant divers rappels de salaire et indemnités consécutivement à la rupture de son contrat de travail, Mme [G] [H] a saisi le 14 novembre 2019 le conseil de prud’hommes de Dunkerque qui, par jugement du 1er février 2021, a rendu la décision suivante :
-dit n’y avoir lieu à requalification du contrat de travail à temps partiel en un contrat de travail à temps plein,
-dit que la démission de Mme [G] [H] ne peut s’analyser en une prise d’acte de la rupture du contrat de travail produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– condamne la SARL VIVAT à verser à Mme [G] [H] les sommes suivantes : – 221,68 euros bruts au titre du rappel de salaire pour le mois de septembre 2019,
– 22,16 euros au titre des congés payés y afférents,
– 96,06 euros bruts au titre du rappel de salaire pour la période du 1er au 13 octobre 2019,
– 9,60 euros bruts au titre des congés payés y afférents,
– 650 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
– ordonne à la SARL VIVAT de remettre à Mme [H] un bulletin de paie rectifié sous 15 jours suivant le prononcé du jugement,
– rappelle les dispositions relatives à l’exécution provisoire, dans la limite de maximale de 9 mois de salaire,
– déboute Mme [G] [H] du surplus de ses demandes,
– déboute la SARL VIVAT de sa demande reconventionnelle
– condamne la SARL VIVAT aux éventuels dépens de l’instance.
Mme [G] [H] a relevé appel de ce jugement, par déclaration électronique du 25 février 2021.
Vu les dernières conclusions notifiées par lettre recommandée avec accusé de réception du 26 mai 2021 au terme desquelles Mme [G] [H] demande à la cour d’infirmer le jugement déféré et de :
-requalifier le contrat de travail à temps partiel liant Mme [H] à la SARL VIVAT en un contrat à temps plein,
– requalifier la démission de Mme [H] en une prise d’acte de la rupture,
– condamner la SARL VIVAT à verser à Mme [H] les sommes suivantes:
– 7367,27 euros au titre des rappels de salaire,
– 253,54 euros au titre de l’indemnité de licenciement,
– 1521,25 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
– 152,12 euros au titre de l’indemnité de congés payés y afférents
– 1521,25 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la SARL VIVAT aux dépens.
Au soutien de ses prétentions, Mme [G] [H] expose que :
-Le contrat de travail à temps partiel doit être requalifié en temps plein, dès lors que ledit contrat ne comporte pas de durée de travail mais une durée minimale, qu’elle n’avait sollicité aucune dérogation à la durée minimale de travail de 24 heures, et que les salariés étaient tous en permanence à la disposition de l’employeur et chargés de trouver des heures de travail auprès des clients de ce dernier, étant, en outre, libres de dépasser le nombre d’heures selon leur volonté.
– Le contrat à temps partiel n’est donc pas valablement formé, ce d’autant que les heures de travail indiquées ne correspondaient pas aux heures de travail réalisées, qu’elle réalisait de nombreuses heures supplémentaires et complémentaires atteignant régulièrement la durée légale du travail et qu’elle devait elle-même trouver des remplaçants pendant ses congés.
– L’employeur a également baissé sa durée du travail, sans qu’aucun avenant ne soit signé.
– Elle était tenue de rester en permanence à la disposition de son employeur ce qui justifie de la requalification du contrat en temps plein et de l’octroi du rappel de salaire correspondant.
– Sa démission doit, en outre, être requalifiée en prise d’acte, compte tenu de la violation de la législation sur la durée du travail, et de la surcharge de travail subie sans être rémunérée, ce avec toutes conséquences financières de droit.
Vu les dernières conclusions notifiées par RPVA le 22 juillet 2021, dans lesquelles la SARL VIVAT, intimée demande à la cour de :
-CONFIRMER le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de DUNKERQUE en date du 1er février 2021 en ce qu’il a notamment :
– et JUGE n’y avoir lieu à requalification du contrat de travail à temps partiel en un contrat de travail à temps plein.
