Saisine du juge de l’exécution : 25 mai 2023 Cour d’appel de Chambéry RG n° 22/01246

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Saisine du juge de l’exécution : 25 mai 2023 Cour d’appel de Chambéry RG n° 22/01246

COUR D’APPEL de CHAMBÉRY

2ème Chambre

Arrêt du Jeudi 25 Mai 2023

N° RG 22/01246 – N° Portalis DBVY-V-B7G-HBBT

Décision déférée à la Cour : Jugement du Juge de l’exécution de THONON LES BAINS en date du 21 Juin 2022, RG 21/02131

Appelante

SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCEDEVELOPPEMENT venant aux droits de la Société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE FINANCIERE RHONE AIN, dont le siège social est sis [Adresse 2]

prise en la personne de son représentant légal

Représentée par la SELURL BOLLONJEON, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et Me Emilie BURNIER FRAMBORET de l’ASSOCIATION CABINET RIBES ET ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de BONNEVILLE

Intimée

Mme [J] [R]

née le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 4], demeurant [Adresse 3]

Représentée par Me Paul-Marie BERAUDO, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS

-=-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l’audience publique des débats, tenue le 21 mars 2023 avec l’assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière,

Et lors du délibéré, par :

– Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente

– Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,

– Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,

-=-=-=-=-=-=-=-=-=-

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte authentique du 9 juin 2006, le Crédit Immobilier de France Financière Rhône Ain, aux droits duquel vient aujourd’hui le Crédit Immobilier de France Développement, a consenti Madame [J] [R] un prêt immobilier référencé n°300004000084178 d’un montant de 119 655 euros en principal.

Se prévalant d’une déchéance régulière du terme du concours suite à différents incidents de paiement non-régularisés, la banque a initié entre les mains de Madame [M] [E] (locataire de Madame [R]), par acte du 10 septembre 2021, une saisie-attribution à exécution successive sur les loyers dont elle est redevable envers sa bailleresse pour un montant de 54 264,22 euros en principal.

La mesure a été dénoncée à Madame [R] par acte du 13 septembre 2021 laquelle a contesté la voie d’exécution prise à son encontre par assignation du 13 octobre suivant.

Par jugement contradictoire du 21 juin 2022, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains a :

– déclaré recevable la contestation de saisie-attribution formée par Madame [R],

– déclaré nulle la saisie-attribution pratiquée à la demande du Crédit Immobilier de France Développement entre les mains de Madame [E] le 10 septembre 2021,

– ordonné la mainlevée de la saisie,

– condamné le Crédit Immobilier de France Développement à payer la somme de 5 000 à Madame [R] au titre de l’article L.121-2 du code des procédures civiles d’exécution,

– condamné le Crédit Immobilier de France Développement à payer la somme de 2 000 à Madame [R] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné le Crédit Immobilier de France Développement aux dépens, comprenant notamment les frais de la procédure de saisie-attribution.

Par acte du 4 juillet 2022, le Crédit Immobilier de France Développement a interjeté appel de la décision.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 19 octobre 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, le Crédit Immobilier de France Développement demande à la cour de :

– débouter Madame [R] de l’intégralité de ses fins et prétentions non-justifiées et mal fondées,

– réformer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

– juger qu’il est au bénéfice d’un titre exécutoire et fondée à se prévaloir d’une créance certaine, liquide et exigible,

– juger que la déchéance du terme a régulièrement été prononcée,

– juger n’y avoir lieu à ordonner la mainlevée de sa saisie-attribution des loyers pratiquée selon exploit de la Selarl Hélène Diot, huissier de justice à [Localité 5], en date du 10 septembre 2021,

– condamner Madame [R] à lui payer :

10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice subi,

6 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Madame [R] aux entiers dépens, en ce compris les frais de saisie-attribution, avec pour les dépens d’appel application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit de la Selurl Bollonjeon.

En réplique, dans ses conclusions adressées par voie électronique le 19 septembre 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, Madame [R] demande à la cour de :

– juger que le Crédit Immobilier de France Développement n’est pas fondé à se prévaloir de la déchéance du terme régulière pour le contrat de prêt notamment faute de mise en demeure préalable valide exprimant la volonté expresse et non-équivoque de se prévaloir de celle-ci et compte tenu de l’accord d’apurement de l’arriéré intervenu et exécuté par elle,

– prononcer la nullité de la saisie-attribution dénoncée le 13 septembre 2021 et pratiquée le 10 septembre 2021 entre les mains de sa locataire,

– ordonner la mainlevée de la saisie-attribution aux frais du Crédit Immobilier de France Développement,

– confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

– condamner le Crédit Immobilier de France Développement au paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

– condamner le Crédit Immobilier de France Développement au paiement de la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 20 février 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Conformément à l’article L.211-1 du code des procédures civiles d’exécution, tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le code du travail.

Il s’avère constant que la saisie se fonde sur l’acte notarié du 9 juin 2006 par lequel la banque a consenti à Madame [R] un prêt immobilier d’un montant de 119 655 euros en principal. Il n’est pas contesté que l’acte est revêtu de la formule exécutoire et peut, dans l’hypothèse où la déchéance du terme serait régulièrement acquise, servir de fondement aux poursuites initiée contre l’emprunteur.

