Services à la personne : 27 juin 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 21/06116

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Services à la personne : 27 juin 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 21/06116

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

Chambre commerciale

ARRET DU 27 JUIN 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 21/06116 – N° Portalis DBVK-V-B7F-PFUV

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 20 SEPTEMBRE 2021

TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER

N° RG 2020005710

APPELANT :

Monsieur [I] [T]

né le 13 Avril 1959 à [Localité 9] (MAROC)

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représenté par Me Isabelle MOLINIER, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Christophe BEAUREGARD de la SCP CALAUDI/BEAUREGARD/MOLINIER/LEMOINE, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEES :

S.A.R.L. AESAD, représentée par son gérant en exercice ayant son siège social

[Adresse 6]

[Adresse 8]

[Localité 2]

Représentée par Me Frédéric SIMON de la SCP SIMON FREDERIC, avocat au barreau de BEZIERS

S.A.S. TMF HOLDING TMF GROUPE (nouvellement dénommée COLOMBE INVEST), représentée par son représentant légal domicilié es qualité audit siège

[Adresse 4],

[Adresse 7]

[Localité 3]

Représentée par Me Frédéric SIMON de la SCP SIMON FREDERIC, avocat au barreau de BEZIERS

Ordonnance de clôture du 21 Mars 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 AVRIL 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre

Mme Anne-Claire BOURDON, Conseillère

M. Thibault GRAFFIN, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Audrey VALERO

ARRET :

– Contradictoire

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, initialement prévue au 20 juin 2023 et prorogée au 27 juin 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par Mme Anne-Claire BOURDON, Conseillère faisant fonction de président en remplacement du président de chambre régulièrement empêché, et par Mme Audrey VALERO, Greffière.

FAITS et PROCEDURE – MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES:

Par acte du 12 mai 2014, M. [I] [T] et Mme [H] [O] ont cédé à la société TMF Holding TMF Groupe l’intégralité des 500 parts sociales de la société AESAD qui exerce une activité de services à la personne, pour un prix total de 220’000 euros, payable en partie à la signature et en partie pour un montant de 120’000 euros payable à l’aide d’un crédit vendeur de 20 mensualités.

Par jugement du 20 juillet 2015, le tribunal de commerce de Béziers a :

– condamné Monsieur [I] [T] et Madame [H] [O] solidairement à payer à la société SAS TMF Holding TMF Groupe les sommes dues au titre de la garantie de passif à savoir :

* 87’976 euros au titre de l’URSSAF,

* 69’153,72 euros au titre de l’ADHAP,

* 2 084,76 euros au titre de l’IRCEM,

– débouté la société TMF Holding TMF Groupe de sa demande d’expertise sur l’assignation de M. [T] et de Mme [O],

– condamné la société TMF Holding TMF Groupe à payer :

* 10’000 euros à Mme [O],

* 120’000 euros à M. [T],

– ordonné la compensation entre les sommes dues de part et d’autre,

– dit ne pas y avoir lieu à exécution provisoire,

– dit ne pas y avoir lieu à condamnation au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– fait masse des dépens qui seraient partagés par moitiés entre chacune des parties de la cause,

– rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires.

Par arrêt du 17 octobre 2017, cette cour a notamment confirmé le jugement du 20 juillet 2015 en ce qu’il a condamné la société TMF Holding TMF Groupe à payer à Mme [O] la somme de 10’000 euros et à M. [T] la somme de 120’000 euros.

Saisi par la société AESAD, le juge des référés du tribunal de commerce de Montpellier a, par ordonnance du 27 septembre 2018, ordonné une mesure d’expertise comptable et a désigné M. [E] en qualité d’expert.

L’expert a déposé son rapport le 29 mai 2019.