– DIT et JUGE que la démission de Madame [G] [H] ne peut s’analyser en une prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
– DEBOUTE Madame [G] [H] du surplus de ses demandes.
Et, conséquence :
SUR LA DEMANDE DE REQUALIFICATION DU CONTRAT DE TRAVAIL A TEMPS PLEIN
– JUGER que le contrat de travail à temps partiel de Mme [H] est parfaitement régulier ;
– JUGER que l’avenant au contrat de travail en date du 1er mai 2019 de Mme [H] est parfaitement régulier ;
-JUGER que l’avenant au contrat de travail en date du 1er septembre 2019 de Mme [H] est parfaitement régulier ;
En conséquence,
A TITRE PRINCIPAL
-DEBOUTER Mme [G] [H] de sa demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en un contrat à temps plein ;
-DEBOUTER Mme [G] [H] de sa demande de rappel de salaire.
A TITRE SUBSIDIAIRE, si par extraordinaire la Cour de céans devait juger irrégulier l’avenant du 1er septembre 2019 :
– DEBOUTER Mme [G] [H] de sa demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en un contrat à temps plein ;
-LIMITER la condamnation de la Société VIVAT au paiement de la somme de 208,68 euros à titre de rappel de salaire outre 20,86 euros à titre de congés payés y afférents.
SUR LA DEMANDE DE REQUALIFICATION DE LA DEMISSION DE MADAME [H] EN UNE PRISE D’ACTE DE LA RUPTURE DU CONTRAT AUX TORTS DE L’EMPLOYEUR
A TITRE PRINCIPAL
-CONFIRMER le jugement du Conseil de Prud’hommes de DUNKERQUE du 1er février 2021 et :
– JUGER que la SARL VIVAT n’a commis aucun manquement dans l’exécution du contrat de travail de Madame [H] ;
-JUGER que la démission de Mme [H] ne peut être analysée qu’en une démission pure et simple de son contrat de travail.
En conséquence,
-DEBOUTER Mme [G] [H] de sa demande de requalification de sa démission en une prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur;
– DEBOUTER Mme [G] [H] de toutes demandes de ce chef.
A TITRE SUBSIDIAIRE, si par impossible la Cour de céans devait infirmer le jugement déféré requalifier la démission de Mme [H] en une prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur
-FIXER le salaire de référence de Mme [G] [H] à la somme de 695,50 euros ;
– LIMITER l’indemnité de licenciement à la somme de 115,90 euros ;
– LIMITER l’indemnité compensatrice de préavis à la somme de de 695,50 euros outre 69,55 euros au titre des congés payés afférents ;
– DIRE n’ayant cause à l’octroi de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– DEBOUTER Mme [G] [H] du surplus de ses demandes.
EN TOUT ETAT DE CAUSE
– DEBOUTER Mme [G] [H] de sa demande au titre de l’exécution provisoire ;
– DEBOUTER Mme [G] [H] du surplus de ses demandes.
A TITRE RECONVENTIONNEL
-CONDAMNER Mme [G] [H] au paiement d’une somme d’un montant de 3.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile à la SARL VIVAT ;
– CONDAMNER Mme [G] [H] aux entiers dépens d’instance et frais éventuels d’exécution.
A l’appui de ses prétentions, la société VIVAT soutient que :
– Elle se définit comme une entreprise libérée dont les salariés sont libres d’organiser eux-mêmes leur temps de travail et de fixer leurs objectifs personnels, organisation que Mme [H] avait acceptée, après la réalisation d’une période d’immersion.
– Mme [H] n’est pas fondée à obtenir la requalification de son contrat à temps partiel en contrat à temps plein, dès lors que les contrats et avenants sont parfaitement réguliers, que la société VIVAT lui fournissait le contact de bénéficiaires à charge pour elle d’organiser son travail en parfaite autonomie et que l’exigence relative à la répartition de la durée du travail ne s’applique pas aux salariés des entreprises d’aide à domicile.
