Services à la personne : 23 juin 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 20/11838

·

·

Services à la personne : 23 juin 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 20/11838

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1

ARRÊT AU FOND

DU 23 JUIN 2023

N° 2023/227

Rôle N° RG 20/11838 – N° Portalis DBVB-V-B7E-BGSWJ

S.A.S. DOMICIL+

C/

[E] [O] épouse [Y]

Copie exécutoire délivrée

le :

23 JUIN 2023

à :

Me Christophe LOUBAT, avocat au barreau de NICE

Me Frédéric FRIBURGER, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARSEILLE en date du 04 Novembre 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 19/00088.

APPELANTE

S.A.S. DOMICIL+, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Christophe LOUBAT, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

Madame [E] [O] épouse [Y], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Frédéric FRIBURGER, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Emmanuelle CASINI, Conseillère, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Juin 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Juin 2023

Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Madame [E] [O] épouse [Y] a été embauchée par la société DOMICIL+ le 26 octobre 2016 en qualité d’Assistante de vie dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée à temps partiel annualisé pour une durée annuelle de travail de 1368 heures correspondant à une rémunération brute annuelle de 13.228,56 euros.

Par avenant du 1er novembre 2016 la durée annuelle de travail de Madame [Y] a été portée à 1740 heures correspondant à une rémunération brute annuelle de 16.825,80 euros soit un salaire mensuel moyen brut de 1.402,15 euros.

L’entreprise DOMICIL+ est soumise à la convention collective des entreprises de services à la personne.

Dans le cadre de l’exercice de ses fonctions, la salariée était affectée depuis son embauche au domicile d’une seule cliente de la société DOMICIL+, laquelle avait l’habitude de demander à la salariée de l’emmener en promenade en voiture, compte tenu de sa lourde pathologie.

Fin septembre 2017, la salariée n’a plus eu la possibilité d’être véhiculée, raison pour laquelle la fille de la bénéficiaire a demandé à ce que Mme [Y] n’intervienne plus auprès de sa mère, souhaitant qu’elle soit remplacée par une autre assistante de vie disposant d’un véhicule.

N’ayant pas été à nouveau affectée sur un poste par son employeur, Madame [Y] lui a adressé un courrier recommandé avec accusé réception en date du 23 novembre 2017, par lequel elle lui rappellait que son salaire ne lui avait pas été maintenu depuis le 1er octobre 2017, alors que l’interruption du poste n’était pas de son fait ; elle l’informait travailler depuis novembre 2017 chez une personne âgée de 11h30 à 14h00 et de 17h30 à 19h30 et lui demandait, soit de lui proposer un poste le plus rapidement possible dans ses plages horaires disponibles, soit de lui faire parvenir ses documents (lettre de licenciement, attestation Pôle emploi).

Par courrier du 8 décembre 2017, la société DOMICIL+ a convoqué Madame [Y] à un entretien préalable à une éventuelle rupture conventionnelle fixé le 15 décembre 2017, à l’issue duquel le formulaire de rupture conventionnelle a été signé par les deux parties.

Cette convention a fait l’objet d’une décision implicite d’homologation en date du 23 janvier 2018, date à laquelle la salariée a quitté les effectifs de l’entreprise.

Le 5 février 2018, Madame [Y] contestait son solde de tout compte et la société DOMICIL+ refusait de lui régler les salaires sollicités d’octobre 2017 à janvier 2018.

Par requête en date du 17 janvier 2019, Madame [Y] a saisi le conseil de prud’hommes de Marseille aux fins d’obtenir l’annulation de la rupture conventionnelle, dire qu’elle produisait les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et solliciter notamment le paiement des indemnités de rupture, rappels de salaire et congés payés, dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, dommages et intérêts pour résistance abusive et dommages et intérêts pour tentative d’intimidation.

