Services à la personne : 25 mai 2023 Cour d’appel de Dijon RG n° 21/00576

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Services à la personne : 25 mai 2023 Cour d’appel de Dijon RG n° 21/00576

RUL/CH

S.A.R.L. LES PARADIS DE JULES ET JULIETTE

C/

[V] [B]

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 25 MAI 2023

MINUTE N°

N° RG 21/00576 – N° Portalis DBVF-V-B7F-FYFK

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de DIJON, section Activités Diverses, décision attaquée en date du 22 Juillet 2021, enregistrée sous le n° F 19/00811

APPELANTE :

S.A.R.L. LES PARADIS DE JULES ET JULIETTE

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Elsa GOULLERET de la SELARL ESTEVE GOULLERET NICOLLE & ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON

INTIMÉE :

[V] [B]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me Anais BRAYE de la SELARL DEFOSSE – BRAYE, avocat au barreau de DIJON

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 Avril 2023 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller chargé d’instruire l’affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :

Olivier MANSION, Président de chambre,

Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,

Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Frédérique FLORENTIN,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Frédérique FLORENTIN, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [V] [B] a été embauchée par la société Les Paradis de Jules et Juliette (ci-après société P2J) par un contrat à durée indéterminée et à temps complet à compter du 18 septembre 2017 en qualité d’agent de puériculture.

Le 11 septembre 2018, elle a été victime d’un accident du travail et placée en arrêt de travail jusqu’au 31 août 2019.

Le 2 septembre 2019, au terme de la visite médicale de reprise, elle a été déclarée inapte à son poste.

Le 24 septembre 2019, elle a été licenciée pour inaptitude d’origine professionnelle et impossibilité de reclassement.

Par requête du 24 décembre 2019, la salariée a saisi le conseil de prud’hommes de Dijon aux fins de condamnation de la société P2J à lui verser diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité, de rappel d’indemnité compensatrice de congés payés, de dommages-intérêts pour retard dans le versement des indemnités de rupture et remise des documents de fin de contrat.

Par jugement du 22 juillet 2021, le conseil de prud’hommes de Dijon s’est déclaré incompétent pour examiner la demande de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité et a accueilli les demandes à titre de dommages-intérêts pour retard dans le versement des indemnités de rupture et la remise des documents de fin de contrat et à titre de rappel d’indemnité compensatrice de congés payés.

Par déclaration formée le 29 juillet 2021, la société P2J a relevé appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières écritures du 15 avril 2022, l’appelante demande de :

– infirmer le jugement déféré sur l’incompétence et le renvoi au pôle social,

– juger que le conseil de prud’hommes est compétent pour statuer sur la demande portant sur la violation de l’obligation de sécurité et l’exécution déloyale du contrat de travail,

– débouter Mme [B] de sa demande de dommages-intérêts pour violation de l’obligation de sécurité et de loyauté,

– infirmer le jugement déféré sur le retard dans le versement des indemnités de rupture et la remise des documents de fin de contrat,

– débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts à ce titre,

subsidiairement,

– limiter le montant alloué à la somme de 200 euros,

– infirmer le jugement déféré sur l’article 700 du code de procédure civile,

– débouter la salariée de sa demande à ce titre,

– débouter Mme [B] de toute demande plus ample ou contraire,

– la condamner à payer à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Aux termes de ses dernières écritures du 25 janvier 2022, Mme [B] demande de :

– infirmer le jugement déféré en ce qu’il s’est déclaré incompétent pour examiner la demande de dommages-intérêts pour manquement de l’employeur à ses obligations de sécurité au profit du pôle social du tribunal judiciaire, dit qu’à défaut de recours dans les délais, le dossier sera transmis au pôle social du tribunal judiciaire de Dijon pour statuer sur la demande et limité à la somme de 338,85 euros le montant de l’indemnité compensatrice de congés payés allouée,

– le confirmer pour le surplus,

– juger que la société P2J a manqué à l’obligation de sécurité et a fait preuve de déloyauté dans le cadre de l’exécution du contrat de travail,

– la condamner à lui payer les sommes suivantes :

* 6 000 euros à titre de dommages-intérêts,

* 351,25 euros à titre de rappel sur indemnité compensatrice de congés payés,

* 1 500 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant du retard dans le versement des indemnités de rupture et dans la remise des documents de fin de contrat,

* 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux éventuels dépens,

– débouter la société P2J de ses demandes, fins et prétentions.