– Si le contrat de travail prévoyait un nombre d’heures de travail inférieur à 24 heures par semaine, cette durée avait été pleinement souhaitée par la salariée au moment de la conclusion du contrat de travail lequel a entériné la demande expresse de l’intéressée.
– Mme [H] n’apporte aucun élément probant de nature à justifier de la réalisation d’heures complémentaires, ce d’autant qu’une complète autonomie était laissée aux salariés dans l’organisation de leurs fonctions.
– Aucune présomption de travail à temps plein ne saurait prospérer, ce d’autant que la salariée établissait elle-même ses propres plannings.
– Subsidiairement, s’il devait être considéré que l’absence de signature de l’avenant du 1er septembre 2019 établit l’absence de consentement de Mme [H] à une diminution de sa durée de travail, le montant des rappels de salaire dûs devra être limité à la différence de rémunération entre 65 heures par mois et 43,3 heures par mois.
– La démission de Mme [H] ne sera pas requalifiée en prise d’acte, faute de manquement imputable à l’employeur, étant précisé que la gestion autonome des salariés implique de s’organiser entre eux afin de se répartir les bénéficiaires pendant leurs congés et en aucun cas d’engager des remplaçants.
La clôture a été prononcée par ordonnance du 22 décembre 2022.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, il est renvoyé aux dernières conclusions susvisées.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la demande de requalification du contrat à temps partiel en temps plein et ses conséquences financières :
Conformément aux dispositions de l’article L3123-6 du code du travail, le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit qui mentionne notamment la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d’aide à domicile et les salariés relevant d’un accord collectif conclu en application de l’article L3121-44, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ainsi que les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié.
Dans les associations et entreprises d’aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié et en l’absence de stipulation contractuelle relative au jour du mois auquel sont communiqués par écrit les horaires de travail des salariés des entreprises d’aide à domicile, ceux-ci doivent l’être avant le début de chaque mois.
L’absence d’une telle communication fait présumer que l’emploi est à temps complet et il incombe alors à l’employeur de rapporter la preuve, d’une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, et d’autre part, que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de son employeur.
En l’espèce, Mme [G] [H] a conclu un contrat à durée indéterminée à temps partiel modulé lequel prévoyait, à l’origine, en son article 7, une durée mensuelle de travail de 86,67 heures calculées en moyenne sur l’année. Le contrat précisait, en outre, que «Le planning indicatif de la répartition de la durée du travail ainsi que les horaires de travail seront communiqués conformément à l’accord collectif d’entreprise. Toute modification de la répartition de la durée du travail sera notifiée par écrit au salarié dans un délai minimal de trois jours avant son entrée en vigueur ».
Le contrat de travail prévoyait, ainsi, la communication de plannings par l’employeur sans mentionner la date de cette remise au salarié, de sorte que les horaires de travail devaient être communiqués avant le début de chaque mois.
Or, Mme [G] [H] démontre, par la production de nombreux messages « What’s app » du groupe constitué par l’employeur qu’aucun planning ne lui était fourni par la SARL VIVAT et qu’à l’inverse, les salariés se trouvaient contraints,chaque mois, d’établir leurs propres plannings et de les communiquer à l’entreprise. Ces messages révèlent également que Mme [H], tout comme ses collègues, était contrainte de prévoir elle-même ses remplacements en cas de maladie ou de congés (échanges de messages du 27 juin 2019 : employeur : « pour rappel, [G] [H], c’est à vous de faire vos remplacements, il y a eu beaucoup de clients mécontents car les remplacements n’ont pas été faits, pas prévenu », [G] [H]: « une feuille de congés a été faite. Les clients étaient prévenus que j’étais en congés. Les noms des clients à remplacer étaient notés sur la feuille. Je suis aide ménagère, c’est au service RH de trouver les remplaçantes non’ »,
Employeur: « non du tout c’est vous c’est le principe de vivat »/ message d’une autre salariée :« bonjour pour avoir mes premiers congés depuis 14 mois de travail j’ai encore quelques personnes à prendre svp »).
L’absence de communication de plannings par la SARL VIVAT se trouve, enfin, confortée par des messages d’envoi de coordonnées téléphoniques de potentiels clients par l’employeur sur le groupe What’s app de l’ensemble des salariés, à charge pour ces derniers de les contacter et de les inclure dans leurs plannings de travail.
Dans ces conditions, le défaut de remise par la société VIVAT d’un quelconque planning de travail à Mme [G] [H] fait présumer que l’emploi est à temps complet, de sorte qu’il incombe à l’employeur de rapporter la preuve, d’une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, et d’autre part, que la salariée n’était pas placée dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler et qu’elle n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de son employeur.
Or, la SARL VIVAT ne produit aux débats aucune pièce de nature à justifier des horaires exacts de travail accomplis par Mme [H]. Elle ne démontre pas non plus que l’intéressée n’était pas placée dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler et qu’elle n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de son employeur.
A l’inverse, l’appelante justifie qu’en sus de ses tâches d’aide à domicile, elle devait, conformément au règlement intérieur versé aux débats, «se positionner pour prendre en charge de nouveaux clients », contacter directement ces derniers, établir ses propres plannings et les communiquer à son employeur, assurer le remplacement de ses collègues en cas de maladie et de congés, organiser son propre remplacement en cas de maladie ou de congés.
Cette organisation mise en place au sein de la société VIVAT démontre, par suite, que Mme [H], bien qu’engagée à temps partiel, était placée dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler et devait se tenir constamment à la disposition de son employeur, notamment afin d’organiser la prise en charge des nouveaux clients dont les coordonnées lui étaient communiquées à tous moments, de façon aléatoire.
Le contrat de travail à temps partiel de Mme [G] [H] est, par suite, requalifié en temps plein, sans qu’il soit besoin de distinguer entre le contrat d’origine et l’avenant signé, les irrégularités affectant la relation contractuelle depuis son origine.
Mme [G] [H] est, par suite, fondée à obtenir le paiement d’un rappel de salaire équivalent à un temps plein calculé sur la base de la rémunération horaire brute versée à l’intéressée à hauteur de 10,03 euros.
La SARL VIVAT est, ainsi, condamnée à payer à l’appelante 7367,27 euros au titre des rappels de salaire dûs à cet égard.
Le jugement entrepris est infirmé en ce qu’il a rejeté la demande de requalification du contrat à temps partiel en temps plein et en ce qu’il a débouté Mme [H] de sa demande de rappel de salaire.
Sur la demande de requalification de la démission en prise d’acte :
La démission ne se présume pas ; il s’agit d’un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail.
Lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l’annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements suffisamment graves imputables à son employeur, et lorsqu’il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu’à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, le juge doit l’analyser en une prise d’acte qui produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués étaient suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail ou, dans le cas contraire, d’une démission.
En l’espèce, il résulte des développements repris ci-dessus que Mme [G] [H], bien qu’engagée à temps partiel, devait se tenir en permanence à la disposition de son employeur et était dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler, ce compte tenu de l’absence de plannings établis par l’employeur, des contacts qu’elle devait prendre, elle-même, avec les clients dont les numéros lui étaient communiqués, de la nécessité d’organiser ses absences et de pourvoir elle -même à son propre remplacement, y compris en cas de maladie.
L’appelante démontre également que la SARL VIVAT a diminué ses horaires de travail rémunérées à hauteur de 43,33 heures en septembre 2019 alors même qu’aucun avenant n’a jamais été signé par la salariée.