Par décision en date du 4 novembre 2020, le conseil de prud’hommes de Marseille a :

Prononcé la nullité de la rupture conventionnelle intervenue entre les parties et jugé que cette annulation produisait les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse

Condamné la société DOMICIL+ à payer à Madame [Y] les sommes suivantes :

– 5345,30 euros à titre de rappel de salaire et congés payés afférent pour la période du 1er octobre 2017 au 23 janvier 2018 ;

– 1.587,06 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

– 158,71 euros au titre des congés payés sur préavis ;

– 3.500 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail ;

– 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration en date du 1er décembre 2020, la société DOMICIL+ a interjeté appel de la décision et demande à la Cour, suivant conclusions notifiées par voie électronique le 18 février 2021, de :

REFORMER le jugement déféré et en conséquence :

Sur le paiement des salaires

Dire que l’employeur a satisfait à ses obligations contractuelles,

Juger que l’absence de travail pendant la période du 1er octobre 2017 au 23 janvier 2018 est due à l’incapacité matérielle de la salariée à accomplir son travail, et son refus des missions proposées par la société,

En conséquence :

DEBOUTER Madame [Y] de sa demande de rappels de salaire et indemnité compensatrice de congés payés y afférents ;

Sur la demande de nullité de la rupture conventionnelle

A titre principal

Juger valable la rupture conventionnelle intervenue entre les parties ;

En conséquence :

DEBOUTER Madame [Y] de l’intégralité des demandes qu’elle formule à ce titre ;

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la Cour devait juger que la rupture du contrat est constitutive d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, limiter le montant des dommages et intérêts à verser à la salariée à la somme de 2.804,30 euros en application du barème légal d’indemnisation ;

Dire que :

o l’employeur n’a pas manqué à son obligation de fournir du travail ;

o l’employeur a exécuté loyalement le contrat de travail ;

o l’employeur ne s’est livré à aucune tentative d’intimidation ;

o la salariée n’a subi et ne justifie d’aucun préjudice ;

En conséquence DEBOUTER la salariée de ses demandes tendant à obtenir des dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail, résistance abusive et tentative d’intimidation.

Condamner Madame [Y] au paiement d’une somme de 3.000 euros, en application de l’article 700 du code de Procédure Civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 6 mai 2021, Madame [Y] demande à la Cour de:

Fixer le salaire de référence de Mme [Y] à la somme de 1.587,06 euros ;

Dire que le consentement de Mme [O] a été vicié,

En conséquence,

Annuler la rupture conventionnelle du 23 janvier 2018 et lui faire produire les effets d’un licenciement sans cause réelle sérieuse ;

Dire que la Société DOMICIL + a gravement manqué à son obligation d’exécution de bonne foi du contrat de travail ;

En conséquence :

CONFIRMER partiellement le jugement entrepris

INFIRMER partiellement le jugement entrepris ;

Et statuant à nouveau :

CONDAMNER la Société DOMICIL + à lui verser la somme de 1.587,06 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 158,71 euros de congés payés afférents ;

CONDAMNER la Société DOMICIL + à lui verser la somme de 62,57 euros à titre de reliquat d’indemnité de licenciement ;

CONDAMNER la Société DOMICIL + à lui verser la somme de 9.522,36 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à titre principal, ou à tout le moins confirmer la condamnation à hauteur de 3.500 euros à titre subsidiaire ;

CONDAMNER la Société DOMICIL + à lui verser la somme de 5.345,30 euros brut à titre de rappels de salaire et d’indemnité de congés payés du 1er octobre 2017 au 23 janvier 2018 ;

CONDAMNER la Société DOMICIL + à lui verser la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail à titre principal, ou à tout le moins confirmer la condamnation à hauteur de 1.000 euros à titre subsidiaire ;

CONDAMNER la Société DOMICIL + à lui verser :

– la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

– la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour tentative d’intimidation ;

Condamner la Société DOMICIL + à la délivrance des documents de rupture rectifiés conformément à la décision à intervenir, sous peine d’astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de l’expiration d’un délai de 8 jours suivant sa notification ;

Dire que la Cour se réservera expressément la possibilité de liquider l’astreinte par elle fixée dans le cadre du jugement à intervenir ;

Dire que les créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le Bureau de Conciliation et d’Orientation et que les créances de nature indemnitaire emporteront intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision à intervenir;

CONDAMNER la Société DOMICIL + à lui verser la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux éventuels frais et dépens

La procédure a été close suivant ordonnance du 09 mars 2013.