Pour l’exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I – Sur la compétence de la juridiction prud’homale :

Au visa de la jurisprudence de la Cour de cassation, les premiers juges ont jugé que l’indemnisation des dommages résultant d’un accident du travail, qu’il soit ou non la conséquence d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, relève de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale, la juridiction prud’homale étant seule compétente pour statuer sur le bien-fondé de la rupture du contrat de travail et pour allouer, le cas échéant, une indemnisation au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et se sont déclarés incompétents pour statuer sur la demande de la salariée à ce titre, ajoutant que Mme [B] ne remettait pas en cause son licenciement.

La société P2J soutient que l’indemnisation d’un manquement à l’obligation de sécurité pendant l’exécution du contrat de travail relève de la compétence du conseil de prud’hommes et que les premiers juges ne pouvaient pas se référer à la compétence d’attribution exclusive du pôle social en matière d’accident du travail et lui renvoyer l’affaire en application des articles 76 et 81 du code de procédure civile dès lors que le fondement juridique permettant d’attribuer compétence au pôle social n’avait pas été invoqué par la demanderesse et qu’elle ne soutenait pas que l’employeur avait commis une faute inexcusable ou une faute intentionnelle, statuant ce faisant ultra petita et de façon contraire aux principes d’immutabilité de la demande, du procès équitable et du contradictoire, n’ayant pas invité les parties à conclure sur l’incompétence soulevée d’office.

Elle ajoute qu’en vertu des règles de la réparation forfaitaire des accidents du travail et maladies professionnelles prévues par les articles L451-1 et L452-1 du code de la sécurité sociale, le salarié ne dispose pas de droit d’action à l’encontre de l’employeur en dehors d’une demande de reconnaissance de faute inexcusable ou d’une faute intentionnelle, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

Mme [B] soutient pour sa part que :

– elle ne sollicitait pas indemnisation du préjudice causé par son accident du travail mais une indemnisation du préjudice résultant de la méconnaissance de l’obligation de sécurité et de la déloyauté de l’employeur caractérisée par l’absence de visite d’information et de prévention, l’absence de mise en ‘uvre de l’obligation de prévention des risques professionnels, l’affectation à des tâches excédant les attributions contractuelles, la méconnaissance du délai de prévenance en cas de bouleversement des plannings et l’absence de bénéfice du droit à la déconnexion,

– elle ne prétend pas que son accident du travail aurait été causé par la faute inexcusable de l’employeur,

de sorte que ses demandes relèvent de la compétence de la juridiction prud’homale et non du pôle social du tribunal judiciaire.

En application de l’article L.1411-1 du code du travail, le conseil de prud’hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu’ils emploient.

L’indemnisation des dommages résultant d’un accident du travail, qu’il soit ou non la conséquence d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, relève de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale devenu pôle social du tribunal judiciaire.

En l’espèce, il ressort des écritures et des pièces produites par les parties que le préjudice invoqué par la salariée à l’appui de sa demande de dommages-intérêts ne résulte pas de l’accident du travail dont elle a été victime le 11 septembre 2018 mais de ce qu’elle estime être, d’une part, divers manquements de l’employeur à son obligation de sécurité au cours de l’exécution du contrat de travail et, d’autre part, une exécution déloyale du contrat de travail.

Il n’est aucunement fait état d’un préjudice liés aux séquelles physiques en lien avec l’accident du travail du 11 septembre 2018 et Mme [B] n’a pas non plus soutenu que son accident du travail aurait été causé par la faute inexcusable de l’employeur.

La demande ne s’inscrit donc pas dans une action en réparation d’accidents ou maladies telles que visées par l’article L. 451-1 du code de la sécurité sociale mais tend à l’indemnisation d’un préjudice subi à la suite de manquements de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat et à son obligation d’exécuter loyalement le contrat de travail.

Or si le contentieux sur les conséquences d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle relève exclusivement de la juridiction de sécurité sociale, il ne prive pas le salarié du droit de demander à la juridiction prud’homale réparation du préjudice distinct résultant des manquements de l’employeur à son obligation de sécurité.

Dès lors, le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

II – Sur les dommages-intérêts pour non respect de l’obligation de sécurité et exécution déloyale du contrat de travail :

L’article L1222-1 du code du travail impose aux parties d’exécuter loyalement le contrat de travail.

Aux termes de l’article L 4121-1 du même code, l’employeur est tenu, pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, de prendre les mesures nécessaires qui comprennent des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, des actions d’information et de formation et la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés. L’employeur est en outre tenu de veiller à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.

