COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-9
ARRÊT AU FOND
DU 25 MAI 2023
N° 2023/392
Rôle N° RG 22/13450 N° Portalis DBVB-V-B7G-BKENZ
[C] [L]
C/
[N] [V] épouse [E]
[O] [E]
TRESOR PUBLIC – TRESORERIE DE [Localité 15]
TRESOR PUBLIC – SIP DE [Localité 14] ARRONDISSEMENTS
TRESOR PUBLIC – TRESORERIE VAR AMENDES
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Romain CHERFILS
Me Lionel LECOLIER
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l’exécution de TOULON en date du 22 Septembre 2022 enregistré au répertoire général sous le n° 21/00076.
APPELANTE
Madame [C] [L]
née le [Date naissance 6] 1970 à [Localité 13]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 9]
représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, substitué par Me Marine CHARPENTIER, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
assistée de Me Jean-Marc MONTANARO, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMES
Madame [N] [V] épouse [E]
née le [Date naissance 2] 1966 à [Localité 10],
demeurant [Adresse 7]
assignée à jour fixe le 07/11/22 à étude
Monsieur [O] [E]
né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 16],
demeurant [Adresse 7]
assigné à jour fixe le 07/11/22 à étude
Tous deux représentés et assistés par Me Lionel LECOLIER de l’ASSOCIATION KIEFFER LECOLIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de TOULON
TRÉSORERIE DE [Localité 15]
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 8]
assigné à jour fixe le 07/11/22 à personne habilitée,
défaillant
LE TRÉSOR PUBLIC – SIP DE [Localité 14] ARRONDISSEMENTS
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 5]
assigné à jour fixe le 08/11/22 à personne habilitée,
défaillant
LE TRÉSOR PUBLIC – TRÉSORERIE VAR AMENDES
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 4]
assigné à jour fixe le 07/11/22 à personne habilitée,
défaillant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 22 Mars 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Madame Evelyne THOMASSIN, Président, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Evelyne THOMASSIN, Président
Madame Pascale POCHIC, Conseiller
Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : .
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Mai 2023.
ARRÊT
Réputé Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Mai 2023,
Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Faits, procédure et prétentions des parties :
Madame [N] [V] épouse [E] poursuit à l’encontre de madame [C] [L], la vente sur saisie immobilière d’un bien lui appartenant situé sur la commune de la Cadiere d’Azur (83), pour avoir paiement d’une somme de 266 483.53 euros au 2 juillet 2021, se prévalant d’une reconnaissance de dette du 29 décembre 2017 pour le montant de 210 000 euros en principal avec affectation hypothécaire.
Le juge de l’exécution de Toulon, le 22 septembre 2022 a :
– validé la saisie immobilière,
– retenu un montant de créance de 159 458.48 euros en principal, intérêts et frais, au 17 juin 2022, sans préjudice de tous autres dûs,
– ordonné la vente forcée des biens saisis,
– organisé les visites et la publicité de la vente,
– condamné madame [L] à payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit que les dépens seront compris en frais de vente soumis à taxe.
Sa motivation consistait pour l’essentiel, à qualifier d’inopérants les moyens de la débitrice et à juger que l’immeuble était saisissable.
Madame [L] a fait appel de la décision par déclaration du 10 octobre 2022. Autorisée à assigner à jour fixe par ordonnance du 18 octobre 2022, elle a conformément aux exigences de l’article 922 du code de procédure civile, déposé les assignations ainsi délivrées au greffe.
Ses moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions en date du 30 décembre 2022, communiquées par RPVA, auxquelles il est renvoyé, elle demande à la cour de :
– déclarer son appel recevable,
– réformer la décision en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
– constater que le montant de l’hypothèque s’élève à 108 000 €,
– constater que l’hypothèque prise en garantie du jugement du 6 juin 2016 par le tribunal de Toulon est devenue sans objet car privée de cause du fait du protocole du 29 décembre 2017,
– constater que madame [V] a fait un paiement de 121 600 euros qui couvre l’intégralité des garanties hypothécaires,
– constater que madame [V] n’a plus d’intérêt propre à agir,
En conséquence,
– débouter madame [V] de l’intégralité de ses demandes,
– la condamner à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et à supporter les dépens distraits au profit de Me Cherfils, membre de la Selarl Lexavoué, en application de l’article 699 du code de procédure civile.