MOTIFS DE L’ARRET

Sur les rappels de salaires et de congés payés

Madame [Y] sollicite la condamnation de l’employeur à lui verser la somme de 5.345,30 euros bruts à titre de rappels de salaire et d’indemnité de congés payés du 1er octobre 2017 au 23 janvier 2018. Elle soutient que la société DOMICIL + avait l’obligation de lui fournir du travail et que dès lors qu’elle s’est tenue à sa disposition, elle avait droit au paiement de son salaire. Elle réfute avoir été en ‘absence injustifiée’ durant cette période, précisant que l’unique bénéficiaire pour laquelle elle intervenait à domicile avait bien prévenu son employeur qu’elle ne souhaitait plus son intervention et qu’elle n’a cessé de réclamer du travail, l’employeur ne lui faisant qu’une seule proposition de poste située à BERRE, à près de 40kms dans une zone ne permettant pas d’effectuer le trajet en transport en commun.

S’agissant des congés payés, elle fait valoir que l’employeur ne pouvait la placer d’office en congés payés du 2 au 23 novembre 2017 en violation des règles applicables prévues à l’article L3141-13 du code du travail, prévoyant la prise de congés avec un délai de prévenance d’un mois, dans la période située entre le 1er mai et le 31 octobre de chaque année.

La société DOMICIL+ rétorque que si Madame [Y] n’a perçu aucune rémunération du 1er octobre 2017 au 23 janvier 2018 c’est parce que celle-ci s’est placée dans l’impossibilité d’exécuter ses obligations contractuelles en violant son obligation de disposer d’un véhicule personnel pour les besoins de son activité professionnelle et en tentant d’imposer à la société une modification unilatérale de ses horaires et de son lieu de travail.

Elle évoque une jurisprudence de la Cour de cassation (cass 28/11/2018 ) selon laquelle lorsqu’un salarié n’est pas en mesure de fournir la prestation de travail inhérente à son contrat de travail, l’employeur n’est pas tenu de lui verser un salaire et soutient qu’à défaut de posséder un véhicule nécessaire à son activité professionnelle, Madame [Y] était dans l’impossibilité de réaliser ses missions.

Elle affirme avoir proposé plusieurs offres de postes à la salariée situées dans un secteur géographique de mois de 45 kms, conformément à son contrat de travail, et que celle-ci les a toutes refusées, de sorte que, n’ayant pas de nouvelle, elle l’a valablement placée en absence injustifiée, sans la rémunérer. Elle ajoute lui avoir toutefois accordé des congés payés en novembre 2017 afin de lui fournir une rémunération au regard de ses difficultés matérielles et financières. Elle conclut au débouté de la demande de rappel de salaires et congés payés formée par la salariée.

***

La conclusion d’un contrat de travail emporte pour l’employeur l’obligation de fourniture du travail.

Le salarié qui se tient à la disposition de son employeur en vertu du lien de subordination qui les lie, a droit au paiement de son salaire, peu important que ce dernier ne lui fournisse pas du travail.

En l’espèce, si le contrat de travail de Madame [Y] prévoyait, dans le paragraphe ‘remboursement de frais professionnels’ qu’elle soit en possession d’un véhicule pour exécuter son travail, la cour relève que la possession d’un véhicule n’était pas indispensable pour accomplir ses missions d’assistante de vie, la salariée pouvant se rendre sur son lieu de travail par d’autres moyens, notamment en transport en commun, et certaines missions relevant de ses compétences ne nécessitant pas de véhiculer les bénéficiaires (ménage, courses, repas).

Dès lors, elle n’était pas dans l’impossibilité d’exécuter son contrat de travail.

Alors que l’employeur était prévenu que Madame [Y] n’intervenait plus au domicile de Mme [H] [G], son unique bénéficiaire (cf courrier de la fille de l’usager en date du 30/09/2017), et que la salariée indique lui avoir réclamé des missions à de multiples reprises par téléphone, la société DOMICIL+ l’a pourtant placée en absence injustifiée du 1er au 31 octobre 2017, sans lui adresser au préalable de mise en demeure de reprendre le travail sur une mission préalablement confiée et en ne lui payant aucun salaire.

Pour se justifier, l’employeur affirme lui avoir adressé plusieurs propositions de travail que la salariée a déclinées.

A l’appui de cette prétention, la société DOMICIL+ verse aux débats l’attestation de Madame [U], responsable d’agence, qui indique avoir contacté Mme [O] [E] (épouse [Y]) à plusieurs reprises pour lui proposer des interventions dans son secteur : une garde d’enfant à la journée sur [Localité 5], des accompagnements à [Localité 4] ainsi qu’à [Localité 3].