En l’espèce, Mme [B] fait grief à son employeur :

– au titre des manquements à l’obligation de sécurité :

* l’absence de visite d’information et de prévention,

* l’absence de mise en ‘uvre de l’obligation de prévention des risques professionnels,

– au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail :

* l’affectation à des tâches excédant les attributions contractuelles,

* la méconnaissance du délai de prévenance en cas de bouleversement des plannings,

* l’absence de bénéfice du droit à la déconnexion.

a – Sur les manquements à l’obligation de sécurité :

– Sur le défaut de visite d’information et de prévention :

Mme [B] soutient qu’elle n’a pas fait l’objet de la visite d’information et de prévention prévue par les articles L.4624-1 et R.4624-10 à R.4624-16 du code du travail dans les 3 mois suivant la prise effective de poste.

Sur ce point, la société P2J admet que Mme [B] n’a pas été vue par la médecine du travail entre son embauche le 18 septembre 2017 et son accident de travail du 11 septembre 2018 mais indique que la visite médicale d’embauche systématique n’existe plus depuis le 1er janvier 2017 et la salariée ne justifie d’aucun préjudice, en l’absence de lien de causalité entre l’accident du travail et l’absence de visite médicale.

Il résulte de l’article R4624-10 du code du travail, applicable lors de l’embauche de Mme [B], que tout travailleur bénéficie d’une visite d’information et de prévention réalisée par l’un des professionnels de santé mentionnés au premier alinéa de l’article L.4624-1 dans un délai qui n’excède pas trois mois à compter de la prise effective du poste de travail.

L’employeur ne justifiant pas de la mise en oeuvre de cette visite, laquelle se substitue depuis le 1er janvier 2017 à la visite médicale d’embauche, il s’en déduit que le grief est établi.

– Sur la prévention des risques professionnels :

Au visa de la convention collective des entreprises de services à la personne, reprenant les dispositions des articles L.4121-1 et suivants du code du travail, Mme [B] soutient que la société P2J produit un document unique d’évaluation des risques datant du 30 mai 2018 et que lors de son embauche en septembre 2017, aucun document de cette nature existait.

Elle ajoute qu’elle ignorait l’existence du document du 30 mai 2018 auquel elle n’a pas eu accès, ce qui implique qu’elle n’a pas été sensibilisée sur les risques liés à son poste de travail et qu’elle n’a bénéficié d’aucune formation en matière d’hygiène et de sécurité.

La société P2J oppose que le document unique d’évaluation des risques, mis à jour, était à disposition des salariés, aucune disposition n’obligeant l’employeur à en remettre une copie aux salariés, et qu’elle a toujours fait toute diligence en matière de prévention, son taux d’accident du travail sur les cinq structures étant faible.

Elle ajoute que tous les employés « petite enfance » sont informés des précautions à prendre pour soulever un enfant et ont pour consigne de favoriser au maximum l’autonomie de déplacement des enfants dès qu’ils savent marcher, ce que Mme [B], qui a été assistante maternelle pendant plusieurs années, connaissait parfaitement.

Il ressort des pièces produites, en particulier le document unique d’évaluation des risques professionnels (pièce n° 16), que ce document date de mai 2018, que la version désignée est « 1 », sans qu’il soit fait mention d’une quelconque version antérieure.

Il s’ensuit que le grief est établi.

Néanmoins, il ne peut y avoir de réparation sans preuve du préjudice subi, l’existence et l’évaluation de celui-ci relevant de l’appréciation souveraine des juges du fond sur la base des justificatifs produits aux débats.

En l’espèce, Mme [B], qui n’allègue d’aucun lien entre son accident du travail du 11 septembre 2018 et les manquements précités, n’apporte aucun élément permettant de justifier de la réalité d’un préjudice résultant de l’absence de visite d’information et de prévention ou de l’absence de mise en ‘uvre de l’obligation de prévention des risques professionnels.

La demande à ce titre sera donc rejetée.

b – Sur l’exécution déloyale du contrat de travail :

– Sur les tâches excédant les attributions contractuelles :

Tout en admettant que son contrat de travail prévoit, au titre de ses attributions, des tâches relatives à l’entretien de la structure, des locaux et du matériel, Mme [B] soutient avoir accompli des tâches ne relevant pas de son poste d’agent de puériculture, ce au mépris de son état de santé, citant à cet égard le déménagement de meubles lourds et le ménage intégral de la crèche pour remplacer un poste non pourvu d’agent de service.

