Saisine du juge de l’exécution : 11 mai 2023 Cour d’appel de Dijon RG n° 21/00880

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Saisine du juge de l’exécution : 11 mai 2023 Cour d’appel de Dijon RG n° 21/00880

LC/IC

[M] [C]

C/

S.C. A. BANQUE POPULAIRE BOURGOGNE FRANCHE COMTE

Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D’APPEL DE DIJON

2ème chambre civile

ARRÊT DU 11 MAI 2023

N° RG 21/00880 – N° Portalis DBVF-V-B7F-FXQU

MINUTE N°

Décision déférée à la Cour : au fond du 29 avril 2021,

rendue par le tribunal de commerce de Dijon – RG : 2019006838

APPELANT :

Monsieur [M] [C]

né le [Date naissance 5] 1970 à [Localité 6] (54)

domicilié :

[Adresse 4]

[Localité 3]

représenté par Me Jean-Eudes CORDELIER, membre de la SELAS LEGI CONSEILS BOURGOGNE, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 31

INTIMÉE :

S.C.A. BANQUE POPULAIRE BOURGOGNE FRANCHE COMTE prise en la personne de son Président domicilié au siège social sis :

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Claire GERBAY, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 126

assistée de Me Marie-Christine TRONCIN, membre de la SELARL MC TRONCIN, avocat au barreau de DIJON

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 09 mars 2023 en audience publique devant la cour composée de :

Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre, Président,

Sophie BAILLY, Conseiller,

Leslie CHARBONNIER, Conseiller, qui a fait le rapport sur désignation du Président,

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maud DETANG, Greffier

DÉBATS : l’affaire a été mise en délibéré au 11 Mai 2023,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre, et par Maud DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par acte sous-seing privé du 06 janvier 2014, la Banque Populaire a octroyé à la SARL L2H, dont M. [C] était l’unique associé et gérant, un prêt LBO n°08671154 d’un montant de 800 000 euros en principal, amortissable sur 84 mois, accordé au taux fixe de 3%, ayant pour objet de financer l’acquisition de l’intégralité du capital social de la SAS Jean-Claude Allouis.

Par acte sous seing-privé du même jour, M. [M] [C] s’est porté caution du prêt consenti à la SARL L2H par la Banque Populaire, à hauteur d’une somme maximale de 200 000 euros et dans la limite de 25 % des sommes restant dues par le débiteur principal en capital, intérêts, frais, commissions et accessoires.

Mme [G] [C], son épouse, a consenti à l’engagement de caution et est intervenue à l’acte, le couple étant marié sous le régime de la communauté.

Par jugement du 04 juin 2019, le tribunal de commerce de Dijon a prononcé l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la SARL L2H et un plan de redressement a été adopté le 3 novembre 2020.

Par lettre du 04 juillet 2019, la Banque Populaire a déclaré au passif de la SARL L2H, sa créance privilégiée au titre du prêt de 800 000 euros, décomposée comme suit : 52 853, 20 euros au titre des échéances échues impayées au 17/05/19 et un capital à échoir de 205 963,52 euros, outre intérêts au taux de 3 %.

Une copie de la déclaration de créance réalisée entre les mains du mandataire judiciaire a été notifiée à M. [C], selon courrier recommandé du 04 juillet 2019.

La Banque Populaire n’a en revanche pas prononcé la déchéance du terme du contrat de prêt LBO consenti au bénéfice de la SARL L2H avant l’ouverture de la procédure.

Elle a sollicité du juge de l’exécution près le tribunal judiciaire de Dijon l’inscription d’une hypothèque provisoire sur les parts indivises de deux biens immobiliers appartenant à M. [C].

Par ordonnance du 05 novembre 2019, le juge de l’exécution a autorisé la Banque Populaire à inscrire une hypothèque provisoire sur les biens appartenant à M. [C], et ce afin de garantir une créance de 200 000 euros. La mesure a été dénoncée le 20 décembre 2019 à M. [C].