Alors que Mme [Y] conteste avoir reçu plusieurs propositions, expliquant n’avoir eu qu’une seule offre de mission située dans une zone éloignée de son domicile à [Localité 3], la cour observe que ce témoignage émanant d’un membre de la direction de la société DOMICIL+ n’est corroboré par aucun autre élément et n’est, par conséquent, pas suffisamment probant pour démontrer les propositions de travail faites à la salariée.

Ainsi, le refus par Madame [Y] de cet unique poste proposé dans une zone géographique éloignée de son domicile alors que l’employeur n’ignorait pas les contraintes de la salariée en terme de transport, ne permettait pas à l’employeur de s’affranchir de son obligation de payer son salaire, la salariée justifiant être restée à sa disposition, ce qu’elle lui rappelle suivant courrier du 23 novembre 2017.

A ce titre, il ne peut lui être reproché, comme le fait l’employeur, d’avoir accepté quelques heures de travail auprès d’un autre employeur afin de subvenir à ses besoins en l’absence de salaires, dans la mesure où la société DOMICIL+ l’a laissée dans l’incertitude quant à la poursuite de son contrat de travail.

En conséquence, la société DOMICIL+ avait bien l’obligation de rémunérer Mme [Y] pour la période du 1er octobre 2017 au 23 janvier 2018.

Il sera précisé que l’employeur ne pouvait compenser l’absence de salaire par le versement de congés payés au mois de novembre 2017, dans la mesure où Mme [Y] conteste avoir sollicité la prise de ces congés, lesquels se situaient en outre en dehors de la période de référence du 1er mai au 31 octobre de l’année.

Rappels de salaire du 1er octobre au 31 décembre 2017

Madame [Y] bénéficiait d’un contrat de travail à temps partiel annualisé prévoyant une durée de travail de 1.740 heures par an pour une rémunération annuelle de 16.825,80 euros bruts, son salaire mensuel étant versé « au réel » selon le taux horaire de 9,67 euros bruts de l’heure.

En l’espèce, du 1er janvier au 30 septembre 2017, date à compter de laquelle elle n’a plus bénéficié du maintien de son salaire, Madame [Y] avait travaillé au total 1.250 heures, étant précisé que 39 heures lui ont été payées à titre de maintien de salaire au mois de novembre 2017.

Conformément à son contrat de travail, il lui restait donc au minimum 451 heures à travailler jusqu’au 31 décembre 2017 (1740 ‘ 1250 ‘ 39 = 490).

Ces heures devant être rémunérées au taux horaire de 9,67 euros bruts, le rappel de salaire dû à Madame [O] du 1er octobre au 31 décembre 2017 s’élève donc à la somme totale de 4.761,17 euros brut (soit 1.587,06 euros par mois)

Rappels de salaire du 1er au 23 janvier 2018 :

Compte tenu de l’annualisation contractuelle précédemment exposée, Mme [Y] aurait dû être rémunérée à hauteur de 107,30 heures ((1.740 / 12) x 0,74 (correspondant à 23 jours/31 jours)= 107,30), ce qui correspond à un rappel de salaire de 1.037,59 euros brut.

Rappel d’indemnité de congés payés :

Au 30 septembre 2017, Madame [O] bénéficiait d’un solde de 28 jours de congés payés non pris.

A raison de 2,5 jours de congés acquis par mois, elle aurait dû, à la date de rupture de son contrat de travail, comptabiliser un solde de 37,33 jours de congés et ainsi percevoir une indemnité de congés payés équivalente, évaluée, sur une base de journées de travail de 7 heures et en application du taux horaire susmentionné, à la somme de 2.550,39 euros brut.

Mme [Y] aurait ainsi dû percevoir les sommes suivantes : 4.761,17 euros brut d’octobre à décembre 2017, 1.037,59 euros brut en janvier 2018 et 2.550,39 euros brut d’indemnité de congés payés, soit un total de 8.349,15 euros brut.

Or il résulte des bulletins de salaire produits que la société DOMICIL+ lui a versé 1.036,60 euros brut en novembre 2017, 1.193,75 euros brut en décembre 2017 et 773,50 euros brut en janvier 2018, soit un total de 3.003,85 euros brut.

En conséquences, la Cour confirme la décision du conseil de prud’hommes qui a condamné la Société DOMICIL+ à verser à Madame [Y] la somme de 8.349,15 euros – 3.003,85 euros = 5.345,30 euros brut à titre de rappels de salaires et congés payés.