Elle expose que la transaction qui a été signée entre les parties le 29 décembre 2017 solde tous les litiges qui existaient entre elles. La garantiehypothècaire était prise pour 108 000 euros mais elle a été honorée par un paiement intervenu le 20 juin 2022 à hauteur de 121 600 €. La seconde hypothèque qui est invoquée pour un montant de 62 648.66 euros ne peut être ajoutée car elle est antérieure à la transaction réalisée pour solde de tout compte et englobée dans celui ci. La créancière elle même avait considéré que les sommes garanties étaient en capital et que les intérêts n’avaient pas été remboursés contrairement à la pratique habituelle qui suppose une ventilation. La poursuivante n’a plus d’intérêt à agir.
Monsieur et madame [O] [E], créanciers inscrits ont pris des conclusions le 4 janvier 2023 auxquelles il est renvoyé, ils demandent à la cour de :
– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
– debouter en conséquence madame [L] de toutes ses demandes, fins et conclusions.
– Condamner madame [L] à verser à madame [V] épouse [E] une somme de 2 000 € à titre de dommages-intérêts pour recours abusif,
– condamner madame [L] à verser à madame [V] une somme de 3 000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
– ordonner l’emploi des dépens en frais privilégiés de vente.
Ils exposent que madame [V] est titulaire des inscriptions suivantes sur le bien immobilier
visé dans le commandement de payer valant saisie dont les causes n’ont pas été honorées :
‘ Une hypothèque conventionnelle du 30 janvier 2018 2018V495 en garantie d’une créance d’un montant en principal de 90 000 €, outre accessoires pour 18.000 € et intérêts au taux de 7% l’an, renouvelée le 13 novembre 2020 2020V04019,
‘ Une hypothèque judiciaire définitive du 3 août 2016 2016V2777 suite à une hypothèque judiciaire provisoire du 18 novembre 2014 2014V3851, en garantie d’une créance d’un montant de 62.646,68 €.
Postérieurement à l’assignation, Madame [L] a procédé à des versements pour un montant total de 121 650 euros mais 6 jours avant l’audience d’orientation, la créance de
Madame [V] s’élevait encore à 159.458,48 euros en raison notamment d’intérêts sur la dette à hauteur de 7% l’an. Le protocole signé prévoyait lui même que ce n’est que la pleine exécution de ses termes qui vaudrait autorisation de mainlevée de toutes les inscriptions d’hypothèque, or, madame [L] a manqué à l’exécution de ses obligations. Le recours abusif justifie de l’allocation de dommages et intérêts.
La cour a invité les parties à une note en délibéré sur la somme de 121 650 euros admise comme ayant été versée peu avant l’audience d’adjudication et qui n’apparaissait pas dans les décomptes.
Il ressort de la réponse par note en délibéré, qu’il ne s’agit pas d’un versement, mais de la totalité des versements effectués entre le 29 octobre 2021 et le 17 juin 2022, pour un montant global de 121 650 euros et si l’on ajoute le dernier versement en date du 23 juin 2022 c’est un total de 122 650 euros qui a été acquitté.
MOTIVATION DE LA DÉCISION :
A titre liminaire, la Cour rappellera qu’elle n’est pas tenue de répondre aux demandes de constat, lesquelles constituent des analyses purement factuelles, dénuées de toutes conséquences juridiques.
A toutes fins et au regard de l’article R311-5 du code des procédures civiles d’exécution, la cour a demandé communication des conclusions prises par les parties en première instance. Ces conclusions ont été communiquées. Il n’y a pas matière à appliquer l’article précité à défaut de prétentions ou moyen nouveau.
Le commandement de payer valant saisie immobilière, délivré le 29 juillet 2021 à madame [C] [L] vise, au titre des titres exécutoires basant les poursuites, d’une part, un acte de reconnaissance de dette et d’affectation hypothécaire du 29 décembre 2017, établi en l’étude de Me [U], notaire à [Localité 12] et d’autre part, un jugement contradictoire du tribunal de grande instance de Toulon du 6 juin 2016 devenu définitif.