A l’appui de son affirmation elle produit plusieurs échanges de courriers électroniques (pièces n° 26 pages 2 et 16).

L’employeur oppose que le nettoyage des surfaces, des sols, des structures ou objets est une exigence essentielle de la sécurité sanitaire d’une crèche qui fait partie des fonctions de l’ensemble du personnel encadrant les enfants conformément à la fiche métier (ROME) de l’auxiliaire de puériculture (pièce n° 77).

Il ressort du contrat de travail de Mme [B] la charge notamment de participer à « l’entretien de la structure » (pièce n° 1), de sorte qu’elle ne saurait sérieusement faire grief à son employeur de l’avoir sollicité pour de telles tâches, ce d’autant que le caractère récurrent des sollicitations évoquées ne ressort pas des pièces produites.

De même, la salariée procède par voie d’affirmation s’agissant des « déménagements de meubles lourds » sans même citer le moindre exemple.

Il s’en déduit que le grief n’est pas établi.

– Sur le non respect du délai de prévenance en cas de modification des plannings, le temps de travail et le droit à la déconnexion :

Mme [B] soutient qu’alors que son contrat de travail stipule que les plannings doivent être communiqués au salarié au plus tard le mercredi pour la semaine suivante, la société P2J a très régulièrement modifié les plannings dans un délai non conforme à celui visé à l’annexe 1 du contrat (4 jours) et même à celui de 24 heures applicable en cas d’urgence, et ajoute que dans la mesure où ces modifications intervenaient par courrier électronique, souvent en dehors des horaires de travail, notamment le dimanche, elle était contrainte de consulter en permanence sa messagerie.

A l’appui de son affirmation elle produit de multiples échanges de courriers électroniques (pièce n° 26).

L’employeur oppose que le particularisme des micro-crèches se traduit dans les conditions d’emploi des salariés en ce qu’il impose un nombre d’encadrants réglementaire, ce que ceux-ci n’ignorent pas, raison pour laquelle les horaires de travail communiqués par plannings sont prévus à la semaine et que des changements peuvent intervenir.

Il ajoute que sur un an de travail, seulement 6 occurrences de changements avec un délai égal ou inférieur à 24 heures ont été relevés, ce qui ne caractérise pas une violation de son obligation de sécurité ou de déloyauté, d’autant que l’urgence est contractuellement prévue.

S’agissant du droit à la déconnexion, les exemples d’envoi d’un courrier électronique cités par la salariée ne caractérisent aucune obligation d’en prendre immédiatement connaissance, les informations transmises n’induisant aucune prestation de travail ni aucune réponse de sa part.

Néanmoins, la cour relève que l’employeur admet lui-même dans ses écritures que sur les 6 changements de planning avec un délai égal ou inférieur à 24 heures, seulement 4 sont justifiés par une urgence (absence d’au moins un salarié), il s’en déduit que le manquement est établi sans qu’il soit nécessaire de statuer sur le grief fondé sur le droit à la déconnexion.

Néanmoins, il ne peut y avoir de réparation sans preuve du préjudice subi, l’existence et l’évaluation de celui-ci relevant de l’appréciation souveraine des juges du fond sur la base des justificatifs produits aux débats.

En l’espèce, Mme [B] n’apporte aucun élément permettant de justifier d’un préjudice résultant des changements de planning, au demeurant peu nombreux, intervenus sans respecter les délais contractuels de prévenance.

La demande à ce titre sera donc rejetée.

Enfin, Mme [B] soutient dans le corps de ses écritures avoir été amenée à travailler au-delà de la durée maximale hebdomadaire de 48 heures, notamment 49 heures au cours de la semaine du 14 au 20 mai 2019 sans bénéficier de jours de repos hebdomadaires.

L’employeur justifie du temps de travail hebdomadaire de la salariée avant son accident du travail (mai à septembre 2018) mais aucunement de la semaine visée par la salariée (pièces n° 11 et 12).