Parallèlement et selon exploit du 25 octobre 2019, la Banque Populaire a assigné M. [C] devant le tribunal de commerce de Dijon afin d’obtenir un titre exécutoire à son encontre.

Par jugement du 29 avril 2021, le tribunal de commerce de Dijon a :

– In limine litis, déclaré recevable en la forme la demande de suspension d’instance formulée par M. [C],

– Constaté que l’engagement de cautionnement solidaire du 6 janvier 2014 souscrit par M. [C] au profit de la Banque Populaire est dépourvu de la mention dite « de solidarité » prévue à l’article L341-3 ancien devenu L331-2 du code de la consommation,

– Requalifié en cautionnement simple l’acte souscrit par M. [C] en date du 6 janvier 2014,

– Dit que le bénéfice de discussion n’a pas été requis par M. [C] conformément aux exigences de l’article 2300 du code civil,

– Rejeté la demande de M. [C] de se voir accorder le bénéfice de discussion à l’encontre de la Banque Populaire,

– Débouté M. [C] de sa demande de suspension de l’instance,

– Dit que l’engagement de caution de M. [C] n’est pas manifestement disproportionné eu égard à ses revenus et son patrimoine,

– Condamné M. [C] à payer à la Banque Populaire la somme de 64 704,18 euros correspondant à son engagement de caution à titre personnel des obligations de la SARL L2H,

– Condamné M. [C] à payer à la Banque Populaire la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

M. [M] [C] a relevé appel de cette décision par déclaration au greffe du 2 juillet 2021.

Au terme de ses conclusions d’appelant notifiées par voie électronique le 30 septembre 2021, M. [C] demande à la cour, au visa des articles L622-29 et L631-4 du code de commerce et 2290 du code civil, de :

– Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Dijon le 29 avril 2021,

Et, statuant à nouveau,

– Débouter la Banque Populaire Bourgogne Franche Comté de sa demande tendant à sa condamnation à payer une somme de 200 000 euros au titre de son engagement de caution,

– Limiter sa condamnation éventuelle à la somme de 13 213,30 euros,

– Condamner la Banque Populaire Bourgogne Franche Comté à lui payer une somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers frais et dépens de l’instance.

Au terme de ses conclusions d’intimées et d’appel incident notifiées par voie électronique le 21 décembre 2021, la Banque Populaire Bourgogne Franche Comté demande à la cour, au visa des articles 1103 et suivants du code civil, 2288 et suivants du code civil, R. 622-26 du code de commerce et L621-48 alinéa 2 du code de commerce, de :

– Juger recevable mais mal fondé M. [M] [C] en son appel,

En conséquence,

– Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Dijon en date du 29 avril 2021 en ce qu’il a :

* dit que le bénéfice de discussion n’a pas été requis par M. [M] [C] conformément aux exigences de l’article 2300 du code civil,

* rejeté la demande de M. [M] [C] de se voir accorder le bénéfice de discussion à l’encontre de la banque,

* débouté M. [M] [C] de sa demande de suspension de l’instance,

* dit que l’engagement de caution de M. [M] [C] n’est pas manifestement disproportionné eu égard à ses revenus et à son patrimoine,

* condamné M. [M] [C] à payer à la Banque Populaire Bourgogne Franche Comté la somme de 64 704,18 euros correspondant à son engagement de caution à titre personnel des obligations de la société L2H,

* condamné M. [M] [C] à payer à la Banque Populaire Bourgogne Franche Comté la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’en tous les dépens de l’instance et les frais des mesures conservatoires,

– Juger recevable et bien fondé son appel incident,

– Infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Dijon en date du 29 avril 2021 en ce qu’il a requalifié en cautionnement simple l’acte souscrit par M. [M] [C] le 6 janvier 2014,

Statuant à nouveau,

– Juger que l’acte de cautionnement de M. [M] [Z] [P] [C] en date du 6 janvier 2014 est un acte de cautionnement solidaire,

– Condamner M. [M] [C] à lui payer une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamner M. [M] [C] en tous les dépens en ce compris les dépens relatifs aux mesures conservatoires.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé complet de leurs moyens.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 24 janvier 2023.

