COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-9
ARRÊT AU FOND
DU 11 MAI 2023
N° 2023/373
Rôle N° RG 22/08916 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BJTNX
[Y] [G]
C/
Organisme CPAM DU VAR
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me COURT-MENIGOZ
Me VERIGNON
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l’exécution de GRASSE en date du 07 Juin 2022 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 21/00754.
APPELANT
Monsieur [Y] [G]
né le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 4], demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Rachel COURT-MENIGOZ de la SCP FRANCOIS – DUFLOT – COURT-MENIGOZ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Marion WACKENHEIM de la SELARL N&W AVOCATS, avocat au barreau de NICE
INTIMEE
Organisme CPAM DU VAR Agissant pour le compte de la CPAM DES ALPES MARITIMES,
Pris en la personne de son représentant légal en exercice, demeurant en cette qualité audit siège
demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Benoît VERIGNON de la SELARL VERIGNON, avocat au barreau de GRASSE, substitué par Me Julien DESOMBRE, avocat au barreau D’AIX EN PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 16 Mars 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Dominique TATOUEIX, Magistrat honoraire, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Agnès DENJOY, Président
Madame Pascale POCHIC, Conseiller
Monsieur Dominique TATOUEIX, Magistrat honoraire
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Ingrid LAVALLEE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Mai 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Mai 2023,
Signé par Madame Agnès DENJOY, Président et Madame Ingrid LAVALLEE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE
Par jugement contradictoire à signifier en date du 23 mars 2011 statuant sur intérêts civils, le tribunal correctionnel de Grasse a notamment condamné solidairement M. [R] [L] et M. [Y] [G] à payer à la CPAM des Alpes-Maritimes la somme de 455 645,61 € représentant le montant des débours avec intérêt au taux légal à compter du prononcé du jugement, outre 1000 € sur le fondement de l’article 475-1 du code de procédure pénale, jugement déclaré opposable à la SMABTP et à la compagnie d’assurances AREAS Dommages, leurs assureurs.
Cette décision a été signifiée le 24 septembre 2015 à la CPAM des Alpes-Maritimes ainsi qu’à M. [Y] [G] qui en a interjeté appel le 1er octobre 2015.
Le 13 octobre 2015, la CPAM des Alpes-Maritimes a procédé, à l’encontre de M. [G], à une saisie conservatoire de créance pour garantie d’une somme de 234 148,63 €, convertie en saisie attribution le 26 octobre 2015.
Le 15 janvier 2016, la CPAM des Alpes-Maritimes a donné mainlevée de cette saisie, en l’état de l’appel toujours en cours et par jugement du 1er mars 2016, le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Grasse qui avait été saisi par M. [G], a constaté que la demande de ce dernier était devenue sans objet.
Le 15 janvier 2016, la CPAM des Alpes-Maritimes a procédé à une nouvelle saisie conservatoire en garantie d’une créance évaluée à 236 741,39 €, laquelle a rendu indisponible une somme de 20 199 €.
Par jugement en date du 19 avril 2016, le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Grasse, devant lequel M. [G] contestait cette nouvelle saisie conservatoire, a débouté ce dernier de l’ensemble de ses demandes et l’a condamné au paiement d’une somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Par arrêt en date du 24 mai 2016, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a donné acte à M. [G] de son désistement d’appel et a dit que le jugement du 23 mars 2011 produira son plein et entier effet.
Le 8 janvier 2021, la CPAM des Alpes-Maritimes a fait signifier à M. [G] un commandement de payer aux fins de saisie vente pour une somme de 246 336,25 € en vertu du jugement correctionnel du 23 mars 2011, du jugement du juge de l’exécution du 19 avril 2016 et de l’arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence du 24 mai 2016.
Par exploit en date du 16 février 2021, M. [G] a fait assigner la CPAM des Alpes-Maritimes devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de GRASSE aux fins d’annulation du commandement.