Etant rappelé :

– d’une part que la charge de la preuve en la matière pèse sur l’employeur, de sorte qu’en l’absence d’élément de nature à contredire l’affirmation de la salariée le grief est fondé,

– d’autre part que tout dépassement de la durée maximale du travail cause nécessairement un préjudice à la salariée, mais que l’évaluation de celui-ci relevant de l’appréciation souveraine des juges du fond sur la base des justificatifs produits aux débats,

la cour considère qu’au regard du caractère ponctuel et très limité du dépassement allégué, il sera alloué à Mme [B] la somme de 200 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

III – Sur le rappel d’indemnité compensatrice de congés payés :

Mme [B] soutient que :

– elle avait acquis, lors de la rupture du contrat de travail, 28 jours de congés payés,

– la convention collective des entreprises de services à la personne prévoit que la rémunération brute des congés est égale soit à la rémunération brute que le salarié aurait perçue pour une durée de travail égale à celle du congé payé, soit au 1/10ème de la rémunération totale brute (y compris celle versée au titre des congés payés) perçue par le salarié au cours de l’année de référence, hors indemnités (entretien, nourriture…), la solution la plus avantageuse pour le salarié devant être retenue,

– elle aurait dû bénéficier d’une indemnité compensatrice de congés calculée sur la base de la rémunération brute qu’elle aurait dû percevoir pour 28 jours de travail (règle plus favorable), soit sur la base de son salaire de base de 1 521,25 euros, la somme de 1 419,83 euros bruts or elle n’a perçu de l’employeur que 1 068,58 euros, soit un restant dû de 351,25 euros et non 338,85 euros tel qu’alloué par les premiers juges sur la base d’un salaire moyen de 1 507,96 euros.

La société P2J ne formule aucune observation à cet égard.

Il ressort des bulletins de paye produits (2018 à septembre 2019 – pièce n° 13) que le salaire de référence s’établit à 1 521,25 euros.

En conséquence, il sera alloué à la salariée la somme de 351,25 euros à ce titre, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.

IV – Sur les dommages-intérêts pour retard dans le versement des indemnités de rupture et la remise des documents de fin de contrat :

Licenciée le 24 septembre 2019, Mme [B] soutient avoir été contrainte de justifier de sa situation financière délicate pour refuser le paiement échelonné suggéré par l’employeur et qu’elle a dû le mettre en demeure le 24 octobre 2019 pour obtenir le paiement du solde d’indemnité compensatrice de préavis, les congés payés, un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et régulariser une erreur sur l’attestation Pôle Emploi (pièce n° 15).

Il n’a été répondu à sa demande que le 12 décembre 2019, affirmant que la lettre reçue a été antidatée au 14 septembre 2019 (pièces n° 22 à 24 et 10.3), l’attestation Pôle Emploi n’ayant été modifiée qu’ensuite de l’audience de conciliation et d’orientation.

Tout en admettant des difficultés financières, l’employeur oppose qu’il n’a jamais eu l’intention de nuire à la salariée et allègue notamment d’erreurs de la part du service comptable externe pour expliquer les retards constatés.

Néanmoins, étant rappelé que la société P2J ne saurait s’exonérer de ses responsabilités en se défaussant sur un prestataire externe, la cour relève que Mme [B] n’apporte aucun élément de nature à justifier d’un préjudice distinct résultant des retards constatés. La demande à ce titre sera donc rejetée, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.

V – Sur les demandes accessoires :

– Sur les intérêts au taux légal :

Mme [B] sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu’il a précisé que les condamnations prononcées emportent intérêts au taux légal à compter de la demande de réception de la convocation de la défenderesse devant le bureau de conciliation et d`orientation, soit le 26 décembre 2019, pour toutes les sommes de nature salariale, à compter du prononcé du présent jugement pour toute autre somme.

Les demandes pécuniaires de la salariée étant partiellement accueillies, le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

– Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Le jugement déféré sera infirmé sur ces points.

Les demandes des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

Chacune des parties supportera la charge de ses propres dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement rendu le 22 juillet 2021 par le conseil de prud’hommes de Dijon sauf en ce qui concerne les intérêts au taux légal et en ce qu’il a alloué à Mme [V] [B] la somme de 338,85 euros à titre de rappel de congés payés,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT que la juridiction prud’homale est compétente pour statuer sur la demande de dommages-intérêts pour violation de l’obligation de sécurité et exécution déloyale du contrat de travail,

CONDAMNE la société Les Paradis de Jules et Juliette à payer à Mme [V] [B] la somme de :

– 200 euros à titre de dommages-intérêts exécution déloyale du contrat de travail,

– 351,25 euros à titre de rappel d’indemnité de congés payés,

REJETTE les demandes de Mme [V] [B] à titre de dommages-intérêts pour retard dans le versement des indemnités de rupture et la remise des documents de fin de contrat,

REJETTE les demandes des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

LAISSE à chacune des parties la charge de ses propres dépens de première instance et d’appel.

Le greffier Le président

Frédérique FLORENTIN Olivier MANSION

 


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