Sur ce la cour,

Sur la saisine de la cour

Au terme de l’article 562 du code de procédure civile, l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

En application de l’article 954 du même code, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.

Les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées.

La partie qui conclut à l’infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu’elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance.

La partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs.

Dans sa déclaration d’appel, M. [C] critique l’ensemble des chefs du jugement déféré à l’exception de celui requalifiant en cautionnement simple l’acte qu’il a souscrit le 6 janvier 2014.

La Banque Populaire, dans ses conclusions d’appel incident, conclut à l’infirmation du jugement sur ce dernier point.

Au terme de ses dernières écritures, M. [C] conclut uniquement au débouté de la demande tendant à sa condamnation au paiement de la somme de 200 000 euros au titre de son engagement de caution et à la limitation de sa condamnation éventuelle à la somme de 13 213,30 euros.

La cour en déduit que M. [C] a renoncé à se prévaloir de ses autres demandes formulées devant les premiers juges de sorte que la cour ne peut que confirmer les chefs du jugement déféré concernant le bénéfice de discussion, la suspension de l’instance et l’engagement de caution jugé non disproportionné à ses revenus et son patrimoine.

Il reste donc dans le débat devant la cour la question de la limitation de la créance de la banque et celle de la qualification du cautionnement.

Sur la nature du cautionnement

Ainsi que l’ont justement relevé les premiers juges, il est de jurisprudence constante que l’engagement de caution solidaire souscrit dans le respect des formes indiquées par les dispositions de l’article L341-2 du code de la consommation, dans sa version alors applicable, mais ne comportant pas la mention manuscrite exigée par l’article L341-3 du même code demeure valable en tant que cautionnement simple.

Le fait que le prêt cautionné ait une nature professionnelle est sans emport sur l’application de ces textes qui s’appliquent indifféremment aux cautionnements de prêts soumis aux dispositions du code de la consommation mais également aux cautionnements garantissant des prêts de nature professionnelle.

En l’espèce, la clause manuscrite ne contient pas d’engagement solidaire de M. [C].

C’est donc par des motifs pertinents que les premiers juges ont considéré que l’engagement de caution de M. [C] ne pouvait être qualifié que de cautionnement simple.

Le jugement déféré est donc confirmé sur ce point.

Sur la créance de la banque

Il convient de relever, à titre liminaire, que la banque ne réclame pas la condamnation de la caution au paiement d’une somme de 200 000 euros mais qu’elle conclut à la confirmation du jugement déféré en ce qu’il a fixé sa créance à la somme de 64 704,18 euros.

Soutenant que le cautionnement n’est qu’accessoire et que seul le paiement d’une dette exigible peut être réclamé à la caution, M. [C], rappelant que seules cinq échéances du prêt n’ont pas été honorées par le débiteur principal avant l’ouverture du jugement de redressement judiciaire et que le capital non échu continue d’être amorti par la SARL L2H dans le cadre du plan, soutient que la seule assiette de calcul admissible est celle de 52 853,20 euros x 25%, soit 13 213,30 euros de créance échue pour la banque.

La banque se prévaut de l’article 2 de l’acte de cautionnement qui prévoit que « nonobstant l’impossibilité pour la banque de se prévaloir de la déchéance du terme de l’obligation ci dessus, en cas d’échéance impayée, le défaut de paiement par ses soins de ladite échéance après mise en jeu de son engagement par la banque, entraînera de plein droit à son égard, l’exigibilité des sommes dues au titre de cette obligation. »

Elle rappelle que les cautions solidaires et coobligés ne peuvent se prévaloir des dispositions du plan en invoquant par erreur les dispositions de l’article L621-53 al 2 du code de commerce qui ont trait à la déclaration de créance en cas de paiement partiel.

Elle ajoute qu’elle a été autorisée à prendre des mesures conservatoires par application de l’article L622-28 alinéa 3 du code de commerce ; qu’elle est donc fondée à solliciter condamnation de M. [C] à hauteur de 25 % des sommes dues par le débiteur principal en capital, intérêts et frais, commissions et accessoires (cautionnement plafonné à 200 000 euros), ladite condamnation étant exigible au fur et à mesure des échéances du plan.

En l’espèce, il est constant que la banque ne s’est pas prévalu de la déchéance du terme avant le redressement judiciaire.

En application de l’article L622-29 du code de commerce par renvoi de l’article L631-14 applicable au redressement judiciaire, le jugement d’ouverture ne rend pas exigibles les créances non échues à la date de son prononcé. Toute règle contraire est réputée non écrite.

Il est admis par la banque que le maintien du terme à l’égard du débiteur principal profite à la caution qui est une règle d’ordre public.

Toutefois, l’article L631-20 du code de commerce, dans sa version issue de l’ordonnance n°2008-1345 du 18 décembre 2008 applicable du 15 février 2009 au 1er octobre 2021, applicable au redressement judiciaire, prévoit que par dérogation aux dispositions de l’article L626-11, les coobligés et les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie ne peuvent se prévaloir des dispositions du plan.

Il en résulte que la caution ne peut se prévaloir des dispositions du plan de redressement du débiteur principal.

Par ailleurs, au regard des articles L. 622-28, alinéas 2 et 3, du code de commerce et des articles R. 511-4 et R. 511-7 du code des procédures civiles d’exécution, selon le premier de ces textes, qui est applicable à la procédure de redressement judiciaire, le créancier bénéficiaire d’un cautionnement consenti par une personne physique, en garantie de la dette d’un débiteur principal mis ensuite en redressement judiciaire, peut prendre des mesures conservatoires sur les biens de la caution et doit, en application des deux autres, introduire dans le mois de leur exécution une procédure ou accomplir les formalités nécessaires à l’obtention d’un titre exécutoire, à peine de caducité de ces mesures.

Il en résulte que l’obtention d’un tel titre ne peut être subordonnée à l’exigibilité de la créance contre la caution dès lors qu’il ne pourra être exécuté tant que le plan sera respecté.

Aussi, la banque est fondée, afin d’éviter la caducité de sa mesure conservatoire, à obtenir un jugement de condamnation de la caution avant l’exigibilité de sa créance à son égard couvrant la totalité des sommes dues, sans préjuger du montant qu’elle pourrait lui réclamer en cas de défaillance, non encore constatée, de la société débitrice dans le paiement des dividendes du plan.

C’est donc à juste titre que les premiers juges ont condamné l’appelant au paiement de la somme de 64 704,18 euros correspond à son engagement de caution tel que limité à l’acte souscrit le 6 janvier 2014 au regard des sommes restant dues par le débiteur principal.

En revanche, la banque ne saurait valablement se prévaloir de la clause figurant à l’article 2 du contrat de cautionnement pour exiger le paiement immédiat de tout ou partie de cette somme dès lors que cet article s’applique à une caution solidaire et ne peut donc pas être opposé à M. [C].

Aussi, si le jugement déféré est confirmé sur le montant de la condamnation, il convient d’ajouter que le titre ne deviendra exécutoire qu’en cas de défaillance dans l’exécution du plan et après mise en demeure de la caution de payer.

Sur les demandes accessoires

Le jugement déféré est confirmé sur les dépens et les frais irrépétibles non compris dans les dépens.

Les parties ayant chacune partiellement succombé en certaines de leurs demandes, les dépens d’appel sont partagés par moitié.

L’équité conduit à ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour.

Par ces motifs

La cour, statuant dans les limites de sa saisine,

Confirme le jugement déféré,

Y ajoutant,

Dit que le présent arrêt ne sera exécutoire qu’en cas de défaillance de la SARL L2H, débitrice principale, dans l’exécution du plan et après mise en demeure de payer adressée à la caution,

Fait masse des dépens d’appel et les met à la charge des parties à hauteur de moitié chacune,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

Le Greffier, Le Président,

 


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