Puis, par exploit d’huissier en date du 14 mai 2020, la société AESAD et la société TMF Holding TMF Groupe ont fait assigner M. [T] devant le tribunal de commerce de Montpellier qui, par jugement en date du 20 septembre 2021, a :

– condamné M. [T] à payer à la société TMF Holding TMF Groupe la somme de 120’000 euros,

– débouté la société TMF Holding TMF Groupe de sa demande en dommages et intérêts pour perte d’une chance,

– débouté M. [T] de sa demande reconventionnelle de production de la cession de parts sociales intervenues en 2019,

– débouté M. [T] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

– condamné M. [T] à payer à la société TMF Holding TMF Groupe et la société AESAD la somme de 2 000 euros chacune sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit que les dépens doivent être mis à la charge de M. [T] dont frais de greffes liquidés et taxés à la somme de 108,47 euros TTC.

Le 15 octobre 2021, M. [T] a régulièrement relevé appel de ce jugement.

Il demande à la cour, dans ses dernières conclusions déposées via le RPVA le 10 mars 2023, de’:

Vu les pièces,

Vu le rapport d’expertise [E],

– Réformer le jugement en ce qu’il a :

– Jugé que M. [T] s’était rendu coupable de dol,

– Condamné M. [T] à verser à la société TMF Holding TMF Groupe la somme de 120 000 euros,

– Débouté M. [T] de toutes ses demandes, fins et conclusions et de sa demande reconventionnelle,

– Condamné M. [T] à payer à la société TMF Holding TMF Groupe et la société AESAD la somme de 2 000 euros chacune sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– Mis à la charge de M. [T] les frais de l’instance.

Statuant à nouveau,

– Rejeter l’appel incident de la société AESAD,

– L’en débouter,

– Juger que la société Colombe Invest ne justifie pas d’avoir été victime d’un dol dont M. [T] serait l’auteur,

– Juger que la société Colombe Invest ne démontre aucune intention de tromper de M. [T],

– Juger en toute hypothèse que la société Colombe Invest ne justifie pas du quantum de son préjudice,

– Débouter la société Colombe Invest de ses demandes,

– Condamner solidairement les société Colombe Invest à payer à M. [T] la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– Les condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel en ce compris les frais d’expertise.

Au soutien de son appel, il fait valoir pour l’essentiel que :

– Le rapport d’expertise est contestable tant sur la forme que sur le fond ;

– Il lui est reproché de ne pas avoir arrêté les comptes 2013 de la société AESAD avant sa cession, alors qu’il a fait part de ses explications à l’expert qui n’en a pas tenu compte ;

– De nombreux dossiers contentieux liés à des défauts de paiement de clients de la société ont été résolus ultérieurement ;

– Au cours des opérations d’expertise, il a demandé de nombreuses explications aux experts comptables adjoints à l’expert judiciaire qui n’ont reçu aucune réponse ;

– Il en résulte que le résultat comptable négatif retenu par l’expert n’est absolument pas celui réel pour la société ;

– L’expert judiciaire n’a pas retenu la méthode d’expertise comptable (M22) que la société AESAD doit toutefois impérativement respecter dans ses relations avec le Conseil départemental ;

– Il a sollicité en vain la communication de l’acte de cession des parts de la société AESAD en 2019 par la société TMF Holding TMF Groupe à une société Destia développement, lequel acte permettrait de savoir si effectivement la société TMF Holding TMF Groupe peut se plaindre d’une fausse valorisation de la société ;

– Il n’est justifié d’aucune difficulté financière sociale de la société AESAD;

– Il n’est rapporté la preuve d’aucunes man’uvres dolosives ;

– Le préjudice de 120’000 euros retenu par le tribunal n’est nullement fondé.

Dans leurs dernières conclusions déposées via le RPVA le 8 mars 2023, la société AESAD et la société TMF Holding TMF Groupe, désormais nommée la société Colombe Invest, demandent à la cour de’:

– Confirmer le jugement en ce qu’il condamne M. [T] à payer à la société TMF Holding TMF Groupe la somme de 120 000 euros, en réparation du préjudice causé à cette dernière par le dol, et surabondamment, son inexécution d’obligation de loyauté contractuelle,

– Confirmer la décision sur la condamnation au titre de l’article 700 de première instance,

– Réformer la décision sur le surplus et sur l’appel incident,

– Condamner M. [T] à payer à la société AESAD la somme de 100 000 euros au titre de sa responsabilité civile en réparation de sa faute commise dans sa gestion de gérant en établissement des bilans insincères,

– Réformer la décision en ce qu’elle ne condamne pas M. [T], dans le cadre des dépens, à ceux de l’ordonnance de référé expertise et aux dépens de l’expertise judiciaire de M. [E],

– Condamner M. [T] aux dépens de première instance et d’appel comprenant l’ordonnance de référé ayant ordonné l’expertise, et au moment de celle-ci,

Ajoutant à la décision,

– Condamner M. [T] au paiement de la somme de 2000 euros pour AESAD et la somme de 2000 euros pour société TMF Holding TMF Groupe.

Elles font valoir pour l’essentiel que :

– La société AESAD a été victime du dol commis par M. [T] qui ne l’a pas informée que la société en 2013 était en état de cessation de paiement, avec des fonds propres négatifs à hauteur de 310’447,07 euros au lieu des 2 924 euros annoncés lors de la vente’;

– Elle a dû réinjecter des fonds dans la trésorerie de la société afin d’éviter d’être en état de cessation de paiement, soit une somme de 207’292,86 euros, qui n’est couverte que partiellement par la somme de 120’000 euros accordée par les premiers juges’;

– Elle est en droit d’obtenir une somme de 100’000 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l’article L. 223-22 du code de commerce qui énonce le principe de la responsabilité des gérants vis-à-vis des fautes commises dans leur gestion, et qui est due au regard de la tenue d’une comptabilité irrégulière et insincère imputable à l’ancien gérant.

Il est renvoyé, pour l’exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

C’est en l’état que l’instruction a été clôturée par ordonnance du 21 mars 2023.

MOTIFS de la DÉCISION

Sur l’appel principal de M. [T]

L’article 1116 du code civil, dans sa version applicable au présent litige, dispose que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les man’uvres pratiquées par l’une des parties sont telles qu’il est évident que sans ces man’uvres, l’autre partie n’aurait pas contracté. Il ne se présume point et doit être prouvé.

L’acte de cession de parts sociales du 12 mai 2014 mentionne que le bilan de l’exercice clos le 31 décembre 2012 a été arrêté mais non pas celui clos au 31 décembre 2013.

De plus, il résulte de l’attestation de l’expert-comptable de la société TMF Holding TMF Groupe que les comptes définitifs du 31 décembre 2013 de la société AESAD ne lui ont été remis que le 28 mai 2015 par l’expert-comptable de la société AESAD.

Aux termes de son rapport d’expertise du 29 mai 2019, fruit d’un travail sérieux, précis et circonstancié, l’expert judiciaire a considéré (p.22) que :

– La comptabilité de la société AESAD établie par son gérant M. [T] n’a pas respecté les principes de prudence notamment sur le provisionnement des créances et de réalité. Elle est donc irrégulière en la forme et ne donne pas une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l’entreprise.

– Les observations formulées par les sociétés d’expertise comptable sont fondées car effectivement les principes de régularité, sincérité et de prudence n’ont pas été respectées.

– Le résultat comptable réel est négatif de 325 283,07 euros au lieu de 18 460 euros.

– Le montant des capitaux propres réels est négatif de 310 447,07 euros, au lieu de 2924 euros.

L’expert a également constaté que l’arrêté des comptes de l’exercice 2013 de la société avait été effectué tardivement et en tout cas après la cession (p.21).

Lors de la réunion d’expertise du 11 mars 2019, M. [T] a décrit la procédure budgétaire appliquée par le conseil départemental (méthode comptable M 22), qu’il avait l’obligation d’utiliser dans sa relation avec ce dernier, en indiquant qu’il devait ensuite procéder à des ajustements comptables, une fois l’exercice clôturé, entre le budget définitif qui lui avait été notifié par le conseil départemental et la réalité des comptes issus de ses comptes sociaux (p. 7 du rapport d’expertise).