Il chiffre la créance à la somme de 266 483.53 euros selon un décompte annexé à l’acte qui est le suivant :
29.12.2017 Principal 210 000.00 euros
29.12.2018 Intérêts 14 700.00 euros
29.12.2019 Intérêts 15 729.00 euros
29.12.2020 Intérêts 16 876.14 euros
02.07.2021 Intérêts 9 178.39 euros
——————– ———————-
210 000 euros 56 483.53 euros
Il est également mentionné l’anatocisme des intérêts calculés à 7 % l’an.
Le fait que le décompte tel qu’établi ne ventile pas les intérêts, résulte précisément du mécanisme de l’anatocisme qui conduit à intégrer les intérêts échus dans le capital, lorsqu’ils sont dus pour une année entière afin qu’ils portent eux mêmes intérêts.
Concernant les termes du protocole, il indique que madame [C] [L] accepte de verser pour solde de tout compte à madame [N] [V] épouse [E] qui l’accepte, la somme de 260 000 euros en contrepartie de l’abandon de toutes les procédures initiées par madame [E] et la SCI Domaine de l’Aoube à son encontre et de monsieur [B] [L].
Une somme de 50 000 euros a aussitôt été versée contre quittance, ce qui ne laissait dû qu’un principal de 210 000 euros énoncé au commandement de payer précité. Ce montant devait être remboursé dans un délai ‘ferme et définitif de 24 mois’ et portait intérêt à 7 % l’an avec clause d’anatocisme, les remboursements étant imputés sur les intérêts.
L’article 3 de l’acte notarié énonce que madame [L] s’engage à consentir en garantie de la créance, une hypothèque conventionnelle d’un montant de 90 000 euros ‘qui se surajoutera aux hypothèques déjà inscrites par madame [V] épouse [E], sur le bien immobilier’ de [Localité 11] parcelle B[Cadastre 3].
Il n’est pas soutenu que d’autres sommes aient été payées, qui remettraient en cause le décompte de créance établi au commandement, sauf, postérieurement à sa délivrance, le versement de différents acomptes à partir du mois d’octobre 2021 (pièce du créancier n°8). Dès lors, il n’est nullement fondé de prétendre que la 2ème hypothèque prise sur le bien immobilier à la suite du jugement du tribunal de Toulon en date du 6 juin 2016 a été anéantie, l’emploi du terme ‘surajoutera’ le dément expréssement, ou que le créancier a été totalement désinteressé de sorte qu’il n’aurait pas d’intérêt propre à agir.
Au 17 juin 2022, la créance du créancier poursuivant s’élève effectivement à la somme de 159 458.48 €, compte tenu des acomptes versés à cette date s’élèvant au total à 121 650 euros et avant déduction du dernier acompte de 1 000 euros admis par la créancière à la date du 23 juin 2022. Les imputations sur les intérêts puis sur le capital ont été régulièrement réalisées avec pratique, comme convenu par les parties, de l’anatocisme.
En conséquence de quoi, les contestations développées par madame [L] ne peuvent être admises, la créance n’est pas soldée et madame [V] épouse [E] est toujours fondée à poursuivre la procédure de saisie immobilière.
Il n’est pas justifié d’un préjudice particulier pouvant fonder l’allocation de dommages et intérêts au profit des intimés, le caractère abusif du recours, l’intention de nuire n’étant nullement établi en l’espèce.
Il serait par contre inéquitable de laisser à leur charge les frais irrépétibles engagés dans l’instance d’appel, une somme de 3 000 euros sera allouée à madame [E] à ce titre.
PAR CES MOTIFS :
La cour, après en avoir délibéré, statuant par décision réputée contradictoire, mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement déféré,
Y ajoutant,
DIT n’y avoir lieu à dommages et intérêts,
CONDAMNE madame [C] [L] à payer à madame [N] [V] épouse [E] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
ORDONNE l’emploi des dépens en frais privilégiés de vente.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE