COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-9
ARRÊT AU FOND
DU 11 MAI 2023
N° 2023/376
Rôle N° RG 22/09585 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BJVTH
[D] [M]
[P] [M]
C/
[A] [S]
[O] [F] épouse [S]
[N] [R]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me CONCAS
Me CHERFILS
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l’exécution de GRASSE en date du 21 Juin 2022 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 21/05134.
APPELANTS
Madame [D] [M]
née le 05 Janvier 1960 à [Localité 10]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 8]
Monsieur [P] [M]
né le 21 Juillet 1927 à [Localité 11]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 8]
Tous deux représentés par Me Marc CONCAS de l’AARPI CONCAS & GREGOIRE, avocat au barreau de NICE, substitué par Me Frédérique GREGOIRE, avocat au barreau de NICE, Plaidant
INTIMES
Monsieur [A] [S]
né le 28 Janvier 1960, demeurant [Adresse 9]
Madame [O] [F] épouse [S]
née le 30 Mars 1963 à [Localité 10], demeurant [Adresse 9]
Monsieur [N] [R]
né le 24 Juin 1963 à [Localité 10], demeurant [Adresse 1]
Tous représentés par Me Romain CHERFILS de la SELARL BOULAN-CHERFILS-IMPERATORE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Alain LUCIANI, avocat au barreau de GRASSE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 16 Mars 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Dominique TATOUEIX, Magistrat honoraire, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Agnès DENJOY, Président
Madame Pascale POCHIC, Conseiller
Monsieur Dominique TATOUEIX, Magistrat honoraire
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Ingrid LAVALLEE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Mai 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Mai 2023,
Signé par Madame Agnès DENJOY, Président et Madame Ingrid LAVALLEE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte notarié en date du 31 mai 1999, M. [A] [S], Mme [O] [F] épouse [S] et M. [N] [R] ont acquis une parcelle de terrain cadastré BM n° [Cadastre 4] à [Localité 11] (06) au profit de laquelle une servitude conventionnelle de passage grevant les parcelles cadastrées BM n° [Cadastre 5] et [Cadastre 6] propriétés de M. [M], a été constituée par acte notarié en date des 25 janvier et 11 mars 2005.
Par jugement en date du 7 février 2019, le tribunal de grande instance de GRASSE a notamment:
– Prononcé l’établissement d’une servitude de passage au profit de la parcelle située [Adresse 7] à [Localité 11] et cadastrée section BM n°[Cadastre 4] (fonds dominant), et grevant les parcelles cadastrées section BM n°[Cadastre 2] et [Cadastre 3] (fonds servant), par l’élargissement du chemin existant afin de le porter à la largeur totale de 3,5 mètres, outre les pans coupés d’accès à la voie publique.
– Fixé l’indemnité due à Monsieur [P] et Madame [D] [M] par Monsieur [A] [S], Madame [O] [S] et Monsieur [N] [R] à la somme de 17.800 euros.
Par exploit en date du 15 novembre 2021, M. [A] [S], Mme [O] [F] épouse [S] et M. [N] [R] ont fait assigner Mme [D] [M] et M. [P] [M] devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Grasse aux fins de voir assortir le jugement du 7 février 2019 d’une astreinte de 500 € par jour de retard, outre condamnation de ces derniers au paiement d’une somme de 3000 € pour résistance abusive et 2000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Par jugement du 21 juin 2022 dont appel du 4 juillet 2022, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Grasse s’est déclaré compétent et a :
– Dit que M. [P] et Mme [D] [M] devront :
*communiquer au Notaire Maître [L] les documents nécessaires à l’établissement de l’acte notarié d’établissement de la servitude et notamment les titres de propriété et les éléments d’état civil ;
* signer l’acte notarié de servitude établi par Maître [L] conformément au plan figurant en annexe du rapport de l’expert judiciaire tel qu’énoncé dans le jugement du 7 février 2019 ;
Sous astreinte provisoire de 300 euros par jour de retard, qui commencera à courir un mois après la notification du jugement par le greffe ou sa signification à la diligence des parties,
– Dit que dans un délai de trois mois après la signature de l’acte M.[P] et Mme [D] [M] devront réaliser les travaux sur leurs fonds conformément aux plans annexés à l’acte notarié et aux devis de travaux qu’ils avaient présentés au tribunal, sous astreinte provisoire de 300 euros par jour de retard
– Condamné solidairement les consorts [M] au paiement d’une somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
– Rejeté tous autres chefs de demande.
Le juge de l’exécution énonce en ses motifs :
– il ne peut être sérieusement contesté que l’exécution du jugement suppose la rédaction des documents authentiques nécessaires à la publicité foncière permettant de délimiter la servitude qui, selon le jugement, doit correspondre au plan annexé au rapport d’expertise et suppose la réalisation de travaux sur le fond servant, de sorte que la demande des époux [S] et M. [R] s’inscrit parfaitement dans l’exécution du jugement du 7 février 2019,
– malgré le paiement intégral des indemnités consécutives à la création de la servitude et à la réalisation des travaux sur leur fond en août 2020, les consorts [M] sont restés passifs malgré une sommation interprétative du 23 avril 2021,
– le plan de délimitation de la servitude qui doit être annexé à l’acte notarié ne semble pas avoir été transmis, de sorte que les consorts [M] peuvent légitimement indiquer ne pas en avoir connaissance,
– les consorts [M] ne sauraient sérieusement soutenir qu’ils ne savent pas quels seraient les travaux à réaliser alors que, tant le rapport d’expertise rendu dans le cadre du contentieux civil que le jugement lui-même, qui se réfère à leurs propres conclusions, évoque le déplacement d’une clôture et des haies et qu’ils ont d’ailleurs produit des devis pour l’exécution desdits travaux et obtenu l’indemnisation qu’ils sollicitaient à ce titre.
Vu les dernières conclusions déposées le 2 décembre 2022 par Mme [D] [E] épouse [M] et M. [P] [M], appelants, aux fins de voir infirmer le jugement dont appel sauf en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts des consorts [S]-[R] et statuant à nouveau, débouter M. [A] [S], Mme [O] [F] épouse [S] et M. [N] [R] de l’intégralité de leurs demandes, y compris de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée sur appel incident et les condamner solidairement au paiement d’une somme de 4000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Mme [D] [E] épouse [M] et M. [P] [M] font valoir :
– que les consorts [S]-[R] bénéficient déjà d’un titre avec le jugement du 7 février 2019 dont ils pouvaient solliciter la publication sans avoir à régulariser un acte notarié,
– que les consorts [S]-[R] forment de nouvelles demandes qui supposent la saisine du tribunal judiciaire,
– qu’ils n’ont pas été en mesure de prendre connaissance du projet rédigé par le notaire qui ne figurait pas en annexe de la sommation interpellative, ce que le premier juge a d’ailleurs constaté lui-même mais sans en tirer les conséquences,
– que le projet adressé depuis ne fait toutefois aucune référence à la décision de justice rendue et ajoute des conditions qui ne sont pas prévues par le jugement et en contradiction avec les dispositions légales en matière de servitude, de sorte que le juge de l’exécution n’était pas compétent pour imposer la signature d’un acte qui ne correspond pas au jugement,
– que ni le projet de servitude, ni le procès-verbal de délimitation de la servitude établi par le géomètre le 10 mars 2020 ne leur ont été en tout état de cause transmis et ce, alors que les consorts [S]-[R] n’ont procédé au règlement des causes du jugement que le 18 août 2020 après sommation de payer et alors que pour pouvoir procéder à l’élargissement de la voie d’accès conformément à la servitude, il est nécessaire de construire un muret de
soutènement et de procéder au déplacement des coffrets des réseaux d’électricité de tout le quartier pour permettre la sortie sur la voie publique, travaux incontestablement à la charge du fonds dominant.
Vu les dernières conclusions déposées le 4 novembre 2022 par M. [A] [S], Mme [O] [F] épouse [S] et M. [N] [R], intimés, aux fins de voir confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts et condamner Mme [D] et M. [P] [M] au paiement chacun d’une somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et d’une somme de 3500 € chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
M. [A] [S], Mme [O] [F] épouse [S] et M. [N] [R] font valoir :
– que c’est de mauvaise foi que les consorts [M] prétendent pour la première fois en appel que le projet d’acte de constitution de servitude ne serait pas conforme au jugement du 7 février 2019,
– que le notaire a adressé un projet d’acte par courriel du 16 juillet 2021 à l’ancien conseil des consorts [M], quant au plan de délimitation de la servitude, c’est celui qui figure en annexe du rapport de l’expert judiciaire et qui a servi de fondement au jugement du 7 février 2019,
– que Mme [M] a déposé une déclaration préalable de travaux le 15 juillet 2022 alors qu’elle aurait pu le faire dès le jugement du 7 février 2019, ce qui aurait déjà évité l’augmentation des frais de déplacement de la clôture, et le mur de soutènement auquel ils font référence ne figure pas dans le rapport d’expertise.
Vu l’ordonnance de clôture du 14 février 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
L’article L 131-1 du code des procédures civiles d’exécution qui dispose que si les circonstances en font apparaître la nécessité, le juge de l’exécution peut assortir d’une astreinte une décision rendue par un autre juge, c’est-à-dire telle qu’elle figure au dispositif du jugement, de l’ordonnance ou de l’arrêt, ne permet pas au juge de l’exécution d’en modifier les termes.
Il en résulte qu’en disant que » M. [P] et Mme [D] [M] devront au notaire les documents nécessaires à l’établissement de l’acte notarié d’établissement de la servitude et notamment les titres de propriété et les éléments d’état civil, signer l’acte notarié de servitude conformément au plan figurant en annexe du rapport de l’expert judiciaire tel qu’énoncé dans le jugement du 7 février 2019 et réaliser dans un délai de trois mois les travaux sur leurs fonds conformément aux plans annexés à l’acte notarié et aux devis de travaux qu’ils avaient présentés au tribunal « , alors qu’il était simplement saisi aux fins d’assortir d’une astreinte la décision 7 février 2019 par laquelle le tribunal de grande instance de Grasse a « prononcé l’établissement d’une servitude de passage au profit de la parcelle située [Adresse 7] à [Localité 11] et cadastrée section BM n°[Cadastre 4] (fonds dominant), et grevant les parcelles cadastrées section BM n°[Cadastre 2] et [Cadastre 3] (fonds servant), par l’élargissement du chemin existant afin de le porter à la largeur totale de 3,5 mètres, outre les pans coupés d’accès à la voie publique. », le juge de l’exécution a excédé les pouvoirs que lui confère l’article L 131-1 du code des procédures civiles d’exécution.
Le jugement dont appel doit être en conséquence infirmé en toutes ses dispositions et statuant à nouveau, M. [A] [S], Mme [O] [F] épouse [S] et M. [N] [R], qui concluent à la confirmation du jugement, ne peuvent voir prospérer une demande qui méconnaît les dispositions de l’article L 131-1 du code des procédures civiles d’exécution en ce qu’elle a pour effet de modifier le dispositif du jugement du tribunal de grande instance de Grasse en date du 7 février 2019.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant apr arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe,
Infirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts des consorts [S]-[R] ;
Et statuant à nouveau,
Déboute M. [A] [S], Mme [O] [F] épouse [S] et M. [N] [R] de leurs demandes ;
Confirme le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts des consorts [S]-[R] ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [A] [S], Mme [O] [F] épouse [S] et M. [N] [R] à payer à Mme [D] [E] épouse [M] et M. [P] [M] la somme de 2000 € (deux mille euros) ;
Déboute les parties de leurs demandes autres ou plus amples ;
Condamne M. [A] [S], Mme [O] [F] épouse [S] et M. [N] [R] aux dépens de première instance et d’appel, ces derniers recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LA PRÉSIDENTE