L’article XI des conditions générales dudit prêt, annexées à l’acte authentique, prévoit expressément que :

‘A – Le contrat de prêt sera résilié de plein droit et les sommes prêtées deviendront immédiatement et intégralement exigibles, huit jours après une simple mise en demeure adressée à l’emprunteur, par lettre recommandée avec avis de réception ou acte extrajudiciaire, mentionnant l’intention du prêteur de se prévaloir de la clause de résiliation dans l’un ou l’autre des cas mentionnés ci-après, l’emprunteur ne pouvant opposer aucune exception, pas même celle du paiement des intérêts échus :

– défaut de paiement de tout ou partie des échéances à leur date ou de toute somme avancée par le prêteur’.

En l’espèce, le Crédit Immobilier de France Développement verse aux débats une lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 28 août 2020, se référant au prêt n°300004000084178 d’un montant de 119 655 euros et mentionnant en objet ‘déchéance du terme’, par laquelle il porte à la connaissance de sa cliente les éléments suivants : ‘nous sommes au regret de devoir constater qu’en dépit de nos démarches amiables et nos précédents courriers, vous n’avez pas régularisé, à la date du 28 août 2020, les sommes impayées […]. Nous serons par conséquent contraints de devoir prononcer la déchéance du terme et de rendre intégralement et immédiatement exigibles l’ensemble des sommes dues au titre dudit prêt selon décompte ci-joint’ précisant successivement les montants dus au titre :

du capital restant dû,

des échéances impayées,

et de l’indemnité d’exigibilité.

Concernant les échéances échues et impayées, la banque ajoute : ‘vous nous devez à ce jour, sous réserve des intérêts restant à courir jusqu’à complet règlement des sommes dues, un montant total de 2 960,30 euros. Nous vous mettons en demeure de nous régler cette somme, par tout moyen à votre convenance, dans un délai de huit jours à compter de la réception de la présente, à défaut de quoi nous nous verrons contraints d’envisager le recouvrement de notre créance par tout moyen de droit approprié et notamment par voie de saisie immobilière’.

Quoique cette lettre n’ait pas été retirée par sa destinataire (pli avisé non réclamé), il s’avère indéniable que ce courrier respecte les conditions susvisées en ce qu’il mentionne explicitement la volonté, pour la banque, de se prévaloir de la clause de résiliation anticipée de plein droit pour défaut de paiement des échéances à bonne date.

Il est à noter qu’aucune stipulation contractuelle ne prévoit la possibilité pour l’emprunteur de faire échec à la déchéance, acquise de plein droit, en régularisant sous huitaine les échéances échues et demeurées impayées, le fait que le courrier n’ait pas été retiré par l’intimée demeurant sans effet sur la validité de la déchéance régulièrement acquise à l’expiration du délai de 8 jours.

L’existence de règlements ultérieurs, justifiés par Madame [R] au moyen d’une impression d’écran et de courriers des 14 janvier puis 15 février 2021 adressé par le service contentieux du Crédit Immobilier de France Développement, s’entend d’un accord amiable entre créancier et débiteur pour le règlement de la dette et n’emporte pas renonciation, pour la banque, à se prévaloir de la déchéance du contrat de prêt et des conséquences y afférentes.

Il en résulte que, la déchéance du terme s’avérant régulièrement acquise, la banque justifie d’un titre exécutoire constant une créance liquide et exigible à son profit. Il s’ensuit que la décision déférée doit être réformée en ce qu’elle a ordonné la mainlevée de la saisie à exécution successive initiée au préjudice de Madame [R], cette dernière étant subséquemment déboutée de sa demande indemnitaire pour procédure abusive.

Reprenant les éléments mis en exergue par Madame [R] pour fonder sa défense qu’il estime ‘totalement déplacés’, le Crédit Immobilier de France Développement allègue pour sa part avoir subi un préjudice qu’il valorise à 10 000 euros. Or, statuant en appel sur une décision du juge de l’exécution, la cour ne dispose d’aucun pouvoir pour condamner cette dernière à verser des dommages et intérêts à la banque, sauf à caractériser une éventuelle résistance abusive ce qui n’est ni allégué ni démontré en l’espèce. Dans ces conditions, le Crédit Immobilier de France Développement sera donc débouté de sa demande indemnitaire.

Madame [R], qui succombe en ses prétentions, est condamnée aux dépens de première instance et d’appel dont distraction au profit de la Selurl Bollonjeon s’agissant des frais dont elle a fait l’avance sans avoir reçu provision. Elle est également condamnée à verser la somme de 2 500 euros au Crédit Immobilier de France Développement au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par décision contradictoire,

Réforme la décision déférée sauf en ce qu’elle a déclaré recevable la contestation de saisie-attribution formée par Madame [J] [R],

Statuant à nouveau,

Dit n’y avoir lieu à ordonner la mainlevée de sa saisie-attribution à exécution successive de loyers pratiquée à l’encontre de Madame [J] [R], entre les mains de Madame [M] [E], par acte du 10 septembre 2021,

Y ajoutant,

Condamne Madame [J] [R] aux dépens de première instance et d’appel, en ce compris les frais de saisie-attribution, dont distraction au profit de la Selurl Bollonjeon s’agissant des frais dont elle a fait l’avance sans avoir reçu provision,

Condamne Madame [J] [R] à payer la somme de 2 500 euros au Crédit Immobilier de France Développement au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi prononcé publiquement le 25 mai 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.

La Greffière La Présidente

 


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