Sur la demande d’annulation de la rupture conventionnelle

Madame [Y] indique que si elle a fini par accepter de signer une rupture conventionnelle de son contrat de travail c’est en raison de l’impasse dans laquelle elle se trouvait du fait de l’inertie de son employeur qui ne lui fournissait plus de travail depuis le mois d’octobre 2017 malgré ses multiples demandes et ne la payait plus. Elle soutient que son consentement a été vicié par la contrainte économique et morale exercée sur elle par son employeur et sollicite l’annulation de la rupture conventionnelle pour ce motif.

La société DOMICIL+ fait valoir que si Madame [Y] n’a pas été rémunérée sur la période du 1er octobre 2017 au 23 janvier 2018, ce n’est qu’en raison de son impossibilité matérielle d’exécuter sa prestation de travail, du fait de la perte de son véhicule et de son refus de se rendre sur les missions proposées par la société. Elle indique qu’en conséquence la société n’a eu aucun comportement fautif à l’égard de la salariée, susceptible de vicier son consentement, cette dernière ayant manifesté son consentement de manière claire et non équivoque et les parties s’étant accordées après plusieurs échanges téléphoniques, pour engager la procédure de rupture conventionnelle lui permettant de percevoir les allocations chômage.

***

Il résulte des dispositions de l’article 1237-1 du code du travail que la rupture conventionnelle doit être librement consentie par les parties et qu’elle ne peut valablement intervenir si le consentement du salarié a été vicié.

Le juge doit vérifier que la rupture n’a pas été imposée par l’une des parties à l’autre et que chacun y a consenti de manière libre et éclairée. Si les circonstances de la rupture apparaissent de nature à vicier le consentement du salarié, le juge annule la convention de rupture et la rupture du contrat de travail produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il est constant que, alors que Madame [Y] n’avait plus aucune mission à compter du 30 septembre 2017, la prestataire pour laquelle elle intervenait exclusivement, Madame [H] [G], lui ayant demandé, par l’intermédiaire de sa fille, de ne plus intervenir à son domicile, la société DOMICIL+ ne lui a pas fourni de travail, malgré ses demandes et ne l’a plus rémunérée à compter du 1er octobre 2017.

Sans aucun salaire pour faire face à ses emprunts et charges courantes, Madame [Y] a été contrainte d’accepter de travailler quelques heures chez une personne âgée, tout en continuant de réclamer à son employeur du travail.

C’est bien uniquement en raison de la situation économique dans laquelle elle se trouvait, du fait de l’absence de travail et de rémunération, que Mme [Y] s’est résolue à signer la rupture conventionnelle qui lui a été proposée par son employeur à compter du 7 décembre 2017.

Dans ses conditions, la cour estime que le consentement de la salariée a été obtenu par la contrainte économique et morale exercée sur elle.

En conséquence, il convient de confirmer la décision du conseil de prud’hommes qui a annulé la rupture conventionnelle signée le 15 décembre 2017 et dit qu’elle devait produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes indemnitaires consécutives à la rupture

sur l’indemnité compensatrice de préavis et le reliquat d’indemnité de licenciement

L’annulation de la rupture conventionnelle emportant requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse, Madame [Y] a droit à une indemnité compensatrice de préavis d’un mois de salaire d’un montant de 1.587,06 euros, outre 158,71 euros au titre des congés payés y afférents, en application de l’article 1.1 de la convention collective des entreprises de services à la personne.

De même, elle a droit au bénéfice d’une indemnité légale de licenciement, correspondant à un quart de mois de salaire par année d’ancienneté, soit la somme de 495,95 euros calculée comme suit, pour une ancienneté de 1an et 3 mois :1/4 x 1.587,06 euros x 1,25.

Ayant dores et déjà perçu la somme de 433,38 euros au titre de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle, l’employeur devra lui régler la somme de 495,95 – 433,38 euros = 62,57 euros au titre du reliquat d’indemnité légale de licenciement.

sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Madame [Y] discute l’application de l’ordonnance du 22 septembre 2017 ayant institué des barèmes fixant des plafonds d’indemnisation au motif qu’elle ne serait pas conforme à l’article 24 de la charte sociale européenne et à l’article 10 de la convention 158 de L’OIT, tandis que la société DOMICIL+ sollicite son application.

***

Il convient de relever que la chambre sociale de la cour de cassation statuant en formation plénière, a, suivant arrêt du 11 mai 2022, jugé que le barème d’indemnisation du salarié licencié sans cause réelle et sérieuse n’était pas contraire à l’article n°158 de l’Organisation Internationale du Travail et a dit que le juge français ne pouvait écarter, même au cas par cas, l’application du barème au regard de l’article 24 de la Charte sociale européenne.

Dès lors, il convient d’appliquer le barème issu des ordonnances dites ‘Macron’ du 22 septembre 2017, au présent litige.

L’article L 1235-3 du code du travail modifié par l’ordonnance du 22 septembre 2017 prévoit que, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, et en l’absence de réintégration de celui-ci dans l’entreprise, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés par un barème.

Il résulte de ce barème que, lorsque le licenciement est opéré par une entreprise employant habituellement plus de 10 salariés et que le salarié a 1 an et 3 mois d’ancienneté dans la société comme en l’espèce, l’indemnité doit être comprise entre 1 et 2 mois de salaire brut.

Compte tenu de son ancienneté dans l’entreprise au moment de la rupture du contrat de travail (1 an et 3 mois), de sa qualification, de sa rémunération mensuelle moyenne (1.587,06 euros bruts), des circonstances de la rupture, il y a lieu d’octroyer à la salariée la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La décision du conseil de prud’hommes sera infirmée sur le quantum des dommages et intérêts alloués.

Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail

Madame [Y] sollicite le versement d’une somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts au motif que l’employeur ne lui a fourni aucun travail pendant près de 4 mois et ne lui a pas versé de salaire, ce qui lui a occasionné un préjudice tant moral que financier.

La société DOMICIL+ soutient que c’est au contraire la salariée qui a manqué à ses obligations contractuelles en n’étant plus véhiculé et en prenant un nouvel emploi à compter de novembre 2017 et conclut au rejet de cette demande.

***

L’article L1222-1 du code du travail dispose que le contrat doit être exécuté de bonne foi et, par application de cette obligation, doit fournir du travail à la salariée.

Comme précisé plus haut, l’absence de possession d’un véhicule ne rendait pas impossible l’exécution par la salariée de ses missions d’assistante de vie et elle a été contrainte de rechercher un autre emploi (quelques heures) pour faire face momentanément à ses charges courantes, ce qui n’est nullement fautif au regard du contexte ‘flou’ dans lequel elle était placée.

En l’espèce, il est constant que Mme [Y] s’est trouvée sans affectation à compter du 1er octobre 2017, malgré ses réclamations, sollicitant du travail auprès de son employeur, et que ce dernier l’a placée en absence injustifiée, sans même lui adresser une mise en demeure de reprendre le travail ou de justifier son absence.

L’incertitude dans laquelle elle s’est trouvée quant à sa situation professionnelle lui a causé un préjudice moral, doublé d’un préjudice économique lié à l’absence de salaire pour assumer ses charges fixes dont il est justifié (crédit immobilier, sofinco, assurance, électricité etc).

Au vu de ces éléments, il y a lieu de confirmer la décision du conseil de prud’hommes qui a condamné la société DOMICIL+ à lui allouer la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive

Madame [Y] sollicite le versement d’une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts au motif que l’employeur a adopté une attitude de totale d’inertie face à ses demandes répétées lui causant un préjudice.

La société DOMICIL+ conclut au débouté de cette demande, rappelant avoir proposé plusieurs affectations à la salariée et avoir toujours répondu aux sollicitations de Mme [Y].

***

Si la société DOMICIL+ n’a pas été en mesure, de part son inertie, de proposer à Mme [Y] des affectations dans un secteur géographique proche de son domicile, prenant en compte le fait qu’elle n’était plus véhiculée, malgré les demandes de la salariée, la cour constate que l’intimée ne justifie pas d’un préjudice distinct de celui déjà réparé par l’octroi de dommages et intérêts pour inexécution fautive du contrat.

Cette demande de dommages et intérêts au titre de la résistance abusive devra en conséquence être rejetée.

Sur la demande de dommages et intérêts pour tentative d’intimidation

Madame [Y] soutient que la société DOMICIL+ n’a par ailleurs pas hésité à tenter de l’intimider, afin de la faire abandonner ses demandes de rappel de salaires, en l’accusant calomnieusement d’avoir pris part à une fraude commise par l’ancienne responsable d’agence de la société, lui annonçant dans un premier temps que son courrier de réclamation serait transmis aux enquêteurs dans le cadre de la plainte déposée initialement contre cette ancienne responsable d’agence, puis lui annonçant qu’une plainte pour ‘escroquerie en bande organisée’ avait été déposée à son encontre.

La société DOMICIL+ fait valoir pour sa part que Madame [O] (épouse [Y]) travaillait exclusivement pour Mme [G] laquelle était impliquée dans l’affaire d’escroquerie, de sorte qu’il n’était pas illogique que son nom soit transmis au Procureur dans l’enquête ; qu’il ne s’agissait ni d’une intimidation, ni d’une menace, mais d’une simple information.

***

La cour observe que par courrier du 15 mars 2018 adressé à la salariée, Monsieur [B] [S], directeur général de la société DOMICIL+, indiquait en réponse à son courrier de réclamation : ‘Nous nous demandons à présent, face à votre insistance pour obtenir une compensation financière de notre part, si vous n’étiez pas partie prenante de la fraude. (…) Un dépôt de plainte a été effectué le 17 novembre 2017 à l’encontre de Mme [M] et d’autres salariés de l’agence des Bouches du Rhône.Nous nous apprêtions à communiquer des éléments complémentaires et allons transmettre votre courrier aux enquêteurs, afin de s’assurer de la légitimité du travail pour lequel vous avez été rémunéré’.

Il résulte des éléments communiqués par l’employeur qu’il a effectivement complété sa plainte devant le Procureur de la République le 29 mars 2018 en citant notamment le nom de Mme [O] (épouse [Y]), tandis qu’il ressort des éléments détaillés par la société DOMICIL + à l’appui de la plainte avec constitution de partie civile auprès du doyen des juges d’instruction le 18 juillet 2018, que les faits relatifs à Mme [H] [G] concernaient le fait que sa fille, [N] [G], avait déclaré des heures fictives accomplies au domicile de sa mère et étaient sans aucun lien avec Mme [E] [O] épouse [Y].

Il s’ensuit que c’est volontairement que la société DOMICIL+ a voulu faire pression sur la salariée en l’impliquant dans une procédure pénale, alors qu’aucun fait ne lui était reproché, afin de la dissuader de poursuivre ses réclamations financières.

Cette attitude fautive a causé un préjudice certain à Mme [Y] qu’il convient de d’indemniser par le versement d’une somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur les intérêts

Les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation soit à compter du 22 janvier 2019 et les sommes allouées de nature indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du jugement pour la partie confirmée et du présent arrêt pour le surplus. Il convient d’ordonner la capitalisation des intérêts qui est de droit lorsqu’elle est demandée, à condition qu’ils soient dûs pour une année entière.

Sur la remise des documents de fin de contrat

La remise d’une attestation Pôle Emploi, d’un certificat de travail et d’un bulletin de salaire rectificatif conformes à la teneur du présent arrêt s’impose sans qu’il y ait lieu de prévoir une astreinte, aucun élément laissant craindre une résistance de la société DOMICIL+ n’étant versé au débat.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

L’équité commande de confirmer le jugement de première instance relativement aux frais irrépétibles et de condamner la société DOMICIL + à payer à Madame [E] [Y] une indemnité de 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel. L’employeur qui succombe, doit être tenu aux dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et en matière prud’homale,

Confirme le jugement déféré, sauf sur le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le reliquat d’indemnité légale de licenciement et les dommages et intérêts pour tentative d’intimidation de la salariée,

Statuant à nouveau des chefs infirmés :

Condamne la société DOMICIL + à payer à Madame [E] [Y] les sommes suivantes :

-3.000 euros des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-62,57 euros à titre de reliquat d’indemité légale de licenciement,

-500 euros à titre dommages et intérêts pour tentative d’intimidation de la salariée,

Y Ajoutant :

Enjoint à la société DOMICIL+ de remettre à Madame [E] [Y] une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail et un bulletin de salaire rectificatif conformes à la teneur du présent arrêt et rejette la demande d’astreinte,

Dit que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation soit à compter du 22 janvier 2019 et les sommes allouées de nature indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du jugement pour la partie confirmée et du présent arrêt pour le surplus,

Ordonne la capitalisation des intérêts, à condition qu’il soit dûs pour une année entière,

Condamne la société DOMICIL+ à payer à Mme [E] [Y] la somme de 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société DOMICIL+ aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Ghislaine POIRINE faisant fonction

 


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x