Par jugement du 7 juin 2022 dont appel du 21 juin 2022, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Grasse a débouté M. [G] de l’ensemble de ses demandes et l’a condamné au paiement d’une somme de 1 800 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Le juge de l’exécution énonce en ses motifs :
– les dispositions de l’article 478 du code de procédure civile dont se prévaut M. [G] pour soutenir que le jugement du 23 mars 2011 est non avenu, n’ont pas vocation à s’appliquer dans la mesure où le jugement du 23 mars 2011 statue en en matière correctionnelle,
– la demande de sursis à statuer en l’attente de la décision à intervenir du tribunal judiciaire de Grasse saisi par M. [G] d’une action en garantie et en responsabilité à l’encontre de son assureur, s’analyse en une demande de sursis à exécution puisqu’elle s’accompagne d’une demande de suspension des mesures d’exécution et en ce qu’elle tend à différer le paiement, or il n’appartient pas au juge de l’exécution de modifier le dispositif de la décision qui sert de fondement aux poursuites ou d’en suspendre l’exécution,
– la CPAM des Alpes-Maritimes a procédé le 15 janvier 2016, soit moins de 5 ans après le jugement correctionnel du 23 mars 2011, à une mesure de saisie conservatoire qui a interrompu le délai de prescription des intérêts échus et a fait courir un nouveau délai expirant le 14 janvier 2021, soit postérieurement au commandement litigieux,
– la saisie conservatoire du 15 janvier 2016 n’ayant pas été convertie en saisie attribution, il n’y a pas lieu de déduire la somme de 20 199 € du décompte de la créance de la CPAM des Alpes-Maritimes,
– M. [G] a bien été condamné aux dépens dans la procédure qui a donné lieu au jugement du juge de l’exécution du 19 avril 2016 et par ailleurs, ne s’étant pas exécuté spontanément des condamnations prononcées à son encontre, les frais d’exécution, dont le sort n’est pas calqué sur celui des dépens mais relève de l’article L 111-8 du code des procédures civiles d’exécution, sont à sa charge, de sorte que celui-ci ne peut soutenir qu’il ne saurait être tenu aux frais au motif qu’il n’a pas été condamné aux dépens.
– M. [G] sollicite le report de la dette de 24 mois, le temps d’obtenir une décision de condamnation à l’encontre de son assureur qui aurait dû régler directement la CPAM mais ce dernier a déjà bénéficié de fait de très larges délais, sans démontrer avoir commencé à régler sa dette et il a attendu 10 ans pour agir à l’encontre de son assureur.
Vu les dernières conclusions déposées le 16 septembre 2022 par M. [Y] [G], appelant, aux fins de voir :
– Réformer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
Et statuant à nouveau,
– Ordonner un sursis à statuer dans l’attente de la décisionà intervenir du tribunal judiciaire de Grasse saisi par M. [G] d’une action en garantie et en responsabilité à l’encontre de son assureur AREAS Dommages et ordonner pendant ce temps la suspension des mesures d’exécution et l’arrêt du cours des intérêts,
A titre subsidiaire sur le fond,
– Cantonner la créance de la CPAM à la somme de 219 462,44 € déduction faites des sommes déjà perçues, des intérêts prescrits et des frais d’exécution,
– Accorder les plus larges délais de paiement, soit un délai franc de 24 mois, le temps de permettre l’obtention d’un jugement de condamnation à l’égard d’AREAS Dommages permettant le désintéressement de la CPAM et dire que durant ce délai, les voie d’exécution seront suspendus et les pénalités intérêts de retard cesseront d’être dus,
– Condamner la CPAM des Alpes-Maritimes au paiement d’une somme de 2 500 € par application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
M. [Y] [G] fait valoir :
– qu’il ne reprend pas son argumentation développée en première instance sur la caducité du jugement,
– qu’il est régulièrement assuré auprès de la compagnie AREAS Dommages dont la demande tendant à voir limiter sa garantie a été rejetée par le tribunal correctionnel dont le jugement du 23 mars 2011 a été déclaré contradictoire et opposable à l’égard de la compagnie AREAS Dommages qui pour autant n’aurait rien réglé à la CPAM, l’obligeant à introduire une action au fond afin de solliciter l’application de la garantie, de sorte que c’est légitimement qu’il demande qu’il soit sursis à statuer dans l’attente de la décision intervenir,
– qu’il ne peut être exécuté pour les frais d’exécution dès lors qu’il n’a pas été condamné aux dépens,
– que la CPAM lui a signifié le 15 septembre 2021 l’acte de conversion d’une saisie conservatoire qui date du 15 janvier 2016, de sorte que la somme de 20 199 € rendue indisponible par cette saisie conservatoire doit être déduite du décompte,
– que s’agissant de la prescription des intérêts antérieurs au 8 janvier 2016, la CPAM n’étant pas l’auteur de l’appel interjeté le 1er octobre 2015, le recours de M. [G] ne peut avoir interrompu la prescription et par ailleurs, la saisie conservatoire pratiquée le 15 janvier 2016 ne peut avoir interrompu la prescription des intérêts antérieurs au 8 janvier 2016,
– que l’impossibilité dans laquelle il se trouve de régler la créance de la CPAM au regard de sa situation financière et la décision à intervenir du tribunal judiciaire sur l’action au fond contre son assureur, justifient l’octroi d’un report de deux ans et la suspension de toute voie d’exécution pendant ce délai.