De la même façon, il résulte du contrat de travail d’origine fixant la durée du travail à 86,67 heures, puis de l’avenant signé le 10 mai 2019 fixant la durée du travail à 65 heures mensuelles que le temps de travail de Mme [H] était inférieur à la durée minimale de travail à temps partiel de 24 heures prévue aux articles L3123-7 et L3123-27 du code du travail, sans qu’aucune demande écrite et motivée de la salariée ne soit justifiée.
A cet égard, le seul fait pour Mme [H] d’avoir mentionné dans son dossier de candidature du 24 janvier 2019, un nombre d’heures mensuelles de 20 heures par semaine, ne constitue nullement la demande écrite et motivée prévue à l’article précité, étant, en outre, relevé que l’avenant signé prévoyait, en tout état de cause, une durée du travail bien inférieure auxdites 20 heures de travail.
Par conséquent, au regard de l’ensemble de ces éléments, il est établi que la SARL VIVAT a gravement manqué à ses obligations contractuelles dans des circonstances antérieures et contemporaines de la démission lesquelles ont fait obstacle à la poursuite du contrat de travail, de sorte qu’à la date à laquelle cette démission a été donnée, celle-ci était équivoque et s’analyse en une prise d’acte produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement entrepris est infirmé à cet égard.
Sur les conséquences financières de la prise d’acte :
La démission de Mme [G] [H] étant requalifiée en prise d’acte produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’intéressée est fondée à obtenir, au regard de son ancienneté et de son salaire brut mensuel basé sur un temps plein compte tenu de la requalification sus-évoquée (1521,25 euros bruts) :
– 1521,25 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis correspondant à un mois de salaire,
– 152,12 euros bruts au titre des congés payés y afférents.
– 253,54 euros à titre d’indemnité légale de licenciement (les dispositions du code du travail étant plus favorables à cet égard que la convention collective applicable).
Par ailleurs, e n application de l’article L1235-3 du code du travail applicable à l’espèce, si un licenciement intervient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse et qu’il n’y a pas réintégration du salarié dans l’entreprise, il est octroyé à celui-ci, à la charge de l’employeur, une indemnité dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés, dans le cadre des tableaux repris auxdits articles.
Ainsi, compte tenu de l’effectif de la société VIVAT, de l’ancienneté de Mme [H] (pour être entrée au service de l’entreprise à compter du 5 février 2019), de son âge (pour être née le 15 juin 1989) ainsi que du montant de son salaire brut mensuel (1521,25 euros) et de l’absence de justificatifs postérieurs à son licenciement, le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est fixé à 1000 euros.
Le jugement entrepris est infirmé en ce qu’il a débouté Mme [H] de ses demandes financières formées à cet égard.
Sur les autres demandes :
Les dispositions du jugement entrepris afférentes aux dépens de première instance ainsi qu’aux frais irrépétibles exposés sont confirmées.
Succombant à l’instance, la SARL VIVAT est condamnée aux dépens d’appel ainsi qu’à payer à Mme [G] [H] 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
INFIRME le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Dunkerque le 15 février 2021, sauf en ce qu’il a condamné la SARL VIVAT aux dépens de première instance ainsi qu’à payer à Mme [G] [H] 650 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
STATUANT A NOUVEAU ET Y AJOUTANT,
REQUALIFIE le contrat de travail à temps partiel conclu entre Mme [G] [H] et la SARL VIVAT en contrat de travail à temps plein ;
REQUALIFIE la démission de Mme [G] [H] en prise d’acte aux torts de l’employeur et produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
CONDAMNE la SARL VIVAT à payer à Mme [G] [H] :
– 7367,27 euros à titre de rappel de salaire,
– 1521,25 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 152,12 euros au titre des congés payés y afférents,
– 253,54 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,
– 1000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
CONDAMNE la SARL VIVAT aux dépens d’appel ainsi qu’à payer à Mme [G] [H] 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;
DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires.
LE GREFFIER
Séverine STIEVENARD
LE PRESIDENT
Pierre NOUBEL