Cependant, cette dernière obligation comptable, prise en compte par l’expert judiciaire, ne saurait nullement permettre à M. [T] comme il le soutient de pouvoir s’exonérer de la connaissance de la situation extrêmement déficitaire de sa société au titre du bilan 2013 qu’il ne pouvait ignorer en sa qualité de dirigeant et qu’il a cependant tu lors de la cession de la société à la société TMF Holding TMF Groupe, ne communiquant de surcroît à cette dernière le bilan 2013 qu’au mois de mai 2015.

Par ailleurs, alors que la société AESAD justifie selon attestation de son expert-comptable que la société TMF Holding TMF Groupe a versé et non récupéré au cours de la période comprise entre les mois d’octobre 2014 et de novembre 2019 la somme de 207’292,86 euros dans la trésorerie de la société AESAD, la communication de l’acte de cession des parts sociales de la société AESAD à une société Destia développement en 2019 sollicitée par M. [T] n’apparaît pas utile pour démontrer, du fait de cette recapitalisation, l’absence de préjudice subie par la société TMF Holding TMF Groupe.

De surcroît, il ne résulte nullement des échanges de courriels entre M. [T] et l’expert-comptable de la société AESAD, postérieurement à la cession des parts sociales, des causes d’exonération dans le retard pris pour la communication du bilan 2013 comme il le prétend.

En outre, M. [T] ne justifie nullement comme il le prétend que de nombreux dossiers contentieux liés à des défauts de paiement de clients de la société auraient été résolus ultérieurement, réduisant par là même le montant négatif du résultat comptable de la société pour l’exercice 2013 retenu par l’expert judiciaire.

Il en résulte qu’au moment de la vente, en ne faisant pas connaître à la société TMF Holding TMF Groupe l’ampleur des fonds propres négatifs de la société AESAD qui sera constatée à hauteur de 310’447 euros au lieu de celle de 2924 euros annoncée, alors de surcroît qu’il a fait établir par son expert-comptable les comptes 2013 de la société plusieurs mois après la cession sans explications crédibles, M. [T] s’est rendu coupable de man’uvres frauduleuses.

Le jugement sera en conséquence confirmé de ce chef, de même qu’il le sera également en ce qu’il a condamné M. [T] à payer à la société TMF Holding TMF Groupe la somme de 120’000 euros correspondant à son préjudice provenant d’une partie du prix de vente des parts sociales de la société AESAD.

Sur l’appel incident des sociétés intimées

Selon les dispositions de l’article L. 223-22 du code de commerce, qui fixent le principe de la responsabilité des gérants envers leurs sociétés des fautes commises dans leur gestion, les sociétés intimées sollicitent la condamnation de M. [T] à leur verser la somme de 100’000 euros.

Cependant, les premiers juges ont, par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte, constaté que les sociétés intimées ne justifiaient pas de l’évaluation de leur préjudice à hauteur de 100’000 euros, et que la seule recapitalisation de la société ci-avant évoquée ne permet pas de démontrer.

Le jugement sera en conséquence confirmé de ce chef.

Sur les dépens et l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

M. [T] qui succombe dans ses demandes en cause d’appel sera condamné aux dépens, en ce compris les dépens relatifs à la procédure de référé et le coût de l’expertise judiciaire, ainsi qu’à payer aux sociétés intimées la somme de 1 000 euros chacune en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions critiquées,

Y ajoutant,

Condamne M. [I] [T] aux dépens de l’instance d’appel, en ce compris les dépens relatifs à la procédure de référé et le coût de l’expertise judiciaire,

Condamne M. [I] [T] à payer à la société AESAD et à la société TMF Holding TMF Groupe nouvellement dénommée société Colombe Invest la somme de 1 000 euros chacune en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

le greffier, la conseillère faisant

fonction de président,

 


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