Vu les dernières conclusions déposées le 13 octobre 2022 par la CPAM du VAR agissant pour le compte de la CPAM des Alpes-Maritimes, intimée, aux fins de voir confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions et condamner M. [G] au paiement d’une somme de 2000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
La CPAM du VAR agissant pour le compte de la CPAM des Alpes-Maritimes fait valoir :
– que l’action de M. [G] devant le tribunal judiciaire aux fins d’être relevé et garanti par son assureur n’a aucune incidence sur la possibilité pour la CPAM d’exécuter le titre exécutoire définitif dont elle bénéficie contre ce dernier avec le jugement correctionnel sur intérêts civils du 23 mars 2011,
– qu’à la date du commandement, la CPAM n’avait pas à déduire la somme de 20 199 € qui était séquestrée entre les mains de l’établissement bancaire en l’absence de conversion en saisie attribution,
– que l’appel interjeté le 1er octobre 2015 par M. [G] contre le jugement du 23 mars 2011 a interrompu la prescription par application de l’article 2242 du Code civil jusqu’à l’arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence constatant le désistement d’appel le 24 mai 2016, faisant courir un nouveau délai jusqu’au 24 mai 2021 et en toute hypothèse, la saisie conservatoire pratiquée le 15 janvier 2016 a interrompu la prescription et fait courir un nouveau délai jusqu’au 15 janvier 2021, de sorte que les intérêts visés dans le commandement délivré le 8 janvier 2021 ne sont pas prescrits,
– que M. [G] a bénéficié de fait de plus de 10 ans de délai, sans verser un centime alors qu’il perçoit un revenu annuel de 59 166 € et qu’il a préféré acquérir un bien immobilier plutôt que de régler sa dette à l’égard de la CPAM.
Vu l’ordonnance de clôture du 14 février 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Après avoir rappelé que l’appréciation de l’opportunité d’un sursis à statuer relève du pouvoir discrétionnaire du juge du fond hors le cas où cette mesure est prévue par la loi, la demande de sursis à statuer dans l’attente de la décision à intervenir du tribunal judiciaire de Grasse saisi par M. [G] d’une action en garantie et en responsabilité à l’encontre de son assureur, n’entre pas dans l’un des cas où cette mesure est prévue par la loi et il n’apparaît pas d’une bonne administration de la justice d »y faire droit ;
M. [G] soulève la prescription des intérêts au motif notamment que la CPAM n’est pas l’auteur de l’appel interjeté le 1er octobre 2015,
Mais l’effet suspensif de cet appel a fait obstacle à toute poursuite de la part de la CPAM, appel dont M. [G] s’est d’ailleurs prévalu devant le juge de l’exécution pour contester la conversion en saisie attribution d’une saisie conservatoire pratiquée le 15 octobre 2015 dont le juge de l’exécution a dit par jugement du 1er mars 2016 qu’elle avait été effectivement convertie à tort, ce dont il résulte que par application de l’article 2242 du Code civil, l’interruption de la prescription n’a pas cessé avec le jugement du 23 mars 2011 mais avec l’arrêt du 24 mai 2016, de sorte que la demande de M. [G] tendant à voir constater la prescription des intérêts et notamment celle des intérêts antérieurs au 8 janvier 2016 ne peut prospérer.
M. [G] soutient que la somme de 20 199 € obtenue suite à la conversion de la saisie conservatoire du 15 janvier 2016 doit être déduite.
M. [G] ne peut toutefois y prétendre qu’à compter du 15 septembre 2021, date de l’acte de conversion de la saisie conservatoire en saisie attribution et c’est donc à bon droit que la CPAM soutient que cette somme n’avait pas à venir en déduction de la créance visée au commandement du 8 janvier 2021.
La demande présentée par M. [G] au titre des frais d’exécution au motif qu’il n’a pas été condamné aux dépens procède d’une confusion entre l’article 695 du code de procédure civile relatif aux dépens et l’article L 111-8 du code des procédures civiles d’exécution qui dispose que les frais de l’exécution forcée sont à la charge du débiteur, sauf s’il est manifeste qu’ils n’étaient pas nécessaires au moment où ils ont été exposés, ce dont ne peut se prévaloir M. [G], objet de poursuites engagées en vertu d’un titre exécutoire constatant une créance certaine liquide et exigible à son encontre.
Et la demande tendant à l’octroi d’un délai franc de 24 mois au motif qu’il lui laissera le temps d’obtenir un jugement de condamnation à l’égard de son assureur, alors qu’il a déjà bénéficié de fait de très larges délais et a attendu 10 ans pour agir à l’encontre de son assureur comme l’a relevé à bon droit le premier juge, ne peut davantage prospérer.
Le jugement d’appel doit être en conséquence confirmé en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire pononcé par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne M. [Y] [G] à payer à la CPAM du VAR agissant pour le compte de la CPAM des Alpes-Maritimes la somme de 2 000 € (deux mille euros) ;
Déboute les parties de leurs demandes autres ou plus amples ;
Condamne M. [Y] [G] aux dépens qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LA PRÉSIDENTE